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Full text of "Athenes : décrite et dessinée"

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V. 


■ 


FRONTISPrCE. 


ATHÈNES 


DÉCRITE  ET  DESSINÉE 

PAR 

ERNEST  BRETON 

DE  LA  SOCIÉTÉ  IMPÉRIALE  DES  ANTI  Q^U  AIRES  DE  FRANCE,  ETC. 


suiv;e  D  un 

VOYAGE  DANS  LE  PÉLOPONÈSE 

DEUXIÈME  ÉDITION 


Ttjv  oî itd/.EWv  i^a-îôiv  oirotraç  o  Ziu; 

àvaçaivât  -cà;  ’AO'fJva^ 

«  Je  VOUS  le  dis,  la  plus  brillante  de  toutes 
les  villes  que  nous  montre  Jupiter,  c’est 
Alhfmes.  » 

Athf.nke,  Deipn.,  T..  I. 


PARIS 

L.  GUERIN  ET  C'G  EDITEURS 

the:odore  morgand,  libraire  dépositaire 

t 

5  —  RUE  BONAPARTE  —  5 

1868 


Tous  droits  réserves. 


A 


SA  MAJESTÉ 


OTHON 


ROI  DE  GRÈCE 


HOMMAGE  DE  PROFOND  RESPECT 


DE  SON  TRÉS-HUMBIE  ET  TRÈS-OBÉISSANT  SERVITEUR 


ERNEST  BRETON. 


Paris,  juin  1861. 


1 


Magnmi  iter  ad  doclas  proficisci  cogor  Athenas. 

PnoPEucE.  L.  III.  El.  21. 

O  MME  le  poëte,  «  j’entreprends 
le  grand  voyage  de  la  docte 
Athènes;  »  an  pied  des  colonnes 
de  ses  temples,  sons  ses  porti¬ 
ques,  an  sommet  de  ses  collines, 
je  retrouverai  les  nombreuses 
traces  des  archéologues,  des  artistes  qui  m’y  ont  précédé;  elles 
me  guideront  dans  une  carrière  qu’éclaireront,  comme  autant 
de  phares  lumineux,  les  grands  noms  de  Pausanias  et  d’Hérodote, 


ceux  des  Stuart,  des  Chaiidler,  des  Dodwell,  des  Peurose,  des 
Bôttiger,  des  Ottfried  Müller,  des  Brôiidsted,  des  Pittakis,  des 
Baugabé,  des  Raoul -Rochette,  des  Letroiiiie,  des  Lenormaiit, 
des  Beulé,  et  tant  d’autres  non  moins  justement  estimés. 

Si  les  antiquités  de  la  reine  des  arts  ont  déjà  trouvé  tant  de 
fois  de  dignes  interprètes,  nous  avons  osé  croire  pourtant  que, 
même  après  leurs  savants  ouvrages,  il  pouvait  rester  place  pour 
une  entreprise  plus  modeste,  mais  non  moins  utile  peut-être. 

Il  y  a  peu  d’années,  je  m’efforçais  de  populariser  la  connais¬ 
sance  des  ruines  si  curieuses  de  Pompéi  en  publiant  une  descrip¬ 
tion  qui,  par  son  format,  par  son  plan,  fût  à  la  portée  de  toutes 
les  intelligences,  de  tous  les  âgés,  de  toutes  les  fortunes.  Le  bien¬ 
veillant  accueil  fait  à  cet  ouvrage,  dont  deux  éditions  ont  dû 
paraître  dans  la  même  année,  m’a  prouvé  que  je  ne  m’étais  i)as 
trompé  en  croyant  répondre  à  Pnii  des  besoins  de  notre  époque. 

La  pensée  qui  me  guidait  alors  m’inspire  encore  aujourd’hui. 
Les  antiquités  d’Athènes,  plus  belles  et  aussi  intéressantes  que 
celles  de  Pompéi,  sont  beaucoup  moins  connues  ;  car  si  d’innom¬ 
brables  voyageurs  foulent  chaque  année  le  pavé  de  la  rue  des  Tom- 
beau.Vj,  les  mosaïques  de  la  villa  de  Diomède,  bien  peu  traversent  les 
mers  pour  aller  admirer  les  chefs-d’œuvre  de  Mnésiclès,  d’Ictinus 
et  de  Phidias.  D’ailleurs,  pour  Athènes  comme  pour  Pompéi,  si 
les  ouvrages  spéciaux  abondent,  la  plupart  sont  d’un  format 
incommode  et  d’nn  prix  très -élevé;  beaucoup  sont  écrits  en 
langue  étrangère,  remplis  de  citations  grecques  et  latines,  ou 
même  accompagnés  de  simples  renvois  aux  écrits  des  anciens; 


5 


ceux-ci  ne  s’adressent  qu’aux  savants  de  profession;  d’antres, 
destinés  exclusivement  aux  architectes,  présentent  une  foule  de 
détails  inutiles,  sinon  inintelligibles  pour  la  plupart  des  lecteurs. 
Nous  aussi,  nous  avons  mis  à  contribution  les  écrivains  de  l’anti¬ 
quité,  mais  partout,  à  moins  qu’ils  ne  fissent  répétition,  nous 
avons  transcrit  entièrement  en  notes  et  traduit  les  passages  ayant 
trait  à  notre  sujet;  nous  avons  profité  des  recherches  faites  par  les 
voyageurs  français,  anglais,  danois,  allemands,  italiens,  par  les 
archéologues  de  la  Grèce  moderne;  nous  avons  enfin  puisé  des 
renseignements  positifs  et  précieux  dans  les  magnifiques  travaux 
des  architectes  pensionnaires  de  la  France. 

Un  excellent  ouvrage,  paru  en  1853,  nous  a  été  d’un  puissant 
secours  dans  une  partie  de  notre  tâche,  mais  aussi  plus  d’une  fois 
il  a  fait  notre  désespoir.  En  lisant  les  pages  à  la  fois  si  doctes  et 
si  élégantes  tracées  par  M.  Beulé,  souvent  nous  nous  sommes 
senti  découragé.  Pourtant,  si  nous  ne  pouvons  faire  mieux  que 
le  brillant  professeur,  nous  pouvons  foire  autre  chose  :  nous  pou¬ 
vons  décrire  les  monuments  d’Athènes  entière,  au  lieu  de  nous 
renfermer,  comme  lui,  dans  l’enceinte  de  l’Acropole;  nous  pou¬ 
vons  rendre  notre  livre  plus  accessible  aux  gens  du  monde  ;  nous 
pouvons,  par  des  dessins  nombreux  et  scrupuleusement  exacts,  en 
faciliter  l’intelligence;  nous  pouvons  enfin,  grâce  à  nos  propres 
observations,  émettre  peut-être  quelques  idées  nouvelles  et  ap¬ 
porter  ainsi  quelques  pierres  à  l’édifice  dont  nos  devanciers  ont 
posé  les  fondements. 


La  science  est  un  champ  ouvert  à  d’incessantes  conquêtes  dont 


6 

Dieu  seul  peut  fixer  les  limites.  Obscur  soldat  marchant  k  la 
suite  de  tant  de  chefs  illustres,  nous  n’ambitionnons  d’autre 
récompense  que  l’espoir  d’avoir  contribué ,  pour  notre  faible 
part,  k  frayer  le  chemin  à  de  nouveaux  conquérants  qui  peut- 
être  eussent  reculé  devant  les  cailloux  et  les  ronces  que  nous 
avons  essayé  d’écarter. 


PLAN  DE  LACROPOLE 


Porte  do  l’Acropole. 

CHAPITRE  PREMIER 


ACROPOLE. 

MURAILLES.  ENTRÉE. 


Acropole,  ce  lieu  si  célèbre 
dans  l’histoire  d’Athènes  et  dans 
celle  de  l’art  est  un  rocher 
formé  d’une  sorte  de  marbre 
grossier  blanc  et  rouge  ;  ce  rocher 
se  dresse  au  milieu  de  la  plaine, 
entouré  seulement  de  ciuelciues 
collines  moins  élevées,  le  Pnyx, 
l’Aréopage,  le  Musée,  la  colline 
des  Nymphes,  produites  évidem¬ 


ment  par  un  même  soulèvement  à  une  époque  dont  les  hommes  n’ont 


1.  Un  Athénien  nommé  Héliodore  avait  écrit  sur  l’Acropole  quinze  livres  aujourd’hui  perdus  et 
que  nous  ne  connaissons  que  par  la  mention  qu’en  fait  Athénée,  Deipnosoph.  L.  VI. 


10 


ATHÈNES. 


pas  conservé  le  souvenir.  Platon  prétend  même  qu’avant  le  déluge  de 
Deucalion  ces  diverses  élévations  n’en  formaient  qu’une  seule,  et  que 
ce  fut  un  tremblement  de  terre  qui  opéra  leur  séparation.  Cette  suppo¬ 
sition  ne  nous  semble  admissible  qu’en  ce  qui  touche  le  rocher  de  l’Aréo¬ 
page,  qui  n’est  séparé  de  celui  de  l’Acropole  que  par  une  très -étroite 
vallée  et  dont  la  constitution  géologique  est  d’ailleurs  complètement 
identique. 

Le  rocher  de  l’Acropole,  élevé  de  154  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
plaine,  est  à  pic  et  entièrement  inabordable  de  trois  côtés  ^  ;  au  couchant 
seulement,  en  regard  de  l’Aréopage,  il  était  moins  abrupt,  et  avait 
été  rendu  sans  doute  encore  plus  accessible  par  la  main  de  l’homme 
qui,  à  plusieurs  époques,  dut  aussi  aplanir  le  plateau  qui  le  surmonte. 
Ce  plateau,  d’une  surface  cependant  encore  fort  inégale,  forme  un  poly¬ 
gone  irrégulier  s  etendant  de  l’est  à  l’ouest,  sur  une  longueur  d’environ 
300  mètres,  tandis  que  la  plus  grande  largeur  du  nord  au  sud  n’est  que 
de  135  mètres.  Le  développement  de  l’enceinte  dépasse  800  mètres. 

Acropole  fut  le  berceau  d’Athènes;  ce  fut  sur  ce  rocher,  si  favorable 
à  la  défense,  gue  Cécrops  vint  s’établir  avec  la  colonie  égyptienne  qu’il 
amenait  de  Sais,  la  capitale  du  Delta,  et  qu’il  fonda  une  ville  à  laquelle 
il  donna  son  propre  nom,  celui  de  Cecropia,  et  aus^i  le  nom  égyptien 
d'Asty^.  Bientôt,  à  Athènes,  comme  vingt  siècles  plus  tard  dans  toute 
l’Europe  du  moyen  âge,  la  ville  habitée  descendit  dans  la  plaine,  et  la 
ville  haute,  l’Acropole,  ne  fut  plus  qu’une  citadelle  qui  ici,  par  exception, 
resta  en  même  temps  le  sanctuaire  le  plus  vénéré.  Ce  fut  sous  Thésée 
seulement  (1350  à  1300  avant  Jésus-Christ)  que  cette  révolution  fut 
définitivement  consommée,  et  que  toute  habitation  particulière  disparut 
de  l’enceinte  de  l’Acropole.  C’est  là  aussi  que  Cécrops  avait  fondé  le 
premier  temple  consacré  à  la  vierge  victorieuse,  à  la  divinité  égyptienne 
Neth  o\\  Netha  dont  les  Grecs,  par  inversion,  firent  Athen,  et  qui  fut 


1.  «  La  citadelle  a’a  qu’une  seule  entrée,  tous  les  autres  côtés  étant  très-escarpés  ou  fortifiés  de 


murs.  )) 


Pausanias.  Attic. 


2.  «  Ce  que  l’on  appelle  proprement  AXTV  est  un  rocher  qu’environnent  les  maisons  de  la  ville 
assises  dans  la  plaine.  C’est  sur  ce  rocher  que  s’offre  l’enceinte  consacrée  à  Minerve,  contenant 
l’ancienne  chapelle  de  Minerve  Poliade,  où  brûle  une  lampe  qui  ne  s’éteint  jamais,  et  le  Parthénon 
bâti  par  Ictinus,  où  se  voit  la  statue  en  ivoire  de  la  déesse,  travaillée  par  Phidias.  » 

Strabon.  Géogr.  L.  IX. 


ACROPOLE. 


4r 

adoptée  par  les  Romains  sous  le  nom  de  Minerve  ^  Plus  tard,  les  Athé¬ 
niens  repoussèrent  cette  origine  étrangère,  et  pour  eux-mêmes  et  pour 
leur  divinité  ;  si  Diodore,  Théopompe,  Pausanias,  Hérodote  et  autres  his¬ 
toriens  persistèrent  à  soutenir  l’authenticité  de  la  tradition  primitive ,  il 
ne  manqua  pas  d’écrivains  qui  s’efforcèrent  de  prouver  que  Cécrops  était 
Grec,  et  même  que  Sais  avait  été,  au  contraire,  fondée  après  Athènes  par 
une  colonie  grecque  qui  y  avait  introduit  le  culte  de  Minerve.  C’est 
alors  que  fut  inventée  cette  fable  poétique  de  la  lutte  de  Minerve  et  de 
Neptune,  se  disputant  l’honneur  de  nommer  et  de  protéger  la  ville 
naissante 


Dispute  de  Neptune  et  de  Minerve,  d'après  un  vase 
italo-grec. 


La  première  fortification  de  l’Acropole  ne  fut  qu’une  enceinte  formée 
de  pièces  de  bois,  entrelacées  avec  les  oliviers  sauvages  qui  couvraient 
alors  les  flancs  de  la  colline. 

1.  «  Minerve  avait  à  Sais  un  temple  révéré  dans  lequel  on  ensevelissait  les  rois  d’Égypte,  de  même 

que  Cécrops  et  Érechthée  furent  ensevelis^  contre  l’usage  général  de  la  Grèce,  dans  le  sanctuaire  de 
Minerve  Poliade.  »  Beucé.  Acrop.  C.  I, 

2.  «  Neptune  vint  donc  le  premier  dans  l’Attique,  et,  ayant  frappé  le  sol  de  son  trident,  fit  jaillir 
au  milieu  de  l’Acropole  la  mer  (le  flot  ou  la  source  salée)  que  l’on  nomme  Èrechthéide.  Après  lui 
vint  Minerve ,  qui  fit  naître  l’olivier.  Un  débat  s’étant  élevé  entre  ces  deux  divinités  au  sujet  du 


12  AT  NE  S. 

Enceinte  pélasgique.  Vers  l’an  ilOO  avant  Jésus-Christ,  moins  d’un 
siècle  après  la  prise  de  Troie,  des  Pélasges  venus  de  la  Béotie  selon  la 
plupart  des  historiens,  de  la  Sicile  si  l’on  en  croit  Pausanias,  ayant  trouvé 
un  asile  dans  l’Attique,  payèrent  cette  hospitalité  en  aplanissant  le  pla¬ 
teau  de  l’Acropole,  en  l’entourant  d’une  de  ces  murailles  cjui  ont  rendu 
leur  nom  célèbre  dans  l’Italie  comme  en  Grèce,  et  en  défendant  le  côté 
accessible  de  la  citadelle  par  une  suite  de  travaux  avancés,  dont  les 
neuf  portes  valurent  à  leur  ensemble  la  désignation  à' Ennéapyle.  Pau¬ 
sanias  nous  a  conservé  les  noms  d’ Agrolas  et  d’Hyperbius,  architectes  qui 
présidèrent  à  cette  entreprise^.  Les  Athéniens,  après  leur  avoir  concédé, 
comme  récompense  de  cet  important  service,  les  terres  comprises  entre 
l’Acropole  et  la  base  du  mont  Hymette,  en  vinrent  plus  tard  à  craindre 


pays,  Jupiter  les  fit  transiger  et  leur  donna  pour  juges  les  douze  dieux.  Ceux-ci  prononcèrent  et 
l’Attique  fut  adjugée  à  Minerve;  la  ville  s’appela  donc  Athènes  du  nom  de  Minerve.  » 

Apoi.i.odoiip;.  III.  li. 

Cecropia  P  allas  scopulum  Mavortis  in  aree 
Pinyü  et  antUpmm  de  terrœ  nomine  lüem. 

Bis  sex  eœlesles,  medio  Jove,  sedibus  al  lis 
Aujusla  (jravitale  sedenl;  sua  quemque  deonmt 
Inscribil  fades  :  Jovis  est  reyalis  imago. 

Slave  deum  pelagi,  longoque  ferire  tridenle 
Aspera  saxa  facit,  medioguc  e  xmlnere  saxi 
Exsiluisse  frctum,  quo  pigtiorc  vindicet  urhem. 

Al  sibi  dal  dgpemi,  dal  acutœ  cuspidis  haslam; 

Dal  galeam  cajuti;  defendilur  œgide  pectus  : 

Pereussamque  sua  simulai  de  cuspide  lerram 
Prodere  curn  baeds  fœlum  canentis  olivœ  ; 

Mirarique  Deos  :  opevi  viclovia  finis. 

Ovide.  Mélam.  L.  VI,  v.  09. 

«  Minerve  peint  (sitr  sa  tapisserie)  le  rocher  de  Mars,  dans  la  citadelle  de  Cécrops,  et  l’anticjue 
lutte  pour  le  nom  du  pays.  Les  douze  dieux,  assis  autour  de  Jupiter  sur  des  sièges  élevés,  brillent 
d  une  auguste  majesté.  Chacun  d’eux  se  fait  reconnaître  à  ses  traits,  mais  la  grandeur  royale  rayonne 
au  front  de  Jupiter.  Le  dieu  des  mers  est  debout;  il  frappe  de  son  long  trident  le  dur  rocher,  et,  de 
son  sein  entr’ouvert  faisant  jaillir  une  mer,  revendique  l’empire  de  la  contrée.  La  déesse  se  repré¬ 
sente  elle-même  armée  de  son  bouclier  et  de  sa  lance  à  la  pointe  acérée;  elle  met  un  casque  sur  sa 
tête,  couvre  sa  poitrine  de  l’égide;  elle  frappe  la  terre  de  sa  lance  et  en  fait  sortir  l’olivier  avec  ses 
fruits  et  son  pale  feuillage.  Les  dieux  sont  transportés  d’admiration,  et  la  victoire  de  Minerve  cou¬ 
ronne  son  oeuvre.  » 

Les  premiers  mots  d’Ovide  renferment  une  erreur  manifeste,  puisqu’il  place  la  colline  de  Mars 
(l’Aréopage)  dans  l’enceinte  de  l’Acropole. 

1.  «  Les  murs  de  la  citadelle,  excepté  la  partie  que  Cimon,  fils  de  Miltiade,  a  fait  construire,  sont 
1  ouvrage  des  Pélasges  qui  demeuraient  jadis  au-dessous  de  la  citadelle;  ils  se  nommaient,  dit-on, 
Agrolas  et  Hyperbius;  j’ai  voulu  savoir  qui  ils  étaient,  mais  je  n’ai  pu  apprendre  autre  chose,  si  ce 
n  est  que,  Siciliens  d  origine,  ils  étaient  allés  s’établir  dans  l’Acarnanie.  » 

Paisamas.  Allie.  C.  XXVUI. 


ENCEINTE  DE  L’AGIIOEÜLE. 


13 


leurs  hôtes,  dont  la  population  toujours  croissante,  dont  la  richesse, 
fruit  de  leur  industrie,  commencèrent  à  leur  porter  ombrage.  Ils  les 
accusèrent  d’avoir  commis,  envers  de  jeunes  Athéniennes,  près  la  fontaine 
Ennéacrounos ,  un  crime  qui  ne  fut  jamais  bien  prouvé;  ils  leur  suppo¬ 
sèrent,  sans  plus  de  certitude,  l’intention  de  se  rendre  maîtres  d’Athènes, 
et  ils  les  chassèrent  de  ces  terres  qu’ils  avaient  reçues  incultes  et  stériles 
et  qu’ils  laissaient  défrichées  et  fertiles^.  «  Mais  les  dieux  eux-mêmes 
semblèrent  punir  leur  ingratitude  et  leur  mauvaise  foi  en  rendant  inutiles 
contre  l’ennemi  ces  murs,  ouvrages  de  leurs  victimes,  et  en  les  faisant 
servir  aux  projets  des  ambitieux  contre  leur  liberté.  Cylon  ,  Pisistrate, 
Isagoras,  commencèrent  par  se  saisir  de  l’Acropole,  lorsqu’ils  voulurent 
se  faire  tyrans  de  leur  patrie ,  tous  trois ,  il  est  vrai ,  avec  un  succès  bien 
différent.  Lorsqu’au  contraire  Xerxès  en  fit  le  siège,  Mtnerve  chercha  en 
vain  à  fléchir,  par  ses  prières,  Jupiter  vengeur  de  l’hospitalité 2.  » 

Lorsc^u’en  l’an  480  les  Perses,  repoussés  dans  plusieurs  assauts  par 
quelques  vieillards,  cjaelques  prêtres,  quelques  citoyens  enfermés  dans 
la  citadelle  sur  la  foi  d’un  oracle^  mal  interprété,  pendant  que  les  guer¬ 
riers  niontés  sur  les  navires  se  préparaient  à  la  victoire  de  Salamine, 
lorsque  les  Perses,  dis-je,  furent  parvenus  à  pénétrer  par  un  point  qu’on 
avait  négligé  de  défendre,  ils  mirent  les  temples  au  pillage,  et  tous  les 
monuments  de  l’Acropole  devinrent  la  proie  des  flammes^.  Après  la  fuite 


1.  Les  Athéniens  frappèrent  même  d’anathème  le  lieu  où  les  Pélasgos  avaient  demeuré,  et  défen¬ 
dirent,  sous  les  peines  les  plus  sévères,  de  jamais  bâtir  ou  semer  en  cet  endroit.  Cette  prohibition 
paraît  avoir  subsisté  jusqu’à  la  guerre  du  Péloponèse.  A  cette  époque,  les  habitants  de  l’Attique 
ayant  été  forcés  de  se  réfugier  tous  à  Athènes,  «  il  n’y  eut  pas,  dit  Thucydide  (L.  II,  §  18),  jusqu’au 
lieu  appelé  Pelasgicon,  au-dessous  de  l’Acropole,  qui  ne  fût  occupé,  vu  l’urgence  du  moment;  et 
cependant  ce  lieu  était  maudit,  et  il  était  défendu  de  l’habiter.  La  fin  d’un  vers  de  la  Pythie  l’inter¬ 
disait  même  en  ces  termes  ;  Il  vaut  mieux  que  le  Pelasgicon  soit  désert.  » 

2.  Belle.  Acrop,  C.  L 

3.  Suivant  cet  oracle,  le  salut  dos  Athéniens  était  derrière  des  murailles  de  bois.  Thémistocle  fit 
comprendre  à  la  majorité  que,  par  ces  mots,  l’oracle  désignait  la  flotte,  mais  quelques-uns  s’obsti¬ 
nèrent  à  rester  dans  l’Acropole  en  ajoutant  à  ses  murailles  des  palissades  de  bois.  Voici  quelles  avaient 
été  les  paroles  de  l’oracle  de  Delphes  :  «  Quand  l’ennemi  se  sera  emparé  de  tout  ce  que  renferme 
le  pays  de  Cécrops  et  des  antres  du  sacré  Cithéron,  Jupiter,  qui  voit  tout,  accorde  à  Pallas  une 
muraille  de  bois  qui  seule  ne  pourra  être  prise  ni  détruite;  vous  y  trouverez  votre  salut,  vous  et  vos 
enfants.  «  (Hérodote,  L.  VII,  c.  141.)  La  destruction  d’Athènes  avait  déjà  été  prédite  à  la  première 
nouvelle  de  l’expédition  des  Perses  par  un  autre  oracle  de  la  Pythie  :  «  Athènes,  avait-elle  dit,  sera 
détruite  de  fond  en  comble,  tout  sera  renversé,  tout  sera  la  proie  des  flammes;  et  le  redoutable 
Mars,  monté  sur  un  char  syrien,  ruinera  vos  tours  et  vos  forteresses.  »  Id.  L.  VU,  c.  140. 

4.  Dans  une  expédition  des  Ioniens  contre  les  Lydiens,  «  le  temple  de  Cybèle,  déesse  du  pays,  avait 


<4  ATHÈNES. 

honteuse  de  Xerxès,  les  Athéniens,  revenus  dans  leur  patrie,  n’avaient 
pas  encore  commencé  à  réparer  leurs  désastres,  quand  ils  furent  forcés 
de  l’abandonner  de  nouveau.  Les  Perses,  commandés  par  Mardonius, 
devenus,  dix  mois  après,  une  seconde  fois  maîtres  d’Athènes  déserte, 
complétèrent  les  dévastations  commencées  par  Xerxès,  «  et,  dit  Hérodote, 
lorsque  Mardonius  sortit  d’Athènes,  il  y  mit  le  feu  et  fit  abattre  tout 
ce  qui  subsistait  encore,  murs  et  édifices,  tant  sacrés  que  profanes  L  »  Il 
est  vrai  qu’Hérodote  semble  lui-même  se  contredire  lorsqu’il  dit  ailleurs 
que,  de  son  temps  (vers  460  avant  Jésus-Christ),  on  voyait  encore  les 
fers  dont  les  Athéniens  avaient  chargé  les  prisonniers  chalcidiens  et  béo¬ 
tiens,  suspendus  aux  murailles  de  l’Acropole,  en  partie  brtilées  par  les 
Mèdes^.  Quoi  qu  il  en  soit,  il  est  certain  que  ce  fut  à  l’époque  de  la 
guerre  médique  que  disparurent  presque  entièrement  les  murailles  de 
l’Acropole,  ouvrage  des  Pélasges. 

Enceinte  de  ruÉMiSTOCLE  et  de  Cimon.  Dès  que  les  Barbares  eurent 
évacué  l’Attique,  les  Athéniens  se  disposèrent  à  relever  leur  ville  et  leurs 
murailles.  Les  Lacédémoniens  et  leurs  alliés  du  Péloponèse,  jaloux  du 
rôle  brillant  qu’Athènes  avait  joué  dans  la  guerre  des  Perses,  virent  avec 
peine  cette  détermination,  et  envoyèrent  une  ambassade  pour  engager 
les  Athéniens  à  renoncer  à  leur  entreprise.  Ceux-ci  ne  donnèrent  d’abord 
(jue  des  réponses  évasives,  puis  Thémistocle  demanda  à  être  envoyé 
lui-même  en  ambassade  à  Sparte  pour  en  conférer,  et  avant  de  partir  il 


été  consumé  avec  la  ville  de  Sardeâ,  et  cet  incendie  servit  dans  la  suite  de  prétexte  aux  Perses  pour 
mettre  le  feu  aux  temples  de  la  Grèce.  »  Hébodote.  L.  V,  c.  102. 

«  Les  Barbares,  tombant  sur  l’Attique,  dévastèrent  la  campagne,  renversèrent  Athènes  de  fond  en 
comble  et  li VI ei eut  aux  flammes  les  temples  des  dieux.  »  Diooobe  de  Sicn.E,  L.  XI,  ^  II 

(I  Ne  pouvant  rien  contre  les  hommes  avec  le  fer,  Xerxès  s’en  prit  aux  édifices  avec  le  feu.  » 


JUSTIX.  L,.  11  ,  C.  VI. 


^  «  Les  Perses  sont  réservés  aux  dernières  infortunes,  digne  prix  de  leur  insolence  et  de  leurs  sacri¬ 
lèges  desseins.  Ils  n’ont  pas  craint,  dans  cette  Grèce  envahie,  de  dépouiller  les  dieux,  d’incendier 
leurs  temples.  Les  autels  sont  détruits;  les  statues  ont  été  arrachées  de  leurs  hases  et  brisées  en 
”  Eschyi.e.  Les  Perses. 

«  Quant  au  héraut  qui  estoit  venu  de  la  part  de  Mardonius,  Aristides  lui  monstra  le  soleil  et  lui 
dit:  Tât  que  cest  astre  tournera  à  l’entour  du  monde,  les  Athéniens  seront  mortels  ennemis  des 
Perses,  pource  qu’ils  leur  ont  destruit  et  gastc  leur  pais  et  qu’ils  ont  poilu  et  bruslé  les  temples  de 
leurs  dieux.  »  Peutarque.  Aristides. 


1.  Hérodote.  L.  IX,  c.  13. 

2.  Id. 


L.  V,  c.  77. 


Ex\CElNTJi  DE  L’ACROEOLE.  15 

traça  aux  Athéniens  la  marche  à  suivre  pour  mener  à  bonne  fin  la  ruse 
qu’il  avait  imaginée.  «  On  devait  ensuite,  dit  Thucydide^,  lui  choisir 
des  collègues;  mais  au  lieu  de  les  faire  partir  sur-le-champ,  on  devait 
les  retenir  jusqu’à  ce  que  la  muraille  eût  atteint  la  hauteur  strictement 
nécessaire  pour  la  défense.  Tout  ce  qu’il  y  avait  d’habitants  dans  la 
ville,  hommes,  femmes,  enfants,  devait  se  mettre  au  travail,  sans  épar¬ 
gner  ni  édifices  publics,  ni  maisons  particulières;  tout  ce  qui  pouvait 
offrir  quelque  utilité  pour  la  construction  du  mur  devait  être  démoli.  » 
Cependant  Thémistocle,  amusant  les  Lacédémoniens  par  de  belles 
paroles,  parvenait  à  gagner  du  temps;  le  bruit  des  travaux  exécutés  à 
Athènes  étant  arrivé  à  leurs  oreilles,  il  leur  persuadait  d’envoyer  véri¬ 
fier  le  fait  par  des  délégués  que  les  Athéniens,  à  leur  tour,  retenaient 
sous  divers  prétextes  et  dont  ils  se  faisaient  des  otages  pour  garantir  la 
sûreté  de  leur  ambassadeur 2.  «  C’est  ainsi,  ajoute  Thucydide,  que  les 
Athéniens  fortifièrent  leur  ville  en  peu  de  temps;  aussi  reconnaît-on, 
aujourd’hui  encore,  que  les  constructions  furent  élevées  à  la  hâte;  les 
fondements  sont  formés  de  pierres  non  appareillées,  souvent  tout  à  fait 
brutes  et  jetées  là  au  hasard,  comme  on  les  apportait;  on  trouve  même 
des  cippes  funéraires  efi  des  sculptures  mêlés  à  la  maçonnerie^.  » 

1.  L.  I,  yo. 

2.  11  essaya  incontinent  de  rebastir  la  ville  et  les  murailles  d’Athènes,  en  corrompant  par  argent 
les  officiers  (éphores)  de  Lacédémone,  afin  qu’ils  ne  lui  donnassent  point  d’empescliement  à  ce  faire, 
ainsi  comme  escrit  Theopompus  ;  ou,  comme  tous  les  autres  disent,  en  les  ayant  abusez  par  vne  telle 
finesse  :  il  s’en  alla  à  Sparte,  comme  ambassadeur  despéché  exprès  sur  ce  que  ceux  de  Lacédémone 
se  plaignoyent  que  les  Athéniens  renfermoyent  leur  ville  de  murailles,  et  les  en  accusoit  enuers  le 
côseil  de  Sparte  vn  orateur  nommé  Polyarchus,  y  ayant  expressément  esté  enuoyé  pour  ce  fait  par 
les  Æginètes.  Thémistoclcs  leur  nia  fort  et  ferme,  et  leur  dit  que,  pour  s’en  informer  à  la  vérité,  ils 
enuoyassept  de  leurs  gens  sur  les  lieux,  voulant  par  ce  delai  gagner  tousiours  autât  de  temps  au 
parachèvement  des  murailles,  et  aussi  que  les  Athéniens  retinssent  pour  ostages  de  la  seureté  de  sa 
personne  ceux  qui  seroyêt  enuoyez  à  Athènes  pour  en  faire  le  rapport  :  comme  il  auint.  » 

Plütauque.  Thémistocle. 

«  Thémistocle  trompa  les  Lacédémoniens  de  la  manière  suivante.  Il  arriva  à  Lacédémone  en  qualité 
d’amhassadeur,  et  nia  qu’on  relevât  les  murs.  Si  vous  ne  me  croyez  pas,  dit-il,  envoyez  les  citoyens 
les  plus  distingués  d’entre  vous  pour  s’assurer  du  fait  et  retenez-moi.  Les  envoyés  lacédémoniens 
partirent  et  Thémistocle  donna  scci'ètement  l’ordre  aux  Athéniens  de  les  retenir  jusqu’à  ce  que  les 
murailles  fussent  relevées;  après  quoi  ils  ne  devaient  les  laisser  aller  que  lorsqu’il  serait  lui-même 
de  retour.  La  chose  se  passa  comme  Thémistocle  l’avait  dit  ;  les  murailles  furent  relevées;  Thémis¬ 
tocle  revint  à  Athènes,  et  les  envoyés  de  Sparte  furent  rendus.  »  Polyen.  Stratag.  1 ,  30. 

Cf.  Diodore  de  Sicile.  L.  XI,  §§  39  et  40.  Cornélius  Népos,  Thémistocle,  6  et  7.  Justin.  L.  II, 
c.  14.  Frontin.  Stratag.  L.  I,  10. 

3.  L.  I,  93. 


15 


ATHÈNES. 


Cimon,  à  son  tour,  entreprit  de  compléter  ou  de  remplacer  les  mu¬ 
railles  qui  venaient  d’être  élevées  à  la  hâte;  il  put  alors  construire  à 
loisir  et  avec  soin  le  rempart  méridional  de  l’Acropole,  et  sans  doute  il 
eût  terminé  l’enceinte  entière  si  le  temps  ne  lui  eût  manqué.  «  Cimon, 
dit  Plutarque ,  avait  acquis  honorablement  une  grande  fortune  sur  les 
Barbares  et  l’employa  plus  honorablement  encore^.  »  Et  en  effet  ses 
propres  richesses  ne  contribuèrent  pas  moins  que  le  trésor  de  l’Etat  aux 
grands  travaux  qui  furent  exécutés  sous  son  administration. 

En  /j05,  à  la  fin  de  la  guerre  du  Péloponèse ,  Lysandre,  maître 
d’Athènes,  en  fit  démolir  les  fortifications,  et  ce  fut  sans  doute  à  cette 
époque  que  furent  détruites  les  parties  de  l’Ennéapyle  épargnées  sous 
Périclès,  lors  de  la  construction  des  Propylées. 

Murailles  de  Conon.  Enfin,  les  murailles  d’Athènes  et  celles  de 
l’Acropole  furent  relevées  ou  réparées  encore  une  fois  par  Conon  dans 
la  première  année  de  la  97®  olympiade  (392  avant  Jésus- Christ) . 

Lorsqu’en  l’an  87  avant  Jésus-Christ  Sylla  s’empara  d’Athènes,  il 
fit  démanteler  l’entrée  de  la  citadelle  2.  Nous  dirons  plus  tard  comment 
elle  fut  remplacée  à  la  hâte  sous  Yalérien,  lorsque  l’Orient  se  vit  menacé 
par  les  premières  invasions  des  Goths. 

Enceinte  de  l’Acropole  au  moyen  âge.  Les  murailles  en  partie  rui¬ 
nées  furent  plusieurs  fois  restaurées  par  les  seigneurs  d’Athènes,  français 


1.  «  C’est,  dit  ailleurs  le  meme  historien,  avec  le  produit  de  son  expédition  contre  les  Perses  qu’on 

bâtit  notamment  la  muraille  de  l’Acropole  qui  regarde  le  midi.  »  Vie  de  Cimon. 

2.  Les  historiens  latins  ne  sont  guère  d’accord  sur  le  rôle  que  les  Athéniens  jouèrent  dans  cette 
guerre  : 

((  Vainqueur  des  généraux  de  Mithridate,  dans  l’Attique,  la  Béotic  et  la  Macédoine,  Sylla  reprit 
Athènes,  détruisit  à  grand’peine  les  fortifications  du  Pirée,  tua  plus  de  deux  cent  mille  ennemis,  et 
en  prit  un  pareil  nombre.  Ce  serait  ignorer  Thistoire  et  la  vérité  de  croire  qu’Athènes  était  révoltée 
contre  nous  lorsque  Sylla  en  fit  le  siège.  Les  Athéniens  se  sont  toujours  conduits  à  notre  égard  avec 
une  fidélité  si  inaltérable  que  la  foi  attique  était  passée  en  proverbe  à  Rome  pour  exj)riinor  une  fidélité 
à  toute  épreuve.  Au  reste,  accablés  sous  la  puissance  de  Mithridate,  les  Athéniens  avaient  le  double 
malheur  de  voir  leur  ville  occupée  par  leurs  ennemis  et  assiégée  par  leurs  amis.  Leurs  affections 
étaient  hors  des  murs  où  la  nécessité  les  retenait  captifs.  » 

Vecueios  Pateuculus.  Hist.  rom.  L.  II,  c.  23. 

»  Sylla  fait  d’abord  le  siège  d’Athènes;  il  la  presse  par  la  famine,  et,  qui  le  croirait?  il  réduit  cette 
ville,  la  mère  des  moissons,  à  se  nourrir  de  chair  humaine.  Il  ruine  bientôt  le  port  du  Pirée,  renverse 
plus  de  six  enceintes  de  murailles,  et,  après  avoir  dompté  les  plus  ingrats  des  hommes  (c’est  ainsi 
qu’il  appelait  les  Athéniens),  il  leur  pardonne  cependant  en  considération  de  leurs  ancêtres,  de  leurs 
cérémonies  sacrées  et  de  leur  célébrité.  » 


Florüs.  Hist.  rom.  L.  III,  c.  G. 


ENCEINTE  DE  L’ACROPOLE. 


17 

OU  florentins ,  mais  de  nouveaux  travaux  de  défense  furent  rendus  indis¬ 
pensables  par  l’invention  de  l’artillerie,  et  lorsqu’en  j/i56  Mahomet  11 
se  fut  emparé  de  la  ville  et  de  la  citadelle,  il  dut  protéger  celle-ci, 
surtout  du  côté  de  l’ouest  que  commandait  la  colline  de  Musée,  et  il 
éleva  alors  cet  énorme  bastion  sous  lequel,  à  ili  mètres  de  profondeur, 
M.  Beulé  a  su  retrouver  l’entrée  antique.  Depuis  lors  enfin,  des  restau¬ 
rations  plus  ou  moins  grossières,  des  additions  plus  ou  moins  considé¬ 
rables,  ont  eu  lieu,  surtout  à  l’occasion  du  siège  de  l’Acropole  par  les 
Vénitiens  en  1687,  et  aussi  à  l’époque  de  la  guerre  de  l’indépendance, 
lorsque  les  Grecs  et  les  Turcs  s’y  assiégèrent  tour  à  tour. 

L’enceinte  de  l’Acropole  suivait  les  inégalités  du  rocher,  ce  qui  fait 
que  si  sa  partie  supérieure  était  à  peu  près  horizontale,  la  hauteur  de 
la  muraille  n’en  était  pas  moins  très-variée. 

Mur  de  Cimon.  Le  mur  du  midi,  Notium  (de  Notoç,  sud),  ou  Cimonium, 
c|ui  se  composait  de  deux  lignes  à  peu  près  droites  (Pl.  PL  AB  et  B  G),  a 
disparu  en  grande  partie  sous  les  reconstructions  turques.  A  l’intérieur, 
près  des  brèches,  on  en  voit  encore  quelques  traces,  mais  le  fragment  le 
mieux  conservé ,  et  resté  presque  vierge  de  toute  restauration ,  est  celui 
qui  forme  extérieurement  l’angle  sud-est  de  l’enceinte^.  Quelques  pierres 
seulement  ont  éclaté  sous  le  choc  des  boulets.  Les  assises  sont  en  retraite 
l’une  sur  l’autre  d’environ  0"‘,02,  ce  qui  donne  à  la  muraille  une  incli¬ 
naison  légèrement  pyramidale.  L’appareil  n’est  pas  très -grand  et  les 
pierres  les  plus  longues  n’atteignent  pas  un  mètre.  G’est  au  pied  de  cette 
muraille  que  se  trouvent  les  deux  théâtres,  le  portique  d’Eumènes,  et 
le  monument  choragique  de  Thrasyllus. 

Le  mur  oriental  (Pl.  PL  CD)  a  été  reconstruit  en  entier  à  l’extérieur; 
mais  à  l’intérieur,  au  pied  du  Belvédère  situé  à  l’angle  nord-est  (Pl.PL  D) 
de  l’esplanade,  on  reconnaît  à  fleur  de  terre  cinq  assises  de  fondat'ons 
de  plus  de  3  mètres  d’épaisseur,  qui  peut-être  ont  appartenu  à  la  muraille 
antique.  Sous  le  rempart  oriental  s’ouvre  une  vaste  grotte,  effrayante 
par  ses  éboulements  qui  ont  couvert  de  blocs  et  de  débris  tout  le  flanc 
du  rocher. 

Mlr  de  Tuémistocle.  Le  rempart  du  nord  (Pl.  PL  DGI),  composé 
d’une  longue  ligne  brisée  formant  de  nombreux  angles  saillants  ou  ren- 


1.  Voy.  la  lettre  en  tète  du  chapitre. 

■O 


ATHENES 


18 

trants,  et  faisant  face  à  la  partie  la  plus  considérable  de  la  ville  moderne, 
avait  conservé  le  nom  de  muraille  pélasgique,  même  après  sa  destruc¬ 
tion  par  les  Perses  «  qui,  dit  Diodore  de  Sicile^,  ne  laissèrent  pas  pierre 
sur  pierre  à  Athènes.  »  Il  ne  faudrait  pas  prendre  l’assertion  de  l’his¬ 
torien  complètement  à  la  lettre.  Nous  signalerons  dans  l’intérieur  de 
l’Acropole,  non  loin  des  Propylées,  un  reste  de  construction  cyclo- 
péenne  à  polygones  irréguliers;  et  dans  le  côté  de  l’enceinte  qui  nous 
occupe  en  ce  moment  (Pl.  P*.  E),  au-dessous  de  la  petite  maison  servant 
de  musée  dans  l’Acropole,  et  au-dessus  d'une  petite  grotte  creusée  dans 
le  roc,  nous  croyons  retrouver  un  reste  considérable  de  la  muraille  pélas¬ 
gique.  Les  blocs  sont  de  très-grand  appareil,  à  joints  verticaux  et  assez 
bien  parementés,  mais  les  assises  sont  de  hauteur  inégale.  Il  en  est  de 
même  de  la  longueur  des  blocs  qui  est  très-variable,  de  sorte  que  rare¬ 
ment  les  joints  des  assises  supérieures  tombent  au  milieu  des  blocs  des 
assises  inférieures,  et  que  quelquefois  plusieurs  joints  descendent  sur 
une  même  assise^. 


Mur  pélasgique* 


Plus  à  l’ouest  (Pl.  l'\  F),  on  voit  un  très-curieux  fragment  de  la 
muraille  reconstruite  à  la  hâte  pendant  l’ambassade  de  Thémistocle  à 

1.  L.  XI,  c.  28. 

2.  Il  est  une  remarque  singulière,  mais  que  les  faits  confirment  et  qui  appartient  à  M.  Blouet, 
l’habile  architecte  auquel  on  doit  la  plus  grande  partie  des  travaux  publiés  dans  le  grand  ouvrage  de 
ï Expédition  scientifique  de  Morée;  c’est  que,  dans  les  temps  les  plus  reculés,  on  a  employé  le  système 
d’appareil  par  assises  horizontales  et  joints  verticaux,  et  qu’on  est  ensuite  revenu  à  un  autre  mode 
de  construction  moins  régulier  et  plus  élémentaire  en  apparence,  lequel  pourtant  a  souvent  passé 
pour  avoir  précédé  le  premier. 


ENCEINTE  DE  L’ACROPOLE. 


19 


Sparte.  Des  tambours  de  colonnes,  les  uns  lisses,  les  autres  dont  la  can¬ 
nelure  est  seulement  commencée^,  d’autres  enfin  conservant  encore  les 
tenons  réservés  par  l’ouvrier  pour  faciliter  leur  mise  en  place,  ont  été 
employés  comme  matériaux.  On  en  trouve  d’abord,  à  gauche,  quatorze 
disposés  deux  par  deux,  à  deux  niveaux  différents,  puis  huit  seuls  sur 
une  même  ligne.  A  un  angle  saillant  de  la  muraille  (Pl.  V\  G),  se  trou¬ 
vent  deux  autres  tambours  superposés-. 


Mur  de  Thémistocle. 


Continuant  à  marcher  vers  l’ouest,  au-dessus  de  la  grotte  d’Aglaure 
(Pl.  F®.  H),  on  avait  employé  également  comme  matériaux  deux  fragments 
d’un  ancien  entablement  dorique,  ayant  peut-être  appartenu  au  vieux 
Parthénon,  fondé  probablement  par  Pisistrate  et  détruit  par  Xerxès^. 
Le  fragment  principal  est  une  longue  portion  d’entablement,  composée 
d’une  architrave,  d’une  frise  et  d’un  reste  de  corniche.  La  frise  conserve 
encore  cinq  tri gly plies ^  de  pierre,  séparés  par  des  métopes  lisses  de 


1.  On  sait  que  chez  les  Grecs,  afin  d’éviter  les  accidents  qui  pouvaient  arriver  pendant  la  construc¬ 
tion  d’un  édifice,  ce  fut  un  usage  constant  de  ne  canneler  les  colonnes  que  lorsqu’elles  étaient  en 
place.  Les  cannelures  étaient  seulement  indiquées  en  haut  et  en  has  du  fût,  dont  toute  la  partie 
intermédiaire  restait  comme  enveloppée  dans  une  gaine  que  l’achèvement  de  la  colonne  faisait  dispa¬ 
raître.  Tel  est  l’état  dans  lequel  se  pi’ésente  le  temple  entier  de  Sélinonte,  en  Sicile. 

2.  A  Pompéi,  l’angle  sud-ouest  du  mur  du  périhole  du  temple  de  Vénus  est  construit  de  même  en 
partie  de  tronçons  de  colonnes  provenant  d’édifices  plus  anciens.  Ce  mur,  comme  celui  d’Athènes, 
avait  été  relevé  à  la  hâte  après  avoir  été  renversé  par  le  tremblement  de  terre  de  l’an  63. 

3.  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre. 

4.  Triglyphes,  TpiY)voçoi,  de  vpeîç,  trois,  et  graver,  ornement  caractéristique  de  la  frise 

dorique,  ainsi  nommé  parce  qu’il  présente  trois  canaux  parallèles  gravés  en  creux.  Les  triglyphes 
représentent  l’extrémité  des  solives  qui  faisaient  saillie  au-dessous  du  toit,  dans  la  cahane,  type 
primitif  du  temple  grec.  Dans  le  principe  ils  laissaient  entre  eux  des  espaces  vides,  témoin  ce  passage 
d’Euripide  :  «  J’ai  échappé  au  fer  meurtrier  des  Argiens,  et  je  fuis  avec  la  chaussure  phrygienne,  en 
traversant  les  lambris  de  cèdre  de  la  chambre  nuptiale  et  les  triglyphes  doriques.  »  (Oreste).  Plus 
tard,  ces  vides  furent  remplis  et  devinrent  les  métopes,  p.£xÔ7îat,  metopæ,  qui  souvent  furent  décorées 
de  sculptures. 


20 


ATHÈNES. 


marbre  blanc  qui  avaient  été  insérées  à  coulisses  par  le  même  procédé 
que  nous  verrons  plus  tard  avoir  été  employé  également  au  Parthénon. 
La  corniche  fort  simple  est  en  pierre  comme  les  triglyphes. 

L’autre  fragment,  placé  dans  la  construction  à  quelque  distance  du 
premier,  n’est  composé  que  de  deux  triglyphes. 

Tel  se  présente  dans  son  ensemble  le  mur  de  Thémistoclè,  s’élevant 
au-dessus  des  rochers  de  Cécrops,  Kex,po7uiaç  irsTpaç,  des  longs  rochers, 
ptazpàç  TTÉTpaç,  comme  les  appelaient  les  Grecs.  Son  irrégularité  même, 
expliquée  par  les  témoignages  de  l’histoire ,  le  rend  la  partie  la  plus 
intéressante  de  l’enceinte  de  l’Acropole. 

Müii  DE  Conon.  Une  faible  portion  paraît  avoir  été  refaite  plus  tard, 
avec  le  soin  et  la  précision  qui  caractérisaient  les  plus  parfaites  con¬ 
structions  helléniques;  elle  n’est  visible  qu’à  l’intérieur  de  l’Acropole, 
près  de  l’Erechthéion  ;  elle  est  formée  de  blocs  de  moyenne  dimension, 
taillés  avec  la  plus  parfaite  régularité,  superposés  pleins  sur  joints,  et 
présentant  sur  tous  ces  joints  une  sorte  de  gorge  étroite,  une  bande 
en  creux  qui  la  garantissait  de  tout  choc,  en  encadrant  chaque  bloc  dont 
la  surface  plane  et  légèrement  saillante  se  trouvait  former  une  sorte 
de  bossage  qui  à  la  fois  présentait  plus  de  résistance,  et,  comme  dit 
M.  Beulé,  «  une  réminiscence  du  puissant  bossage  qu’aimaient  les  âges 
les  plus  reculés.  » 


!  |i  ■ 

II 

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- Ifl - 

II 

Fragment  de  la  muraille  de  Conon. 


Cette  construction  dilférant  de  celle  de  la  muraille  de  Cimon,  nous 
pensons  qu’elle  a  dû  appartenir  au  commencement  du  iv®  siècle  avant 
Jésus-Christ,  et  faire  partie  de  la  restauration  exécutée  alors  par  Conon  2. 

1.  Cette  différence  de  matériaux  a  fait  croire  à  Hermann  Hettner  {Athen  und  der  Pelopones)  que 
dans  l’ancien  Parthénon  les  métopes  étaient  encore  ouvertes,  et  que  c’est  seulement  lorsque  ce  frag¬ 
ment  de  frise  fut  employé  par  Thémistoclè,  qu’on  les  ferma  par  des  plaques  de  marbre.  Le  savant 
allemand  eût  évité  cette  erreur  par  un  simple  rapprochement  avec  les  métopes  du  Parthénon  de 
Périclès. 

2.  «  Conon  (après  le  combat  naval  de  Gnide)  revint  dans  sa  patrie  avec  une  partie  des  vaisseaux, 
fit  relever  à  la  fois  les  murs  d’Athènes  et  ceux  du  Pirée,  détruits  par  Lysandre.  » 

Cornélius  Népos.  Conon,  4. 

«  Conon  prend  le  chemin  d’Athènes  où  il  est  reçu  avec  des  transports  de  joie.  Le  plaisir  de 


ENTRÉE  DE  L’ACROPOLE. 


•21 


Nous  sommes  d’autant  plus  porté  à  le  croire,  c^ue  nous  retrouverons 
exactement  le  même  appareil  aux  deux  tours  cjui,  à  l’occident,  accom¬ 
pagnent  l’entrée  de  l’Acropole,  et  que,  selon  toute  apparence,  ces  tours 
sont  l’œuvre  de  Conon. 

Ce  ne  peut  être  que  faute  d’un  examen  suffisant,  que  le  savant  auteur 
de  V Acropole  d’Athènes  a  pu  attribuer  à  la  même  époque  un  autre  frag¬ 
ment  de  muraille,  qui  se  voit  également  à  l’intérieur  de  l’Acropole,  mais 
plus  à  l’est  (Pl.  !'■%  E),  derrière  une  casemate  turque.  Cette  muraille, 
qui  est  le  revers  de  celle  que  nous  avons  déjà  signalée  comme  un  reste 
de  la  construction  pélasgique,  est  d’un  tout  autre  appareil. 

Entrée  de  l’Acropole.  Nous  arrivons  enfin  au  côté  occidental  de 
l’Acropole,  le  seul  accessible,  et  celui  où  de  tout  temps  se  trouva  son 
entrée  (Pl.  P^  K).  Cette  entrée  avait  disparu,  et  en  1852 encore,  comme 
au  temps  de  l’expédition  des  Français  en  Morée,  ce  côté  ne  présentait 
qu’un  énorme  bastion  sans  aucune  ouverture,  et  à  droite,  vers  l’angle 
sud-ouest,  une  petite  porte  moderne  percée  dans  un  massif  de  con¬ 
struction  turcjue  et  conduisant  à  une  porte  (Pl.  P^  a)  percée  dans  la 
muraille  du  sud.  Avant  d’arriver  à  cette  porte,  on  laisse  à  droite  un 
espace  qui  surmonte  l’Odéon.  Legrand  vit  encore  en  cet  endroit  les 
ruines  d’une  mosquée,  qui  avait  dû  remplacer  l’ancien  temple  d’Escu- 
lape,  mentionné  par  Pausanias  C’est  encore  par  ce  chemin  qu’on 
pénètre  aujourd’hui  dans  l’Acropole;  nous  verrons  qu’il  suit  le  tracé 
du  passage  réservé  dans  l’antiquité  aux  animaux  destinés  aux  sacrifices. 

En  1852,  par  l’examen  des  lieux  et  l’étude  approfondie  des  textes, 
M.  Beulé ,  alors  élève  de  l’Ecole  de  France  à  Athènes,  fut  amené  à 
penser  qu’il  était  impossible  qu’un  monument  magnifique,  tel  que  les 
Propylées,  eût  fait  face  à  un  simple  rempart  qui  le  masquait  entière¬ 
ment,  et  n’eût  été  accessible  que  par  un  chemin  détourné.  C’était  dans 
l’axe  des  Propylées  qu’avait  dû  exister  une  entrée  conciliant  les  besoins 
de  la  défense  et  la  nécessité  de  permettre  à  l’œil  d’embrasser  dès  l’abord 
le  chef-d’œuvre  de  Mnésiclès;  mais  une  question  restait  à  résoudre  : 

rentrer  dans  son  pays,  après  tant  d’années  d’exil,  lui  fut  toutefois  moins  sensible  que  la  douleur 
d’avoir  vu  Athènes  brûlée  et  détruite  par  les  Spartiates.  Aussi  répara-t-il  les  ravages  du  fer  et  du 
feu  avec  les  dépouilles  de  l’ennemi  et  par  la  main  des  Perses.  »  Justix.  L.  VI,  c.  5. 

1 .  «  Le  temple  d’Esculape  mérite  d’être  vu  à  cause  des  statues  du  dieu,  de  ses  enfants  et  des  pein¬ 
tures  dont  il  est  orné.  Il  renferme  la  fontaine  près  de  laquelle  Ualirrbotius,  fils  de  Neptune,  fut  tué 
par  le  dieu  Mars.  »  Pai  satvias.  Alt.,  c.  XXL 


22 


ATHÈNES. 


l’entrée  antique  existait-elle  encore  sous  les  fortifications  modernes?  en 
avait-elle  même  jamais  occupé  l’emplacement,  ou  s’était-elle  éltevée  en 
avant,  ayant  depuis  longtemps  disparu  ?  Des  fouilles  seules  potuvaient 
donner  la  solution  de  ce  problème;  elles  furent  commencées  par  M.  Beulé 
au  printemps  de  la  même  année  C’était  à  tort  qu’avant  M.  Beulé  on 
avait  cru  devoir  chercher  l’entrée  de  l’Acropole  ailleurs  que  dans  l’axe 
des  Propylées.  «  Le  plan  des  Propylées,  dit  M.  Guigniaut^,  la  forme  des 
terrains  et  des  rochers,  le  caractère  même  du  génie  grec  visant  à  l’har¬ 
monie  dans  ses  créations,  indiquaient  à  l’avance  que  le  grand  escalier 
devait  descendre  à  l’occident  vers  la  plaine,  et  non  pas  s’arrêter  au  pied 
du  temple  de  la  Victoire  sans  ailes ,  sur  le  rocher  du  midi.  Ce  n’est 
toutefois  qu’après  avoir  rouvert  la  tranchée  pratiquée  autrefois  de  ce 
côté  par  feu  Titeux^,  et  s’être  assuré  qu’il  avait  fait  fausse  route  aussi 
bien  que  son  successeur,  que  M.  Beulé  a  entrepris  sa  première  fouille, 
précisément  dans  l’axe  de  la  porte  principale  des  Propylées,  espérant 
trouver  ainsi  du  même  coup  le  mur  d’enceinte,  la  porte  d’entrée,  le 
grand  escalier  et  la  continuation ,  s’il  se  continuait ,  du  chemin  creux 
qui  le  sépare  en  deux  moitiés.  Après  avoir  défoncé  le  bastion  moderne 
sur  sa  longueur  qui  est  de  68  pieds,  après  s’être  avancé  dans  les 
profondeurs  du  sol  exhaussé  de  près  de  30  pieds,  et  à  travers  les 
constructions  diverses  des  âges  successifs  jusqu’aux  murailles  byzantines, 
il  a  enfin  découvert  la  partie  inférieure  de  l’escalier  à  lii  pieds  en  avant 
du  temple  de  la  Victoire.  » 

((  Il  faut  donc,  bon  gré  mal  gré,  ajoute  M.  Guigniaut,  renoncer  à  cette 
hypothèse  gratuite  qui,  terminant  l’escalier  un  peu  en  avant  du  temple 
de  la  Victoire,  cherchait  la  porte  d’entrée  de  la  citadelle  sur  son  flanc 
droit  et  en  faisait  une  sorte  de  porte  dérobée  complètement  indigne 

1.  Dans  son  excellent  ouvrage  sur  l’Acropole  d’Athènes,  M.  Beulé,  par  une  modestie  louable  sans 
doute,  mais  regrettable,  n’a  pas  cru  devoir  donner  l’bistorique  de  sa  précieuse  découverte;  mais  on 
trouvera  dans  le  IIP  volume  des  Archives  des  Afissions  scientifiques  les  rapports  qu’il  avait  adressés 
alors  au  ministre  de  l’instruction  publique,  ainsi  que  ceux  faits  à  cette  occasion  par  M.  Guigniaut. 

2.  Rapport  fait  le  12  novembre  1852,  à  l’Académie  des  inscriptions,  sur  les  travaux  des  membres 
de  l’École  d’Athènes.  {Archives  des  Missions  scientifiques.  T.  III,  p.  267.) 

3.  M.  Titeux,  architecte,  pensionnaire  de  l’École  de  Rome,  en  étudiant  les  Propylées,  avait  voulu 
rechercher  l’escalier  qu’il  avait  bien  pensé  aussi  devoir  les  précéder.  Il  avait  fait  ouvrir  une  tran¬ 
chée  en  avant  du  soubassement  du  temple  de  la  Victoire  Aptère;  mais,  n’ayant  rencontré  que  le 
rocber,  il  avait  renoncé  à  des  fouilles  qui  furent  reprises  au  même  lieu  et  sans  plus  de  succès  par 
M.  Desbuisson.  Les  traces  de  ces  travaux  ont  été  effacées  par  les  fouilles  de  M.  Beulé. 


ENTRÉE  DE  L’AGROPOLE. 


23 


de  la  majesté  des  Propylées,  complètement  en  désaccord  avec  leur  plan 
et  leur  orientation.  » 

Ce  fut  au  mois  de  juillet  1852  que  M.  Beulé  envoya  à  l’Académie 
un  mémoire^  qui  fit  connaître  le  résultat  de  ses  premières  fouilles.  Au 
mois  d’août,  sur  un  rapport  de  l’Académie,  un  crédit  de  û,000  francs ^ 
lui  fut  alloué  pour  continuer  les  fouilles  aux  frais  du  gouvernement  fran¬ 
çais.  A  l’aide  de  cette  subvention,  les  travaux  furent  repris  le  18  octobre 
1852  ;  ils  occupèrent  tout  l’hiver  de  1852-1853,  et,  au  printemps  de  cette 
dernière  année,  ils  étaient  terminés;  M.  Beulé  put  dès  lors  faire  placer 
la  grille  et  auprès  d’elle  l’inscription  constatant  sa  précieuse  découverte. 
Un  nouveau  crédit  de  1,000  francs  avait  été  accordé  avant  l’achève¬ 
ment  des  travaux,  en  prévision  de  la  nécessité  de  reconstruire  la  partie 
inférieure  du  grand  escalier;  cette  partie  ayant  été  retrouvée  presque 
entière ,  ce  crédit  devint  inutile  et  l’argent  fut  restitué  par  M.  Beulé. 

L’Ennéapyle  ou  l’entrée  aux  neuf  portes  successives,  construite  par  les 
Pélasges,  avait  dû  subir  déjà  quelques  modifications,  d’abord  lors  de 
la  destruction  des  monuments  de  l’Acropole  par  Xerxès  et  Mardonius, 
et  de  la  restauration  de  l’enceinte  par  Thémistocle  et  Cimon,  puis  lors 
de  la  construction  des  Propylées  sous  Périclès.  Il  est  probable  que  le 
plan  adopté  à  cette  époque  ne  dut  guère  s’éloigner  de  celui  que  nous 
voyons  aujourd’hui.  Lorsque,  après  la  guerre  désastreuse  du  Péloponèse, 
Lysandre  renversa  les  murailles  d’Athènes  au  son  des  instruments  de 
musique  qui  célébraient  la  gloire  de  Sparte  et  la  honte  des  vaincus,  il 
paraît  avoir  à  peu  près  respecté  l’enceinte  de  l’Acropole,  et  probablement 
il  se  contenta  de  détruire  les  fortifications  qui,  du  seul  cpté  accessible, 
protégeaient  la  citadelle.  Conon,  en  relevant  les  murailles  d’Athènes  au 
commencement  du  iv*  siècle  avant  Jésus-Christ,  ne  pouvait  manquer  de 
commencer  par  rétablir  l’entrée  de  l’Acropole  et  la  remettre  en  état  de 
défense.  C’est  donc  à  lui  qu’avec  toute  vraisemblance  nous  croyons 
pouvoir,  ainsi  que  l’a  fait  M.  Beulé,  attribuer  la  construction  des  deux 
tours  que  ses  fouilles  ont  mises  à  découvert.  Conon,  probablement,  imita 
la  porte  qui  avait  été  élevée  par  Périclès  en  même  temps  que  les  Pro- 

1.  On  doit  regretter  que  ce  premier  mémoire  n’ait  point  été  publié,  non  plus  que  les  dessins  de 
M.  Garnier  qui  l’accompagnaient. 

2.  1,200  francs  par  le  ministère  de  l’instruction  publique,  et  2,800  francs  par  le  ministère  de 
l’intérieur,  section  des  beaux-arts. 


ATHÈNES. 


24 

pylées,  et  dont  le  souvenir  était  trop  récent  encore  pour  s’être  effacé. 
Alors,  comme  aujourd’hui,  les  deux  tours  étaient  réunies  par  une  mu¬ 
raille  en  retraite  dans  laquelle  s’ouvrait  la  porte  Telle  était  l’entrée  de 
l’Acropole  au  moment  où  Sylla  s’empara  d’Athènes,  mettant  fin  à  son 
indépendance  et  à  son  existence  politique.  Rasant  à  3  mètres  environ  du  sol 
les  deux  tours  qui  accompagnaient  la  porte,  il  détruisit  la  porte  elle- 
même  et  la  muraille  dans  laquelle  elle  était  ménagée;  et  pendant  toute 
la  longue  période  de  la  domination  romaine,  l’intervalle  des  deux  tours 
ne  fut  plus  fermé.  Enfin,  Valérien  (253-260  après  Jésus- Christ),  crai¬ 
gnant  l’invasion  des  Goths,  voulut  remettre  l’Acropole  en  état  de  défense, 
et  fit  relever  à  la  hâte  la  muraille  et  la  porte  que  nous  voyons  aujour- 
d’hui^.  Telles  paraissent  être  les  données  les  plus  probables  de  l’histoire; 
voyons  maintenant  si  elles  sont  confirmées  par  l’inspection  du  monument. 


La  porte  A  se  trouve  dans  l’axe  et  à  36  mètres  en  avant  des  Propylées, 
dont  le  soubassement  est  à  15  mètres  environ  au-dessus  du  niveau  du  seuil. 
Le  mur,  haut  lie  6'",7/|.  et  large  de  7‘",20,  dans  lequel  elle  est  percée,  est 
composé,  à  l’exception  de  l’une  des  assises  inférieures  qui  est  de  tuf,  de 
blocs  de  marbre  disposés  par  assises  horizontales,  mais  de  hauteur  inégale. 
Les  blocs  tirés  de  divers  monuments  plus  anciens  sont  grossièrement  assem¬ 
blés  et  leurs  joints  ne  sont  pas  toujours  verticaux.  Cependant  une  sorte 
d’intention  décorative  paraît  avoir  présidé  à  cette  construction,  souvenir 
lointain  sans  doute  de  celle  qui  l’avait  précédée.  Un  bandeau  de  marbre 
noir  d’Éleusis  règne  à  1™,65  du  sol.  La  porte,  à  l’imitation  des  portes 

1.  A  l’Acro-Corinthe,  ou  Acropole  de  Corinthe,  une  porte  bien  conservée,  et  appartenant  à  la  plus 
parfaite  construction  hellénique,  présente  la  môme  disposition. 

2,  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 


ENTRÉE  DE  L’ACROPOLE. 


25 


doriques  qui,  elles-mêmes,  avaient  eu  pour  modèle  la  porte  égyptienne, 
est  plus  étroite  dans  sa  partie  supérieure  ;  son  chambranle  est  formé  de 
deux  pieds-droits,  chacun  d’un  seul  morceau  de  marbre  portant  un  linteau 
de  2'", 80  de  longueur.  Ce  linteau  et  ces  pieds-droits  proviennent,  comme 
le  reste  de  la  muraille,  d’édifices  plus  anciens,  ainsi  que  l’indiquent  des 
trous  de  scellement  sans  objet  dans  la  nouvelle  construction.  La  hauteur 
de  la  baie  est  de  3'", 87  ;  sa  largeur,  dans  la  partie  inférieure,  est  de 
i'",89,  et  dans  sa  partie  supérieure  de  L",73  seulement.  «  Le  seuil  de  la 
porte,  dit  M.  Beulé,  le  dallage  sur  lequel  il  repose,  les  trous  carrés  où 
les  gonds  s’engageaient,  le  conduit  ménagé  pour  l’écoulement  des  eaux, 
tout  s’est  retrouvé  ;  il  y  avait  même  encore  dans  les  trous  des  gonds  du 
plomb  qui  avait  servi  à  les  assujettir.  » 

Le  mur  est  surmonté  d’une  sorte  d’entablement  haut  de  2'", 57,  formé 
de  pièces  rapportées.  «  Ce  soiiL  en  effet,  ajoute  M.  Beulé,  des  entable¬ 
ments  d’édifices  doriques  placés  de  la  même  manière  que  les  débris  du 
vieux  Parthénon  sur  le  mur  de  Thémistocle.  Les  architraves  de  marbre 
pentélique  supportent  une  frise  en  pierre  de  tuf  ;  des  métopes  en  marbre 
blanc  ont  été  glissées  dans  les  coulisses  des  triglyphes.  Ce  sont  des  pla¬ 
ques  sans  traces  de  sculptures  ni  de  couleurs.  Au-dessus  de  la  frise,  on  a 
mis  une  corniche  de  marbre  qui  appartenait  à  un  autre  monument,  car 
les  mutules  sont  d’une  proportion  sensiblement  plus  petite  et  ne  s’arran¬ 
gent  point  avec  les  triglyphes  »  Enfin,  on  a  surmonté  le  tout  d’un 
attique  composé  d’une  espèce  de  seconde  architrave  terminée  par  une 
petite  moulure  très-peu  saillante,  en  forme  de  corniche.  Cette  décoration 
pourrait  bien  être  un  lointain  souvenir  de  la  décoration  primitive  de  l’en¬ 
trée  de  l’Acropole,  et  ce  n’est  pas  sans  vraisemblance  que  M.  Beulé  sup¬ 
pose  que  les  tours  elles-mêmes  ont  pu  se  terminer  par  une  rangée  de 
triglyphes,  comme  celle  dont  nous  voyons  encore  que  Mnésiclès  avait 
couronné  les  murs  des  ailes  des  Propylées. 

Tous  les  fragments  qui  ont  servi  à  composer  la  muraille  appartiennent  à 
des  époques  différentes,  et  qu’il  ne  serait  pas  impossible  de  déterminer, 
approximativement  pour  quelques-uns ,  avec  certitude  pour  quelques 
autres.  En  examinant  les  triglyphes  de  la  frise,  on  leur  trouve  la  même 
proportion  ramassée  et  les  mêmes  caractères  archaïques  que  l’on  recon- 

I 

I  1.  E.  Beulé.  Acropole  d'Athène.^.  T.  I,  p.  101. 


26 


ATHÈNES. 


naît  à  ceux  de  l’ancien  Parthénon  ou  au  temple  d’Égine,  et  on  peut  en 
conclure  que  cette  frise  décora  quelque  ancien  édifice  de  l’Acropole, 
détruit  par  Xerxès,  et  remontant  au  vi®  siècle  avant  notre  ère.  Pour  l’ar¬ 
chitrave,  nulle  incertitude;  les  blocs  qui  la  composent  proviennent  d’un 
monument  choragique^,  et  furent  apportés,  soigneusement  numérotés 
avec  des  lettres  dont  la  forme  appartient  au  iii®  ou  iv®  siècle  après  Jésus- 
Christ.  Sur  ces  marbres,  longs  d’environ  2  mètres,  on  lit  encore  une 
inscription  qui  en  fixe  la  date  : 

...  APISTO  AHMOÏ  SrnETAIQN  ANE0HKEN 
NIKHSA2  XOPH]  QN  KEKPOniAI  HAIAtlN 
EAIAAXKE  liANTAAEQN  SIKÏ 
QNIOS  HÏAEI  AISMA  EAnHNlîP 
TIMOOEOr  NEAIXMOS  HPXE 

((  N***,  fils  d’Aristodème  du  dème  de  Xypété  (dans  la  tribu  cécropide), 
a  consacré  ce  monument,  ayant  remporté  la  victoire  comme  Chorége  des 
enfants  de  la  tribu  cécropide.  Pantaléon  de  Sicyone  a  composé  le  chœur; 
Elpénor,  fils  de  Timothée,  a  joué  le  chant  sur  la  flûte.  Néæchmus  était 
archonte.  » 

L’archontat  de  Néæchmus  répond  à  la  115*  olympiade,  l’an  316  avant 
Jésus-Christ.  Nous  verrons,  lorsque  nous  décrirons  le  monument  de  Thra- 
syllus,  que  celui-ci  fut  vainqueur  dans  la  même  année,  au  concours  des 
hommes  faits. 

Quant  à  la  partie  inférieure  de  la  muraille ,  plusieurs  des  blocs  qui 
la  composent  portent  des  inscriptions  visibles  à  l’intérieur,  qui  ont  été 
publiées  par  M.  Beulé ,  et  dont  les  plus  modernes  appartiennent  au 
11*  siècle  après  Jésus- Christ. 

11  n’est  plus  permis  aujourd’hui  de  douter  de  l’emploi  que  firent  les 
Grecs  de  la  peinture  dans  la  décoration  de  leur  architecture  2  ;  les 
travaux  des  Hittorlï,  des  Kugler,  des  Raoul  Rochette,  des  Letronne, 
des  Brôndsted ,  les  recherches  récentes  sur  les  temples  doriques  de 
la  Grèce  et  de  la  Sicile,  ne  laissent  plus  aucune  incertitude;  elles  ont 

1.  Voy.  c.  VII. 

2.  Nous  savons  même,  par  des  témoignages  antiques,  que  tous  les  sculpteurs  célèbres  avaient  sous 
leurs  ordres  un  peintre  habile  chargé  de  peindre  leurs  oeuvres;  plusieurs  noms  de  ces  artistes  sont 
parvenus  jusqu’à  nous. 


ENTRÉE  DE  L’ACROPOLE. 


27 


confirmé  d’une  manière  positive  l’assertion  de  Vitruve^,  au  sujet  de  la  cire 
bleue,  cera  cœrulea,  qu’il  indique  comme  étant  la  couleur  d’usage  pour 
les  trigly plies  ;  les  métopes  paraissent  avoir  été  généralement  rouges 
La  frise  de  la  porte  de  l’Acropole  était  une  preuve  de  plus  de  l’ancienneté 
de  l’architecture  polychrome.  Au  moment  de  sa  découverte,  M.  Beulé 
a  reconnu  sur  les  triglyphes  et  sur  les  mutules  des  restes  de  couleur 
bleue,  et  sur  les  entre-mutules  des  vestiges  de  rouge;  aujourd’hui,  on 
en  retrouverait  difficilement  quelques  traces. 

Les  Romains ,  avons-nous  dit ,  avaient  rasé  à  la  hauteur  de  3  mètres 
environ  au-dessus  du  sol  les  deux  tours  B  G  qui  protégeaient  l’entrée.  Lors 
de  la  restauration  hâtive,  exécutée  par  ordre  de  Valérien,  on  pensa  qu’il 
serait  à  la  fois  plus  prompt  et  plus  économique ,  au  lieu  de  relever  les 
tours,  d’abaisser  le  sol  et  de  mettre  à  découvert  les  substructions  qui 
descendaient  à  une  assez  grande  profondeur.  C’est  ainsi  que  les  tours 
atteignirent  une  hauteur  suffisante,  et  que  la  base  du  mur  qui  les  réunit 
se  trouva  placée  environ  i'",65  plus  bas  que  celle  du  mur  qui  l’avait 
précédé ,  et  dont  l’ancien  niveau ,  probablement  par  hasard ,  se  trouve 
justement  indiqué  sur  la  nouvelle  muraille  par  le  bandeau  de  marbre 
noir  d’Eleusis  dont  nous  avons  parlé. 

Les  deux  tours  pyramidaient  légèrement.  La  partie  supérieure  de  ce 
qui  en  subsiste  aujourd’hui  et  qui  dans  l’origine  était  seule  visible  est 
formée  d’assises  régulières  de  pierres  du  Pirée,  longues  de  i"‘,25  environ 
et  hautes  de  O"’,  âO,  superposées  pleins  sur  joints.  Ces  assises  reposaient 
sur  une  sorte  de  soubassement  formé  de  blocs  de  même  longueur,  mais 
élevés  de  1  mètre.  Celui-ci  est  séparé  de  l’assise  qui  le  surmonte  par  une 


1.  L.  IV,  c.  2,  s  2. 

2.  «  Il  n’y  avait  pas,  dans  toute  la  Grèce,  un  seul  temple  construit  avec  soin  qui  ne  fût  plus  ou 
moins  coloré,  c’est-à-dire  peint  de  manière  à  contribuer  à  l’effet  et  au  riche  aspect  du  monument  par 
la  couleur  harmonieuse  des  parties  symétriques,  et  surtout  des  parties  supérieures  de  la  construction. 
L’application  était  de  trois  espèces  :  1“  la  couleur  était  employée  comme  couche  et  sans  aucun  effet 
d’illusion  pour  soutenir  l’architecture  proprement  dite,  c’est-à-dire  pour  relever  la  teinte  insignifiante 
et  monotone  de  la  pierre;  2“  la  couleur  servait  pour  produire  de  l’illusion  dans  certaines  parties  de 
la  construction,  c’est-à-dire  pour  l’effet  des  ombres  et  des  jours,  des  reliefs  et  des  enfoncements  sur 
un  plan  uni,  en  un  mot  pour  faire  de  véritables  tableaux,  et  par  conséquent  pour  remplacer  la 
sculpture;  enfin,  on  employait  la  couleur  comme  achèvement  des  parties  proprement  plastiques. 
Dans  ce  cas,  l’application  des  couleurs,  entièrement  subordonnée  aux  lois  de  la  sculpture  polychrome, 
n’appartenait  à  l’architecture  qu’autant  que  ces  ouvrages  y  tenaient  comme  décoration  essentielle.  » 

Buondsted.  Voyages  et  recherches  dans  la  Grèce. 


28 


ATHÈNES. 


bande  en  creux,  semblable  à  celles  c|ue  nous  avons  signalées  à  la  portion 
de  la  muraille  de  l’Acropole  que  nous  avons  dit  avoir  fait  partie  de  la 
restauration  par  Conon,  nouvelle  preuve  à  l’appui  de  l’opinion  c|ue  nous 
avons  émise  sur  l’époque  de  la  construction  des  tours  qui  nous  occupent. 
Un  autre  rapprochement,  qui  n’a  point  échappé  à  la  sagacité  de  M.  Beulé, 
est  tiré  de  ce  c^ue  les  murailles  des  tours  ont  une  épaisseur  de  O™,  56, 
exactement  égale  à  celle  du  pan  de  mur  voisin  de  l’Érechthéion. 

La  partie  inférieure  des  tours,  qui  autrefois  était  cachée  dans  le  sol 
et  formait  les  fondations,  n’est  composée  que  de  blocs  grossièrement 
équarris,  rangés  par  assises,  dont  la  hauteur  varie  de  0"‘,A0  à  0’",90. 

Comme,  dans  le  principe,  ces  fondations  ne  descendaient  qu’à  une 
assez  faible  profondeur,  il  devint  indispensable,  lorsqu’on  les  mit  à 
découvert,  de  les  reprendre  en  sous-œuvre  pour  les  conduire  jusqu’au 
roc  ;  il  en  résulta  un  troisième  mode  de  construction  plus  grossier  encore 
dans  la  partie  la  plus  basse  des  tours.  «  On  la  revêtit,  dit  M.  Beulé, 
de  larges  assises  pour  que  l’appareil  extérieur  de  la  nouvelle  construction 
ressemblât  à  l’appareil  ancien;  mais  la  négligence  du  travail,  l’état  des 
matériaux,  la  forme  des  scellements  trahissent  la  différence  des  époques; 
le  mortier  qui  double  le  revêtement  apparaît  çà  et  là;  on  en  voit  même 
une  couche  épaisse  de  plusieurs  centimètres  unir  la  partie  supérieure 
de  la  tour  à  la  partie  nouvelle;  car  le  dernier  rang  du  revêtement  n’arri¬ 
vait  point  à  soutenir  la  base  ancienne,  et  l’on  glissa  dans  cet  intervalle 
tout  un  lit  de  mortier^.  » 

En  avant  des  deux  tours  antiques  s’élèvent  deux  contre -tours  E  F, 
deux  espèces  de  contre-forts  simplement  appuyés  contre  elles  sans  les 
pénétrer. 

La  contre-tour  E  est  composée  d’assises  en  retraite  de  0'",07  à  0'",08 
les  unes  sur  les  autres,  et  par  conséquent  sa  face  présente  une  incli¬ 
naison  beaucoup  plus  marquée  encore  que  celle  de  la  tour  antique.  Les 
assises  horizontales  et  assez  régulières  sont  formées  de  grands  blocs  de 
pierre  ou  de  marbre  blanc  assez  mal  appareillés.  Cette  tour  est  pare- 
mentée  du  côté  du  sud  regardant  l’espace  cju’elle  enferme  en  avant 
de  la  porte,  et  du  côté  du  nord  elle  se  relie  à  un  mur  de  même  style, 
faisant  partie  de  l’enceinte  septentrionale. 


1.  E.  Beulk.  Acropole  d’Athènes.  T.  I,  c.  IV. 


ENTRÉE  DE  L’ACROPOLE. 


^29 


Quant  à  la  contre-tour  de  droite  F,  appuyée  contre  la  tour  antique  C, 
sa  construction  est  toute  différente  et  bien  plus  barbare  ;  elle  n’est  pas  for¬ 
mée  d’assises  en  retraite  comme  celle  du  nord-ouest,  et  sa  face  présente 
une  ligne  un  peu  moins  éloignée  de  la  verticale  ;  elle  est  composée  d’une 
réunion  de  matériaux  de  nature  et  de  grandeur  diverses,  grossièrement 
assemblés.  A  3  mètres  environ  du  sol,  elle  présente  un  cordon  en  saillie 
d’une  forme  usitée  au  moyen  âge  et  qui,  n’existant  pas  sur  l’autre  contre- 
tour,  se  retrouve  au  contraire  sur  un  contre-fort  K,  attenant  à  la  première. 
Cette  contre-tour  n’est  pas  parementée  du  côté  G,  donnant  sur  l’entrée, 
et,  si  on  eût  voulu  la  revêtir  d’un  parement,  celui-ci  se  fût  trouvé  tout 
entier  en  saillie  sur  celui  de  la  tour  antique,  comme  nous  l’avons  indiqué 
par  une  ligne  ponctuée.  Il  nous  semble  donc  hors  de  doute  que  la 
muraille  de  face  de  la  tour  de  droite  se  prolongea  toujours  jusqu’à  la 
tour  de  gauche ,  contre  laquelle  elle  venait  s’appliquer  sans  s’y  incor¬ 
porer,  au  moins  dans  sa  partie  inférieure  et  ancienne,  et  qu’elle  fut 
toujours  dans  l’état  où  M.  Beulé  la  trouva,  lorsqu’il  démolit  ce  pro¬ 
longement  pour  faire  reparaître  au  jour  le  mur  et  la  porte  de  Valérien, 
la  partie  H,  comprise  entre  les  deux  murs  et  les  deux  tours,  ayant  été 
comblée  pour  la  métamorphoser  en  bastion.  Le  raccordement  des  deux 
contre-tours  ne  put  être  parfait,  leur  mode  de  construction  étant  différent 
et  leur  inclinaison  n’étant  pas  tout  à  fait  la  même.  M.  Blouet,  dans  la 
planche  de  V Expédition  de  Morée,  n’a  pas  reproduit  cette  particularité, 
omettant  aussi  le  cordon  que  nous  avons  dit  régner  sur  la  contre-tour 
et  le  contre-fort  de  droite.  M.  Beulé  ne  paraît  pas  non  plus  avoir  remarqué 
la  différence  de  construction  des  deux  avant-tours  ;  aussi  leur  assigne-t-il 
une  seule  et  même  date,  celle  de  la  conquête  d’Athènes  par  Mahomet  II. 
Nous  croyons,  au  contraire,  qu’elles  doivent  appartenir  à  deux  époques 
peu  éloignées  peut-être  l’une  de  l’autre,  mais  aussi  à  deux  civilisations 
différentes.  L’avant-tour  E,  dont  la  construction  plus  régulière  et  à 
assises  en  retraite  rappelle,  de  loin  à  la  vérité,  celle  de  la  muraille  de 
Cimon,  pourrait  être,  selon  nous,  l’œuvre  d’architectes  ayant  encore 
conservé  quelque  vague  souvenir  des  saines  traditions  de  l’art.  La  tour 
de  droite  F  et  la  muraille  attenante  I  indiquent  au  contraire  l’oubli  com¬ 
plet  de  toutes  les  règles  et  paraissent  l’œuvre  de  la  barbarie.  Nous  ne 
croyons  donc  pas  nous  tromper  en  supposant  que  vers  le  milieu  du 
XV®  siècle,  un  des  ducs  d’Athènes  de  la  famille  florentine  des  Acciajuoli, 


30 


ATHÈNES. 


peut-être  l’infortuné  Francesco,  le  dernier  d’entre  eux,  avait  entrepris 
d’augmenter  les  défenses  de  l’entrée  de  l’Acropole  et  avait  élevé  la 
contre-tour  de  gauche;  il  n’avait  pas  eu  le  temps  de  construire  celle 
de  droite  quand  Athènes  tomba,  en  1^56,  dans  les  mains  de  Mahomet  IL 
Ce  conquérant  continua  alors  l’entreprise,  en  modifiant  le  plan  précé¬ 
demment  adopté  ;  il  éleva  la  contre-tour  de  droite  et  la  réunit  à  celle  de 
gauche ,  renfermant  dans  ce  nouveau  bastion  la  muraille  et  la  porte  de 
Valérien.  Celles-ci  n’avaient  guère  pu  d’ailleurs  être  masquées  beaucoup 
plus  tôt,  et  avaient  dû  rester  à  découvert  jusqu’à  une  époque  postérieure 
à  celle  de  l’invention  de  la  poudre;  car  M.  Beulé,  avec  sa  sagacité  ordi¬ 
naire,  a  reconnu  sur  leurs  marbres  des  traces  de  balles  aplaties.  Tout 
l’intervalle  compris  entre  le  rempart  turc  et  la  muraille  de  Valérien  fut 
rempli  de  terre  et  forma  une  plate-forme  armée  de  canons.  Ceux-ci  y 
étaient  amenés  par  un  plan  incliné  qui,  à  l’intérieur  de  la  citadelle, 
commençait  au  palier  central  des  Propylées ,  palier  où,  comme  nous  le 
verrons,  s’ouvrait  la  porte  méridionale  dont  nous  allons  parler. 

A  dater  de  la  clôture  de  la  principale  entrée  antique,  on  ne  pénétra 
plus  dans  l’Acropole  que  par  une  porte  moderne  située  au  sud,  qui  avait 
dù  remplacer  une  porte  antique  dont  il  ne  reste  plus  de  traces,  mais 
qui,  dominant  les  ruines  de  l’Odéon,  conduisait  au  passage  que  nous 
verrons  avoir  été  destiné  aux  victimes. 

Intérieur  de  l’ Acropole.  Entrés  dans  l’Acropole,  et  observant  à 
revers  la  muraille  de  Valérien,  nous  la  verrons  se  prolonger  sur  une 
étendue  de  22  mètres,  et  fermer  le  côté  oriental  des  tours  antiques  qui 
primitivement  était  resté  ouvert.  Ce  prolongement  est,  comme  le  mur 
lui-même,  formé  de  grands  blocs  dont  plusieurs,  entourés  d’une  bande 
creuse,  proviennent  de  constructions  helléniques  de  la  plus  belle  époque. 
Nous  remarquerons  que,  dans  toute  l’étendue  de  cette  muraille,  les  blocs 
qui  la  composent  avaient  été  choisis  et  ajustés  avec  moins  de  soin,  les 
faces  les  mieux  conservées  et  formant  l’appareil  le  plus  régulier  ayant 
été  réservées  pour  l’extérieur  de  l’enceinte.  Aucune  entrée  ne  fut  alors 
ménagée  à  la  tour  du  sud  qui  dut  être  remplie,  et  dont  la  plate-forme, 
à  laquelle  on  arrivait  du  sommet  des  remparts,  fut  utilisée  pour  les 
besoins  de  la  défense;  mais  cette  tour,  à  l’époque  où  elle  était  ouverte 
d’un  côté,  avait  eu  un  dallage  dont  les  traces  ont  été  constatées  par 
M.  Beulé,  et  qui  se  trouvait  de  niveau  avec  le  premier  palier  des  Pro- 


INTÉRIEUR  DE  L’ACROPOLE.  31 

pylées,  avant  que  son  niveau  eût  été  abaissé.  C’est  à  l’extrémité  de  ce 
palier,  près  de  la  tour  méridionale,  que  sont  déposés  deux  bas-reliefs, 
trouvés  et  publiés  par  M.  Beulé^;  ils  sont  d’un  assez  bon  style  et  repré¬ 
sentent,  l’un  une  danse  pyrrhique,  l’autre  un  chœur  cyclique. 

A  la  tour  du  nord  est  une  porte  L  que  M.  Beulé  croit  être  moderne; 
je  ne  partage  pas  son  opinion  à  cet  égard,  et  je  pense  au  contraire  que 
cette  porte  fut  ménagée  dès  l’époque  de  Valérien.  Un  de  ses  jambages  est 
formé  en  partie  par  un  cippe  de  marbre  gris  du  mont  Hymette,  qui  porte 
une  inscription  grecque  et  romaine  2;  et  un  autre  bloc  du  même  marbre, 
orné  de  deux  couronnes  de  laurier  et  engagé  plus  loin  dans  la  muraille 
même,  me  paraît  avoir  dû  appartenir  au  même  cippe.  Je  trouve  une  autre 
preuve  à  1  appui  de  mon  opinion  dans  la  longueur  du  linteau  de  la  porte 
qui,  faisant  parfaitement  corps  avec  la  muraille,  ne  me  paraît  pas  avoir  pu 
y  être  introduit  après  coup.  Il  était  du  reste  assez  naturel  qu’au  moins 
1  intérieur  de  1  une  des  tours  fût  resté  accessible  afin  de  servir  de  corps 
de  garde  ou  de  logement  aux  portiers  de  l’Acropole,  aux  À/.po(piiXa>c£ç, 
ainsi  qu  ils  sont  nommés  dans  les  inscriptions  grecques  des  époques  de 
décadence. 

Lors  de  la  construction  de  1  avant-tour  du  nord-ouest  et  du  grand  mur 
attenant  au  nord,  on  agrandit  ce  réduit  B  aux  dépens  du  mur  septen¬ 
trional  de  la  tour  antique.  Celui-ci  fut  démoli,  et  non-seulement  son  em¬ 
placement  fut  ajouté  à  l’étendue  du  corps  de  garde,  mais  en  outre  un 
renfoncement  fut  ménagé  dans  la  nouvelle  muraille  qui,  de  ce  côté,  fut 
revêtue  de  matériaux  antiques  provenant  de  la  démolition  de  l’ancienne. 
On  comprit  que,  minces  comme  elles  étaient,  les  murailles  de  la  tour 
n  eussent  pu  supporter  la  voûte  dont  on  voulait  couvrir  le  réduit  ménagé 
dans  sa  partie  inférieure,  voûte  qui  devait  ensuite  être  surchargée  de 
I  terres  ou  de  matériaux  quelconques  pour  l’amener  à  former  terre-plein  ; 
aussi  quatre  pilastres  d’angle  et  quatre  autres  appliqués  aux  parois  les 
plus  longues  divisèrent-ils  la  pièce  en  trois  espèces  de  travées  voûtées, 
celle  du  milieu  à  plein  cintre  et  les  deux  autres  en  ogive.  Cet  emploi  de 
la  voûte  ogivale  est  une  preuve  de  plus  à  l’appui  de  notre  opinion  sur 
1  époque  de  cet  agrandissement  sous  les  Acciajuoli,  au  même  temps  où 


1.  Acropole  d’Athènes.  T.  II. 

2.  Ibid.  T.  II,  p.  34G. 


32 


ATHÈNES. 


furent  construits  la  contre-tour  du  nord,  et  le  mur  septentrional  attenant. 
Cette  tour  sert  aujourd’hui  d’abri  aux  chèvres  que  nourrissent  les  invalides, 
gardiens  de  l’Acropole. 

En  avant  de  la  porte  de  cette  tour  est  un  petit  puits  D,  en  maçonnerie 
sèche,  dont  la  construction,  au  moins  dans  sa  partie  supérieure,  ne 
paraît  pas  antique  et  ne  doit  pas  remonter  au  delà  du  moyen  âge.  Ce 
puits,  qui  était  entièrement  comblé,  a  été  déblayé  par  M.  Beulé,  et 
l’eau  douce  et  abondante  qu’on  y  a  retrouvée,  à  16  mètres  de  profondeur, 
sert  aujourd’hui  aux  besoins  de  l’Acropole.  «  Si  cette  découverte  eût  été 
faite  trente  ans  plus  tôt,  peut-être,  dit  M.  Beulé,  le  général  Fabvier  et 
ses  braves  Philhellènes  n’eussent-ils  pas  été  forcés  ‘de  rendre  l’Acropole 
aux  Turcs.  » 

Nous  n’avons  point  parlé  dans  ce  chapitre  des  traces  de  l’ancien  che¬ 
min  de  l’Ennéapyle  que  M.  Beulé  a  découvertes  dans  l’intérieur  de  l’Acro¬ 
pole,  non  plus  que  de  quelques  pans  de  murailles  pélasgiques  qu’il  croit 
avoir  appartenu  aux  défenses  de  cette  entrée  primitive  ;  nous  dirons  dans 
le  prochain  chapitre  notre  opinion  à  ce  sujet. 


Fragment  du  mur  de  Thémistoclo 


Portique  oriental  des  Propylées. 


CHAPITRE  II 


PROPYLÉES. 

PIÉDESTAL  d’aGRIPPA.  TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 
PIÉDESTAUX.  AUTELS. 

ENCEINTES  DE  DIANE  BRAURONIA 
ET  DE  MINERVE  ERGANÉ. 

Ennéapyle,  avenue  fortifiée  de 
neuf  portes  c|ui  servait  d’entrée  à 
l’ancienne  Acropole  des  Pélasges, 
paraît  avoir  suivi  une  sorte  de  ligne 
serpentine  dont  le  tracé  serait  au¬ 
jourd’hui  bien  difficile  à  détermi¬ 
ner  d’une  manière  certaine.  Des 
fouilles  faites  par  M.  Beulé  au  pied 
du  soubassement  du  temple  de  la  Victoire  Aptère  et  devant  la  porte 
méridionale  A  ouverte  au  moyen  âge,  et  par  laquelle  encore  aujourd’hui 


3 


34 


ATHÈNES. 


on  pénètre  dans  l’Acropole,  ont  fait  découvrir  au-dessous  d’un  pavage 
moderne  et  d’une  couche  de  sable  et  de  débris  un  vestige  incontestable  B 
de  cet  antique  passage.  Le  rocher  mis  à  nu  présente  les  traces  évidentes 
du  pas  des  bœufs  destinés  aux  sacrifices^;  leurs  sabots,  posés  toujours 
à  la  même  place,  ont  creusé  dans  la  pierre  ces  sillons  transversaux  que 
l’on  remarque  dans  tous  les  chemins  parcourus  fréquemment  par  ces 
animaux.  Ce  chemin,  large  au  plus  d’un  mètre,  semble  s’être  dirigé 


rlan  des  Propylées. 


vers  le  piédestal  d’Agrippa  et  de  là  s’être  replié,  toujours  en  montant, 
vers  la  partie  antérieure  des  Propylées  où  M.  Beulé  croit  en  reconnaître 
encore  quelques  vestiges.  Nous  sommes  porté  à  croire  que  de  là  il  se 
redressait  vers  l’esplanade  à  peu  près  dans  l’axe  des  Propylées,  qui, 
bien  entendu,  n’existaient  pas  encore.  Nous  dirons  pourquoi  nous  ne  pen¬ 
sons  pas,  avec  notre  savant  confrère,  qu’il  soit  venu  passer  devant  la 
muraille  cyclopéenne  dont  nous  signalerons  l’existence  derrière  l’aile  droite 
des  Propylées. 

Double  niche.  Bevenons  à  la  porte  moderne  de  l’Acropole.  En  la  fran¬ 
chissant,  on  trouve  à  droite,  au-dessus  du  petit  chemin  B  que  nous  avons 
décrit,  le  soubassement  qui  porte  le  petit  temple  de  la  Victoire  Aptère  D. 
Dans  ce  soubassement  sont  ménagées  deux  niches  carrées,  i  et  2,  hautes 
de  2"',32,  mais  de  largeur  et  de  profondeur  inégales  Celle  de  droite,  2, 

1.  Voy.  TL.  IL 
‘2.  Ibid. ,  à  droite. 


DOUBLE  NICHE. 


3o 


a  de  profondeur  sur  l'",67  de  largeur;  celle  de  gauche,  i,  seule¬ 
ment  i'",22  sur  Elles  avaient  été  remplies  par  de  la  maçonnerie  i; 

aussi  Leake2,  les  prenant  pour  des  portes  condamnées  ,  a  prétendu 
qu’elles  conduisaient  à  un  souterrain  dans  lequel  il  croyait  reconnaître  le 
double  sanctuaire  de  Cérès-Chloé  et  de  la  Terre  nourricière  dont  la  fonda¬ 
tion  remontait  à  Érichthonius.  Les  deux  portes,  selon  lui,  eussent  répondu 
aux  autels  des  deux  divinités,  et  la  position  du  sanctuaire,  à  droite  du 
voyageur  entrant  dans  l’Acropole,  eût  bien  été  celle  indiquée  par  Pausa- 
nias^.  Bien  que,  même  après  qu’il  eut  été  reconnu  que  les  prétendues  portes 
n’étaient  que  des  niches,  pouvant  contenir  à  peine  un  autel  et  une  statue, 
MM.  Ross,  Schaubert  et  Hansen^,  M.  Raoul  Rochette ^  et  M.  Pittakis^ 
aient  persisté  à  y  voir  les  sanctuaires  de  Gérés  et  de  la  Terre,  nous 
croyons,  avec  M.  Beulé,  que  ces  sanctuaires  étaient  situés  en  dehors  de  la 
citadelle,  ainsi  que  le  dit  formellement  Thucydide,  qui,  parmi  les  temples 
hors  de  l’Acropole,  cite  ceux  de  Jupiter  Olympien,  d’Apollon  et  de  la 
Terre  C’est  aussi  avant  d’entrer  dans  la  citadelle  que  Pausanias  parle 
des  temples  de  Gérés  et  de  la  Terre  ;  enfin,  dans  la  Lysistrate  d’Aristo¬ 
phane,  les  femmes  maîtresses  de  la  citadelle  voient  accourir  un  homme  : 
«  Où  est-il?  dit  l’une  d’elles.  —  Près  du  temple  de  Cérès-Chloé,  »  répond 
Lysistrate.  Cet  homme,  Cinésias,  est  encore  loin,  puisque,  malgré  sa 
course  rapide,  il  n’arrive  qu’après  un  assez  long  dialogue  entre  Lysistrate 
et  MyiThine,  et  que  la  première,  placée  en  sentinelle  près  de  la  porte,  lui 
refuse  l’entrée.  Quant  à  la  position  réelle  des  deux  sanctuaires,  une  seule 
chose  nous  paraît  établie,  c’est  qu’ils  étaient,  ainsi  que  le  dit  Thucydide 
dans  le  passage  que  nous  avons  déjà  invoqué,  situés  au  sud  de  l’Acropole 
et  en  dehors  de  son  enceinte. 


1.  Les  Turcs  croyaient  que  l’intérieur  du  massif  était  rempli  de  sable  et  que,  si  l’on  venait  à 
ouvrir  ces  portes,  le  sable  en  s’écoulant  laisserait  à,  découvert  une  entrée  de  la  citadelle. 

Ross,  Schaubert  and  Hansen.  Die  Akropolis  von  Athen,  p.  4. 

2.  Topography  of  Athens. 

3.  «  Vous  trouvez  ensuite  le  temple  de  la  Terre  Courotrophos  (qui  nourrit  ses  enfants)  et  celui 

de  Cérès-Chloé  (Verdoyante).  Ceux  qui  veulent  comprendre  ces  surnoms  peuvent  interroger  les 
prêtres.  »  Pausanias.  Att.  C.  XXII. 

4.  Die  Akropolis  von  Athen. 

5.  Journal  des  Savants^  2  mai  1845. 

6.  Ancienne  Athènes. 

7.  TnucymuE.  II,  15. 


36 


ATHÈNES. 


Dirigeons-nous  à  gauche,  vers  la  porte  de  Valérien,  I;  nous  y  verrons 
adossée  la  dalle  de  marbre  sur  laquelle  M.  Beulé  a  fait  graver  cette  in¬ 
scription  : 


H  TAAAIA 

THNrYAHNTH^  AkPoroAEn^ 

TA  TE  I  XH  TOY^  PYP  ro  Y:^  \<  A  \ 

Tl-IN  ANAB  A^l  N  KEXXl^MENAE 

TEl*:  A  A  Y  Y  EN 

XPHHHP  P  E  I-  BE-ŸAE  EYPEN 

«  La  France  a  déblayé  la  porte  de  l’Acropole,  les  murs,  les  tours,  et  l’escalier  qui  étaient  ensevelis.  » 
MDCCCLIII.  «  Beulé  a  découvert.  » 


Tournant  le  dos  à  la  porte  de  Valérien,  nous  avons  devant  nous  l’en¬ 
semble  des  monuments  célèbres  qui  formaient  intérieurement  la  décora¬ 
tion  de  l’entrée  de  l’Acropole  ^  A  gauche  se  dresse  l’immense  piédestal 
d’ Agrippa  G;  en  face  se  développent  les  Propylées  E  et  leur  large  esca¬ 
lier  F,  que  domine  à  droite  l’élégant  petit  temple  de  la  Victoire  Aptère  D. 

CoNSTiiucTiON  DES  Phopylées.  Daiîs  la  quatrième  année  de  la  85®  olym¬ 
piade,  l’an  ù-36  avant  Jésus-Christ,  sous  l’archontat  d’Euthymènes  2,  Péri- 
clès,  voulant  donner  à  l’Acropole  une  entrée  digne  de  ce  sanctuaire  de  la 
religion  et  des  arts^,  chargea  l’architecte  Mnésiclès  de  la  construction  de 


1.  Planche  II. 

2.  Harpocuation.  Lex.,  au  mot  ITpoicOI.aia. 

3.  Si  nous  ne  pouvons,  avec  Spon  et  Wheler,  voir  dans  les  Propylées  un  ou  plusieurs  temples, 
nous  ne  pouvons  non  plus  admettre,  avec  MM.  Leake  et  Burnouf,  qu’ils  aient  jamais  pu  être  autre 
chose  qu’une  magnifique  décoration ,  et  qu’ils  aient  été  destinés  à  remplacer  les  fortifications  ren¬ 
versées  par  les  Perses.  Leur  plan,  leur  caractère,  la  richesse  des  matériaux,  la  beauté  de  l’architec¬ 
ture  nous  paraissent  se  réunir  pour  repousser  cette  opinion.  D’ailleurs,  connaît-on  dans  l’antiquité 
ou  dans  les  temps  modernes  un  seul  exemple  d’enceinte  fortifiée  ornée  d’une  entrée  monumentale 
de  ce  genre?  Au  contraire,  dès  les  siècles  les  plus  reculés,  nous  voyons  de  gigantesques  pylônes 
précéder  les  temples  et  les  palais  de  la  Perse  et  de  l’Égypte,  et  Hérodote  nous  apprend  qu’à  Sais 
Amasis  éleva  des  propylées  devant  le  temple  de  Minerve.  Devant  celui  de  Gérés,  à  Eleusis,  nous 
retrouvons  des  propylées  copiés  sur  ceux  d’Athènes,  et,  certes,  là  il  n’était  point  question  de  fortifi¬ 
cations;  nous  savons  par  les  auteurs  qu’il  en  existait  au  cap  Sunium,  à  Corinthe,  à  Priène;  nous  en 
verrons  à  la  nouvelle  Agora  d’Athènes,  et  nous  avons  pu  dessiner  nous-mème  ceux  qui ,  à  Pompéi , 
annoncent  le  forum  triangulaire  et  le  temple  de  Neptune,  le  plus  ancien  et  le  plus  grec  des  édifices 
de  la  ville  campanienne.  On  trouvera  d’ailleurs  les  diverses  autres  considérations  qui  militent  en 
faveur  de  notre  opinion,  développées  avec  autant  de  sagacité  que  de  force  par  M.  Beulé,  dans  son 
Acropole  d’Athènes.  T.  I,  c.  VII. 


ESCALIER  DES  PROPYLÉES. 


37 


ces  Propylées^  qui  devaient  partager  avec  le  Parthénon  l’honneur  d’être 
regardés  dès  lors  2  et  à  jamais  comme  le  plus  haut  type  de  la  perfection 
architecturale.  Ils  purent  être  livrés  au  public,  bien  que  non  entièrement 
achevés,  en  cinq  années  sous  l’archontat  de  Pythodore,  et  ne  coûtèrent 
pas  moins  de  20P2  talents  (10,86/i,800  francs) ,  somme  prodigieuse  pour 
l’époque 

Composés  d’un  corps  central  E  et  de  deux  ailes-  en  saillie  G  et  H,  les 
Propylées  s’élèvent  à  l’entrée  de  l’esplanade  de  l’Acropole,  à  une  hauteur 
de  i3™,25  au-dessus  du  seuil  de  la  porte  primitive  et  de  lû'",90  du 
niveau  du  seuil  abaissé  de  la  porte  de  Valérien,  à  laciuelle  ils  font  face  et 
dont  ils  sont  séparés,  comme  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  le  dire,  par 
une  distance  de  36  mètres  prise  horizontalement,  et  de  39  mètres  en  sui¬ 
vant  la  déclivité  du  sol. 

Escalier  des  Propylées.  Pour  gravir  cette  pente,  dont  l’inclinaison 
n’est  pas  moindre  de  2à  degrés  (0“,û0  par  mètre),  il  est  évident  qu  un 
escalier  fut  toujours  indispensable,  et  que  jamais,  en  aucun  temps, 
pente  ou  escalier  ne  purent  être  gravis  par  des  cavaliers,  ni  par  des 
chars,  encore  moins  par  des  chariots  chargés  des  immenses  blocs  de 
marbre  destinés  aux  constructions  monumentales  de  l’Acropole.  Pourtant, 
il  n’a  pas  manqué  d’archéologues  qui  aient  soutenu  que  les  chars,  les 
cavaliers  de  la  procession  des  Panathénées,  la  barc{ue  même  qui,  mue  par 
des  moyens  invisibles,  partait  du  stade  panathénaïc{ue  portant  à  son  mât 
le  peplos  sacré,  montaient  jusqu’au  sommet  de  l’Acropole.  Le  principal 
argument  mis  en  avant  par  les  partisans  de  cette  opinion,  c  est  que  ces 
chars  et  ces  cavaliers  se  retrouvent  dans  la  frise  qui,  entourant  le  Par- 


1.  npo7t0),aia,  avant^ortes  ou  portes  en  avant. 

2.  «  Épaminondas,  sans  craindre  d’offenser  la  majesté  d’Athènes,  ne  criait-il  pas  à  la  populace  de 

Thèbes  qu’il  fallait  transporter  les  propylées  de  notre  Acropole  dans  le  vestibule  de  la  Cadmée 
(citadelle  de  Thèbes)?  »  Eschine.  Procès  de  l  ambassade. 

3.  «  Voilà  pourquoi  les  ouurages  que  fist  alors  Périclès  sont  plus  esmerueillables ,  attendu  quils 
ont  esté  parfaicts  en  si  peu  de  temps  et  ont  duré  si  longuement;  pource  que  chacu  d  iceux,  dès  lors 
qu’il  fust  parfaict,  sentoit  desia  son  antique  quant  à  la  beauté ,  et  neatmoins  quant  à  la  grâce  et 
vigueur,  il  semble  jusques  auiourdhui  qu’il  vienne  tout  freschement  destre  faict  et  parfaict.  » 

Pletarqüe.  Périclès. 

4.  «  Les  Propylées,  cette  magnifique  entrée  de  l’Acropole,  ressemble  à  une  grande  ouverture  musi¬ 

cale.  Ils  forment  une  œuvre  d’art  entièrement  indépendante,  complète,  intelligible  en  elle-même  et 
ayant  sa  signification  propre;  cepiendant  ils  sont  destinés  en  même  temps  à  préparer  le  spectateur 
à  quelque  œuvre  plus  haute  et  pllus  saisissante  dont  ils  nous  font  déjà  pressentir  le  but  et  les  prin¬ 
cipaux  traits.  »  Hermann  Hettner.  Athen  und  der  Pelopones. 


38 


ATHÈNES. 


thénon,  représente  la  procession  des  Panathénées,  telle  quen  réalité  elle 
se  développait  autour  du  temple.  M.  Beulé  a  combattu  ces  assertions  par 
des  raisonnements  qui  nous  paraissent  sans  réplique.  «  Je  n’ai  pas  besoin 
de  dire  cependant  que  ce  n’était  pas  vers  le  Parthénon,  mais  vers 
l’Érechthéion  que  se  dirigeait  le  cortège  ;  que  le  péplum  n’était  point 
destiné  à  Minerve  Parthénos,  mais  à  Minerve  Poliade  ;  qu’on  voit  sur  la 
frise  de  Phidias  des  dieux,  des  déesses,  des  êtres  allégoriques  qui  ne 
figuraient  évidemment  point  dans  la  procession  ;  qu’on  y  remarque  des 
scènes  qui  ne  pouvaient  se  passer  à  l’Acropole  :  ce  n’est  point  à  l’Acropole, 
par  exemple,  que  les  jeunes  Athéniens  équipaient  leurs  chevaux,  gour- 
mandaient  leurs  esclaves,  nouaient  leurs  sandales  ou  passaient  leurs 
tuniques^.  » 

Ceci  posé,  reste  une  dernière  objection.  Comment  ont  pu  être  trans¬ 
portés  au  sommet  de  l’Acropole  les  matériaux  des  Propylées,  du  Parthé¬ 
non  ou  de  l’Érechthéion?  Peut-on  douter  un  instant  que  les  architectes 
qui  ont  su  mettre  en  place  des  blocs  gigantesques,  tels  que  ceux  que 
nous  trouverons  servant  d’architrave  aux  Propylées  eux-mêmes,  eussent 
été  assez  habiles  en  mécanique  pour  établir  des  apparaux  capables  d’éle¬ 
ver  ces  matériaux  par  l’un  des  côtés  à  pic  du  rocher  de  l’Acropole?  Ce 
procédé  n’était-il  pas  le  plus  simple,  le  plus  praticable?  D’ailleurs,  en 
supposant  que,  par  impossible,  des  attelages  innombrables  de  bœufs 
ou  de  chevaux  eussent  pu  à  la  rigueur  hisser  à  grand’peine,  par  la  pente 
occidentale  de  l’Acropole,  les  immenses  blocs  destinés  aux  parties  supé¬ 
rieures  des  Propylées,  de  l’Érechthéion  et  des  autres  édifices  de  la  cita¬ 
delle,  à  quelles  dégradations,^^  à  quels  dangers  n’eussent  pas  été  exposés, 
lors  de  leur  passage,  les  soubassements,  les  stylobates,  les  bases  des 
merveilleux  portiques  des  Propylées? 

Il  dut  donc  exister  de  tout  temps  un  escalier  monumental  conduisant 
de  la  porte  fortifiée  aux  Propylées  et  placé  dans  leur  axe.  Si  l’on  est 
aujourd’hui  d’accord  pour  reconnaître  que  celui  dont  M.  Beulé  a  décou¬ 
vert  les  restes  ne  peut  remonter  au  delà  de  l’époque  romaine,  il  ne 
nous  semble  pas  moins  évident  c|u’il  en  a  remplacé  un  plus  ancien,  con¬ 
temporain  sans  doute  des  Propylées  et  ayant  fait  partie  du  plan  de 
Mnésiclès,  ainsi  que  d’ailleurs  l’indiquent  surabondamment  les  restes  des 


1.  Beulk.  Acropole  d'Athènes.  T.  I,  c.  V,  p.  140. 


ESCALIER  DES  PROPYLÉES. 


39 


murailles  à  assises  inclinées  3  ^,  qui  encadraient  cet  escalier  à  droite  et 
à  gauche,  et  montaient  avec  lui  de  la  porte  aux  Propylées. 

((  Les  traces  de  l’escalier,  dit  M.  Beulé,  sont  écrites  bien  clairement 
sur  les  substructions  qui  supportent  les  deux  ailes  des  Propylées.  Ces 
substructions  sont  partie  en  pierre,  partie  en  marbre  :  en  pierre  tout 
ce  qui  était  caché  par  l’escalier,  en  marbre  tout  ce  c|ui  paraissait.  La 
ligne  de  séparation  de  matériaux  si  différents  forme  «elle -même  des 
degrés  qui  accompagnent  le  mouvement  de  l’escalier  2.  » 

Une  autre  remarque  bien  importante  n’a  point  échappé  à  la  sagacité 
du  savant  monographe  de  l’Acropole.  On  sait  que  dans  les  monuments 
grecs,  et  en  parlant  du  Parthénon  nous  aurons  occasion  de  revenir  sur 
cette  particularité  singulière,  les  lignes  horizontales  décrivent  toujours 
une  certaine  courbe.  Or,  aux  Propylées,  cette  courbe  ne  se  retrouve 
que  dans  l’entablement,  tandis  que  le  soubassement  reste  parfaitement 
horizontal.  Cette  exception  unique  ne  put  être  motivée  que  par  la  néces¬ 
sité  de  raccorder  ce  soubassement  avec  l’escalier  cjui  ne  pouvait  être 
convexe. 

Les  fouilles  ont  mis  à  découvert,  dans  l’axe  même  de  la  partie  infé¬ 
rieure  de  l’escalier,  un  pan  de  muraille  pélasgique  ff,  de  petit  appareil 
à  polygones  irréguliers,  cjui  doit  avoir  fait  partie  de  l’enceinte  primitive 
de  l’Acropole.  Lorsque  Mnésiclès  traça  son  escalier,  il  dégrada  le  som¬ 
met  de  ce  mur,  et,  lui  donnant  l’inclinaison  nécessaire ,  il  en  fit  un  des 
supports  de  sa  nouvelle  construction. 

Voici  donc  la  disposition  de  l’escalier,  telle  qu’elle  nous  a  été  révélée 
par  les  fouilles.  Dans  le  principe,  après  avoir  franchi  la  porte  I,  on 
trouvait  un  premier  palier  5,  large  de  2'",  75,  de  plain-pied  avec  le 
seuil;  mais  lorsque  sousYalérien  celui-ci  eut  été  abaissé  de  i“,65,  force 
fut  de  pratiquer  dans  cet  étroit  palier  le  petit  escalier  de  sept  marches  6, 
qui  existe  encore  aujourd’hui,  et  dont  la  ligne  précipitée  forme  un  angle 
obtus  avec  celle  de  l’escalier  primitif.  Sa  marche  inférieure  approchait 
même  tellement  du  seuil,  qu’elle  a  dù  être  entaillée  pour  que  les  deux 
battants  de  la  grille  pussent  s’ouvrir. 


1.  L’inclinaison  de  ces  assises  est  un  peu  moindre  que  celle  de  l’escalier  lui -même;  elles  sont 
surtout  visibles  au  bas  de  l’escalier.  Devant  elles  est  déposé  le  bas-relief  de  la  danse  pyrrhique  dont 
nous  avons  parlé. 

2.  Beulé.  Acropole  d’ Athènes.  T.  I,  c.  V,  p.  135. 


40 


ATHÈNES. 


Si  l’abaissement  du  seuil  de  la  porte  avait  encore  besoin  d’être  prouvé, 
il  suffirait  de  remarquer  que  le  spectateur,  debout  sur  ce  seuil,  ne  peut 
embrasser  d’un  coup  d’œil  ni  l’escalier  antique  ni  les  Propylées,  tandis 
que  lorsqu’il  s’élève  à  la  hauteur  du  palier  primitif,  hauteur  calculée 
par  Mnésiclès,  les  Propylées  se  développent  devant  lui  dans  toute  leur 
splendeur,  dans  toute  leur  majesté. 

Au  premier  palier  succèdent  26  degrés^,  occupant  toute  la  largeur 
et  dont  les  trois  premiers  sont  encore  presque  entiers.  De  quelques 
autres,  il  ne  reste  que  de  faibles  parties;  la  plupart  enfin  ont  complè¬ 
tement  disparu.  La  hauteur  des  marches  est  de  O'^iO  à  0'",21;  leur 
profondeur  varie  de  O'^hO  à  Le  côté  droit  de  cette  rampe  est 

le  mieux  conservé ,  parce  qu’il  reposait  sur  le  rocher  même.  Vers  le 
nord  au  contraire ,  où  le  rocher  ne  se  trouvait  qu’à  une  assez  grande 
piofondeur,  les  marches  avaient  été  plus  facilement  dérangées  et  par 
suite  enlevees,  et  le  sol  avait  ete  converti  en  un  cimetière  où  les  fouillns 
de  M.  Beulé  ont  mis  à  découvert  d’innombrables  ossements. 

La  piemiere  rampe  conduisait  a  un  second  palier  8,  primitivement 
large  de  3'",  20,  mais  qui  ne  subsiste  plus  que  sur  une  largeur  de  2‘",4i, 
soutenu  dans  sa  partie  centrale  par  une  construction  en  bricjue,  due  à 
M.  Beulé  2.  Son  extrémité  droite  répondait  à  cette  entrée  méridionale  A 
dont  1  existence  depuis  les  temps  les  plus  reculés  est  signalée  sur  le 
rocher  par  les  traces  de  pas  de  bœufs.  L’extrémité  gauche  du  palier 
aboutissait  à  l’escalier  de  Pan  J,  autre  entrée  située  au  nord  et  taillée 
dans  le  roc,  sur  laquelle  nous  aurons  occasion  de  revenir. 

A  partir  du  palier  central,  l’escalier  des  Propylées  se  trouvait  partagé, 
au  milieu,  par  un  chemin  creux  9  qui,  revêtu  de  dalles  striées,  offrait 
une  voie  accessible  aux  victimes  et  correspondait  au  grand  passage  E 
et  à  la  porte  principale  des  Propylées  K,  dont  il  avait  la  largeur  (3'",  65) . 

L  escalier  de  droite  10,  longeant  le  soubassement  du  temple  de  la  Vic¬ 
toire  xlptère  et  dont  il  ne  restait  en  place  que  cinq  fragments ,  avait  été 
lefait  assez  imparfaitement  avant  les  decouvertes  de  M.  Beulé,  aux  frais 
de  la  Société  archéologique  d  Athènes,  sur  une  largeur  de  3  mètres,  avec 

1.  Pour  économiser  une  partie  du  marbre,  les  degrés  avaient  été  formés  de  blocs  taillés  en  biseau. 
Cette  circonstance,  jointe  à  l’exécution  moins  soignée  des  scellements  et  dé  l’appareil,  est  une 
preuve  que  1  escalier  n’est  point  celui  de  Mnésiclès  et  l’a  seulement  remplacé  à  l’époque  romaine. 

2.  Pr,.  II. 


PROPYLÉES. 


4t 


des  matériaux  antiques,  d’après  les  indications  qu’avait  laissées  M.  Des¬ 
buisson,  architecte  pensionnaire  de  l’École  de  Rome,  indications  que  les 
ouvriers  grecs,  malgré  l’active  et  intelligente  surveillance  de  M.  Pittakis, 
ont  été  incapables  de  suivre  exactement.  Cet  escalier  était  interrompu 
par  une  sorte  de  perron  11,  qui  conduisait  au  temple  de  la  Victoire 
Aptère.  Ce  perron ,  en  partie  détruit  et  devenu  impraticable ,  n’a  pas 
été  rétabli. 

L’économie  de  l’escalier  des  Propylées  étant  connue,  M.Beulé  explique, 
de  la  manière  la  plus  satisfaisante,  la  destination  de  ses  diverses  parties 
lors  de  la  procession  des  Panathénées. 

«  Je  me  figure,  dit-il,  la  pompe  sacrée  se  divisant  en  trois  troupes, 
et  suivant  trois  chemins  différents.  Les  prêtres ,  les  magistrats ,  les 
vieillards,  les  jeunes  vierges,  se  dirigent  vers  la  grande  entrée.  Ils 
dépassent  les  tours  de  la  façade  qui  sont  comme  le  vestibule  de  l’Acro¬ 
pole,  et  montent  lentement  le  magnifique  escalier  de  marbre.  Pendant 
ce  temps,  les  sacrificateurs  et  les  bœufs  qu’ils  conduisent,  les  métœques 
chaj^'gés  de  leurs  fardeaux,  arrivent  à  la  porte  latérale  du  sud  et  se 
présentent  au-dessous  du  temple  de  la  Victoire.  Enfin,  la  jeunesse  athé¬ 
nienne,  qui  a  cjuitté  ses  chars  et  ses  chevaux  près  de  l’Aréopage  avec 
le  vaisseau  sacré,  gravit  l’escalier  de  Pan,  qui  touche  presque  à  l’Aréo¬ 
page,  et  débouche  par  la  porte  latérale  du  nord,  au-dessous  de  la  Pina¬ 
cothèque.  Les  trois  troupes  se  rencontrent  sur  le  vaste  palier  qui  forme 
le  centre  de  l’escalier;  elles  se  réunissent  et  reprennent  l’ordre  accou¬ 
tumé  pour  franchir  les  derniers  degrés  et  pénétrer  dans  la  ville  sainte^.  » 

Propylées.  Arrivons  enfin  aux  Propylées,  prœclara  ilia  Propylœa^. 
Après  un  troisième  palier  12,  large  seulement  de  0"’,60,  nous  voyons 
s  élever  leurs  colonnes  sur  quatre  degrés  de  marbre  qui,  au  portique 
central  L,  ont  0‘",40  de  profondeur  sur  0'",  30  de  hauteur,  et  aux  ailes 
seulement  0'",35  de  profondeur.  A  celles-ci,  le  degré  inférieur  est  en 
marbre  noir  d’Éleusis^.  Ces  degrés  présentent  tous,  dans  leur  angle 

L  Belle,  Acropole  d'Athènes.  T.  I,  c.  V,  p.  152. 

2.  Cicéron.  De  offi,ciis.  II,  15. 

3.  Le  soubassement  des  Propylées  menaçait  ruine;  M.  Wyse,  ministre  d’Angleterre  en  Grèce, 
proposa  de  le  faire  réparer  aux  frais  de  son  pays,  si  l’on  voulait  permettre  que  cette  restauration  fût 
signée  du  nom  de  l’Angleterre.  Les  Grecs  refusèrent,  et  le  mal  continua  de  s’aggraver.  Enfin,  en  1857, 
le  gouvernement  hellénique  a  fait  exécuter  des  travaux  de  consolidation  devenus  indispensables. 


42 


ATHÈNES. 


rentrant,  un  petit  canal  carré  pour  l’écoulement  des  eaux,  de  sorte 
qu’ils  offrent  ce  profil  : 


Coupe  des  degrés. 


Chaque  entre-colonnement ,  aussi  bien  que  chaque  base  du  stylobate,  est 
formé  d’une  seule  pierre  de  i’",69  de  largeur,  mais  dont  la  longueur 
est  pour  les  entre-colonnements  de  i‘",  56,  et  pour  les  bases  de 
Chaque  colonne  est  inscrite  dans  un  carré  indiqué  par  une  saillie  ou 
bandeau,  de  0''%06  de  hauteur  et  0'",9  de  largeur.  Sur  la  face  anté- 


Plan  d’une  colonne. 


rieure,  ce  bandeau  présente  une  échancrure  pour  l’écoulement  des  eaux 
qui ,  sans  cette  précaution ,  eussent  séjourné,  comme  dans  un  bassin ,  au 
pied  du  fût  de  la  colonne. 

Les  colonnes  sont  cannelées  à  vive  arête  dans  toute  leur  hauteur, 
et  les  cannelures  sont  au  nombre  de  20.  Pour  les  faire  paraître  plus 
saillantes  par  le  jeu  des  ombres,  on  ne  les  a  point  tracées  en  segment 
de  cercle ,  ce  qui  eût  permis  à  la  lumière  de  pénétrer  également  dans 
toutes  les  parties  de  la  concavité,  mais  on  les  a  laissées  presque  plates 
dans  le  fond,  afin  que  leurs  extrémités,  en  se  relevant  brusquement, 
projetassent  une  ombre  plus  tranchée. 

La  largeur  totale  du  portique,  prise  au  degré  supérieur  formant  sty¬ 
lobate,  est  de  23'",  81,  et  au  degré  inférieur  de  21'", Û9.  Cette  dernière 
étendue  est  partagée  en  deux  parties  par  le  passage  central  K  E,  réservé 
aux  victimes.  Celui-ci  est  large  de  3'",  65,  ce  qui  laisse  par  conséquent, 


PROPYLÉES. 


43 


pour  la  largeur  de  chaque  portion  du  portique  et  de  l’escalier  qui  y 
conduit,  8'”,  92. 

Les  Turcs,  après  avoir  couvert  le  corps  principal  des  Propylées  mem 
d’une  pesante  coupole,  en  avaient  fait  un  arsenal  et  un  magasin  de 
poudre  L  Spon  et  Wheler  racontent  qu’en  1656,  vingt  ans  avant  leur 
arrivée  à  Athènes,  un  aga  nommé  Isouf  (lousouf?)  se  préparait  à  célé¬ 
brer  une  des  grandes  fêtes  de  sa  religion,  en  détruisant  à  coups  de  canon, 
du  haut  de  la  citadelle,  l’église  de  Saint-Dimitri ,  située  dans  la  plaine, 
au  pied  de  la  colline  de  Musée.  Dans  la  nuit  qui  précéda  le  jour  fixé 
pour  ce  sacrilège ,  la  foudre  tomba  sur  le  magasin  de  poudre  des  Pro¬ 
pylées  ,  et  l’aga  périt  avec  toute  sa  famille  à  l’exception  d’une  jeune 
fille  ;  le  plafond  des  Propylées  et  deux  colonnes  furent  renversés  ;  les 
autres  colonnes  et  les  murailles  furent  ébranlées ,  et  les  blocs  qui  les 


composaient  dérangés  de  leur  place.  Cependant,  le  fronton  de  la  façade 
occidentale  soutenu  par  six  colonnes  doriques  existait  encore  2,  et  n’a 
disparu  que  plus  tard,  ainsi  que  quatre  chapiteaux  et  la  partie  supérieure 

1.  Le  sol  du  vestibule  était  tellement  exhaussé  par  les  débris  ,  que  les  petites  portes  du  mur  de 
fond  étaient  bouchées  jusqu’à  leurs  linteaux. 

2.  Il  fut  vu  en  place  par  Spon  et  Wheler,  suivant  lesquels  cette  partie  des  Propylées,  que  de  leur 
temps  on  appelait  l'arsenal  de  Lycurgue,  fut  un  temple.  Aujoui'd’hui ,  des  morceaux  du  fronton 
gisent  à  terre,  et  M.  Beulé  en  a  retrouvé  un  angle.  Les  frontons  des  Propylées  ne  paraissent  pas 
avoir  été  ornés  de  sculptures,  car  aucun  auteur  antique  n’en  a  fait  mention. 


Les  Propylées  en  1750,  d’après  Stuai't  et  Revett. 


ATHÈNES. 


des  colonnes,  par  la  double  action  du  temps  et  des  hommes^.  Les  cha¬ 
piteaux  étaient  encore  tous  les  six  en  place,  mais  les  deux  colonnes  à 
gauche  portaient. seules  un  morceau  d’architrave,  à  l’époque  où  Revett 
dessina  les  Propylées  2.  Les  entre-colonnements  étaient  alors  fermés  par 
un  mur  percé  de  meurtrières,  qui  n’a  été  démoli  que  dans  les  premières 
années  du  royaume  hellénique,  par  M.  Ludwig  Ross,  alors  conservateur 
des  antiquités. 

Le  portique  LL,  par  une  disposition  tout  exceptionnelle,  laisse  au 
milieu  un  entre-colonnement  K  beaucoup  plus  large  que  les  autres, 
comprenant  dans  sa  frise  deux  triglyphes  et  trois  métopes ,  au  lieu  d’un 
'  triglyphe  et  deux  métopes.  Des  six  colonnes,  les  deux  des  extrémités 
ont  seules  conservé  leurs  chapiteaux,  et  encore  sont-ils  dans  le  plus  triste 
état  de  dégradation.  On  peut  cependant  voir  encore  que  ces  chapiteaux 
ne  le  cédaient  en  rien,  pour  la  beauté,  l’élégance,  la  fermeté,  la  perfec¬ 
tion  des  profils,  à  ceux  du  Parthénon. 


Le  diamètre  des  colonnes  à  leur  base  est  de  i'”,  5/i3  et  au  sommet 
de  P", 205.  La  hauteur  du  fût  est  de  8‘^078  et  celle  du  chapiteau  de 
ü'",722,  ce  qui  donne  un  total  de  8*",  80.  La  colonne  a  donc  de  hau¬ 
teur  5  diamètres  3//i.  La  largeur  de  l’entre-colonnement  est  de  2'",  10, 
c’est-à-dire  d’environ  1  diamètre  1/3;  celle  de  l’entre-colonnement 
central  atteint  3"\  51  ou  environ  2  diamètres  1/3. 

Derrière  le  portique  s’étend,  entre  deux  murailles  parallèles,  le  grand 
vestibule  M  E  M  que  soutenaient  six  colonnes  ioniques  ^  ;  toutes  malheu- 


n  Un  des  chapiteaux  est  au  British  Muséum,  Elgin  saloon,  n”  130,  ainsi  qu’une  partie  de  l’enta¬ 
blement  dorique,  n“  131. 

2.  Voy.  la  vignette,  p.  43. 

3.  «  Les  colonnes  qui  soutionnent  le  temple  (les  propylées)  par  dedans,  dit  Spon,  sont  ioniques, 
parce  qu’étant  plus  hautes  de  toute  l’épaisseur  de  l’architrave,  pour  en  soutenir  le  lambris,  la 
proportion  de  l’ordre  ionique,  qui  fait  la  colonne  plus  haute  que  le  dorique,  lui  convenait  mieux.  » 


PROPYLÉES. 


45 


reusement  ont  perdu  leurs  chapiteaux,  et  plusieurs  ciuelques-unes  de 
leurs  assises  supérieures;  la  dernière  à  gauche  n’en  conserve  même  que 
deux ,  y  compris  celle  qui  forme  la  base.  De  ce  coté ,  les  tambours  des 
trois  colonnes  ont  été  déplacés  par  la  violence  de  l’explosion ,  et  ce 
dérangement  permet  d’apprécier  la  perfection  de  leur  poli  intérieur, 
aussi  bien  que  divers  morceaux  épars  sur  le  sol.  Les  cannelures,,  au 
nombre  de  24 ,  ne  sont  point  à  vive  arête ,  mais  séparées  par  des 
baguettes,  selon  la  règle  de  l’ordre  ionique.  Le  diamètre  de  ces  colonnes 
est  de  0'",97. 

L’entre-colonnement  a  2™,  63,  environ  2  diamètres  2/3.  Des  fragments 
assez  importants  des  chapiteaux  ont  été  retrouvés  et  ont  permis  aux 
architectes  d’en  donner  des  restaurations  exactes  Ces  chapiteaux  sont 
d’un  style  beaucoup  plus  simple  et  plus  sévère  que  ceux  que  nous  trou¬ 
verons  à  l’Érechthéion.  On  y  reconnaît  encore  des  traces  très-visibles 
de  peintures,  qui,  circonscrites  à  la  pointe,  remplaçaient  une  partie  des 
ornements  qui  à  l’Érechthéion  étaient  sculptés,  bien  qu’également  colo¬ 
riés.  Dans  le  siècle  qui  précéda  celui  de  Périclès,  les  ornements  d’archi¬ 
tecture  ne  sont  parfois  composés  que  de  traits  profondément  creusés 
et  remplis  de  rouge,  ainsi  qu’on  le  fait  pour  les  inscriptions  antiques, 
l’espace  qu’ils  circonscrivent  restant  incolore.  On  trouve  des  exemples 
de  ce  genre  de  décoration  dans  le  petit  musée  de  l’Acropole;  ce  sont 
des  fragments  découverts  dans  des  fouilles  faites  autour  de  l’Acropole 
en  1836;  on  ignore  à  quel  monument  ils  ont  pu  appartenir. 

Sous  le  vestibule  des  Propylées ,  sont  déposés  de  nombreux  fragments 
d’architecture,  de  sculpture  et  d’inscriptions.  On  y  remarque  une  des 
poutres  de  marbre  du  soffite  des  Propylées ,  qui  n’a  pas  moins  de  6'",  40 
de  longueur  2.  Dans  les  dalles  que  supportaient  ces  énormes  poutres, 
étaient  creusés  les  caissons,  ç^irvcoyaTa,  lacunaria,  à  double  rang,  dont 
le  fond  était  occupé  uniformément  par  des  étoiles. 

Nous  avons  dit  que  le  portique  principal  était  flanqué  de  deux  ailes 


\ .  Revett,  n’ayant  pas  vu  ces  restes  de  chapiteaux  ioniques,  a  proposé  la  plus  malheureuse  des 
restaurations,  des  colonnes  sans  chapiteaux,  portées  par  des  piédestaux. 

Voy.  Stuart  et  Revett.  T,  II,  pl.  43. 

2.  «  Les  Propylées,  dit  Pausanias,  ont  leur  faîte  en  marbre  blanc,  et  c’est  l’ouvrage  le  plus  admi¬ 
rable  qu’on  ait  fait  jusqu’à  présent,  tant  pour  le  volume  des  pierres  que  pour  la  beauté  de  l’exécu¬ 
tion-  »  AU.  C.  XXII. 


46 


ATHÈNES. 

en  saillie  G  et  H  qui,  par  une  de  ces  heureuses  hardiesses  que  présentent 
si  souvent  les  Propylées,  offraient  un  petit  ordre  dorique  à  côté  même 
du  grand  ordre  central,  auquel  Mnésiclès  avait  voulu  conserver  toute 
son  importance.  Les  ailes  étaient  en  apparence  symétriques,  bien  qu’elles 
fussent  en  réalité  de  profondeur  fort  inégale.  Chacune  d’elles  était  ornée 
de  trois  colonnes. 

Pinacothèque.  L’aile  gauche  est  restée  la  partie  la  plus  intacte 
des  Propylées,  ayant  conservé  son  architrave  et  sa  frise,  et  par  consé¬ 
quent  ses  colonnes  et  leurs  chapiteaux.  La  frise  avec  ses  triglyphes 
se  prolonge  sur  les  murs  qui  forment  les  trois  autres  côtés  de  l’édifice, 
murs  qui,  bien  que  criblés  de  boulets  et  de  balles,  ont  conservé  en  place 


toutes  leurs  assises.  A  cette  aile,  comme  au  portique  central,  les  entre- 
colonnements  étaient  murés  à  l’époque  du  voyage  de  Stuart  et  Revett  2. 


1.  Chandlcr,  ainsi  que  Stuart  et,  d’après  lui,  Legrand,  l’ont  prise  pour  le  temple  de  la  Victoire 
Aptère.  «  Le  premier  objet,  dit-il,  qui  se  présente  au-dessous  de  Vaile  droite  des  Propylées  ou 
temple  de  la  Victoire,  est  une  grotte  consacrée  autrefois  à  Apollon  et  à  Pan,  etc.  » 

Cbandler  redescendait  alors  de  l’Acropole,  et  par  conséquent  les  monuments  s’offraient  à  lui  en 
sens  inverse;  c’est  pour  cela  qu’il  nomme  aile  droite  la  partie  des  Propylées  que  nous  appelons  aile 
gauche.  Nous  verrons  que  c’est  en  effet  au-dessous  de  celle-ci  que  se  trouve  la  grotte  de  Pan. 

‘2;  Voy.  la  vignette,  p.  43. 


PINACOTHÈQUE.  47 

Ici,  les  colonnes  sont  inscrites  dans  un  rond  en  creux,  et  non  dans  un 
carré,  comme  au  portique  central,  et  on  n’avait  pas  eu  la  précaution 
d’y  ménager  le  petit  déversoir  pour  l’écoulement  des  eaux.  Le  diamètre 
des  colonnes  est  à  la  base  de  l''’,025,  et  au  sommet  de  0'",  784.  La 
hauteur  du  fût  est  de  5'",  366,  celle  du  chapiteau  est  de  0'",  41; 
total  5‘",  776,  environ  5  diamètres  2/3. 

L’entre-colonnement  est  de  l‘ri45  ou  1  diamètre  5/6  environ.  Entre 
les  colonnes  sont  les  traces  de  scellement  d’une  grille,  qui  probablement 
n’était  qu’un  simple  garde-fou.  Ce  portique  n’a  en  dedans  des  colonnes 
que  4  mètres  de  profondeur  sur  10'",  75  de  largeur.  Le  mur  du  fond  est 
percé  d’une  grande  porte  13  et  de  deux  baies  ou  fenêtres  14.  La  porte  est 
large  de  2'",  35  et  haute  de  4'", 60.  Son  seuil  de  marbre  noir  d’Éleusis 
est  élevé  de  0'",  31.  A  2'", 33  au-dessus  du  pavé  du  portique,  règne  un 
bandeau  de  ce  même  marbre,  large  de  0'",  13,  et  s'ervant  d’appui  aux 
deux  fenêtres  hautes  de  2'",  40  et  larges  seulement  de  0'",  85,  accom¬ 
pagnées  chacune  de  deux  pilastres  doriques  ;  les  impostes  portent  encore 
des  traces  d’oves  peintes,  dont  les  contours  avaient  été  d’abord  dessinés 
à  la  pointe.  Ces  fenêtres,  aussi  bien  que  la  porte,  ouvrent  sur  une  grande 
salle  N,  de  10'",  75  de  largeur  sur  8"‘,92  de  profondeur.  On  donne  à 
cette  pièce  le  nom  de  Pinacothèque,  et  tout  nous  paraît  justifier  cette 
dénomination*.  Pausanias  dit,  en  effet,  qu’en  regard  du  temple  de  la 
Victoire  Aptère,  et  par  conséquent  à  la  gauche  des  Propylées,  se  trouve 
un  petit  édifice  orné  de  peintures.  Depuis  la  découverte  du  temple  de  la 
Victoire ,  aucun  doute  n’est  plus  possible  sur  ce  que  Pausanias  entend 
par  la  gauche  des  Propylées,  et  par  conséquent  nous  n’avons  pas  à  nous 
arrêter  à  discuter  l’opinion  de  Stuart,  qui  place  les  peintures  de  Poly- 
gnote  dans  une  salle  derrière  l’aile  droite,  salle  que  nous  prouverons 
n’avoir  jamais  pu  exister.  Revenons  donc  à  la  partie  gauche  des  Propy¬ 
lées.  Les  fouilles  faites  en  1845  et  1846,  en  avant  de  cet  édifice  et  à 
gauche  du  piédestal  d’Agrippa,  ont  prouvé  qu’en  ce  lieu  il  n’y  avait 
jamais  eu  aucune  construction.  Il  ne  reste  donc  plus  que  la  grande  salle 
de  l’aile  gauche  à  laquelle  puissent  s’appliquer  les  paroles  de  Pausanias. 
M.  Beulé  suppose  que  sa  destination  primitive  ne  fut  peut-être  pas  de 
servir  de  galerie  de  tableaux,  et  il  en  donne  pour  raison  que  les  deux 


1.  Leroy  {Monuments  de  la  Grèce)  avait  déjà,  en  1770,  reconnu  la  Pinacothèque. 


48 


ATHÈNES. 


fenêtres  hautes  et  étroites  dont  nous  avons  parlé  n’eussent  pu  suffire 
pour  éclairer  les  peintures ,  et  en  même  temps  eussent  nui  à  leur  effet, 
si,  comme  il  est  probable,  la  salle  eût  été  éclairée  par  le  haut.  Quel 
eût  alors  été  l’emploi  de  cette  salle  dans  la  pensée  de  Mnésiclès?  Disons 
avec  M.  Beulé  lui-même  :  «  Hypothèse  pour  hypothèse,  ne  vaut-il  pas 
mieux  se  figurer  dans  ces  beaux  murs  de  marbre,  avec  ces  élégants 
pilastres  et  cette  corniche  d’un  profil  si  pur,  une  galerie  de  tableaux 
qu’un  corps  de  garde  ou  un  dépôt  d’armes  ?  » 

Dans  la  supposition  de  M.  Beulé,  qui  rapprocherait  de  nous  l’époque 
de  la  décoration  de  la  salle  des  Propylées,  nous  trouverions  une  preuve 
de  plus  à  l’appui  de  notre  opinion  dans  une  autre  controverse  qu’a  sou¬ 
levée  le  passage  de  Pausanias.  Les  peintures  de  la  Pinacothèque  étaient- 
elles  des  tableaux  portatifs  ou  des  peintures  murales  ?  Suivant  notre 
voyageur,  plusieurs  étaient  dues  au  pinceau  de  Polygnote.  Or,  cet 
artiste,  le  Giotto  de  l’école  grecque^,  qui  avait  peint  le  Pœcile  d’Athènes 
en  l’an  Û78  avant  Jésus-Christ,  devait  avoir  au  moins  quatre-vingts  ans 
lorsque  en  /iSO,  ou  plus  tôt,  il  eût  pu  commencer  la  décoration  des  Pro¬ 
pylées;  à  plus  forte  raison  n’eût-il  pu  y  travailler,  si  la  salle  n’eût  été 
destinée  que  plus  tard  à  recevoir  des  peintures.  De  plus,  à  l’époque  de 
la  construction  de  la  Pinacothèque,  il  y  avait  vingt-cinq  ans  au  moins 
que  Polygnote  avait  quitté  Athènes  pour  ce  voyage  triomphal  à  travers 
la  Grèce,  pendant  lequel  il  sema  tant  de  chefs-d’œuvre  sur  son  passage, 
et  qu’il  termina  par  la  décoration  de  la  Leschè  de  Delphes.  Nous  croyons 
donc,  avec  MM'.  Raoul  Rochette  et  Beulé,  que  les  peintures  que  vit  Pau¬ 
sanias  étaient  de  véritables  tableaux  sur  bois,  sur  marbre,  ou  sur  toute 
autre  matière,  qui  avaient  été  rassemblés  dans  cette  espèce  de  musée. 

Harpocration^  nous  apprend  que  Polémon  le  Périégète  avait  écrit  un 
ouvrage  sur  les  peintures  des  Propylées^,  et  le  titre  de  cet  ouvrage, 

1.  «  Les  premiers  peintres  célèbres,  dont  les  ouvrages  ne  se  recommandent  pas  seulement  par  leur 

antiquité,  sont,  dit-on,  Polygnote  et  Aglaophon.  Quoiqu’ils  n’employassent  qu’une  seule  couleur*,  leur 
peinture  a  encore  aujourd’hui  des  amateurs  si  zélés  qu’ils  préfèrent  ces  ébauches  presque  grossières 
et  où  l’on  ne  peut  guère  qu’entrevoir  les  germes  de  l’art,  aux  productions  des  plus  grands  maîtres 
qui  les  ont  suivis,  mais  sans  autre  raison,  selon  moi,  que  la  prétention  de  passer  pour  habiles 
connaisseurs.  »  Quintiuen.  De  l’Inst.  or.  L.  -XII,  c.  10. 

2.  Lex.,  au  mot  Aà(j.7ta;. 

3.  Ospi  Twv  èv  lIpoîTuXaiot;  Tîtvâxwv. 

*  Cette  assertion  est  démentie  par  Pline  :  «  Polygnote  de  Thasos ,  dit-il ,  le  premier,  peignit  des  femmes  avec 
des  vêtements  brillants,  leur  mit  sur  la  tête  des  mitres  de  différenles  couleurs,  etc.»  IJist.  nul.  L.  XXXV,  c.  2.5, 


PINACOTHÈQUE. 


49 


malheureusement  perdu ,  portait  le  mot  Tvivaxs»;  ^  (tableaux,  peintures  sur 
bois)  et  non  celui  de  ypaç-/i  (peinture  en  général). 

Des  preuves  plus  concluantes  encore  naissent  de  l’examen  attentif  de  la 
salle  même  des  Propylées.  Sur  ses  murs,  il  est  impossible  de  trouver  la 
moindre  trace  de  peinture,  tandis  que  nous  en  avons  reconnu  aux  impostes 
des  fenêtres  où  elles  ont  réellement  existé,  aussi  bien  que  sur  les  divers 
membres  d’architecture  des  autres  édifices  de  l’Acropole.  La  muraille  est 
trop  polie  pour  avoir  retenu  un  stuc  dont  elle  aurait  été  revêtue,  pas  assez 
pour  avoir  reçu  directement  la  peinture.  Enfin,  M.  Desbuisson  a  fait 
remarquer  que  cette  muraille,  non  plus  que  bien  d’autres  parties  des  Pro¬ 
pylées,  n’avait  jamais  été  achevée.  Selon  l’usage  des  Grecs,  la  surface 
de  chaque  bloc  avait  été  laissée  en  saillie,  et  les  angles  en  étaient  abat¬ 
tus  de  manière  à  éviter  les  épaufrures  pendant  la  durée  de  la  construction  ; 
la  surface  entière  de  la  muraille  devait  être  ravalée  et  polie  tout  d’une 
pièce  après  son  achèvement.  C’est  ce  dernier  travail  qui,  pour  une  cause 
demeurée  inconnue,  n’a  jamais  été  exécuté,  et  aujourd’hui  la  surface  non 
abattue  de  chaque  bloc  est  encore  de  niveau  avec  certaines  moulures  qui 
devaient  rester  en  saillie. 

Les  adversaires  de  cette  opinion  ont  fait  remarquer  que  l’on  ne  trouve 
sur  la  muraille  aucune  trace  des  clous  qui  auraient  servi  à  suspendre  les 
tableaux.  Il  eût  été  difficile,  en  effet,  d’enfoncer  des  clous  dans  une  mu¬ 
raille  de  marbre,  mais  rien  au  contraire  n’était  plus  facile  que  d’établir 
en  avant  un  échafaudage  mobile,  ainsi  que  nous  l’avons  vu  faire  pendant 
tant  d’années  dans  la  grande  galerie  du  Louvre,  à  l’époque  des  exposi¬ 
tions  annuelles. 

Voici  maintenant  le  passage  de  Pausanias  qui  nous  a  fait  connaître  les 
peintures  déjà  fort  endommagées  qui,  de  son  temps,  étaient  exposées  dans 
la  Pinacothèque  :  «  A  gauche  des  Propylées  est  un  petit  édifice  orné  de 
peintures.  Parmi  celles  que  le  temps  n’a  pas  entièrement  effacées,  on 
remarque  Diomède  emportant  de  Troie  la  statue  de  Minerve,  et  Ukjsse  à 


1.  Ce  mot  répond  exactement  au  mot  tabula  des  Latins  qui  veut  dire  en  même  temps  pZanc/te  et 
tableau,  et  que  justement  Pline,  ici  beaucoup  trop  absolu,  oppose  à  la  peinture  murale,  lorsqu’il  dit 
qu’il  n’y  avait  de  gloire  que  pour  les  peintres  de  tableaux  :  nulla  gloria  nisi  eorum  qui  tabulas 
ÿinxerunt. 

M.  Beulé  croit  toutefois  que  le  mot  TcivaxEç  avait  pu  passer  dans  l’usage  pour  désigner  toute  peinture 
])ortative,  quelle  qu’en  fût  la  matière,  de  même  que  chez  nous  on  a  étendu  le  mot  tableau  qui,  dans 
l’origine,  voulait  aussi  dire  petite  table  dm  bois,  aux  peintures  sur  toile  ou  sur  cuivre. 

4 


oO 


AïliËNES. 


Lemnos  se  saississant  des  flèches  de  Philoctète.  On  y  voit  aussi  Oreste  et 
Pylade  tuant,  Fun,  Egisthe,  et  le  second,  les  fils  de  Nauplius  qui  étaient 
venus  au  secours  d’ Egisthe.  Une  autre  partie  de  ce  tableau  représente 
Polyxène  quon  va  sacrifier  sur  le  tombeau  d’Achille.  Homère  a  bien  fait 
de  passer  sous  silence  une  action  aussi  cruelle.  Il  me  semble  aussi  qu’il  a 
eu  raison  de  dire  qu’ Achille  prit  Scyros,  au  lieu  de  le  représenter  dans 
cette  île  confondu  avec  des  jeunes  filles,  comme  l’ont  fait  d’autres 
poètes,  ce  c{ue  Polygnote  a  représenté  dans  l’édifice  dont  nous  parlons  U 
Il  a  peint  également  Nausicaa  et  ses  compagnes  lavant  leurs  vêtements 
dans  le  fleuve  et  Ulysse  debout  auprès  d’elles,  le  tout  d’après  Homère.  On 
y  remarque  encore  d’autres  peintures,  savoir  :  Alcibiade,  avec  les 
emblèmes  de  la  victoire  qu’il  avait  remportée  aux  courses  de  Némée^; 
Persée  se  rendant  et  Séryphe  et  portant  à  Polydecte  la  tête  de  Méduse. 
Au-dessus  de  ces  peintures,  en  laissant  de  côté  l’Enfant  qui  porte  des 
urnes  et  le  Lutteur,  peint  par  Timœnète,  on  voit  le  portrait  de  Musée  » 
Cette  énumération  de  peintures  n’ayant  entre  elles  aucune  liaison,  aucun 
rapport,  cette  réunion  A’ académies,  de  portraits,  de  compositions  histori¬ 
ques,  n’indiquent-elles  pas  évidemment  un  musée  composé  de  tableaux 
rapportés  et  non  pas  une  salle  revêtue  de  peintures  murales  qui  nécessai- 


1.  Nous  retrouvons  ce  sujet,  Achille  découvert  par  Ulysse  au  milieu  des  filles  de  Lycomède,  dans 
une  des  principales  peintures  de  Pompéi.  Cette  composition,  qui  existait  dans  le  tablinum  de  la 
maison  du  Questeur  ou  de  Castor  et  Pollux ,  pourrait  bien  être  une  réminiscence  de  celle  de 
Polygnote.  La  même  donnée  a  inspiré  l’auteur  d’une  mosaïque  encore  en  place  à  Pompéi  dans  la 
maison  d'Apollon. 

2.  Alcibiade  avait  fait  faire  deux  peintures  à  l’occasion  de  cette  victoire;  le  nom  de  l’artiste  nous 
a  été  conservé  par  Athénée  : 

«  Lorsqu’il  revint  d’Olympie  à  Athènes,  il  consacra  deux  tableaux  dus  au  pinceau  d’Aglaopbon. 
Dans  l’un,  on  voyait  l’assemblée  des  jeux  olympiques  et  pythiques  couronner  Alcibiade;  dans  l’autre 
était  représentée  {la  nymphe)  Némée  tenant  sur  ses  genoux  Alcibiade  dont  la  figure  surpassait  en 
beauté  celle  des  plus  belles  femmes.  »  Satyrus,  cité  par  Athéxée.  Deipnos.  L.  XII. 

Il  y  a  dans  ce  passage  plusieurs  ei’reurs  manifestes;  ce  fut  à  Némée  qu’Alcibiade  remporta  la 
victoire,  ainsi  que  l’atteste  la  présence  de  la  nymphe  protectrice  de  ce  lieu.  En  outre,  comment 
eût-on  pu  représenter  à  la  fois  l’assemblée  des  jeux  olympiques  et  pythiques  qui  se  célébraient,  les 
premiers  à  Olympie,  les  seconds  à  Delphes. 

D’un  autre  côté,  Plutarque  n’est  pas  d’accord  avec  Satyrus  sur  le  nom  du  peintre,  et  Amyot,  son 
traducteur,  de  son  autorité  privée,  voit  dans  celui  de  Némée  tout  autre  chose  que  la  désignation  de 
la  divinité  protectrice  de  Némée  : 

«  Et  ayant  le  peintre  Aristophon  peint  une  courtisane  nommée  Nemea,  qui  tenait  entre  ses  bras 
Alcibiade  assis  en  son  giron,  tout  le  peuple  y  accouroit  et  prenoit  grand  plaisir  à  voir  ce  tableau.  » 

PujTARQtE.  Vie  d’Alcibiade. 

3.  Paisvnias.  Att.  L.  XXII.  * 


PINACOTHÈQUE.  51 

rement  eussent  formé  une  suite,  eussent  eu  une  donnée  commune,  comme 
nous  verrons  qu’il  en  avait  été  au  Pœcile.  Rappelons  que,  parmi  ces  pein¬ 
tures,  Pausanias  indique  un  portrait  d’Alcibiade  vainqueur  aux  jeux 
Néméens,  et  que  le  brillant  élève  de  Socrate  n’était  encore  qu’un  enfant 
à  la  mort  de  Polygnote. 

Dans  la  partie  supérieure  du  mur  septentrional  ou  de  fond,  partie  qui 
ne  date  que  du  moyen  âge,  est  une  petite  fenêtre  double  et  carrée  15.  A 
la  même  hauteur  se  trouve  une  autre  fenêtre  16,  dont  le  linteau  sculpté 
est  évidemment  byzantin.  Dans  la  Pinacothèque,  aussi  bien  que  dans  le 
portique  qui  la  précède,  on  voit  les  traces  de  poutres  qui  les  avaient  divi¬ 
sés  en  étages.  Ces  travaux,  et  sur  ce  point  nous  sommes  d’accord  avec 
M.  Beulé,  nous  paraissent  devoir  être  attribués  au  premier  duc  d’Athènes, 
Neri  Acciajuoli,  mort  en  1393,  et  que  les  historiens  nous  apprennent 
avoir  enrichi  sa  nouvelle  capitale  de  nombreux  édifices.  Il  découvrit  l’aile 
gauche  des  Propylées,  si  toutefois  la  couverture  existait  encore  à  cette 
époque,  en  fit  surélever  les  murailles  où  l’on  distingue  encore  des  vestiges 
de  peinture  du  même  temps,  et,  la  partageant  par  des  planchers,  la  rendit 
habitable^.  Aussi,  après  la  conquête  d’Athènes  par  Mahomet  II,  cette 
partie  des  Propylées  devint-elle  la  demeure  de  l’aga  turc,  commandant 
la  citadelle. 

L’aile  gauche  des  Propylées  a  été  convertie  également  par  les  modernes 
en  une  sorte  de  musée.  Dans  le  portique,  sur  des  tables  de  pierre,  sont 
scellés  des  pieds,  des  mains,  des  têtes  et  autres  fragments  de  sculpture 
provenant  des  fouilles  de  l’Acropole.  La  Pinacothèque  est  remplie  d’in¬ 
scriptions,  de  stèles,  etc.  On  y  remarque  plusieurs  des  tuiles  de  marbre 
qui  couvraient  les  Propylées,  divers  fragments  des  sculptures  du  Parthé- 
non,  un  charmant  bas-relief  trouvé  près  de  la  grotte  de  Pan,  représen¬ 
tant  une  matrone  devant  ce  dieu,  dont  malheureusement  la  partie  supé¬ 
rieure  est  brisée.  Des  inscriptions  trouvées  dans  la  Pinacothèque  même 
nous  font  connaître  la  part  que  chacun  des  peuples  de  l’Attique  avait 
prise  au  çopôç,  cette  contribution  pour  la  guerre  contre  les  Perses,  dont 
le  produit  était  déposé  dans  l’opisthodome  du  Parthénon  et  qui  fut 
employé  en  partie  par  Périclès  aux  embellissements  d’Athènes. 


1.  Ces  murailles,  d’une  hauteur  à  peu  près  égale  à  celle  de  la  construction  antique,  se  retrouvent 
encore  avec  leurs  fenêtres  et  leurs  créneaux  dans  le  dessin  de  Revett  que  nous  avons  reproduit 
à  la  page  43. 


52 


ATHÈNES. 


Aile  droite.  L’aile  droite  des  Propylées  H  ne  se  composait  que  du 
portique  seul,  répétant,  quoique  avec  un  peu  plus  de  profondeur  (4™, 75), 
celui  de  l’aile  gauche,  mais  ne  précédant  pas  comme  lui  une  arrière-salle 
telle  que  la  Pinacothèque,  bien  que  Stuart  en  ait  indiqué  une  sur  son 
plan,  prenant,  comme  nous  l’avons  dit,  cette  partie  des  Propylées  pour 
l’édifice  que  Polygnote  avait  enrichi  de  ses  peintures.  Cette  aile  fut  en 
partie  démolie,  probablement  pour  élargir  la  nouvelle  entrée  de  l’Acro¬ 
pole,  lorsque,  les  entre-colonnements  du  portique  central  ayant  été 
murés,  on  dut  pénétrer  dans  l’enceinte  par  un  passage  ménagé  entre  les 
Propylées  et  le  temple  de  la  Victoire  Aptère. 

La  première  colonne  de  1  aile  droite  17  n’a  laissé  que  la  trace  de  son 
fut  sur  le  stylobate.  En  avant,  des  pierres  portant  en  creux  la  trace  des 
crampons,  àyx.c6veç,  qui  les  unissaient  à  d’autres  pierres  aujourd’hui  ab¬ 
sentes,  indiquent  le  prolongement  de  la  face  septentrionale  jusqu’à  l’angle 
détruit,  ainsi  que  le  mur  occidental  qui  a  entièrement  disparu.  Les  murs 
du  sud  et  de  l’est  existent  seuls,  et  forment  la  base  d’une  tour  haute  d’en¬ 
viron  27  mètres  qui  servait  de  prison  à  l’époque  où  Leroy  visita  Athènes, 
et  qui  fut  construite  probablement  au  commencement  du  xv®  siècle  par  un 
duc  d’Athènes,  peut-être  Antonio  Acciajuoli^;  ces  murs  composés  de  mar¬ 
bres  assemblés  avec  soin  n’avaient  pas  été  entièrement  achevés,  et  les 
blocs  portent  encore  presque  tous  les  tenons  réservés  en  saillie  pour  les 
élever  et  les  mettre  en  place,  aussi  bien  que  la  surface  provisoire  en 
saillie  qui,  destinée  à  prévenir  les  accidents  du  transport  et  de  la  con¬ 
struction,  ne  devait  être  abattue  que  lorsque  la  muraille  recevait  la  der¬ 
nière  façon.  Là  malheureusement,  comme  aussi  aux  autres  murailles  des 
Propylées,  beaucoup  de  blocs  ont  été  brisés  pour  extraire  les  crampons 
(lui  les  unissaient  à  rintérieur. 

Dans  la  muraille  septentrionale  de  la  tour  sont  renfermées  l’ante  et  les 
deux  autres  colonnes  du  portique,  grossièrement  mutilées  et  visibles  seule¬ 
ment  à  l’intérieur,  où  l’on  ne  pénètre  que  par  une  très-petite  porte  18, 
percée  à  l’occident  en  face  du  temple  de  la  Victoire  Aptère. 

Le  mur  méridional  se  termine  par  une  ante  19,  qui  indique  que  dans 
l’angle  sud-ouest  se  trouvait  une  porte  dont  l’autre  pied-droit  devait  être 
attenant  au  mur  occidental.  C’est  la  présence  de  cette  porte  qui  a  pu 


I.  Hermann  IIettner.  Athen  und  der  Pelopones. 


AILE  DROITE  DES  PROPYLÉES. 


o.I 

faire  supposer  à  Stuart,  et  à  Leake  d’après  lui,  l’existence  d’une  arrière- 
salle  jouant  ici  le  même  rôle  c{ue  la  Pinacothèque  dans  l’aile  septentrionale. 
11  suffisait  cependant  de  jeter  les  yeux  sur  un  plan  exact  de  l’Acropole 
pour  reconnaître  que  l’espace  eût  manciué,  et  que  près  de  la  moitié  de 
cette  salle  se  fût  trouvée  en  dehors  des  murailles  et  suspendue  sur  le  vide. 
L’angle  sud-est  du  soubassement  de  la  tour  est  parfait  et  ne  présente 
aucun  arrachement  indicjuant  la  prolongation  du  mur  oriental  ;  enfin,  cet 
angle  s’appuie  sur  une  antique  muraille  pélasgic^ue  00,  qui  se  dirige 
obliquement  du  sud-ouest  au  nord-est,  et  ciui  eût  traversé  la  salle.  Il  nous 
semble  donc  évident  que  la  porte  percée  au  fond  du  portique  méridional 
des  Propylées  ne  conduisit  jamais  c|u’à  une  petite  enceinte  irrégulière, 
découverte,  dont  il  serait  difficile  de  préciser  la  destination. 

Mur  cyclopéen.  Pénétrant  dans  ce  réduit,  nous  trouvons  le  mur  cyclo- 
péen  ou  pélasgique  00  dont  nous  avons  parlé;  il  est  composé  de  blocs 


irréguliers,  aux  angles  généralement  émoussés,  et  à  la  face  grossière¬ 
ment  aplanie.  Il  n’en  reste  qu’un  petit  nombre  d’assises.  Nous  ne  pensons 
pas,  avec  M.  Beulé,  ciue  ce  mur  ait  pu  faire  partie  des  fortifications  de 
l’Eiméapyle;  sa  construction,  beaucoup  moins  soignée  c[ue  celle  des  autres 
restes  pélasgiques  de  l’Acropole,  nous  porte  à  croire  que  cette  muraille, 
destinée  seulement  à  soutenir  la  terrasse  qui  devint  l’enceinte  de  Diane 
Brauronia,  dut  être  revêtue  d’un  parement  de  construction  plus  soignée 
dont  la  partie  supérieure  pût  servir  de  parapet. 

A  l’extrémité  nord-est  de  la  muraille  cyclopéenne,  derrière  l’aile  droite 
des  Propylées,  se  présente  en  saillie  une  ante  de  marbre  blanc  20,  ayant 
évidemment  formé  l’un  des  côtés  d’une  porte  dont  l’autre  pied-droit  fut 
détruit  par  Mnésiclès  lorsqu’il  construisit  les  Propylées.  Cette  porte,  qui 
paraît  aj'ipartenir  à  une  époque  déjà  avancée  de  l’art,  sans  doute  à  celle 


ATHÈNES. 


des  Pisistratides,  eût  été,  suivant  M.  Beulé,  un  ornement  ajouté  à  l’Ennéa- 
pyle.  Nous  croyons  que  ce  ne  fut  que  l’entrée  d’une  petite  enceinte  sacrée 
dans  laquelle  s  élevait  l’édicule  P,  dont  nous  allons  parler,  et  qui  eût  barré 
le  chemin,  si  de  ce  côté  eût  été  l’entrée  de  l’Acropole.  On  a  passé  en  effet 
par  là,  comme  nous  l’avons  dit,  pendant  tout  le  moyen  âge,  mais  alors  le 
sol  était  exhaussé  jusqu’au  sommet  du  mur  cyclopéen,  et  on  arrivait  de 
plain-pied  sur  la  terrasse  de  Diane  Brauronia. 

Dans  l’enceinte  en  question,  au  pied  du  mur  pélasgique,  nous  voyons 
encore  sur  le  sol  les  restes  d’un  soubassement  de  marbre  P,  en  forme 
d’équerre,  dont  le  côté  oriental  est  parallèle  à  la  muraille,  et  devait  s’ap¬ 
puyer  contre  son  revêtement.  Ce  côté,  aussi  bien  que  celui  du  sud,  vient 
se  perdre  sous  l’aile  droite  des  Propylées.  Ce  devait  être  un  petit  édifice 
sacré  dont,  contrairement  à  l’opinion  de  M.  Beulé,  qui  en  adosse  le  fond  à 
la  muraille  cyclopéenne  pour  en  tourner  l’entrée  vers  ce  qu’il  croit  avoir 
été  le  chemin  de  l’Ennéapyle,  nous  pensons  que  la  façade  regardait  le 
nord,  et  par  conséquent  la  porte  de  marbre  dont  nous  venons  de  voir  un 
des  pieds-droits  encore  debout.  Il  est  évident  que  les  derniers  restes  de 
cet  edicule  détruit  à  l’époque  de  la  construction  des  Propylées  devaient 
disparaître  entièrement;  mais  nous  avons  vu  que  la  dernière  main  ne 
fut  pas  mise  au  monument  de  Mnésiclès  ;  nous  ne  devons  donc  pas  nous 
étonner  de  retrouver  encore  cette  ruine  dans  un  lieu  entièrement  masqué 
par  le  nouvel  édifice. 

Cet  édicule,  voisin  du  temple  de  la  Victoire  Aptère,  ne  pourrait-il  pas 
être  le  monument  qui  avait  été  consacré  à  Égée  et  dont  parle  Pau- 
sanias  ^  ? 

Pour  compléter  l’examen  des  Propylées,  nous  reviendrons  au  grand 
portique  L,  et  au  passage  central  KEQ;  celui-ci  a  une  longueur  de  mè¬ 
tres,  égale  à  celle  de  tout  le  corps  principal  des  Propylées  ;  il  est  dallé 
en  pierres  fortement  striées,  unies  entre  elles  par  des  crampons  de  cette 
forme  ,  dont  on  voit  encore  les  traces.  Les  dalles  formaient  un  plan 
incliné  présentant  de  loin  en  loin  des  degrés  de  0'",15  seulement  de  hau¬ 
teur,  comme  dans  les  escaliers  que  les  Italiens  nomment  cordonate  ou 
scale  a  cordoni,  et  accessible  aux  bœufs  qui,  en  plusieurs  endroits,  ont 
laissé  dans  la  pierre  la  profonde  empreinte  de  leurs  sabots.  Le  sol  du 


\.  Att.  C.  XXII. 


INTÉRIEUR  DES  PROPYLÉES.  So 

vestibule,  à  droite  et  à  gauche  de  ce  chemin,  étant  horizontal,  chacune 
des  portes  qui  en  occupent  le  fond  est  précédée  de  cinq  degrés.  C’est  pour 
racheter  peu  à  peu  cette  différence  de  niveau  que  le  chemin  central  A  B 


Coupe  du  chemin  central. 

• 

monte  depuis  son  entrée.  Aussi,  à  partir  du  troisième  entre-colonnement, 
voit-on  une  de  ses  dalles  G  s’elever  déjà  au-dessus  du  niveau  du  pave 
D  E  du  vestibule,  et  les  suivantes  devaient  s’élever  de  plus  en  plus  jus¬ 
qu’à  la  hauteur  de  la  marche  supérieure  AF  de  l’escalier  du  fond. 

Au  delà  des  Propylées,  le  chemin  se  continuait  dans  la  direction  du 
Parthénon,  comme  l’indiquent  les  stries  taillées  dans  le  roc. 

Le  passage  des  Propylées  pouvait  être  fermé  par  une  barrière,  et  l’on  y 
voit  encore,  en  face  du  second  entre-colonnement,  dans  une  dalle  du  pavé, 
un  trou  carré  de  0'’hi5  qui  dut  recevoir  le  montant  de  cette  barrière  qui 
sans  doute  était  de  bois  et  s’enlevait  tout  d’une  pièce  au  lieu  de  s’ou¬ 
vrir.  Nous  verrons  qu’une  autre  grille  existait  au  portic{ue  oriental. 

La  muraille  de  fond  du  vestibule  était,  comme  nous  l’avons  dit,  percée 
de  cinq  portes  RS  T,  d’inégale  grandeur,  aux  quatre  plus  petites  des¬ 
quelles  on  montait  par  cinq  degrés. ‘Les  quatre  degrés  inférieurs  de  marbre 
blanc  ont  0'",liO  de  largeur  sur  0-",28  de  hauteur;  le  cinquième,  formant 
seuil  et  haut  de  0"‘,32,  est  en  marbre  noir  d’Éleusis.  Ces  degrés  présen¬ 
tent  dans  leur  angle  rentrant  le  même  petit  canal  carré  que  nous  avons 
signalé  à  ceux  du  portique  occidental 

La  porte  centrale  R,  haute  de  7"', 65,  est  large  de  à‘",80,  et  son  linteau 
n’a  pas  moins  de  6"', 35  de  longueur.  Les  deux  portes  S,  qui  flanquent 
celle-ci  à  droite  et  à  gauche,  ont  à"h96  de  hauteur  sur  de  largeur; 

enfin  les  deux  dernières  T,  beaucoup  plus  petites,  n’ont  ciue  3"', 62  sur 
On  voit  encore  dans  les  pieds-droits  de  ces  portes  les  trous  de 
scellement  des  anciens  chambranles  de  bronze.  Toute  la  partie  du  pilier  qui 
était  recouverte  par  eux  n’est  que  grossièrement  aplanie  à  la  pointe  du 


1.  Page  42. 


ATHÈNES. 


5() 

pic,  tandis  que  l’étroit  pilastre  resté  visible  et  saillant  de  0"’,07,  au  centre 
des  tiunieaux,  est  lisse  et  poli.  On  voit  aussi,  sur  le  seuil  de  marbre  noir 
large  de  des  entailles  destinées  à  recevoir  le  bas  de  ce  revêtement 

de  bronze. 

Ces  chambranles,  ainsi  que  les  portes  de  même  métal,  ayant  été  enle¬ 
vés  à  une  époque  inconnue,  avaient  été  remplacés  par  des  pièces  de 
marbre  grossièrement  taillées  et  appliquées.  Un  savant  philologue  prus¬ 
sien,  M.  Bôckh,  nous  apprend ^  que,  vers  le  lU  siècle  après  Jésus-Christ, 
un  certain  Flavkis  Septimius  Marcellinus  restaura  à  ses  frais  les  portes 
de  1  Aciopole.  M.  Beule  pense  qu  il  s  agit  des  cinq  portes  des  Propylées, 
et  que  ce  fut  Marcellinus  «  qui  fit  peut-être  remplacer  les  bronzes  par  les 
chambranles  de  marbre  dont  une  partie  existe  encore  aujourd’hui.  »  Nous 
avons  peine  à  nous  ranger  à  cette  opinion,  et  à  ne  faire  remonter  qu’au 
second  siecle  de  notre  ere,  c  est-a-dire  seulement  au  commencement  de 
la  decadence,  cette  lestauration  faite  sans  aucune  espèce  de  soin  et  digne 
des  époques  les  plus  barbares  du  Bas-Empire. 

Après  avoir  franchi  les  portes,  on  trouve  un  autre  portique  hexa- 
style  VV,  formant  la  façade  postérieure  des  Propylées  ^  et  regardant 
l’orient  et  l’intérieur  de  l’Acropole.  Ce  portique  étant  placé  sur  un  terrain 
plus  élevé  que  le  portique  occidental,  il  en  résultait  que  son  fronton  se 
ti  ouvait  egalement  a  un  niveau  supérieur.  Cette  différence  devait  être  peu 
sensible  poui  le  spectateur  place  au  pied  de  l’escalier  des  Propylées,  mais 
elle  devait  être  choquante  pour  celui  qui  se  trouvait  sur  les  collines  de 
l’Aréopage,  des  Nymphes  ou  du  Pnyx.  Ce  n’est  pas  du  reste  la  seule 
bizaiieiie  qui  se  présente  dans  la  composition  des  Propylées,  monument 
non  moins  étonnant  par  l’audace  de  la  conception  qu’admirable  par  la 
perfection  de  l’exécution. 

Le  portique  oriental  est  profond  de  6  mètres  en  dedans  des  colonnes  et 
sa  longueui ,  égalé  à  la  largeur  du  vestibule,  est  de  17'’\70.  Plusieurs  tam¬ 
bours  des  colonnes  ont  été  déplacés  par  l’explosion,  mais  aucun  n’a  été 
renversé,  et  l’avant-dernière  colonne  à  gauche  a  seule  perdu  son  chapi¬ 
teau.  Les  autres  chapiteaux  sont,  il  est  vrai,  tous  plus  ou  moins  endom¬ 
mages.  I^a  piemière  colonne  à  droite,  celle  du  nord,  porte  encore  une 


1.  Die  Staatshaushaltung  der  Athener.  C.  I,  G.  n"  521. 

2.  Voy.  la  vignette  en  tftte  du  chapitre. 


57 


PORTIQUE  ORIENTAL  DES  PROPYLÉES. 

])artie  de  l’angle  de  l’architrave  avec  les  gouttes  des  triglyphes  de  la 
frise.  Les  deux  colonnes  voisines  soutiennent  la  pièce  postérieure  de  l’ar¬ 
chitrave  composée  primitivement  de  trois  blocs  juxtaposés.  Enfin,  la 
dernière  colonne  à  gauche  est  réunie  à  l’ante  par  l’architrave,  c{ui  a 
conservé  deux  de  ses  marbres  adossés  l’iin  à  l’autre;  le  troisième,  qui 
formait  la  face  extérieure,  a  disparu. 

Les  six  colonnes  de  ce  portique  reposent  sur  un  stylobate  large  de 
1"',67  composé  de  deux  degrés,  le  premier  de  0"‘,15,  le  second  de  0"’,32 
de  hauteur.  De  même  qu’au  portique  occidental,  chaque  colonne  pose  sur 
une  dalle  entourée  d’un  bandeau  saillant  échancré  d’un  côté  pour  l’écou¬ 
lement  des  eaux.  La  proportion  des  colonnes  est  la  même.  Dans  le 
stylobate,  entre  les  deux  colonnes  centrales,  sont  les  trous  de  scellement 
d’une  grille. 

Le  travail  intérieur  des  tambours  de  marbre  composant  les  colonnes 
des  Propylées  est  fort  remarquable  ;  il  présente  quatre  zones  distinctes  : 


Coupe  horizontale  il'uno  colonne. 


la  première  parfaitement  polie  ;  la  seconde  légèrement  piquée  et  la  troi¬ 
sième  fortement  martelée  ;  la  quatrième  est  un  rond  poli  ayant  au  centre 
un  trou  carré  de  0"“,i0  de  côté  et  0"’,07  de  profondeur.  Afin  de  rendre 
parfaite  l’adhérence  des  assises  de  la  colonne,  on  laissait  légèrement  en 
saillie  la  zone  extérieure  i,  et  le  centre 7i;  dans  le  creux  ménagé  à  cet 


Pivots  en  bois. 


efiét,  était  placé  au  bloc  inférieur  un  dé  de  bois  dur  légèrement  conique, 
percé  d’un  trou  rond  qui  recevait  un  pivot  adhérent  à  un  autre  déplacé 


58 


ATHÈNES. 


dans  le  bloc  supérieur.  On  pouvait  alors  faire  tourner  ce  dernier  comme 
une  meule,  et  par  le  frottement  on  obtenait  une  adhérence  telle  qu’en  bien 
des  endroits  il  serait  impossible  de  distinguer  le  joint.  Plusieurs  de  ces 
pivots  en  bois  sont  conservés  dans  le  petit  musée  de  l’Acropole. 

Piédestal  de  Vénus.  Après  avoir  franchi  le  portique  des  Propylées 
par  le  passage  central,  on  trouve  aussitôt  à  droite,  presque  au  pied  de  la 
première  colonne,  un  piédestal  rond  21,  posé  sur  des  chantiers,  et  qui 


Piédestal  de  Vénus. 


évidemment  a  été  déplacé  à  l’époque  de  sa  découverte.  Brisé  par  le  haut, 
il  a  la  forme  d’un  fut  de  colonne  de  0'",75  de  diamètre,  conservant  encore 
une  hauteur  de  0'",55.  On  y  lit  cette  inscription  : 


KAAAIA[i;  ANE0EKEN] 
NiK  [Ei;Ai:] 

OA  [TMIl]  lAÏI 
nreiA  aïs 
IS0MIA  IIENTAKIS 
NEMEA  TETPAKIS 
ÏIANA0ENAIA  METAAA 


«  Caillas  a  dédié  (cette  statue)  ayant  été  vainqueur  aux  jeux  olympiques,  deux  fois  aux  jeux 
pythiens,  cinq  fois  aux  jeux  isthmiques,  quatre  fois  aux  jeux  néméens 
et  aux  grandes  panathénées.  » 


Or,  Pausanias,  parmi  les  monuments  qui  décorent  l’Acropole,  après 
avoir  indiqué  la  lionne  de  bronze,  image  symbolique  de  la  fameuse 
Léæna,  l’amie  et  la  complic’e  d’Harmodius  et  d’Aristogiton,  ajoute  :  «  La 
statue  de  Vénus  que  l’on  voit  auprès  est,  dit-on,  une  offrande  de  Cal  lias 
et  a  été^faite  par  Galamis.  »  Ne  pouvons-nous  pas,  d’après  ce  passage 
rapproché  de  l’inscription,  regarder  comme  certain  que  nous  avons  sous 
les  yeux  le  piédestal  de  la  statue  consacrée  à  Vénus  par  Callias,  athlète 
célèbre  qui  vivait  dans  la  11'"  olympiade  (472  à  469  avant  Jésus-Christ), 


PIÉDESTAUX. 


59 


et  sculptée  par  Calamis,  ce  vieux  maître  qui,  le  premier,  si  l’on  en  croit 
Quintilien^  et  Cicéron  2,  commença  à  s’éloigner  de  la  sécheresse  archaïque 
des  artistes  C[ui  l’avaient  précédé. 

Piédestal  de  Nésiotès.  En  pendant  avec  ce  piédestal,  à  gauche  du 
passage,  en  est  déposé  un  autre  22,  ou  plutôt  une  plinthe  sur  la  tranche 


de  laquelle  on  lit  cette  inscription  en  très-anciens  caractères  ; 

«  Alcibius  le  joueur  de  lyre  a  consacré.  Nésiotès  (a  fait).  » 


A  cjuelle  divinité  était  consacrée  la  statue  que  portait  ce  piédestal  ? 
Nous  l’ignorons  ;  mais  le  genre  de  talent  du  donateur  ne  semblerait-il  pas 
indicjuer  un  Apollon  plutôt  que  toute  autre  divinité?  Quant  à  son  auteur, 
Nésiotès,  l’un  des  plus  habiles  sculpteurs  de  l’antiquité  grecque,  il  est  un 
des  quatre  artistes  cités  par  Pline  comme  ayant  été  les  contemporains  et 
les  rivaux  de  Phidias 

Piédestal  de  Minerve  Hygiée.  Au  pied  de  la  dernière  colonne  du 
portique  oriental  des  Propylées  est  encore  en  place  un  troisième  pié¬ 
destal  23,  également  de  marbre  pentélique,  celui  de  Minerve  Hygiée. 

U  II  auint,  dit  Plutarque,  pendant  qu’on  les  bastissoit  (les  Propylées) , 
un  accident  merueilleux  cjui  monstra  bien  que  la  déesse  Minerve  ne 
réprouvoit  point  cette  fabrique,  ains  l’avoit  pour  bien  agréable  ;  car  le 

1.  «  Les  statues  de  Gallon  et  d’Hégésias  sont  d’un  style  dur  et  approchent  de  la  manière  étrusque. 

Celles  de  Calamis  ont  déjà  moins  de  roideur,  et  l’on  trouve  dans  Myron  un  air  encore  plus  aisé  que 
dans  Calamis.  »  Qoiktilien.  Inst.  orat.  L.  XII,  c.  10. 

2.  «  Est-il  un  connaisseur  qui  ne  sente  que  les  statues  de  Canacus  ont  une  roideur  qui  nuit  au 
naturel?  Celles  de  Calamis,  avec  de  la  dureté,  ont  cependant  quelque  chose  de  plus  moelleux.  » 

Cicéron.  De  Claris  orat.  XVIIL 

3.  «  Dans  le  même  temps,  ses  émules  furent  Alcamène,  Critios,  Nésiotès  et  Hégias.  » 

Pline.  XXXIV,  19,  1. 

La  plupart  des  textes  de  Pline  portent,  par  une  erreur  évidente,  Critias  et  Nestoclès;  cependant 
on  trouve  ISésiotès  dans  l’ancien  manuscrit  de  Bamberg,  et  cette  correction  a  été  reproduite  dans 
les  classiques  de  Nisard. 


ATIII^NES. 


()0 

plus  diligent  et  le  plus  affectionné  de  tous  les  ouvriers  qui  y  beson- 
gnoyent  tomba  d’aventure  du  haut  en  bas,  de  laquelle  cheute  il  fust  si 
malade,  que  les  médecins  et  chirurgiens  n’esperoyent  pas  qu’il  en  peust 
échapper.  De  quoi  Périclès  estant  fort  desplaisant,  la  déesse  s’aparut  à 
lui  de  nuit  en  dormant,  qui  lui  enseigna  une  médecine  ^  de  laquelle  il 
guérit  facilement  le  patient  et  en  peu  de  temps  :  et  fut  l’occasion  pour 
laquelle  il  fist  depuis  fondre  en  cuyvre  l’image  de  Minerve  que  l’on  sur¬ 
nomme  de  Santé,  laquelle  il  fist  dedans  le  temple  du  Chasteau,  auprès 
de  l’autel  qui  y  estoit  auparauant^.  » 


piédestal  de  Minerve  Hygiée. 


Telle  fut  l’origine  de  la  statue  de  Minerve  Hygiée  ;  nous  croyons  tou¬ 
tefois  que  la  dernière  phrase  du  récit  de  Plutarque  contient  une  erreur, 
et  que  le  piédestal  que  nous  voyons  aujourd’hui  est  encore  à  sa  place 
antique;  sa  forme  semble  l’indiquer,  et  peut-être  pourrait-on  supposer 
avec  cjuelque  vraisemblance  que  la  statue  de  la  déesse  fut  érigée  par 
Périclès  au  lieu  même  de  l’accident. 

Le  piédestal,  qui  seul  est  arrivé  jusqu’à  nous,  a  la  forme  d’un  autel 
rond,  mais  coupé  du  côté  adossé  à  la  colonne;  son  diamètre  est  de  0'",87 
et  sa  hauteur  de  0'",70.  Dans  les  trois  cavités  que  présente  sa  surface  sont 
des  traces  de  coloration  par  l’oxyde  de  cuivre  laissées  par  les  pieds  et  la 
lance  de  la  statue  qui  paraît  avoir  été  légèrement  colossale.  Pline  ^  cite 
un  sculpteur  nommé  Pyrrhus  comme  auteur  d’une  Minerve  et  d’une 

1.  Le  parthénion,  ynatricaria  par thenium  ou  par iet aria  diffusa  de  Linnée,  sorte  de  pariétaire 
très-commune  encore  sur  le  rocher  de  l’Acropole. 

2.  Vie  de  Périclès.  XIll.  Trad.  d’Amyot. 

3.  L.  XXXIV,  10,  31. 


Cf.  Pr.iNE.  L.  XXII,  20,  et  L.  XXI,  104. 


PIÉDESTAL  D’AGKIPPA. 


61 


Hygie,  mais  cette  indication  serait  insuffisante,  et  pourrait  s’appliquer  à 
toute  autre  statue  de  la  déesse  de  la  Santé,  si  elle  n’était  précisée  par 
l’inscription  meme  gravée  sur  notre  piédestal  ; 

A0ENAIOI  TEI  AOENAIAI  TEl  mEAJ 
UÏPPOS  EU01Hi:EN  A0ENAIOS 

«  Les  Athéniens  à  Minerve  Hygiée.  »  v 

«  Pyrrhus,  Athénien,  a  fait.  » 


Près  de  ce  piédestal  on  en  a  trouvé  un  autre  plus  petit  en  marbre 
gris  de  l’Hymette,  déposé  aujourd’hui  dans  le  vestibule  des  Propylées 
et  que  son  inscription,  dont  les  caractères  appartiennent  à  l’époque 
romaine,  nous  apprend  avoir  été  également  consacré  à  Hygie  ; 

iiEEA^THI  ïl  lEIAI 

a  A  l’auguste  Hygie.  » 

A  droite  de  la  statue  de  Minerve  Hygiée  est  un  passage  X,  qui  sépare 
les  Propylées  de  l’enceinte  de  Diane  Brauronia  Y.  Dans  ce  passage,  au 
pied  de  la  muraille  méridionale  du  vestibule  des  Propylées,  on  voit 
gisants  deux  fragments  24  de  l’entablement;  sur  une  doucine  sont 
dessinées  à  la  pointe  des  feuilles  d’eau  primitivement  colorées;  on  y 
reconnaît  des  traces  évidentes  de  peinture,  mais  la  couleur  ne  pourrait 
être  déterminée  avec  certitude. 

Dans  un  angle  de  ce  même  passage,  contre  l’ante  des  Propylées,  est 
adossée  la  partie  inférieure  d’un  grand  bas-relief  25,  qui,  par  son  style, 
paraît  appartenir  à  la  plus  belle  époque  de  l’art  et  présente  beaucoup 
d’analogie  avec  les  métopes  du  Parthénon.  Il  ne  reste  malheureusement 
que  les  deux  jambes  d’un  homme  qui  paraît  s’élancer,  et  dont  la  chlamyde 
voltige  derrière  lui.  M.  Beulé  suppose  que  ce  bas-relief  put  être  appli¬ 
qué  au  rocher  qui,  taillé  verticalement,  soutient  au  nord  et  près  de  là 
une  partie  de  la  terrasse  de  Diane  Brauronia. 

Afin  de  ne  pas  interrompre  la  description  des  Propylées,  nous  avons 
dû  laisser  derrière  nous  deux  monuments  qui  accompagnent  leur  grand 
escalier,  le  piédestal  d’Agrippa  et  le  temple  de  la  Victoire  Aptère. 

Piédestal  d’Agrippa.  11  est  fort  difficile  de  comprendre  comment  le 


62 


ATHÈNES. 


piédestal  d’ Agrippa  C  ^  se  trouve  placé  obliquement  par  rapport  à 
l’escalier  des  Propylées  2.  «  Si  le  plan  de  l’escalier,  dit  M..  Beulé,  eût 
été  tracé  pour  la  première  fois  du  temps  des  Romains,  on  eût  tenu 
compte  évidemment  du  piédestal,  et  on  eût  amené  l’encadrement  de 
l’escalier  dans  son  prolongement.  »  Mais  il  nous  semble  au  moins  aussi 
probable  que,  si  l’escalier  eût  existé,  on  eût  placé  le  piédestal  en  rapport 
avec  lui. 

Il  n’y  a  donc-,  selon  nous,  aucune  conclusion  à  tirer  de  ce  rapproche¬ 
ment.  Une  supposition  de  Stuart,  si  elle  était  admise,  pourrait  donner 
la  clef  de  ce  problème.  Suivant  lui,  le  piédestal  n’aurait  point  été  élevé 
primitivement  pour  recevoir  la  statue  d’ Agrippa,  mais  aurait  existé  long¬ 
temps  auparavant.  En  ce  cas,  il  pourrait  être  antérieur  à  l’escalier  lui- 
même  et  avoir  été  conservé  lors  de  la  construction  des  Propylées.  Sa 
forme  pyramidale,  que  Stuart  n’a  pas  remarquée,  mais  qui  rappelle  les 
traditions  de  l’art  archaïque,  pourrait  être  une  nouvelle  preuve  à  l’appui 
de  cette  hypothèse. 

Chandler,  Leroy,  Stuart  et  Legrand  croient  qu’en  pendant  devait 
être  un  autre  piédestal  portant  la  statue  d’Auguste;  ils  se  fondent  sur 
une  phrase  fort  ambiguë  de  Pausanias  qui,  après  avoir  décrit  le  faîte 
des  Propylées,  ajoute  :  «  Je  ne  saurais  dire  au  juste  si  les  deux  figures 
équestres  qu’on  y  voit  représentent  les  fils  de  Xénophon,  ou  si  elles  n’ont 
été  faites  que  pour  servir  d’ornement.  »  Si  Pausanias  eût  voulu  désigner 
le  piédestal  que  nous  voyons  aujourd’hui,  il  n’eût  pu  avoir  aucune  incer¬ 
titude;  il  lui  eût  suffi  de  jeter  un  coup  d’œil  sur  l’inscription  qui  y  est 
tracée  en  lettres  onciales,  et  qui  eût  sans  doute  existé  aussi  sur  le  pié¬ 
destal  de  la  prétendue  statue  d’Auguste.  Ne  pourrions-nous  pas  supposer 
c{ue  le  voyageur  grec  a  voulu  parler  plutôt  de  deux  autres  statues 
équestres  qui  pourraient  avoir  été  placées  aux  extrémités  du  fronton 
central  des  Propylées?  Il  suffit  du  reste  de  jeter  un  coup  d’œil  sur 
le  plan  de  l’Acropole  pour  se  convaincre  de  l’impossibilité  d’une  con¬ 
jecture,  cjui  toutefois  était  permise  cà  une  époque  où  le  temple  de  la 

1 .  Voy.  planche  II  à  gauche. 

2.  Leroy  ne  s’est  point  aperçu  de  cette  irrégularité,  et,  dans  son  plan  de  l’Acropole,  il  fait  le 
piédestal  d’Agrippa  parallèle  à  la  Pinacothèque.  Cette  erreur  ne  se  retrouve  pas  dans  le  plan  donné 
par  Legrand. 


PIÉDESTAL  D’AGRIPPA.  63 

Victoire  Aptère  et  l’escalier  des  Propylées  n’avaient  pas  encore  été 
retrouvés  et  rétablis. 

Le  piédestal  d’Agrippa  est  d’une  hauteur  disproportionnée  qui  ne  peut 
s’expliquer  que  par  le  désir  de  rendre  la  statue  visible  par-dessus  les 
murs  de  l’Acropole;  mais  la  statue  devait  être  du  plus  fâcheux  effet, 
écrasant  par  sa  hauteur  les  Propylées  eux-mêmes.  L’inclinaison  du  sol 
laisse  à  découvert  sa  partie  inférieure  sur  une  plus  grande  hauteur,  au 
nord  et  à  l’ouest,  et  c’est  peut-être  cette  circonstance  qui  explique  son 
inclinaison  sensible  vers  le  nord-ouest,  mouvement  que  dut  favoriser  la 
poussée  des  terres  contre  les  côtés  sud  et  est.  De  ce  coté,  M.  Beulé  a  été 
même  forcé  de  reprendre  les  substructions  en  sous-œuvre  pour  prévenir 
la  chute  du  monument. 

Le  soubassement  est  composé  de  six  assises  de  0'",40  de  hauteur 
(total  2'",/i0)  ;  sa  largeur  est  de  5  mètres  et  sa  longueur  de  5'", 38^.  Au- 
dessus  sont  trois  degrés  de  même  hauteur  (total  i'",20).  Les  deux 
premiers  ont  0''hi9  de  profondeur,  y  compris  un  demi-rond  ^  en  saillie 
qu’ils  portent  à  leur  angle. 

J 


5 

c 


Base  et  corniche  du  piédestal  d’Agrippa. 

Ce  demi-rond  n’existe  pas  au  degré  supérieur  cjui  venait  presque 
affleurer  l’élégante  moulure  de  marbre  blanc,  haute  de  0'",60,  qui  porte 
le  dé  du  piédestal.  Celui-ci,  haut  de  il'",75,  et  composé  d’assises  alter¬ 
nativement  plus  basses  et  plus  élevées,  est,  ainsi  que  nous  l’avons  dit, 

1 .  Le  peu  de  différence  de  la  longueur  et  de  la  largeur  du  piédestal  nous  porterait  à  croire  qu’il 
portait  une  statue  colossale  debout  et  non  point  équestre,  comme  l’ont  supposé  Stuart  et  la  plupart 
des  autres  voyageurs. 

2.  G  est  par  ei’reur  que  Stuart,  qui  n’avait  pu  bien  voir  la  base  du  piédestal  en  grande  partie 
ensevelie,  indique  cette  moulure  comme  étant  carrée. 


64 


A  T  H  lîNES. 


de  forme  sensiblement  pyramidale  ;  il  a  pour  mesure  à  sa  base  3'", 35  sur 
3'", 75,  et  au  sommet  2'", 83  sur  3'",i4.  Enfin,  la  corniche  de  marbre 
blanc  qui  surmonte  le  dé  a  0"’,80,  ce  qui  complète,  pour  le  piédestal, 
une  hauteur  totale  de  16'", 75. 

Les  deux  faces  du  nord  et  de  l’ouest  regardant  l’extérieur  de  l’Acro¬ 
pole  sont  broyées  par  les  boulets,  aussi  l’inscription  qui  était  gravée  sur 
le  dé  à  l’ouest,  bien  que  formée  de  très-grands  caractères,  est  aujour¬ 
d’hui  presque  entièrement  disparue;  heureusement  elle  avait  pu  encore 
être  copiée  par  Stuart  qui  nous  l’a  conservée  ^ 

O  AHMOÏ 

MAPKON  A  TPI  110  AN 
AEYKIOr  riON 
TPIl  rHATON  TON  EAYTOTi 
ETEPEETHN 

c  Le  peuple  (honore)  Marcus  Agrippa,  fils  de  Lucius,  trois  fois  consul,  son  bienfaiteur^.  » 


Cette  inscription  nous  donne  la  date  de  l’érection  de  la  statue,  le 
troisième  consulat  d’Agrippa  se  rapportant  à  l’an  27  avant  Jésus-Christ. 

Un  marbre  trouvé  près  de  là  et  déposé  maintenant  dans  le  chemin 
central  de  la-  montée  des  Propylées  répète  à  peu  près  l’inscription  du 
piédestal  ;  on  y  lit  ; 

O  A H MO A 

MAPKON  ArPIirilAN 
AEYKIOr  YION 
TON  EATOY  (sic)  EYEPIETHN 

((  Le  peuple  (honore)  son  bienfaiteur,  Marcus  Agrippa,  fils  de  Lucius,  n 

Le  piédestal  d’Agrippa  avait  été  réuni  au  soubassement  du  temple  de 
la  Victoire  Aptère  par  une  batterie,  et  à  l’aile  gauche  des  Propylées  par 
une  courtine  qui  permettait  d’arriver  à  son  sommet  qui  avait  été  crénelé. 
C’est  ainsi  qu’on  le  trouve  dans  le  dessin  de  Stuart  et  Revett  que  nous 
avons  reproduit 

1.  Stuart  a  copié  par  erreur  TON  EAIOY  «  bienfaiteur  de  Caius,  »  ce  qui  n’a  pas  de  sens. 

2.  Agrippa  avait  fait  construire  à  Athènes  le  théâtre  du  Céramique  auquel  il  avait  donné  son  nojn, 
et  il  avait,  dans  plusieurs  autres  circonstances,  contribué  à  l’embellissement  de  la  ville. 

d.  Page  43. 


TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 


65 


Temple  de  la  Victoire  Aptère.  Sur  un  grand  soubassement  qui 
borne  au  sud  l’escalier  des  Propylées  et  que  les  boulets  ont  fort  mal¬ 
traité ,  s’élève  le  petit  temple  de  la  Victoire  Aptère^  ou  sans  ailes  T). 


Temple  de  la  Victoire  Aptère. 


Nous  avons  dit  que  de  cet  escalier  partait  un  petit  perron  di,  condui¬ 
sant  à  l’étroite  terrasse  qui  s’étend  entre  la  façade  du  temple  et  l’aile 
droite  des  Propylées.  Cette  terrasse  était  garnie  d’un  garde-fou,  composé 
d’une  suite  d’admirables  bas-reliefs  déposés  aujourd’hui  dans  la  cella 
du  temple.  Ces  bas-reliefs  furent  découverts  en  1835,  par  MM.  Hansen 
et  Schaubert,  lorsqu’ils  détruisirent  le  bastion  turc  qui  avait  remplacé 
le  temple.  On  reconnut  que  ces  dalles  portaient  sur  les  tranches  latérales 
la  trace  des  scellements  qui  les  réunissaient,  sur  leur  tranche  supérieure 
l’indication  d’une  grille  qui  les  surmontait,  et  sur  la  tranche  inférieure 
les  trous  des  crampons  qui  les  fixaient  dans  une  feuillure  encore  bien 
visible  au  bord  de  la  terrasse. 

«  Le  temple  de  la  Victoire  Aptère ,  dit  Pausanias  ^ ,  est  à  droite  des 
Propylées.  La  mer  se  découvre  de  cet  endroit,  et  c’est  de  là,  dit-on. 


1.  «  Pour  les  Athéniens,  dit  M.  Renié,  Minerve  était  la  Victoire  même;  ce  n’était  pas  un  surnom 
c’était  son  nom:  on  ne  disait  pas  Minerve  victorieuse,  mais,  par  la  réunion  énergique  des  deux 
substantifs,  Minerve-Victoire,  AOTivâ-Ni'xr).  » 

2.  Attic.  C.  XXII. 


5 


66 


ATHÈNES. 


qu’Égée  se  précipita  et  se  tua  lorsqu’il  vit  revenir  avec  des  voiles  noires 
le  vaisseau  qui  avait  transporté  les  jeunes  Athéniens  dans  l’île  de  Crète. 
Thésée  en  effet,  comptant  sur  sa  valeur,  était  parti  avec  l’espoir  de  tuer 
le  Minotaure,  et  avait  promis  à  son  père  de  mettre  des  voiles  blanches 
au  vaisseau  s’il  revenait  vainqueur.  Ariane  lui  ayant  été  enlevée  ^ ,  il 
oublia  sa  promesse,  et  Égée,  croyant  qu’il  avait  péri,  se  tua  en  se  pré¬ 
cipitant  du  haut  de  la  citadelle.  On  voit  encore  dans  Athènes  le  monu¬ 
ment  héroïque  d’Égée  » 

La  Victoire  était  ordinairement  représentée  avec  des  ailes;  Wheler  a 
supposé  ingénieusement  que  celle  remportée  par  Thésée  parut  ne  pas 
en  avoir,  puisqu’elle  ne  fut  pas  connue  à  Athènes  avant  l’arrivée  du 
héros.  De  là  serait  venu  le  surnom  à' Aptère^,  qu’on  lui  eût  donné  en 
érigeant  un  temple  en  son  honneur.  D’autres  auteurs  ont  prétendu  que 
les  Athéniens  avaient  représenté  la  Victoire  sans  ailes  pour  la  fixer  à 
jamais  parmi  eux ,  de  même  que  les  Spartiates ,  au  dire  de  Pausanias 

1.  Si  Pausanias  a  pour  lui  l’autorité  de  Plutarque  {Vie  de  Thésée),  qui  prétend  qu’Ariane  fut 
enlevée  à  Thésée  par  Onarus,  prêtre  de  Bacchus,  et  celle  de  Diodore  de  Sicile  (L.  IV,  SCI),  qui  dit 
qu’elle  lui  fut  ravie  par  le  dieu  lui-même,  il  est  en  contradiction  avec  Ovide  {Met.  L.  VIII,  3; 
Héroides,  ep.  10;  Art  d’aimer.  G.  I,  v.  527,  et  G.  III,  v.  35;  et  Fastes.  L.  III,  v.  458);  avec  Gatulle, 
{Carm.  LXIV)  ;  Properce  (L.  I,  élég.  3);  Tibulle  (L.  III,  élég.  7);  Stace  (L.  I,  Silv-  2);  Hésiode 
{Théog.,  V.  947)  ;  et  la  plupart  des  mythologues,  suivant  lesquels  ce  fut  Thésée  lui-même  qui  volon¬ 
tairement  abandonna  Ariane  dans  l’île  de  Naxos,  où  elle  fut  trouvée  par  Bacchus  qui  l’épousa. 

Enfin,  nous  lisons  dans  Homère  {Odyssée.  G.  XI)  une  tradition  toute  différente  :  «  Thésée,  dit-il, 
enleva  de  Grète  la  belle  Ariane  pour  la  conduire  dans  la  ville  sacrée  d’Athènes;  mais  il  ne  put  s’unir 
à  elle,  car  Diane,  sur  le  témoignage  de  Bacchus,  la  perça  de  ses  flèches  dans  l’île  de  Dia  (  ancien 
nom  de  Naxos).  » 

2.  «  Quand  ils  approchèrent  de  la  coste  d’Attique,  ils  furent  tant  espris  de  ioye,  Theseus  et  son 
pilote,  qu’ils  oublièrent  de  mettre  au  vent  la  voile  blanche  par  laquelle  ils  dévoient  doiîer  signifiance 
de  leur  salut  à  Ægeus,  lequel  voyant  de  loin  la  voile  noire,  et  n’espérant  plus  de  reuoir  iamais  son 
fils,  en  eut  si  grand  regret,  qu’il  se  précipita  du  haut  en  bas  d’un  rocher  et  se  tua.  » 

Plutarque.  Thésée, 

Ai  pater  ut  summa  prospecturn  ex  arce  pelebal 
Anxia  in  assidues  absuynens  lumina  flelus, 

Quum  ]jrimum  in/lati  prospexit  lintea  veli, 

Prœcipitem  sese  scopulorum  e  vertice  jecit 
Arnissum  credens  immiti  Thesea  fato. 

«  Et  son  père  qui,  du  haut  de  la  citadelle,  plongeait  au  loin  ses  regards  dans  l’espace,  consumant  dans  des  pleurs 
incessants  ses  yeux  inquiets,  dès  qu’il  aperçut  les  contours  de  la  voile  gonflée,  se  précipita  du  haut  des  rochers, 
croyant  Thésée  moissonné  par  le  cruel  destin.  »  Catulle.  LXIV.  Epilhalame  de  Thétis  et  de  Pélée. 

Cf.  Diodore  de  Sicile.  L.  IV,  §  61  ;  Ovide.  Ibis,  y.  495;  Lucilius  Junior.  L’Etna,  v.  578;  Stace.  Thébaïde. 
L.  XII,  V.  625. 

3.  ’A  privatif;  Ttvepôv,  aile. 

4.  Lacon.  G.  XV. 


TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 


67 


avaient  érigé  à  Mars  une  statue  dont  les  pieds  étaient  enchaînés  pour 
que  le  dieu  ne  pût  jamais  les  abandonner.  Nous  avons  vu  que  Ghandler, 
ainsi  que  Stuart  et  Legrand,  ne  trouvant  point  cet  édifice  qui  de  leur 
temps  n’existait  plus ,  avaient  pris  pour  lui  l’aile  gauche  des  Propylées, 
et  que  du  véritable  temple  de  la  Victoire  ,  dont  ils  retrouvaient  le  souve¬ 
nir  seulement  dans  Pausanias  et  dans  les  relations  de  Spon  et  Wheler, 
ils  avaient  fait  le  temple  d’Aglaure. 

Le  temple  de  la  Victoire  fut  démoli  par  les  Turcs,  pour  établir  à  sa 
place  une  batterie  lors  du  siège  de  l’Acropole  par  les  Vénitiens  en  1687, 
et  les  matériaux  amoncelés  et  couverts  de  terre  composèrent  l’esplanade 
sur  laquelle  furent  posées  les  pièces  d’artillerie  ;  ceci  explique  comment 
Spon  et  Wheler  virent  le  temple  intact  en  1676,  tandis  que  Stuart  et 
Ghandler  n’en  trouvèrent  plus  trace  en  1751  et  1765. 

En  1835,  les  architectes  bavarois  Schaubert  et  Hansen ,  démolissant 
les  constructions  turques ,  retrouvèrent  intacts  presque  tous  les  marbres 
dont  le  temple  était  composé,  et,  avec  une  habileté  et  une  patience  dignes 
des  plus  grands  éloges,  ils  le  relevèrent  tout  entier  sur  son  ancien  sou¬ 
bassement  qui  était  resté  en  place ,  et  au-dessus  d’un  magasin  à  poudre 
qui  avait  été  pratiqué  par  les  Turcs  dans  le  soubassement^. 


plan  du  temple  do  la  Victoire  Aptère. 


Ge  petit  temple,  entièrement  construit  de  marbre  pentélique,  est  tétra- 
style,  amphiprostyle  et  d’ordre  ionique.  Son  stylobate  pose  sur  trois 
degrés,  dont  l’inférieur  n’avait  que  0"‘,075  de  saillie,  et  une  hauteur 
égale  au-dessus  du  dallage.  Les  deux  autres  degrés  ont  0"*,  22  de  hau- 


1.  K  Si,  comme  on  l’a  prétendu,  le  canon  des  Vénitiens  eût  renversé  le  temple,  les  colonnes  et  les 
pierres  conserveraient  la  trace  des  boulets.  Si  le  magasin  à  poudre  qu’on  avait  creusé  sous  ses 
fondations  l’eût  fait  sauter,  MM.  Hansen  et  Schaubert  n’eussent  pas  trouvé  intact  ce  magasin  lui- 
même.  ))  Beulé.  Acropole  d’Athènes.  I,  p.  71. 


68 


ATHÈNES. 


teur  sur  0™,3i  de  profondeur.  L’élévation  du  stylobate  est  également 
de  0"b22;  sa  longueur  est  de  8'",  26  et  sa  largeur  On  retrouve 

ici,  dans  l’angle  rentrant  des  degrés,  le  petit  canal  carré  que  nous  avons 

« 

déjà  signalé  aux  portiques  des  Propylées.  Les  chapiteaux  des  colonnes 
sont  simples  et  un  peu  lourds,  étant  larges  pour  leur  hauteur  qui  n’est 
que  de  0"’,22  Ils  portent  encore  des  traces  évidentes  de  la  peinture 
dont  ils  étaient  décorés,  de  même  que  ceux  du  vestibule  des  Propylées. 
Ici,  comme  aux  autres  temples  ioniques  d’Athènes,  les  architectes,  afin 
que  le  chapiteau  d’angle  offrît  deux  faces  semblables,  l’une  dans  le  front 
de  l’édifice,  l’autre  en  retour,  avaient  imaginé  de  prolonger,  en  la  cour- 


Chapiteau  d'angle. 


bant,  la  volute  angulaire,  de  façon  qu’en  retour  une  volute  semblable 
pût  s’accorder  avec  son  pendant.  Le  besoin  de  donner  deux  volutes  à 
chacune  des  quatre  faces  du  chapiteau  les  a  conduits  à  introduire  dans 
le  chapiteau  ionique  les  doubles  volutes  qui  plus  tard  devaient  figurer 
comme  accessoires  dans  le  chapiteau  corinthien.  Pour  y  parvenir,  il  a 
fallu,  en  supprimant  le  balustre  ou  coussinet  des  faces  latérales,  évaser 
et  creuser  chaque  côté  pour  faciliter  le  doublement  des  volutes  et  leur 
jonction.  Cette  particularité  se  retrouve  aux  Propylées  du  forum  trian¬ 
gulaire  de  Pompéi^,  ainsi  cp’à  l’un  des  plus  anciens  tombeaux  de  la 
Sicile,  celui  de  Théron  à  Agrigente. 

Les  fûts  des  colonnes  sont  d’un  seul  morceau  et  peu  galbés;  leur 
diamètre  à  la  base  est  de  0™,  52 ,  et  au  sommet  de  0“',  hS  ;  leur  hauteur 
est  de  3"',  kk,  ce  qui  donne  pour  mesure  totale  de  la  colonne ,  compris 


1.  M.  Beulé  attribue  cet  effet  à  la  diminution  apparente  de  la  force  des  colonnes  par  la  destruction 
d’une  partie  de  leurs  cannelures. 

Une  volute  de  l’un  des  chapiteaux  est  au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n°  404, 

2.  E.  Breton.  Pompeia,  2®  édition,  p.  25, 


TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 


69 


la  base  et  le  chapiteau,  3"", 844-  Les  bases,  au  temple  de  la  Victoire, 
ne  sont  pas  moins  singulières  que  les  chapiteaux  ;  elles  ont  0"’,  184 
de  hauteur. 


Les  colonnes  d’angle  du  portique  A  étaient  réuniçs  aux  antes  B ,  par 
un  mur  à  hauteur  d’appui,  un  pluteus,  dont  la  trace  est  encore  visible, 
sur  les  bases  qui  sont  seulement  dégrossies  dans  la  partie  qu’il  couvrait. 
Ce  pluteus  était  surmonté  d’une  grille  qui  achevait  de  fermer  le  portique 
par  ses  deux  extrémités. 

Tout  l’édifice  était  couronné  par  une  frise  haute  de  0'",45,  et  entière¬ 
ment  couverte  de  bas-reliefs  non  interrompus.  La  corniche  qui  la  sur¬ 
montait  a  disparu  ainsi  que  les  frontons.  Malheureusement  les  côtés  sud 
et  ouest  de  la  frise  n’ont  jamais  été  entièrement  perdus  ;  compris  dans  la 
construction  d’une  poudrière  turque,  ils  purent  être  dessinés  en  partie 
en  1764  par  Pars,  compagnon  de  Revett  et  Chandler,  et  publiés  par 
Stuart^.  C’est  de  là  que  lord  Elgin  les  a  enlevés  pour  les  porter  en  Angle¬ 
terre  2,  et  ainsi,  lors  de  la  restauration  du  temple,  ils  n’ont  pu,  comme 
les  autres  bas-reliefs,  reprendre  leur  place  primitive.  Des  copies  en  terre 
cuite  furent  alors  envoyées  de  Londres  ;  mais  la  frise  du  sud  a  seule 
été  mise  en  place;  celle  de  l’ouest  a  été  brisée  par  les  ouvriers. 

Placés  à  une  faible  hauteur,  rendus  fragiles  par  la  petitesse  même 
de  leurs  proportions,  ces  bas-reliefs  ont,  plus  que  tous  les  autres,  été 
exposés  aux  injures  des  Barbares  qui,  tour  à  tour,  ont  été  maîtres  de 
l’Acropole  ;  aussi  toutes  les  saillies  ont-elles  été  brisées  et  presque  toutes 
les  figures  ont-elle§  perdu  leurs  têtes,  leurs  bras  et  leurs  jambes.  Il 
en  reste  cependant  assez  pour  que  nous  puissions  reconnaître  que,  par 
leur  style ,  ces  sculptures  simples  et  sévères  ont  la  plus  grande  analogie 

1.  T.  Il,  pl.  XLI. 

2.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"’  158,  158*,  ICO  et  ICI. 


70 


ATHÈNES. 


avec  celles  du  temple  de  Thésée.  Cette  observation  peut  nous  fournir 
un  renseignement  précieux  sur  l’époque  de  la  construction  du  temple 
de  la  Victoire  Aptère. 

Nous  verrons^  que  ce  fut  par  ordre  de  l’oracle  de  Delphes  que  Cimon 
rechercha  et  découvrit  à  Scyros  les  restes  de  Thésée,  qu’il  rapporta  à 
Athènes.  A  cette  époque,  dans  la  77®  olympiade  (465  ans  avant  Jésus- 
Christ)  ,  fut  élevé  le  temple  de  Thésée.  Ne  semble-t-il  pas  probable , 
surtout  lorsque  cette  hypothèse  est  confirmée  par  la  ressemblance  des 
sculptures  des  deux  monuments,  que  ce  dut  être  à  la  même  époque  que 
les  Athéniens,  rendant  au  fils  les  honneurs  qu’il  attendait  depuis  800  ans, 
pensèrent  aussi  à  cqnsacrer  par  l’érection  d’un  petit  temple  le  lieu  témoin 
du  désespoir  et  de  la  mort  du  père ,  tristes  résultats  de  la  plus  brillante 
victoire  qui  ait  été  remportée  par  le  héros 2.  M.  Beulé  a  réuni,  à  l’appui 
de  l’opinion  qui  fait  le  temple  de  la  Victoire  antérieur  au  siècle  de  Péri- 
clès  et  à  la  construction  des  Propylées,  diverses  autres  preuves  qui 
ne  nous  paraissent  pas  moins  concluantes,  et  qu’il  tire  de  l’orientation 
de  l’édifice,  de  sa  position  bizarre  sur  la  terrasse  qui  le  porte,  de  la 
construction  de  celle-ci,  etc. 

On  n’a  retrouvé  sur  les  bas-reliefs  du  temple  de  la  Victoire  aucune 
trace  de  peinture  ;  mais  comme  on  en  a  reconnu  avec  certitude  la  pré¬ 
sence  sur  les  sculptures  du  temple  de  Thésée  et  du  Parthénon ,  il  paraît 
à  peu  près  hors  de  doute  qu’il  en  dut  être  de  même  ici. 

La  frise  orientale  semble  représenter  une  assemblée  des  dieux,  dont 
le  centre  est  occupé  par  Minerve ,  entre  Neptune  et  Jupiter.  Les  côtés 
nord  et  sud  offrent  des  combats  entre  des  personnages  nus,  des  Grecs 
et  des  Barbares,  des  Perses,  facilement  reconnaissables  à  leur  costume, 
le  même  que  l’on  retrouve  dans  la  fameuse  mosaïque  de  Pompéi  ;  enfin 
à  l’ouest,  les  adversaires  sont  nus  de  part  et  d’autre;  il  y  a  donc  appa¬ 
rence  que  la  bataille  est  livrée  par  les  Athéniens  à  d’autres  Grecs.  Le 
sujet  de  ces  compositions  a  donné  lieu  à  bien  des  conjectures,  parmi 
lesquelles  il  serait  difficile  de  déterminer  la  véritable  avec  certitude. 


1.  Chap.  V. 

2,  Hermann  Hettner  {Athen  und  der  Pelopones)  place,  comme  nous,  à  l’époque  de  Cimon  la  fon¬ 
dation  de  ce  temple.  Si  cette  conjecture  était  vraie,  on  pourrait  attribuer  à  Micon  les  sculptures  de 
la  frise,  qui,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  ont,  par  leur  caractère,  beaucoup  de  rapport  avec  celles  du 
temple  de  Thésée  dues  au  ciseau  de  ce  grand  artiste. 


TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 


Stuart,  trompé  par  les  longues  robes  des  Perses  et  par  un  seul  bouclier 
échancré  que  porte  l’un  des  personnages,  a  vu  dans  les  frises  latérales 
des  combats  d’amazones;  selon  lui,  la  frise  du  posticum  représente  le 
combat  dans  lequel  furent  tués  Eumolpe  et  son  fils.  MM.  Ross,  Schau- 
bert  et  Hansen  voient  dans  cette  suite  de  bas-reliefs  la  double  victoire 
remportée  par  Gimon  à  l’embouchure  de  l’Eurymédon,  oubliant  que  l’une 
de  ces  victoires  fut  remportée  sur  mer,  et  qu’on  chercherait  vainement 
ici  l’indication  d’un  navire.  Leake  enfin  y  reconnaît  les  batailles  de 
Marathon  et  de  Platée,  sans  qu’aucun  détail  puisse  préciser  ces  batailles 
plutôt  que  toute  autre  victoire  remportée  sur  les  Perses. 

Le  posticum  ou  portique  occidental  ^  est  en  moins  bon  état  de  conser¬ 
vation  que  celui  de  l’est.  La  colonne  de  l’angle  sud-ouest,  longtemps 
absente,  même  après  la  restauration  du  temple,  n’a  été  relevée  que 
récemment,  en  y  ajoutant  une  assise,  un  chapiteau  et  une  partie  d’archi¬ 
trave  simplement  massés.  La  colonne  voisine  de  celle-ci  a  été  complétée 
de  la  même  manière,  au  moyen  d’une  base  et  d’un  tambour;  enfin,  une 
petite  portion  de  fût  a  aussi  été  rétablie  à  la  troisième  colonne. 

Le  portique  de  la  façade  orientale  A  n’est  profond  que  de  i'",50. 
Son  plafond  ou  soffite  existe  encore  en  totalité,  aussi  bien  que  celui  du 
posticum.  Entre  chacune  des  poutres  de  marbre  qui  le  soutiennent,  est 


Caissoa  du  soffite. 


une  grande  dalle' pércée  de  six  petits  caissons  très -simples,  et  qui  ne 
sont  autre  chose  que  des  trous  carrés  avec  une  petite  moulure  au 
fond. 

Au  fond  du  portique,  le  mur  de  face  de  la  cella  est  percé  de  trois 


I.  Voy.  pl.  II. 


7?  ATHÈNES. 

baies  D  E  D,  séparées  par  deux  piliers  larges  seulement  de  0"’,25  et 
profonds  de  0”,  49 

La  baie  centrale,  la  grande  porte  G,  est  large  de  Les  deux 

baies  latérales  D,  larges  seulement  d’un  mètre,  ont  un  seuil  élevé  de 
0"*,  22 ,  dans  lequel  sont  des  entailles  carrées  qui  semblent  indiquer 
qu’elles  étaient  fermées  par  une  grille  en  bois  ou  un  volet.  Lorsqu’on 
a  franchi  la  porte,  on  se  trouve  dans  l’intérieur  de  la  cella  F,  profonde 
de  3'",  75  et  large  de  4'",  21.  Le  plafond  est  entièrement  détruit.  Ce 
sanctuaire  renfermait  une  très-ancienne  statue  de  la  déesse,  un  simulacre 
de  bois,  qui,  comme  nous  l’apprennent  Suidas  et  Harpocration ,  tenait 
de  la  main  droite  une  grenade  et  de  la  gauche  un  casque. 

Les  murs  de  la  cella  ne  conservent  aucune  trace  d’ornement,  mais 
dans  cette  étroite  enceinte  sont  déposés  des  bas-reliefs  qui  peuvent  être 
placés  au  nombre  des  plus  merveilleuses  productions  de  l’art  grec,  et 
qui  servaient,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  de  garde-fous  à  la  terrasse 
du  temple  et  d’ornement  au  grand  escalier  des  Propylées. 

Le  bas-relief  le  plus  considérable  représente  une  Victoire  retenant 


victoires. 


avec  peine  un  taureau  furieux  que  précède  une  autre  Victoire  ;  sur  la 
ceinture  des  deux  déesses ,  de  très-petits  trous  indiquent  l’ancienne 

1.  «  Ces  piliers,  remarque  M.  Beulé,  sont  minces  et  paraissent  grêles;  mais  l’architrave  qu’ils 
portent  est  assez  légère  pour  qu’ils  soient  moins  une  nécessité  de  construction  qu’un  ornement  qui 
encadre  1  entrée,  à  droite  et  à  gauche  ;  masqués  du  reste  par  les  colonnes  du  portique,  ils  ne  peu¬ 
vent  être  vus  que  de  côté,  et  leurs  côtés  précisément  ont  beaucoup  plus  de  largeur.  » 


TEMPLE  DE  LA  VICTOIRE  APTÈRE. 


73 


existence  de  quelque  ornement  de  métal.  Des  trous  du  même  genre 
peuvent  être  observés  sur  d’autres  fragments  appartenant  à  la  même 
suite. 

Une  Victoire  déliant  ses  sandales  n’a  malheureusement  plus  de  tête, 


mais  on  ne  saurait  assez  admirer  la  grâce  et  la  vérité  de  sa  pose,  l’élé¬ 
gance  de  ses  draperies  ;  sur  le  fond  un  pinceau ,  moderne  sans  doute , 
a  tracé  hardiment  au  minium  une  mèche  de  cheveux  qui  a  beaucoup 
exercé  la  sagacité  des  archéologues  qui  ont  oublié  que,  si  ce  trait  eût 
été  antique  et  se  fût  conservé  sur  une  surface  plane  que  rien  ne  proté¬ 
geait,  bien  d’autres  traces  de  peinture  existeraient  dans  les  plis  de  la 
sculpture  où  ils  eussent  été  à  l’abri  de  la  plupart  des  causes  de  destruc¬ 
tion.  D’ailleurs,  ce  trait  fort  visible  n’a  été  signalé  que  longtemps  après 
la  découverte  du  bas-relief j  et,  s’il  eût  existé  dès  le  principe,  il  n’eût 
pu  échapper  aux  regards  des  premiers  investigateurs.  Laissons  donc  de 
côté  cette  mystification ,  œuvre  de  l’un  des  nombreux  artistes  qui  chaque 
jour  viennent  travailler  dans  l’enceinte  de  l’Acropole,  et  ne  prêtons  pas 
à  rire  à  son  auteur  qui  probablement  existe  encore. 

Signalons  enfin  une  autre  Victoire  fort  mutilée,  qui  paraît  avoir  pré¬ 
senté  une  couronne.  D’autres  fragments  moins  importants  ont  été  décou¬ 
verts  successivement,  et  quelques-uns  sont  dus  aux  fouilles  de  M.  Beulé. 

Dans  ces  bas-reliefs,  on  chercherait  en  vain  la  sévère  simplicité  des 


74 


ATHÈNES. 


sculptures  du  temple  de  Thésée,  du  temple  de  la  Victoire  Aptère  ou  du 
Parthénon.  Des  mouvements  plus  violents,  des  poses  plus  recherchées, 
un  fini  plus  précieux  annoncent  un  art  plus  raffiné ,  plus  voisin ,  comme 
le  dit  M.  Beulé,  de  l’époque  de  Lysippe^  que  de  celle  de  Phidias. 
Adoptons  donc  avec  lui  l’opinion  de  M.  Ross,  qui  croit  que  cette  brillante 
décoration  de  l’escalier  des  Propylées  peut  dater  du  gouvernement  de 
Lycurgue  ,  cet  orateur  qui ,  prenant  Périclès  pour  modèle  ,  enrichit 
Athènes  d’un  grand  nombre  de  monuments. 

Il  serait  bien  difficile  de  préciser  la  pensée  qui  a  présidé  à  la  compo¬ 
sition  de  cette  suite  de  bas-reliefs.  Jouissons  du  charme  de  ces  délicieuses 
sculptures  et  restons  dans  ce  doute  poétique  si  bien  exprimé  par  M.  Beulé. 
«  Ces  Victoires  qui  s’envolent,  arrivent,  se  posent  sur  l’Acropole,  délient 
leurs  sandales,  sont  levées,  sont  assises,  tendent  des  couronnes,  repré¬ 
sentent-elles  un  seul  mythe,  une  seule  action?  ou  bien  accourent-elles 
des  différents  points  du  monde ,  et  viennent-elles  se  ranger  autour  de 
la  grande  Victoire ,  de  Minerve  dont  elles  sont  les  messagères  ?  Quand 
le  peuple  athénien  monte  l’escalier  des  Propylées,  lui  disent-elles,  par 
leur  pose  allégorique,  par  des  inscriptions,  ou  par  la  seule  force  de  la 
tradition  :  Je  suis  Marathon,  je  suis  Salamine,  je  suis  l’Eurymédoii;  je 
viens  de  Thrace,  je  viens  de  Lesbos,  je  viens  de  Sphactérie,  flatteurs 
muets  que  l’on  imitait  moins  éloquemment  à  la  tribune  du  Pnyx  !  » 
Avenue  du  Parthénon.  Lorsqu’on  a  franchi  les  Propylées,  et  qu’on 
arrive  sur  l’esplanade  de  l’Acropole,,  on  trouve,  faisant  suite  au  passage 
central,  un  chemin  dont  le  sol  a  été  strié  pour  faciliter  la  marche  des 
animaux.  Ce  chemin  obliquait  au  sud  vers  le  Parthénon ,  et  sa  direction 
est  indiquée,  à  droite,  par  un  canal  creusé  dans  le  roc  pour  la  conduite 
des  eaux,  et  par  de  nombreuses  cavités  carrées  ou  oblongues,  également 
taillées  dans  le  roc,  et  ayant  contenu  des  piédestaux  et  des  stèles  qui 
bordaient  cette  espèce  de  voie  sacrée.  A  gauche,  rien  ne  trace  la  limite 
de  la  chaussée  dont  la  largeur  ne  peut  être  déterminée. 

Piédestal.  A  droite  du  chemin,  à  3"‘,60  en  avant  du  piédestal  de 
Minerve  Hygiée  (plan  de  l’Acropole,  c),  senties  ruines  d’un  autre  pié¬ 
destal  bien  plus  considérable,  Il  ne  reste  de  ce  monument  que  le 
♦ 

1.  3C8  à  317  avant  Jésus-Christ. 

2.  Voy.  la  lettre  en  tAte  du  chapitre. 


SANCTUAIRE  DE  DIANE  BRAURONIA. 


75 


socle  long  de  2’", 60  en  tous  sens,  et  du  côté  sud-est  une  faible  partie 
du  revêtement  de  marbre  du  piédestal  lui- même,  composée  de  deux 
dalles  en  équerre,  ayant  à  partir  du  socle  0"’,88  de  hauteur  et  réunies 
par  un  crampon  qui  sans  doute  était  caché  par  la  plinthe  de  la  statue. 
Le  piédestal  n’occupait  sur  le  soubassement  qu’une  superficie  de  i'",92 
sur  et  laissait  ainsi  vers  l’ouest  une  sorte  de  degré  large  de  0"’,8i. 

Cette  circonstance  suffirait  seule  pour  faire  reconnaître  dans  le  monu¬ 
ment  un  piédestal  et  non  point  un  autel,  comme  l’ont  avancé  quelques 
auteurs  qui  ont  cru  y  voir  celui  qui,  selon  Plutarque,  existait  en  effet 
près  du  piédestal  de  Minerve  Hygiée^.  Un  autel  eût  nécessairement  fait 
face  à  la  statue  de  la  divinité  adossée  aux  Propylées,  tandis  qu’ici  le 
sacrificateur  lui  eût  tourné  le  dos.  Du  reste,  le  style  même  des  moulures 
annonce  une  époque  de  décadence,  à  laquelle  appartient  aussi  une  tête 
colossale  trouvée  en  ce  lieu ,  et  qui  doit  provenir  de  la  statue  que  portait 
le  piédestal.  Cette  tête,  coiffée  d’une  grosse  natte  et  déposée  aujourd’hui 
sous  le  portique  de  l’aile  gauche  des  Propylées,  près  la  porte  de  la  Pina- 
cothèciue,  est,  autant  qu’on  peut  en  juger,  malgré  la  mutilation  du  nez, 
une  tête  féminine.  Sans  être  absolument  mauvaise,  cette  sculpture  ne 
peut  être  l’œuvre  d’un  ciseau  grec  et  nous  semble  évidemment  romaine. 

Sanctuaire  de  Diane  Brauronia.  Au  sud  et  à  quelques  pas  du  pié¬ 
destal  d,  se  trouve  une  muraille  eh,  de  construction  hellénique,  faisant 
un  angle  obtus  avec  la  muraille  cyclopéenne  g,  dont  nous  avons  parlé, 
et  soutenant  comme  elle  un  terre-plein,  une  terrasse  ayant  formé  le 
sanctuaire  de  Diane  Brauronia  N.  La  muraille  eh  est  continuée  par  le 
rocher  taillé  verticalement  vers  la  partie  h  f,  et  au  pied  de  celui-ci  on 
voit  encore  dans  le  sol  la  trace  de  nombreuses  stèles.  En  suivant  le  rocher 
jusqu’au  point  f,  où  il  est  interrompu,  on  trouve  à  droite  l’escalier  i, 
dont  les  huit  marches  très-douces,  très-usées  et  taillées  dans  le  roc, 
conduisaient  au  sanctuaire  N,  et  étaient  bordées  de  piédestaux,  de  stèles, 
dont  on  voit  les  creux  dans  le  rocher.  On  arrivait  aussi  au  bas  de  ce 
perron  par  quelques  degrés  larges  de  1'",  85 ,  une  sorte  de  rampe 
a  cordoni,  décrivant  une  courbe  partant  de  la  voie  principale  et  taillée 
également  dans  le  roc. 

Au  delà  de  l’escalier,  il  ne  reste  presque  plus  de  traces  de  l’enceinte 

1.  Vie  de  Périclès.  XIII. 


76 


ATHÈNES. 


da  sanctuaire.  «  Les  autres  choses  que  j’ai  remarquées  dans  la  citadelle 
d’Athènes,  dit  Pausanias^  sont  un  enfant  de  bronze  fait  par  Lycius,  fils 
de  Myron;  il  tient  un  vase  d’eau  lustrale;  Persée  venant  de  couper  la 
tête  de  Méduse,  par  Myron  lui-même  ;  le  temple  de  Diane  Brauronia  avec 
la  statue  de  la  déesse,  par  Praxitèle.  Ce  surnom  de  Diane  vient  de 
Brauron,  bourg  de  l’Attique,  où  se  trouve  l’ancienne  Diane  en  bois  qui 
était j  dit-on,  dans  la  Tauride^.  Parmi  les  offrandes  se  trouve  aussi  le 
cheval  Durien^  en  bronze.  A  moins  de  croire  les  Phrygiens  absolument 
dépourvus  de  bon  sens ,  on  sera  convaincu  que  ce  cheval  était  une 
machine  de  guerre  inventée  par  Épéus ,  pour  renverser  les  murs  de 
Troie.  Les  Grecs  les  plus  vaillants  se  cachèrent,  dit-on,  dans  ce  cheval, 
et  c  est  ainsi  qu  il  est  représenté  en  bronze ,  car  vous  en  voyez  sortir 
Teucer,  Ménesthée  et  les  deux  fils  de  Thésée.  » 

Bien  que  ce  passage  de  Pausanias  ne  nous  apprenne  pas  d’une  manière 
positive  si  les  divers  monuments  qu’il  indique  étaient  groupés  dans  la 
même  partie  de  l’Acropole,  on  peut  cependant  croire  que,  selon  toute 
apparence,  il  en  était  ainsi,  d’autant  plus  que  Pausanias  suit  dans  sa 
description  un  ordre  méthodique ,  et  qu’ordinairement  il  signale  les 
monuments  à  mesure  qu’il  les  rencontre  dans  le  cours  de  sa  visite , 
commencée  par  le  sud,  et  terminée  par  le  nord  de  l’Acropole.  La  statue 
de  1  enfant  tenant  un  vase  d’eau  lustrale  ne  pouvait  être  mieux  placée 
qu’à  l’entrée  du  sanctuaire"^.  Cette  figure  et  celle  de  Persée  tenant  la 
tête  de  Méduse,  ayant  dans  leur  composition  quelque  analogie,  appar¬ 
tenant  à  la  même  école,  étant  enfin  toutes  deux  de  bronze  et  l’œuvre 
de  Myron  et  de  son  fils,  M.  Beulé  croit  qu’elles  durent  se  faire  pendant, 
et  il  les  place  au  haut  de  l’escalier  de  l’enceinte ,  tandis  qu’aux  extré¬ 
mités  de  la  marche  inférieure  je  trouve  l’indication  de  deux  petits  pié¬ 
destaux  qui  pourraient  bien  les  avoir  supportées.  Du  reste,  j’ai  peine  à 

1.  Ait.  c.  XXIII. 

2-  «  Brauron  est  à  quelque  distance  de  Marathon  ;  c’est  là  qu’Iphigénie,  fille  d’Agamemnon,  fuyant 
la  Tauride  avec  la  statue  de  Diane,  arriva,  dit-on;  elle  y  déposa  la  statue  et  se  rendit  à  Athènes, 
puis  à  Argos.  »  Pausanias.  Att.  C.  XXXIII, 

«  Pour  toi,  Iphigénie,  tu  dois,  sur  les  hauteurs  sacrées  de  Brauron,  devenir  prêtresse  de  la 
déesse.  »  Euripide.  Iphigénie  en  Tauride,  v.  1435. 

3.  Aoupsioç  ou  Aoupioç,  de  bois,  nom  du  cheval  de  Troie  dont  celui-ci  rappelait  le  souvenir. 

4.  Le  vase  à  eau  lustrale  qu’a  remplacé  notre  bénitier  est  placé  ainsi  auprès  de  la  porte  du  temple 
d’Isis,  à  Pompéi. 


PIÉDESTAL  DU  CHEVAL  DURIEN. 


77 


admettre  que  les  anciens,  si  curieux  de  la  proportion  et  de  la  symétiâe, 
aient  pu  placer  en  pendant  un  enfant  et  un  homme  deux  fois  plus  grand, 
ou  un  enfant  de  grandeur  naturelle  avec  un  homme  de  proportion  réduite. 

C’est  dans  l’angle  sud-est  de  l’enceinte  que,  suivant  M.  Beulé, idut 
exister  le  sanctuaire  ou  petit  temple  de  Diane  Brauronia  0^;  l’inspection 
des  lieux  confirme  cette  hypothèse,  et  on  y  voit  encore  un  massif  formé 
de  gros  blocs  rectangulaires  de  tuf  qui  ont  du  faire  partie  du  soubasse¬ 
ment  de  l’édifice.  i 

Parmi  les  fragments  trouvés  dans  cette  enceinte,  ou  dispersés  sur  la 
surface  de  l’Acropole,  M.  Beulé  a  retrouvé  des  chapiteaux  ioniques  très- 
élégants,  et  divers  tronçons  de  colonnes  qu’il  croit  avoir  pu  appartenir 
au  petit  temple  de  Diane  Brauronia.  Nous  ne  pouvons  que  nous  associer 
au  vœu  qu’il  émet  de  voir  ces  débris  réunis  fournir  les  éléments  d’une 
restauration  qui  pourrait  être  tentée  par  l’un  des  architectes  qui  sans 
cesse  étudient  les  monuments  de  l’Acropole.  i 

Piédestal  du  cheval  Durien.  Dans  la  même  enceinte,  à  l’ouest  du 
temple,  gisent  à  terre  deux  blocs  de  marbre  pentélique  0'  de  0'“,85  de 
large,  i"',75  de  longueur,  et  0'",40  d’épaisseur  ;  ils  ont  été  dérangés, 
car  l’inscription  qu’ils  portent  est  renversée,  et,  de  plus,  on  remarque 
sur  leur  surface  supérieure  actuelle,  autrefois  tournée  vers  la  terre,  des 
traces  de  scellement  qui  prouvent  que  les  blocs  avaient  été  retournés 
pour  leur  faire  porter  quelque  autre  monument.  Un  troisième  bloc  com¬ 
plétait  le  piédestal.  Cette  base  était  celle  qui  portait  le  cheval  Durien, 
ce  bronze  colossal  consacré  en  mémoire  du  cheval  de  Troie.  Rien  dans 
l’inscription  ne  nous  l’eût  appris,  car  on  y  lit  seulement  : 

XAIPEAEMOS  EYAriEAO  EK 
KOIAES  ANE0EKEN 

STPorrrAioN  eiioiexen 

«  Chærédème,  fils  d’Évangélus  de  Cœlé,  a  consacré.  Strongylion  a  fait  2.  » 

Mais  à  l’occasion  de  ces  mots  d’Aristophane  :  «  Les  murailles  sont 

1.  Dans  le  temple  de  Diane,  à  Athènes  comme  à  Brauron,  on  immolait  une  chèvre  à  la  déesse,  et 
on  lui  présentait  les  jeunes  filles  avant  leur  mariage;  il  existait  une  loi  qui  leur  défendait  de  se 
marier  sans  avoir  satisfait  à  cette  cérémonie. 

«  A  dix  ans,  revêtue  d’une  robe  jaune  flottante,  je  fus  consacrée  à  Diane  dans  les  Brauronies.  » 

Aristophane.  Lysistrate,  v.  645. 

«  Les  Brauronies  se  célébraient  tous  les  cinq  ans,  sous  la  direction  de  dix  citoyens  appelés 
UpoTioioî.  »  PoLLux.  Onomast.  L.  VIII,  c.  9. 

2.  Ce  sculpteur  est  bien  connu  par  divers  ouvrages  cités  par  Pausanias  et  Pline,  tels  que  la  statue 


78 


ATHÈNES. 


achevées  ;  telle  est  leur  largeur  que  Proxénide  le  fanfaron  et  Théagène 
y  feraient  passer  deux  chars  de  front,  les  chevaux  fussent-ils  aussi 
grtlnds  que  le  cheval  de  Troie,  oaov  6  Aoupio;  »  le  scholiaste  ajoute  : 
(<  Il  y  avait  dans  l’Acropole  le  cheval  Durien  avec  cette  inscription  : 
Chterédème,  fils  d’Évangélüs  de  Cœlé,  a  consacré.  » 

La  comédie  des  Oiseaux  fut  jouée  la  deuxième  année  de  la  91‘^  olym¬ 
piade  (415  avant  Jésus-Christ)  ;  l’érection  du  cheval  Durien  est  donc 
antérieure  à  cette  époque. 

«  Tout  l’espace  qui  entoure  le  cheval  Durien,  dit  M.  Beulé  2,  est 
couvert  d’énormes  fragments  des  Propylées  lancés  au  loin  par  l’explo¬ 
sion,  de  piédestaux  où  se  voient  encore  les  empreintes  des  pieds  et  le 
bronze  du  scellement,  de  morceaux  de  marbre  qui  n’ont  plus  de  forme 
ni  de  nom.  » 

Nous  ne  passerons  pas  ici  en  revue  avec  ce  savant  archéologue  les 
diverses  inscriptions  découvertes  dans  l’enceinte  de  Diane  Brauronia; 
Ohcore  moins  les  monuments  qu’avec  sa  sagacité  habituelle  il  prouve 
avoir  dû  y  exister.  Ce  serait  sortir  du  cadre  plus  modeste  que  nous  nous 
sommes  tracé,  et  dans  lequel  rentrent  seulement  les  monuments  les 
plus  importants  et  ceux  qui  sont  parvenus  jusqu’à  nous.  Une  statue  de 
femme  et  deux  curieuses  colonnes  que  M.  Beulé  indique  comme  existant 
dans  l’enceinte  de  Diane  en  ont  été  enlevées,  et  nous  les  retrouverons 
au  pied  des  degrés  qui  séparent  l’enceinte  de  Minerve  Ergané  du 
péribole  du  Parthénon.  Un  joli  petit  ours  assis,  en  marbre,  trouvé 
également  dans  l’enceinte  de  Diane,  est  aujourd’hui  déposé  dans  le 
musée  de  l’aile  gauche  des  Propylées.  Enfin,  nous  ne  décrirons  pas  non 
plus  les  innombrables  débris  que  l’on  a  amoncelés  dans  cette  enceinte, 
en  en  formant  des  espèces  de  murailles  et  laissant  en  vue  les  parties 
sculptées.  Ces  fragments  perdent  beaucoup  de  leur  intérêt  par  l’ignorance, 
à  laquelle  on  est  condamné  aujourd’hui ,  du  lieu  ou  du  monument 
dont  ils  proviennent. 

Enceinte  de  Minerve  Ergané.  A  l’ouest  du  postieum  du  Parthénon 

de  Diane  àMégare,  trois  muses  à  l’Hélicon,  l’Amazone  aux  belles  jambes,  Eüxvy)(j.oç,  que  Néron 
faisait  porter  partout  avec  lui,  enfin  un  jeune  enfant,  statue  favorite  de  Brutus  de  Philippes. 

Paüsanias.  Att.  C.  XL,  et  Bæot.  C.  XXX.  Pline.  Hist.  nat.  L.  XXXIV,  c.  19,  §  32. 

1.  Aristophane.  Les  Oiseaux,  v.  1128. 

2.  Acropole  d'Athènes.  1 ,  c.  XI. 


ENCEINTE  DE  MINERVE  ERGANÉ.  79 

et  à  l’est  de  l’enceinte  de  Diane  Brauronia,  MM.  Ross,  Ulriclis,  Raoul 
Rochette  et  Beulé  reconnaissent  celle  qui  était  consacrée  à  Minerve 
Ergané  (plan,  P)  ,  formant  également  une  terrasse;  elle  était  accessible 
du  côté  du  nord  par  un  escalier  ouvrant  sur  la  voie  qui  conduisait  des 
Propylées  au  Parthénon. 

«  Les  Athéniens,  dit  Pausanias  ont  les  premiers  donné  à  Minerve  le 
surnom  d’ Ergané  2.  »  M.  Beulé  cite  un  grand  nombre  d’inscriptions 
trouvées  dans  l’enceinte  dédiée  à  cette  déesse.  Quant  au  sanctuaire  lui- 
même,  on  reconnaît  seulement  vers  le  sud  de  grandes  dalles  encore  en 
place  (plan,  Q),  qui  durent  en  former  le  soubassement,  et,  parmi  les 
débris  innombrables  qui  jonchent  le  sol,  on  retrouve  quelques  frag¬ 
ments  doriques  de  petite  proportion  qui  ont  pu  lui  appartenir.  Au  même 
lieu,  en  1839,  on  a  découvert  une  base  portant  cette  dédicace  à 
Minerve  Ergané  : 

<I>IAHMOi\ 

ItI>IKAEOrS 

OINAIOi: 

A0HNAAI 

EPTANEI 

ANEOHKEN 

«  Philémon,  fils  dTphiclès,  de  la  tribu  Œnéide ,  a  consacré  à  Minerve  Ergané  » 

En  avant  du  temple  sont  les  restes  d’une  sorte  de  base  commune,  ou 
plutôt  de  plate-forme  qui  portait  les  statues  d’une  famille  inconnue, 
mais  sans  doute  fort  riche,  puisque  les  inscriptions  à  côté  des  noms 
obscurs  de  Pasiclès,  de  Myron  de  leurs  femmes,  de  leurs  filles, 
indiquent  comme  auteurs  des  statues  de  ces  personnages  deux  des 
grands  sculpteurs  de  l’antiquité  grecque,  Sthénis  et  Léocharès,  qui  floris- 
saient,  l’un  vêts  la  114®  olympiade  (324-321  avant  Jésus-Christ)  et 
l’autre  vers  la  102®  (372-369  avant  Jésus-Christ) ,  et  dont  les  ouvrages 
sont  cités  avec  éloge  par  Pline.  M.  Beulé  suppose  que  ces  statues, 
recommandables  par  le  travail,  sinon  par  la  célébrité  des  modèles,  furent 
emportées  à  Rome  dès  le  temps  des  premiers  empereurs,  comme  la 

1.  Att.  C.  XXIV. 

2.  ’EpyàvY],  ouvrière,  qui  préside  aux  travaux. 

((  Les  araignées  ignorent  et  dédaigneraient  d’apprendre  l’art  d’ourdir  et  de  faire  de  la  toile,  ainsi 
que  les  autres  arts  inventés  par  Minerve  Ergané.  »  Ælien.  Hist.  div.  L.  I,  c.  2. 

3.  Plusieurs  autres  inscriptions  provenant  également  de  l’Acropole,  et  publiées  par  M.  Lebas  dans 
son  Voyage  archéologique,  font  mention  de  Minerve  Ergané. 

4.  Ce  Myron  n’a,  bien  entendu,  rien  de  commun  avec  le  célèbre  artiste  du  môme  nom. 


80 


ATHÈNES. 


plupart  des  statues  da  l’Acropole  qui  n’avaient  point  un  caractère  reli¬ 
gieux.  «  La  preuve  de  ce  fait,  ajoute-t-il,  est  écrite  sur  leurs  pié¬ 
destaux,  qui  ont  été  retournés  pour  recevoir  de  nouvelles  inscriptions  et 
des  statues  romaines  :  ici  César  Auguste,  là  Germanicus  César,  plus 
loin  l’empereur  Trajan ,  puis  Adrien  »  Un  piédestal  plus  grand  que 
les  autres  semble  ne  pas  avoir  porté  la  statue  à  laquelle  il  était  destiné; 
il  était  resté  inachevé,  et  son  dé  de  tuf  n’avait  pas  même  encore  reçu 
son  revêtement  de  marbre. 

Le  côté  oriental  de  l’enceinte  était  encore  occupé  naguère  par  une 
grande  citerne  parallèle  à  sa  muraille,  et  dont  la  construction  rèmontait 
seulement  au  xiv®  siècle.  La  destruction  de  cette  citerne  en  1859  a  mis 
entièrement  à  découvert  six  degrés  ou  gradins  taillés  dans  le  roc  que 
surmontait  autrefois  un  mur,  sans  doute  à  hauteur  d’appui,  formant  la 
limite  de  l’enceinte  de  Minerve  Ergané  et  du  péribole  du  Parthénon, 
c{ui,  du  côté  du  posticum,  ne  conservait  ainsi  qu’une  largeur  de  7  mètres 
seulement.  Ces  gradins,  très-peu  profonds,  n’étaient  point  destinés  à  être 
gravis  ;  ils  formaient  une  sorte  d’amphithéâtre,  j’oserais  presque  dire 
d’étagère,  où  étaient  exposés  de  nombreuses  stèles  et  des  ex-voto  dont 
les  cavités  sont  encore  visibles  dans  chaque  degré. 

Colonnes  d’Eortios  et  de  Timothée.  Aux  extrémités  du  second  gra¬ 
din,  on  a  placé  récemment  les  deux  colonnes  que  nous  avons  dit  avoir  été 
trouvées  dans  l’enceinte  de  Diane  Brauronia,  et  leur  sommet  est  de  niveau 
avec  la  plate-forme  du  péribole  du  Parthénon  ;  ces  deux  colonnes  ^  sont 
d’un  seul  morceau,  mais  les  bases  sur  lesquelles  on  a  érigé  leurs  fûts 
appartiennent  à  l’époque  byzantine.  Les  chapiteaux  à  peine  dégrossis 
sont  du  travail  le  plus  barbare.  La  colonne  de  gauche  porte  gravée  ver¬ 
ticalement  sur  son  fût  en  caractères  archaïques,  que  IVt.  Beulé  pense 
pouvoir  remonter  à  l’époque  des  guerres  médiques,  c’est-à-dire  au 
commencement  du  v®  siècle  avant  Jésus-Christ,  cette  inscription  qui 
nous  apprend  qu’elle  était  surmontée  d’une  statuette  de  Minerve  : 

^  OfïTlO^  HA  lOCD^  lAA^  A 

Ata©^  czaAi 

«  Eortios  et  Opsiades  ont  consacré  comme  prémices  à  Minerve.  » 

1.  Acropole  d'Athènes.  T.  I,  p.  320. 

2.  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre. 


COLONNES  D’EORTIOS  ET  DE  TIMOTHÉE. 


81 


L’inscription  gravée,  non  sur  la  colonne,  mais  sur  le  chapiteau  de  la 
colonne  de  droite,  ne  nous  fait  pas  connaître  à  quelle  divinité  le  monu¬ 
ment  avait  été  dédié  ;  elle  ne  se  compose  que  de  ces  deux  mots  : 


Tl  MOO 
A/Va  CD  U  y 


«  Timothée  Anaphlystien ,  »  désignation  du  donataire. 

Non  loin  de  là,  on  a  dressé  sur  un  piédestal  une  statue  sans  tête, 
trouvée  également  dans  l’enceinte  de  Diane  Brauronia.  Cette  figure,  en 
marbre  de  Paros,  est  celle  d’une  femme  debout  ayant  près  d’elle  un 
enfant  nu  :  le  travail  indique  un  artiste  d’un  talent  médiocre,  ou  d’une 
époque  de  décadence.  On  croit  que  ce  groupe  représente  Pandrose  et 
Érechthée,  mais  rien  ne  prouve  la  réalité  de  cette  conjecture,  que 
semble  démentir  le  lieu  fort  éloigné  de  l’Érechthéion  où  il  a  été  dé¬ 
couvert.  ' 

Lorsque  l’on  sort  de  l’enceinte  de  Minerve  Ergané,  on  trouve  encore 
en  place,  vers  l’angle  nord-ouest  du  Parthénon,  un  piédestal  K,  qu’une 
inscription  d’époque  romaine  nous  apprend  avoir  porté  la  statue  d’un 
certain  Flavius  Gonon,  fils  de  Gonon,  peut-être  un  descendant  du  vain¬ 
queur  de  Pisandre,  du  conquérant  de  Cythère. 


Colonnes  d’Eortios  et  de  Timothée. 


f) 


I  ’  A  Ç  A  11  E  O  n  I  E  N  T  A  E  E  0  V  P  A  R  T  H  lî  N  O  i\  . 


CHAPITRE  111 


PARTHÉNON. 


PARTIE  ORIENTALE  DE  l’aCROPOLK.  TEMPLE  DE  ROME  ET  ü’aUGUSTE, 
MUSÉE  DE  l’acropole. 


OU  S  voici  enfin  arrivé  au  Parthénon,  ce  chef- 
d’œuvre  inimitable  de  l’art  antique,  cette  éternelle 
étude,  cet  éternel  désespoir  des  architectes  de 
tous  les  temps  et  de  tous  les  pays. 

((  Le  Parthénon,  dit  Hésychius,  était  un 
temple  de  cent  pieds ,  É/.aTojjLTrs^oç  vewç ,  bâti 
dans  1  Acropole  par  les  Athéniens,  plus  grand  de 
Chapiteau  du  Parthénon.  ciiiquante  plecls  que  celui  brûlé  par  les  Perses  » 
Hérodote  ne  parle  pas  de  ce  premier  temple,  mais  nous  verrons  qu’il 


I.  Hesychii  Lexic.,  in  verb.  'E/aTÔ[j.7:£&oç. 


Intérieur  de  l’Opisthodome. 


84 


ATHÈNES. 


n’était  point  encore  achevé  à  l’épocjue  de  sa  destruction  ;  il  n’était 
sans  doute  pas  consacré,  et  le  célèbre  historien  a  pu  le  passer  sous 
silence,  se  bornant  à  signaler  le  temple  de  Minerve  Poliade,  alors  le 
plus  révéré  des  Athéniens,  sanctuaire  qui,  en  l’an  /i.80  avant  Jésus- 
Christ,  fut  également  incendié  par  les  soldats  de  Xerxès,  comme  tous 
les  autres  édifices  de  l’Acropole. 

Le  Parthénon  avait  reçu  son  nom,  soit  comme  un  hommage  rendu 
à  la  chasteté  de  la  déesse,  soit,  comme  l’ont  cru  quelques  auteurs, 
parce  qu’il  avait  été  consacré  par  les  filles  d’Erechthée,  désignées  sou¬ 
vent  sous  le  nom  de  napôévoi,  Yierges.  Si  cette  dernière  supposition 
était  vraie,  il  faudrait  admettre  que  dès  les  temps  fabuleux  il  existait  sur 
l’Acropole  un  sanctuaire  qui,  probablement  à  l’époqne  de  Pisistrate, 
c’est-à-dire  au  vi®  siècle  avant  Jésus-Christ,  eût  été  remplacé  par  le 
temple  que  détruisirent  les  Perses ,  et  qui  était  resté  inachevé,  peut-être 
par  suite  de  l’expulsion  des  Pisistratides  en  l’an  510. 

Nous  avons  dit  ^  cjue  le  fragment  d’entablement  avec  triglyphes 
employé  par  Thémistocle  dans  la  hâtive  restauration  du  mur  septen¬ 
trional  de  l’Acropole  provenait ,  selon  toute  apparence ,  de  l’ancien 
Parthénon.  M.  Beulé  assigne  la  même  origine  aux  tronçons  de  colonnes 
plus  ou  moins  achevés,  compris  dans  la  même  muraille.  La  plus  sérieuse 
objection  contre  cette  hypothèse  pourrait  être  tirée  du  diamètre  de  ces 
tambours  à  peine  inférieur  à  celui  des  colonnes  du  Parthénon  de  Péri- 
clès,  ce  qui  semble  au  premier  abord  s’opposer  à  ce  qu’ils  aient 
appartenu  à  un  temple  moitié  plus  petit;  mais  M.  Beulé  fait  remarquer 
avec  raison  qu’à  l’époque  reculée  de  la  construction  du  vieux  Parthénon, 
les  colonnes  avaient  encore  un  diamètre  hors  de  proportion  avec  le  peu 
d’élévation  de  leur  fût  et  la  grandeur  du  temple.  L’ancien  Parthénon 
dut  n’avoir,  suivant  l’usage  du  vi®  siècle,  cjue  six  colonnes  à  la  façade 
et  treize  ou  quatorze  colonnes  sur  les  côtés. 

Dans  le  petit  musée  de  l’Acropole,  nous  verrons  un  grand  nombre 
d’objets  qui  appartinrent  sans  doute  au  vieux  Parthénon,  ainsi  que 
l’indique  l’ancienneté  de  leur  style,  ou  qui,  du  moins,  ont  été  trouvés 
autour  de  l’emplacement  qu’il  occupait. 

Le  nouveau  temple  que  fit  élever  Périclès  est  le  premier  monument 


i.  Pages  19  et  32. 


PARTHÉNON. 


85 


qui  frappe  les  regards,  de  quelque  côté  qu’on  arrive  à  Athènes;  on 
I  aperçoit  dès  l’entrée  du  golfe  d’Égine.  Sous  la  direction  de  Phidias^, 
les  deux  plus  habiles  architectes  de  l’époque,  Ictinus  et  Callicrate,  furent 
chargés  de  son  érection  2.  On  n’a  point  de  renseignements  positifs  sur 
l’époque  de  son  achèvement,  mais  on  sait  que  la  Minerve  colossale  de 
Phidias  y  fut  placée  en  l’année  437  avant  Jésus-Christ;  il  est  facile 
d’en  conclure  que  le  temple  était  alors  terminé.  Nous  avons  vu  que  les 
Propylées  n’avaient  été  commencés  que  l’année  suivante. 

Le  Parthénon  subsista  longtemps  presque  intact.  Au  vu®  siècle,  les 
chrétiens  en  avaient  fait  une  église  dédiée,  comme  la  basilique  de 
Constantinople,  à  la  Sagesse  divine^,  conservant  ainsi  sous  le  nouveau 
vocable  un  souvenir  de  la  consécration  première  du  temple  à  la  déesse 
de  la  Sagesse.  Plus  tard,  les  Turcs,  maîtres  d’Athènes,  bâtissant  une 
mosquée  dans  son  enceinte,  l’avaient  respecté  également  ;  seulement,  de 
temps  à  autre,  les  habitants  broyaient  quelques  fragments  de  marbre 
pour  en  faire  de  la  chaux.  Spon  et  Wheler,  pendant  leur  séjour  dans 
l’Attique,  en  1676,  eurent  le  bonheur  de  le  voir  tout  entier.  Peu  de 
temps  après,  le  provéditeur  Morosini,  qui,  depuis,  fut  doge,  et  le  feld- 
maréchal  suédois,  comte  de  Kœnigsmarck,  qui  commandaient  les  Véni¬ 
tiens,  alors  en  guerre  avec  la  Turquie,  vinrent  assiéger  Athènes'^.  Les 
Turcs  avaient  fait  du  Parthénon  un  magasin  de  poudres,  et,  les  assié¬ 
geants  ayant  malheureusement  appris  cette  circonstance  de  la  bouche 
d’un  transfuge,  le  temple  devint  dès  lors  le  point  de  mire  dé  toute  leur 
artillerie.  Un  lieutenant  lunebourgeois ,  habile  pointeur,  s’offrit  pour 
diriger  les  mortiers,  et  bientôt,  dans  la  soirée  du  26  septembre  1687, 
une  bombe,  partie  du  Pnyx,  mit  le  feu  aux  poudres,  et  le  pavé  brisé  du 
Parthénon  indique  encore  le  lieu  où  elle  tomba.  L’explosion  coupa,  pour 
ainsi  dire,  le  monument  en  deux  parties;  tout  le  côté  oriental  de  la 


1.  Phidias  dut  naître  au  début  des  guerres  médiques,  vers  l’an  490  avant  Jésus-Christ,  et  être  par 
conséquent  âgé  d’environ  cinquante  ans  lorsqu’il  commença  les  travaux  du  Parthénon. 

2.  Vitruve  (L.  VIL  Préface)  nous  apprend  qu’Ictinus  avait  composé  avec  Carpion  un  livre  sur  le 
Parthénon,  ouvrage  dont  on  ne  saurait  assez  déplorer  la  perte.  C’est  aussi  à  Ictinus  qu’on  devait  le 

temple  d’Apollon  Épicurius  à  Phygalic  en  Arcadie,  temple  qui  a  été  retrouvé  presque  en  entier 
en  1812. 

3.  La  sainte  Sophie,  'Ayia  Xoçia. 

^  4.  M.  Bründsted,.dans  son  Voyage  en  Grèce,  donne  un  récit  très-circonstancié  de  ce  siège  qui  fut 
si  fatal  aux  monuments  d’Athènes  et  surtout  au  Parthénon. 


S(i 


ATHÈNES. 


cella,  huit  colonnes  de  l’aile  septentrionale  du  péristyle,  six  de  l’aile 
méridionale,  la  plupart  des  murs,  et  enfin  toutes  les  sculptures  appar¬ 
tenant  à  ces  différentes  parties  de  l’édifice,  furent  anéantis  ou  ren¬ 
versés^. 

Le  fronton  oriental  avait  déjà  dû  voir  une  partie  de  ses  sculptures 
endommagées  lorsque  les  chrétiens,  pour  laisser  pénétrer  plus  librement 
la  lumière  dans  l’abside  du  Parthénon  transformé  en  église,  en  avaient 
abattu  la  partie  supérieure.  C’est  ainsi  échancré  que  ce  fronton  se  pré¬ 
sente  dans  le  grossier  dessin  exécuté  pendant  le  siège  de  1687  par  le 
capitaine  ingénieur  Verneda^. 

Morosini,  dans  le  dessein  d’enrichir  sa  patrie  des  dépouilles  de  ce 
merveilleux  monument,  contribua  encore  à  sa  ruine,  en  voulant  faire 
enlever  du  fronton  oriental  la  statue  de  Minerve,  son  char  et  ses  che¬ 
vaux;  par  la  maladresse  des  ouvriers,  ces  chefs-d’*œuvre  furent  précipités 
et  brisés  en  mille  pièces^. 

Depuis  ce  désastre,  le  Parthénon  semble  avoir  cessé  d’être  regardé 
comme  un  monument  public.  On  éleva  seulement  dans  la  cella,  un  peu 
vers  le  sud,  une  petite  mosquée  placée  obliquement  par  rapport  au 
plan  du  temple,  sans  doute  pour  lui  donner  la  direction  de  la  Mecque 
mais  on  brisa  les  marbres  pour  les  employer  à  la  construction  de  cette 

1.  «  L’amas  de  matières  explosibles  était  sans  doute  placé  au  centre  de  la  cella,  et  un  peu  plus  à 

l’est  qu’à  l’ouest,  si  l’on  en  juge  d’après  les  parties  ruinées  du  bâtiment.  Les  murs  du  sanctuaire,  y 
compris  celui  qui  le  séparait  de  la  salle  de  l’opistliodome,  furent  renversés,  et  avec  eux  les  trois 
quarts  de  la  frise  de  Phidias,  toutes  les  colonnes  du  pronaos,  excepté  huit  colonnes  du  péristyle  du 
nord,  et  six  au  sud;  mais,  quand  on  parle  d’un  mur  de  350  pieds  de  longueur  sur  40  de  hauteur, 
formé  de  blocs  de  marbre  de  3  pieds  d’épaisseur  et  de  6  pieds  de  longueur,  quand  on  dit  vingt  et  une 
colonnes  hautes  de  plus  de  30  pieds,  composées  chacune  de  onze  tambours  de  marbre,  on  n'a  donné 
qu’une  faible  idée  de  cet  épouvantable  bouleversement.  Il  faut  encore  se  représenter  l’admirable  et 
énorme  architrave  cjui  surmontait  les  colonnes,  ces  blocs  de  marbre  sculptés  en  caissons,  et  ces  dalles 
assemblées  en  toit  qui  couvraient ,  les  unes  le  péristyle ,  les  autres  l’intérieur  du  temple,  et  qui, 
comme  un  coup  de  foudre,  vinrent  fondre  à  la  fois  sur  le  sol  et  s’accumulèrent  en  désordre.  L’explo¬ 
sion  fut  si  forte  qu’elle  lança  des  débris  du  temple  jusque  dans  le  camp  des  assiégeants,  c’est-à-dire, 
à  l’est,  jusqu’au  pied  de  la  forteresse.  Quelque  violente  que  fût  la  commotion,  elle  n’atteignit  cepen¬ 
dant  pas  les  statues  des  frontons;  des  parties  seulement  déjà  altérées  par  le  temps  eurent  à  souffrir 
de  l’ébranlement.  »  L.  de  Laborde.  Athènes  aux  xv%  xvi'-  ef  xvii®  siècles.  T,  II,  p.  151. 

2.  Ce  dessin  a  été  reproduit  par  M.  L.  de  Laborde  dans  le  second  volume  d’Athènes  aux  xv%  xvi® 
et  XVII'  siècles. 

3.  Ce  siège,  si  funeste  à  l’art,  ne  profita  guère  aux  Vénitiens,  qui  furent  obligés  d’évacuer  l’Acro¬ 
pole  et  la  ville  dès  le  4  avril  1688. 

4.  La  mosquée,  ainsi  que  le  minaret  élevé  également  par  les  Turcs,  à  droite  du  poslicum,  a  été 
démolie  depuis  la  guerre  de  l’indépendance. 


EXTÉRIEUR  J)U  PARTE RNON. 


87 


nouvelle  mosquée,  aux  réparations  des  maisons  et  des  murailles  de  la 
forteresse.  «  Les  petites  maisons  turques,  grossières  échoppes  de  bois  et 
de  torchis,  avaient  envahi  l’enceinte  sacrée;  s’appuyant  aux  colonnes^, 
remplissant  les  portiques,  elles  étaient  comme  une  lèpre  hideuse  atta¬ 
chée  au  divin  édifice.  On  comptait  jusqu’à  quatre  cents  de  ces  baraques 
informes  au  sommet  de  l’Acropole^.  Dans  cet  état  de  désolation  où  se 
trouvait  le  plus  beau  monument  du  monde,  on  ne  pouvait  contempler 
ses  frontons,  ses  métopes,  ses  frises  sculptées  qu’avec  un  embarras 
extrême.  Il  fallait  que  la  difficulté  fût  bien  grande  pour  qu’un  obser¬ 
vateur  comme  M.  de  Chateaubriand  eût  pu  écrire  dans  son  Itméraire^, 
à  propos  du  Parthénon,  cette  phrase  inconcevable  :  «  Des  morceaux  de 
sculpture  excellents,  7nais  du  siècle  d’Adrien^  époque  du  renouvellement 
de  l’art,  occupaient  les  deux  frontons  du  temple  »  Une  pareille 
erreur,  excusable  jusqu’à  un  certain  point  chez  un  simple  littérateur, 
cesse  de  l’être  chez  un  artiste,  et  pourtant  elle  avait  déjà  été  commise 
par  l’architecte  Leroy 

Extéuielr  du  Parthénon.  Le  Parthénon  est  entièrement  construit  de 
ce  beau  marbre  blanc  que  fournissait  la  montagne  du  Pentélique  qiii 
s’élève  à  quelques  milles  seulement  au  nord  d’Athènes.  Il  repose  sur  un 
stylobate  formé  de  trois  degrés.  Ces  degrés  ont  tous  une  profondeur 
égale  de  0"’,70,  mais  les  deux  inférieurs  ont  0'",52  de  hauteur  et  le 
supérieur' 0'", 55.  On  voit  que  par  leur  élévation  ils  étaient  en  quelque 
sorte  inaccessibles  et  n’avaient  jamais  pu  servir  de  marches  pour  monter 
au  temple.  Pour  les  rendre  praticables,  on  avait  formé  à  la  façade 
orientale  trois  escaliers,  N,  M,  N,  composés  d’une  marche  intercalée 
entre  chaque  degré  en  avant  de  l’entre-colonnement  central  et  des  deux 
avant-derniers  entre-colonnements.  Les  marches  intercalées  ont  disparu, 

1.  Aujourd’hui  l’Acropole  u’a  plus  d’autres  habitants  que  quelques  invalides,  ses  gardiens.  «  La 
chouette,  dit  Ed.  About  dans  sa  Grèce  contemporaine,  habite  toujours  la  ville  de  Minerve,  mais  elle 
n’y  règne  plus.  L’Acropole  est  habitée  en  été  par  une  charmante  espèce  d’épervier  qu’on  appelle  la 
cï’écerellette.  Ce  petit  oiseau  de  proie  ne  poursuit  pas  d’autre  gibier  que  les  sauterelles;  cependant 
il  ne  manque  pas  de  courage;  lorsqu’il  arrive  au  mois  d’avril,  il  commence  par  délivrer  l’Acropole  de 
tous  les  corbeaux  dont  elle  est  infestée.  » 

On  disait  :  porter  des  chouettes  à  Athènes,  comme  nous  disons  ;  porter  de  l’eau  à  la  rivière.  Cette 
locution  était  devenue  proverbiale.  V.  Lucien.  Nigrinus.  Aristophanf.  Les  Oiseaux,  v.  302. 

2.  Itinéraire  de  Paris  à  Jérusalem.  Partie  I. 

3.  Rangabé.  Antiquités  helléniques. 

4.  Ruines  des  plus  beaux  monuments  de  la  Grèce.  In-folio.  1770. 


88 


ATHÈNES. 


mais  leur  trace  est  encore  parfaitement  visible  sur  le  marbre  des  degrés. 
L’escalier  principal  M  avait  /i'",295,  largeur  égale  à  la  distance  d’un 
centre  de  colonne  à  l’autre.  Les  deux  petits  escaliers  N  N  n’avaient 
que  1"',  50  de  largeur. 


Jlw 


Plan  antique  du  Parthénon. 

Le  Parthénon  est  dorique,  octastyle  périptère  et  hypœthre;  sa  lon¬ 
gueur,  prise  au  sommet  des  degrés,  est  de  69  mètres  ;  sa  largeur  de 
31  mètres.  Les  ailes  GH  et  I  K  ont  dix -sept  colonnes  en  comptant 
deux  fois  les  colonnes  d’angle ,  et  les  façades  G  K  et  H I  seulement 
huit,  moins  de  la  moitié,  disposition  qui  paraît  avoir  été  généralement 
observée  par  les  Grecs.  Les  Romains  firent  leurs  temples  beaucoup 
moins  longs. 

La  longueur  extérieure  de  la  cella  A  B  CD,  non  compris  les  antes  qui 
font  saillie  à  ses  deux  extrémités,  est  de  /i7'",30;  la  largeur  de  21"’,  70. 
L’intérieur  est  divisé  en  deux  parties  d’inégale  grandeur.  La  princi¬ 
pale  E  est  le  temple,  ou  vaà;;  l’autre,  à  laquelle  on  entrait  par  la 
façade  postérieure  et  le  posticum  O  était  l’opisthodome,  oTriGÔo^op;  2^ 
que  Leroy  et  quelques  autres  ont  pris  pour  le  pronaos  ^  P,  trompés  par 
la  nouvelle  destination  que  lui  avaient  donnée  les  chrétiens,  en  chan¬ 
geant  l’orientation  du  temple  dont,  suivant  le  rite,  la  façade  était 

1.  Jusqu’au  Parthénon,  les  temples  grecs  n’avaient  eu  au  plus  que  six  colonnes  à  la  façade. 
M.  Beulé  remarque  que  le  temple  octastyle  de  Sélinonte  paraît  de  la  même  époque  que  le  Parthénon. 

2.  ''OTuaÔev,  derrière,  et  86[J^oç,  construction,  salle,  édifice. 

3.  IJpévao;  ou  npoSop-oç,  vestibule  ou  porche  du  temple. 


EXTÉRIEUR  DU  PARTHÉNON. 


89 


primitivement  tournée  au  levant.  Lorsqu’on  entrait  dans  l’Acropole  par 
les  Propylées,  c’était  la  façade  postérieure  ou  occidentale  H1  qui  se 
présentait  d’abord  aux  regards. 

Autour  du  temple  règne,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  le  péristyle  GH  IR, 
composé  de  quarante-six  colonnes,  huit  à  chaque  façade  et  dix-sept  à 
chaque  aile.  Toutes  ces  colonnes  sont  légèrement  inclinées  vers  l’in¬ 
térieur  du  temple,  aussi  bien  que  les  murs  mêmes  de  la  cella;  leurs 
lignes  verticales,  en  les  supposant  suffisamment  prolongées,  se.  réuni¬ 
raient  dans  le  ciel  à  un  point  imaginaire  fort  éloigné,  il  est  vrai,  et  leur 
ensemble  constituerait  une  sorte  de  pyramide  très-aiguë  dont  le  temple 
formerait  seulement  les  assises  inférieures. 

Cette  tendance  vers  la  forme  pyramidale,  symbole  de  solidité  plutôt 
que  type  d’élégance;  cette  déviation  de  la  perpendiculaire,  très-prononcée 
dans  les  édifices  archaïques;  cette  disposition  que  nous  trouvons  dans 
les  portes  de  la  trésorerie  d’Atrée  à  Mycènes,  édifice  des  temps 
héroïques,  et  que  nous  signalerons  encore  dans  celle  de  l’Érechthéion, 
qui  appartient  à  l’époque  la  plus  raffinée^  sont  une  preuve  de  plus  des 
emprunts  faits  par  l’architecture  grecque  à  l’art  égyptien,  dont  cette 
forme  fut  toujours  le  caractère  le  plus  saillant.  M.  Penrose^  cite,  à  l’appui 
de  la  généralité  de  cette  coutume,  un  passage  de  Cicéron  qui  serait  fort 
curieux,  en  effet,  s’il  était  bien  certain  qu’il  eût  absolument  le  sens  qu’il 
lui  attribue,  mais  nous  croyons  qu’il  en  a  un  peu  forcé  la  traduction 
pour  les  besoins  de  sa  cause.  Voici  ce  passage,  tel  que  nous  le  compre¬ 
nons;  on  pourra  comparer  notre  traduction  au  texte;  nous  la  croyons 
littérale.  Chargé,  comme  préteur  urbain,  de  l’entretien  des  édifices  de 
Rome,  ((  Verrès  vient  lui-même  dans  le  temple  de  Castor;  il  le  consi¬ 
dère;  il  voit  partout  le  plafond  richement  orné  et  tout  le  reste  de  l’édifice 
neuf  et  en  parfait  état.  11  se  tourne  et  retourne,  cherchant  ce  qu’il 
pourrait  faire.  Un  de  ces  limiers,  dont  il  entretenait,  comme  il  l’avait  dit 
à  Ligur,  une  meute  autour  de  lui,  lui  dit  :  Verrès,  tu  n’as  rien  à  faire 
ici,  à  moins  que,  par  hasard,  tu  ne  veuilles  ramener  les  colonnes  à  la 
perpendiculaire.  Cet  homme,  profondément  ignorant,  demande  ce  qu’on 
entend  par  ramener  ci  la  perpencliculaire.  On  lui  dit  alors  qu’il  n’y  a 
prescpie  aucune  colonne  qui  puisse  être  parfaitement  perpendiculaire. 


1.  Principles  of  Athenian  Architecture. 


90  AT  H  N  ES. 

Eh  bien!  dit-il,  voilà  ce  qu’il  faut  faire.  Rendons  les  colonnes  perpendi¬ 
culaires^.  » 

Le  mot  presque  [fere],  en  éloignant  l’idée  d’une  règle  générale, 
nous  semble  rendre  impossible  la  conclusion  que  M.  Penrose  tire  du 
passage  dé  la  seconde  Verrine.  Il  fait  dire  à  l’interlocuteur  de  Verrès 
que  «  dans  un  temple,  il  n  y  a  pas  d’ordinaire  une  seule  colonne  qui  ne 
soit  ùiclinée,  »  et  il  voit  dans  la  phrase  ainsi  traduite  une  allusion  à 
l’usage  qu’il  a  constaté  sur  les  temples  grecs,  mais  que  sans  doute  il 
n’eût  pas  retrouvé  appliqué  au  temple  de  Castor,  édifice  romain  dont  la 
fondation  remontait,  il  est  vrai,  à  l’expulsion  des  Tarquins^,  mais  qui, 
d’après  la  citation  même  alléguée  ici,  avait  dû  être  reconstruit,  puisque 
toutes  ses  parties  n’eussent  point  été  neuves  et  intactes,  nova  atque 
integra,  après  plus  de  quatre  siècles.  Et  d’ailleurs  la  remarque  du 
satellite  ne  s’applique  pas  plus  à  ce  temple  c^u’à  tout  autre. 

Dans  le  passage  littéralement  traduit  ;  <(  Dans  un  temqole,  il  ny  a 
presque  aucune  colonne  qui  puisse  être  parfaitement  perpendiculaire,  » 
nous  ne  pouvons  voir  autre  chose  que  l’aveu  de  la  faiblesse  de  toute 
œuvre  humaine  qui  ne  peut  jamais  atteindre  à  la  perfection  absolue. 
Cette  interprétation  ne  rend  que  plus  piquante  la  plaisanterie  que  l’igno¬ 
rant  Verrès  prend  au  sérieux. 

Revenons  au  Parthénon,  dont  cette  petite  digression  nous  a  éloigné 
un  instant;  nous  verrons  que  les  colonnes  d’angle  ont  une  inclinaison 
double,  afin  de  contre-buter  avec  plus  de  force  la  poussée  de  l’édilice, 
et,  dans  le  même  but,  elles  sont  aussi  moins  éloignées  des  deux 
colonnes  voisines,  qui  semblent  leur  venir  en  aide;  elles  ont  en  outre, 
suivant  la  règle  formulée  plus  tard  par  Vitruve^,  un  diamètre  plus  fort, 

1.  Venit  ipse  in  œdeni  Castor is;  considérât  templum;  videt  undique  tectum  pulcherrime  laquea- 
tum,  præterea  cœtera  nova  atque  integra.  Versât  se;  quærit  quid  agal.  Dicit  ei  quidam  ex  illis 
canilms,  quos  iste  Liguri  dixerat  esse  circa  se  multos  :  Tu,  Verres,  hic  quod  moliare  nihil  habes, 
nisi  forte  vis  ad  perpendiculum  coluninas  exigere.  Homo  omnium  rerum  imperitus,  quærit  quid 
sit  ad  perpendiculum.  Dicunt  ei,  fere  nullam  esse  colurnnam  quæ  ad  perpendiculum  esse  possit. 
Nam,  mehercùle,  inquit,  sic  agamus  :  columnœ  ad  perpendiculum  exigantur.  » 

CiCERO.  In  Verrem.  Act.  IL  L.  I,  §51. 

2.  Tite-Live.  L.  II,  43.  " 

Canina.  Indicazione  topografica  di  Borna  antica. 

3.  «  Les  colonnes  placées  aux  angles  doivent  être  grossies  d’une  cinquantième  partie  de  leur 

diamètre,  parce  qu’il  semble  que  l’air  et  le  grand  jour,  auxquels  elles  sont  plus  exposées  que  celles 
du  milieu,  les  mange  et  les  rend  plus  petites;  du  moins  elles  paraissent  telles  aux  yeux,  et  il  faut 
que  l’art  remédie  è  l’erreur  de  la  vue.  »  Vitri  ve.  L.  111,  c.  3. 


KXTÉRrEUR  DU  PARTIIÉNON 


91 


afin  que,  lorsque  se  détachant  sur  le  ciel  elles  se  trouvent  entièrement 
noyées  dans  la  lumière,  elles  ne  paraissent  pas  plus  grêles  que  les 
autres. 

La  hauteur  des  colonnes ,  compris  le  chapiteau ,  est  de  10'",  30  ; 
leur  diamètre  est  de  1"’,  70;  celui  des  colonnes  d’angle  est  de  i"’,90. 

Le  chapiteau,  fort  simple^,  formé  d’un  seul  bloc  de  0"‘,916  de  hau¬ 
teur,  n’a  point  d’astragale,  et  ce  membre  est  remplacé  par  un  anglet 
qui  ne  fait  que  couper  les  cannelures  sans  les  arrêter. 

Le  chapiteau  est  réuni  au  fût  par  quatre  filets;  le  tailloir  n’a  point 
de  talon  ;  cette  moulure  eût  paru  mesquine  dans  une  ordonnance  aussi 
sévère  2. 

Les  colonnes  sans  base  reposent  sur  les  trois  degrés  très-élevés  qui 
servent  de  stytobate  à  tout  le  monument^.  Sur  le  degré  supérieur,  en 
avant  des  colonnes,  on  peut  reconnaître  au  nord,  à  l’ouest  et  au  sud 
des  traces  de  stèles  ou  de  petits  piédestaux  ayant  porté  des  statues.  Ces 
ex-voto  ajoutés  après  coup  devaient  nuire  beaucoup  à  l’aspect  du  temple, 
dont  ils  détruisaient  la  majestueuse  simplicité. 

C’est  surtout  dans  le  stylobate  qu’est  sensible  une  des  données  les 
plus  singulières  de  l’art  grec,  dont  nous  avons  déjà  eu  l’occasion  de 
dire  quelques  mots  à  propos  de  l’escalier  des  Propylées.  Aucune  des 
grandes  lignes  du  Parthénon  n’est  absolument  horizontale  ;  toutes 
décrivent  une  courbe  plus  ou  moins  prononcée,  peu  considérable ,  il  est 
vrai,  puisque,  sur  les  69  mètres  de  longueur  du  Parthénon,  elle  n’est 
que  de  0'",J23,  et  sur  les  31  mètres  de  largeur  de  0‘",072.  On  ne  doit 
pas  s’étonner  qu’une  déviation  aussi  peu  sensible  de  la  ligne  droite  ait 
échappé  si  longtemps  aux  regards  des  innombrables  artistes  et  savants 
qui  ont  étudié  le  Parthénon;  mais  aujourd’hui  qu’on  est  prévenu,  il  est 
facile  de  constater  qu’un  objet  peu  élevé  posé  à  l’une  des  extrémités  du 
stylobate  est  invisible  pour  celui  qui  place  son  œil  au  niveau  de  sa  sur¬ 
face  à  l’autre  extrémité.  Il  est  donc  évident  que  cette  surface  s’élève 
progressivement  jusqu’au  centre,  présentant  ainsi,  en  réalité,  une  ligne 
convexe. 


1.  Voy.  la  lettre  en  tète  du  chapitre. 

2.  Un  de  ces  chapiteaux,  avec  une  portion  du  fût,  est  au  British  Muséum,  Elgin  saloon,  n“  212. 

3.  Sur  ces  degrés,  en  maint  endroit,  on  trouve  gravés  par  les  Turcs  des  espèces  de  petits  labyrin¬ 
thes  qui  leur  servaient  pour  une  sorte  de  jeu  de  dames. 


Cette  particularité,  signalée  d’abord  au  Parthénon  en  1837,  par 
M.  Pennethorne,  architecte  anglais,  a  été  constatée  par  MM.  Hofer, 
Schaubert,  Fuente,  Travers,  Paccard  et  autres  architectes  de  tous  les 
pays,  et  reconnue  depuis  dans  tous  les  autres  temples  grecs,  et  en  par¬ 
ticulier  à  celui  de  Thésée,  à  Athènes  même.  Il  est  donc  impossible  de 
voir  dans  ces  courbes  l’effet  du  hasard  ou  d’un  vice  de  construction ,  et 
force  est  d’y  reconnaître  le  résultat  d’une  combinaison  arrêtée,  d’un 
système  profondément  réfléchi.  Un  autre  architecte  anglais,  après  une 
étude  spéciale  de  huit  mois  (1846-1847)  ,  à  l’aide  des  instruments  les 
plus  exacts,  les  plus  précis,  a  fait  de  ces  courbes  le  sujet  d’un 
ouvrage  où  se  trouvent  notés  les  résultats  de  ses  patientes  et  infatigables 
investigations^.  11  n’est  pas  facile  de  se  rendre  compte  de  la  pensée 
qui  a  conduit  les  Grecs  à  adopter  un  système  en  apparence  si  incom¬ 
patible  avec  toutes  les  autres  règles  de  l’architecture. 

M.  Penrose  établit,  par  des  raisonnements  que  la  science  physiolo¬ 
gique  appuie  de  toute  son  autorité,  que  l’esprit,  guidé  par  l’expérience, 
ne  cesse  de  corriger  les  images  que  l’œil  lui  présente.  C’est,  selon 
l’auteur  anglais,  ce  travail  que  les  architectes  grecs  ont  voulu  épargner 
au  spectateur,  en  donnant  au  monument  des  formes  telles,  que,  dès 
l’aboçd,  elles  paraissent,  non  pas  telles  qu’elles  sont,  mais  telles  qu’elles 
devraient  être.  Cette  hypothèse  nous  semble  confirmée  par  un  passage 
deVitruve,  qui  renferme  un  précepte  dont,  jusqu’aux  récentes  décou¬ 
vertes  qui  nous  occupent,  personne  n’avait  pu  comprendre  le  véritable 
sens. 

((  11  faut  faire,  dit-il,  la  surface  du  stylobate  de  telle  façon  qu’elle 
ait  au  milieu  une  surélévation  au  moyen  de  blocs  (progressivement)  iné¬ 
gaux,  car  si  le  stylobate  était  rigoureusement  de  niveau,  il  semblerait 
à  l’œil  qu’il  creuse  au  milieu^.  » 

Ces  derniers  mots  nous  paraissent  établir  de  la  manière  la  plus  positive 
la  vérité  du  système  de  M.  Penrose;  cependant  M.  Beulé  ne  l’accepte 


1.  Penrose.  Principles  of  Athenian  architecture.  London.  1851. 

2.  «  Stylobaten  ita  oportet  exœquari,  uti  haheatper  medium  adjunctionem per  scamillos  impures. 

Si  enirn  ad  libellam  dirigetur,  alveolatum  oculo  videbitur.  »  Vitr.  L.  III,  c.  4. 

Le  mot  scamillus  veut  dire  ordinairement  escabeau,  mais  paraît  désigner  ici  les  blocs  rectangu¬ 
laires  qui  composent  un  soubassement  et  qui  ont  en  effet  quelque  chose  de  la  forme  d’un  escabeau. 
MM.  Quicherat  et  Daveluy  {Dictionnaire  latin-français)  proposent  de  traduire  scamillus  par  soc/e 
de  colonne. 


EXTÉRIEUR  DU  PARTI! ÉNON. 


93 


pas.  Quoique  nous  regrettions  de  ne  pouvoir  partager  son  opinion,  nous 
la  reproduirons  ici ,  tant  pour  mettre  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  tous 
les  éléments  de  la  cause,  que  parce  que,  dans  une  page  du  brillant 
professeur,  il  y  a  toujours  quelque  profit  pour  l’imagination  et  pour 
l’esprit  : 

«  Les  courbes  horizontales  peuvent  être  considérées  comme  une  con¬ 
séquence  des  inclinaisons  verticales.  L’on  sait  à  peu  près  l’époque  où 
elles  commencèrent  à  être  employées  :  elles  n’existent  pas  encore  au 
temple  de  Corinthe  ;  on  les  voit  déjà  au  plus  récent  des  temples  de 
Pæstum.  C’est  le  cas ,  à  ce  qu’il  semble ,  de  se  rappeler  le  mot  de 
Vitruve  :  ((  Blandimur  voluptati  visiis.  »  Charmer  les  regards,  n’est-ce 
pas  le  but  le  plus  immédiat,  sinon  le  plus  élevé  de  l’art? 

«  La  ligne  droite,  sur  un  long  développement,  a  quelque  chose  de 
sec  et  de  froid;  nous  en  avons  des  exemples  frappants  dans  les  monu¬ 
ments  que  les  modernes  ont  copiés  sur  l’antique,  avec  plus  de  science 
que  de  sentiment.  La  ligne  droite  est  une  abstraction  toute  géométrique, 
que  l’on  ne  retrouve  jamais  dans  la  nature.  Les  lignes  mêmes  des  horizons 
décrivent  une  double  courbe,  déterminée  par  la  forme  du  globe.  La 
convexité  du  soubassement  et  des  architraves  donne  au  Parthénon 
quelque  chose  de  vivant  et  d’harmonieux  qui  nous  pénètre  à  notre  insu. 
Il  est  si  vrai  que  l’architecte  n’a  point  prétendu  redresser  nos  percep¬ 
tions,  qu’il  a  dû  compter  au  contraire  sur  leur  naïve  exactitude  pour 
nous  transmettre  la  notion  de  ces  belles  courbes.  Elles  sont  en  effet 
parfaitement  sensibles,  pour  peu  que  le  regard  s’y  arrête  et  cherche  le 
secret  des  impressions  inconnues  qu’un  principe  si  nouveau  éveille  en 
nous.  C’est  toujours  ce  qui  m’a  frappé  dans  les  temples  doriques  où  les 
courbes  existent,  à  Pæstum,  en  Sicile,  en  Grèce.  Peut-être  était-ce  une 
complaisance  des  yeux  pour  l’esprit  prévenu;  mais  aujourd’hui,  chacun 
peut  contrôler  le  témoignage  de  ses  sens  par  les  résultats  que  la  science 

démontre,  et  je  ne  crois  pas  qu’on  trouve  jamais  en  défaut  leur  sincé- 

\ 

rité^.  » 

Un  mot  de  cette  citation  a  déjà  appris  à  nos  lecteurs  que  les  courbes 
observées  au  stylobate  se  reconnaissent  également  dans  les  parties  supé¬ 
rieures  de  l’édifice,  aux  architraves,  aux  corniches,  aux  bases  des 


1.  E.  Beulé.  V Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  2f’, 


!)4 


AT  HExXliS. 


frontons.  Nous  trouvons  également  ce  fait  érigé  en  règle  par  Yitruve  : 
((  Les  chapiteaux  des  colonnes ,  dit-il ,  étant  terminés ,  et  n’étant  point 
posés  de  niveau,  bien  qu’étant  d’une  égale  proportion,  les  architraves 
doivent  être  tracées  de  telle  sorte  que  le  renflement  qui  a  été  ménagé 
dans  le  stylobate  se  retrouve  dans  les  membres  supérieurs  de  l’édifice^.  » 

Enfin,  il  est  un  troisième  genre  de  courbes  ([ui  se  trouve  également 
au  Partbénon  et  dans  les  autres  édifices  grecs.  La  face  de  rentablement 
forme  une  ligne  concave  sur  chacun  des  côtés  de  l’édifice,  de  sorte 
que  les  angles  ne  sont  pas  absolument  droits,  mais  un  peu  aigus.  Cette 
disposition  avait  évidemment  pour  but  d’ajouter  encore  à  la  solidité  du 
temple,  en  opposant  à  l’écartement  une  plus  grande  résistance  vers  le 
centre  des  grandes  lignes. 

Les  colonnes  sont  cannelées  à  vive  arête  dans  toute  leur  hauteur,  et 
les  cannelures  sont  au  nombre  de  vingt.  Elles  ne  viennent  pas,  comme 
dans  la  plupart  des  autres  temples  grecs,  se  couper  brusquement  et 
à  angle  droit  aux  filets  du  chapiteau  ;  elles  se  rapprochent  plutôt  du 
système  romain;  seulement,  au  Partbénon,  au  lieu  d’être  terminées, 
comme  en  Italie,  par  un  demi-cercle,  elles  le  sont  par  une  sorte  d’arc 
surbaissé. 

i.es  joints  des  tambours  qui  composent  les  colonnes  sont  d’une  telle 
perfection,  qu’il  faut  la  plus  grande  attention  pour  les  découvrir;  ils 
n’ont  souvent  pas  l’épaisseur  du  cheveu  le  plus  délié.  Du  reste,  dans 
tous  ses  détails,  le  Partbénon  offre  la  même  perfection. 

Les  colonnes  soutiennent  un  entablement  qui  a  3”', 25  de  hauteur  et 
(pii  n’est  pas  moins  admirable  par  la  beauté  des  marbres  dont  il  est 
orné,  que  par  le  caractère  mâle  qui  règne  dans  ses  profils.  Il  paraît, 
conformément  à  la  règle  posée  par  Vitruve^,  avoir  été  décoré  de  têtes 
de  lion  et  d’antéfixes ,  dont  on  voit  (iuel(:[ues  échantillons  au  musée  de 
Londres 

La  face  du  triglyphe  est  exactement  à  l’aplomb  de  celle  de  l’architrave, 
règle  (pie  Leroy  pense  avoir  été  suivie  à  Athènes  jusqu’au  temps  d’Au- 


1 .  «  CapituUs  perfectis  deinde  columnarum  ,  et  non  ad  libeUam,  sed  ad  æqualem  modulum  collocatis, 
ut  quæ  adjectio  in  stylobaüs  facta  fuerit,  in  superioribus  menibris  respondeat,  epistyliorum  ratio 
sic  esthabenda .  »  Vitr.  L.  III,  c.  5. 

«  In  cymis  capita  leonina  sunt  scalpenda.  »  VniavE.  L.  III. 

/prym  Saloon.  JN"  .'591,  trtc  de  lion.  N"’  .'189  et  Ü91),  antéfixes. 


EXTÉRIEUR  DU  l'ARTllÉNON. 


1)5 


guste ,  et  dont  les  Grecs  se  seraient  écartés  alors ,  et  après  eux  les 
Romains,  en  faisant  la  surface  du  triglyphe  en  surplomb  sur  rarchitrave. 


La  hauteur  des  triglyphes  du  Parthénon  est  de  leur  largeur 

de  0'*',85.  On  remarquera  encore  qu’ici,  comme  dans  tous  les  temples 
doriques  grecs,  l’angle  de  la  frise  est  flanqué  d’un  triglyphe,  tandis 
que  chez  les  Romains  cet  angle  restait  nu ,  et  le  triglyphe  était  placé 
à  l’aplomb  de  l’axe  de  la  colonne. 


Angle  rie  frise  du  Parthénon.  Angle  de  frise  romaine. 


L’entablement  du  Parthénon  ne  suit  pas  la  forme  pyramidale  des 
murs  de  la  cella  et  des  colonnes;  au  lieu  d’incliner,  comme  eux,  vers 
le  centre,  il  se  redresse  et  penche  même  légèrement  vers  l’extérieur  du 
monument.  M.  Renié  nous  semble  avoir  donné  de  cette  particularité 
l’explication  la  plus  simple  et  en  même  temps  la  plus  vraie.  Si  l’entable¬ 
ment  renversé  en  arrière  eût  fui  l’œil  du  spectateur,  tout  l’effet  eût 
été  perdu;  ces  ornements  fussent  devenus  invisibles,  d’autant  plus  ([u’au 


96 


ATHÈNES. 


Parthénon,  comme  dans  tous  les  temples  grecs,  si  tous  étaient  rehaussés 
de  peintures^,  plusieurs  étaient  simplement  peints  et  non  sculptés,  et 
par  conséquent  sans  saillie  2. 

Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler  de  l’emploi  de  la  polychromie 
dans  la  décoration  des  édifices  grecs  Certaines  couleurs  étaient,  comme 
par  tradition,  affectées  à  certains  membres  d’architecture  :  le  bleu  aux 
triglyphes  et  aux  mutules,  le  rouge  aux  métopes  et  à  la  bande  creuse 
qui  sépare  les  mutules,  etc.;  les  gouttes  étaient  dorées;  le  fond  des 
frontons  était  généralement  bleu ,  ainsi  que  celui  des  caissons  sur 
lesquels  se  détachaient  des  étoiles  ou  des  rosaces  d’or.  La  frise  de  la 
cella  du  Parthénon  était  surmontée  de  canaux  alternativement  rouges 
et  bleus  ;  au-dessous  de  la  frise  couraient  un  méandre  sobrement  peint 
et  doré^,  et  des  rais  de  cœur  distingués  par  des  filets  rouges  sur  un 
fond  bleu®;  enfin,  sur  un  chapiteau  d’ante  du  posticum,  M.  Penrose  dit 
avoir  vu  des  oves  blancs  séparés  par  des  fers  de  lance  rouges,  et  des 
rangs  de  perles  d’or  sur  un  fond  bleu 

M.  Paccard  et  quelques  autres  ont  cru  voir  sur  les  fûts  des  colonnes 
des  traces  d’ocre  jaune.  Nous  croyons,  après  examen  attentif  de  l’espèce 
de  croûte  jaune  qui  recouvre  en  effet  certaines  parties  du  fût  des  colonnes, 
qu’il  ne  faut  y  voir  qu’une  sorte  d’oxydation  du  marbre  produite  par 
l’ardeur  du  soleil ,  d’autant  plus  que  les  parties  les  plus  abritées,  et  où 
par  conséquent  la  peinture  eût  dû  le  mieux  se  conserver,  sont  justement 
celles  où  l’on  en  trouve  le  moins  de  traces. 

Le  portique  est  double  à  chacune  des  façades  du  Parthénon,  et  ce 
ne  sera  peut-être  pas  sans  cjnelque  étonnement  qu’on  remarquera  dans 
le  plan  que  les  colonnes  du  second  rang,  exhaussées  sur  deux  degrés 
et  d’un  plus  petit  diamètre  que  celles  du  premier,  ne  correspondaient 
pas  toutes  parfaitement  à  leur  axe.  Ces  irrégularités,  que  la  théorie  de 


1.  Hittorff.  Architecture  polychrome  chez  les  Grecs. 

2.  Nous  avons  un  curieux  exemple  de  cet  emploi  simultané  de  la  sculpture  et  de  la  peinture  dans 
la  décoration  de  la  voûte  du  tepidarium  des  anciens  Thermes  de  Pompéi. 

E.  Breton.  Pompeia,  2®  édit.,  p.  150. 

3.  Page  26. 

■  4.  Mæander,  MaCavSpo;. 

5.  Un  fragment  de  ce  méandre  peint  est  au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n“  99. 

G.  E.  Beulé.  Acropole.  T.  II,  p.  54  et  suiv. 

7.  Penrose.  Principles  of  Athenian  architecture. 


[  NT  É  RI  EUR  DU  PARTlif^NÜN.  97 

l’art  ne  saurait  admettre,  sont  insensibles  clans  l’exécution  et  pourtant 
concourent  à  l’effet  de  l’ensemble.  Ces  colonnes  plus  sveltes,  paraissant 
converger  vers  un  point  de  vue  central,  donnent  au  péristyle  une  profon¬ 
deur  apparente  plus  grande  que  celle  qu’il  a  réellement  C 

La  hauteur  des  colonnes  du  second  rang,  compris  le  chapiteau ,  est 
de  10"’,  25,  et  leur  diamètre  est  de  1’",  70.  La  hauteur  totale  du  cha¬ 
piteau  est  de  0"’,55,  dont  0"’,286  pour  le  tailloir,  et  0“,26/i  pour  l’échine 
et  les  filets  qui  ne  sont  qu’au  nombre  de  trois.  Ici,  les  cannelures  du  fût 
sont  formées  de  segments  de  cercle. 

Intérieur  du  Partiiénon.  L’intérieur  du  temple  E,  long  de  30"’,  60 
sur  19"’,  35  de  largeur,  avait  une  disposition  analogue  à  oelle  des  basi¬ 
liques  élevées  plus  tard  par  les  Romains.  En  1676,  Spon  et  Wheler  y 
virent  encore  la  galerie  QRST,  large  de  5"', 40,  qui  entourait  de  trois 
cotés  la  partie  centrale  du  naos,  et  qui  était  composée  de  deux  ordres 
superposés;  en  1765,  époque  du  voyage  de  Chandler,  toutes  les  colonnes 
avaient  disparu;  mais  si  on  n’a  «que  des  données  très-vagues  sur  l’ordre 
supérieur  dont  on  n’a  retrouvé  aucun  fragment  authentique,  on  a  pu 
réunir  assez  d’éléments  pour  relever  le  plan  de  l’ordre  inférieur.  Si  l’on 
en  croyait  Stuart  et  quelques  autres  auteurs,  il  y  eût  eu  également  des 
colonnes  au  quatrième  côté  du  naos,  celui  de  l’est.  Cette  assertion  nous 
semble  inadmissible;  les  colonnes,  ainsi  qu’on  peut  s’en  assurer  par  la 
largeur  des  entre-colonnements,  eussent  nécessairement  été  en  nombre 
impair  et  celle  du  milieu  se  fût  trouvée  juste  dans  l’axe  de  la  porte.  En 
outre,  le  petit  stylobate  légèrement  exhaussé,  qui  portait  les  colonnes 
des  trois  autres  côtés,  n’existe  pas  au  quatrième.  Du  reste,  il  serait 
impossible  aujourd’hui  de  vérifier  le  fait,  le  sol  étant  couvert  par  d’énormes 
débris,  et  par  les  restes  du  sanctuaire  chrétien. 

Suivant  MM.  Paccard  et  Penrose,  le  portique  était  soutenu  par  vingt 
et  une  colonnes,  et  aux  angles  par  deux  piliers  U  U,  avec  pilastres 
saillants.  Ces  piliers  nous  paraissent  une  restitution  difficile  à  justifier 
par  des  exemples  anticfues.  Dans  la  basilicfue  de  Pompéi,  qui  présente 
avec  l’intérieur  du  Partiiénon  plus  d’un  point  de  ressemblance,  les  angles 
du  portique  sont  occupés  par  des  colonnes  et  non  point  par  des  piliers  2. 

1.  C’est  cette  même  pensée  qui,  poussée  à  ses  dernières  conséquences,  a  guidé  le  Borromini  dans 
la  construction  du  curieux  porticiue  en  perspective  du  palais  Spada,  à  Rome. 

‘2.  E.  Breton.  Pompeia.  —  Voy.  le  plan  de  la  basilique,  page  suivante. 


7 


98 


ATHÈNES. 


Laissant  donc  de  côté  cette  supposition  (jue  n’avait  point  faite 
M.  BrôndstecU  qui,  à  la  vérité,  ne  compte  dans  rintérieur  du  Parthénon 
que  seize  colonnes,  ce  qui  est  évidemment  une  erreur,  nous  dirons  que 
le  portique  était  formé  de  dix  colonnes  de  chaque  côté  et  cinq  colonnes 
au  fond,  en  comptant  deux  fois  les  colonnes  d’angle,  total  ;  23  colonnes. 
Nous  nous  trouvons  ainsi  d’accord  avec  Spon,  Wheler  et  Chandler, .sui¬ 
vant  lesquels  le  portique  inférieur  était  composé  de  vingt-deux  colonnes, 
tandis  que  l’ordre  supérieur  en  comprenait  vingt-trois.  La  colonne  impaire 
se  trouvait  au-dessus  de  l’entrée,  qui,  par  cette  disposition,  était  dégagée 
et  spacieuse  2.  Spon  et  Chandler  eussent  dû  ajouter  que  la  vingt-troisième 


l’iiin  de  la  Basilique  de  Pompéi. 


colonne  Y,  de  l’ordre  inférieur,  avait  été  enlevée  à  l’époque  de  la  trans¬ 
formation  du  Parthénon  en  église,  afin  de  donner  un  libre  passage  par 
la  nouvelle  entrée  transportée  à  l’occident.  On  avait  dû  en  même  temps 
substituer  aux  deux  morceaux  d’architrave  restés  sans  appui,  une  archi¬ 
trave  d’une  seule  pièce  et  de  la  largeur  de  deux  entre-colonnements. 

Les  savants  et  les  architectes  sont  loin  d’être  d’accord  sur  une  question 
bien  importante,  dont  aujourd’hui  on  demanderait  en  vain  la  solution 
au  monument  lui-même.  Le  Parthénon  était-il  couvert?  L’existence  de 
la  galerie  ejui  de  trois  côtés  régnait  le  long  de  la  muraille  n’est  pas 
douteuse.;  il  ne  reste  donc  d’incertitude  que  sur  la  partie  centrale.  Les 
exemples  antiques  ne  mancpieraient  pas  à  l’appui  de  l’opinion  de  ceux 
qui,  comme  M.  Paccard,  pensent  qu’elle  était  entièrement  hypœthre  ou 
découverte.  Pourtant,  ici,  il  nous  répugne  de  croire  que  cette  statue  d’or 
et  d’ivoire,  chef-d’œuvre  de  Phidias  pour  la  conservation  duquel  on 
avait  pris  de  si  minutieuses  précautions,  soit  restée  exposée  à  la  pluie  et 


1.  Voyages  et  recherches  dans  la  Grèce. 

2.  Spon  et  Wheler.  Voyage  en  Grèce,  1G76.  Chandler.  Voyages.  T.  II,  p.  390. 


OPISTHODÜME. 


99 


au  soleil,  dont  les  effets  désastreux  n’eussent  pas  tardé  à  se  faire  sentir. 
Nous  serions  donc  tenté  de  croire  que  la  partie  du  temple  en  avant  de 
la  statue  était  seule  hypœthre.  Il  est  probable  aussi  que  les  chrétiens 
achevèrent  de  couvrir  la  nef  centrale  lorsc^u’ils  la  transformèrent  en 
église;  cela  expliquerait  la  nécessité  dans  laquelle  ils  se  trouvèrent  de 
periîer  une  fenêtre  dans  l’abside  qu’ils  substituèrent  au  pronaos.  Bien 
C{u’il  y  ait  peu  de  foi  à  ajouter  aux  dessins  des  voyageurs  du  xvii®  siècle, 
on  pourrait  cependant  en  tirer  un  indice  en  faveur  de  notre  hypothèse. 
Dans  le  plan  d’Athènes,  dessiné  par  les  capucins  français  vers  1670, 
aussi  bien  que  dans  la  vue  générale  donnée  par  Spon  en  167/|.  et  dans 
celle  cpii  accompagne  la  relation  de  Wheler  nous  trouvons  le  Parthénon 
couvert  dans  toute  son  étendue.  Notre  conjecture  se  trouverait  encore 
confirmée  par  cette  obscurité  du  temple,  qui  étonna  La  Guilletière  et  que 
remarquèrent  aussi  Spon  et  Wheler. 

Opisthodome.  Nous  avons  dit  que  la  partie  occidentale  ou  postérieure 
de  la  cella  était  occupée  par  l’opisthodome  F.  Dans  celui-ci,  outre  l’argent 
provenant  des  revenus  publics  et  des  contributions  des  villes  de  la  Grèce, 
du  çopoç,  destiné  primitivement  à  soutenir  la  guerre  contre  les  Perses  2, 
on  conservait  toujours  au  moins  mille  talents  (5,400,000  francs),  poul¬ 
ies  dépenses  imprévues  de  l’État^. 

Au  commencement  de  la  première  guerre  du  Péloponèse  (432  avant 

1 .  Ces  planches  sont  reproduites  dans  le  bel  ouvrage  de  M.  de  Laborde,  Athènes  aux  xv%  xvP  et 
xviP  siècles. 

2.  «  Les  Athéniens,  investis  du  commandement  que  les  alliés  leur  avaient  déféré  en  haine  de  Pau- 

sanias,  fixèrent  l’apport  de  chaque  ville  dans  la  lutte  contre  le  barbare;  aux  uns,  ils  demandèrent  de 
l’argent,  aux  autres  des  vaisseaux.  Le  prétexte  était  de  ravager  les  terres  du  roi  de  Perse,  en  repré¬ 
sailles  de  ce  qu’on  avait  souffert,  C’est  alors  que  fut  instituée  chez  les  Athéniens  la  magistrature  des 
hellénotames  chargés  de  percevoir  le  phoros.  On  désignait  sous  ce  nom  la  contribution  en  argent.  Le 
premier  phoros  fut  fixé  à  400  talents.  Ce  trésor  était  déposé  à  Délos,  et  les  assemblées  se  tenaient 
dans  le  temple.  »  Thucvoide.  L.  1,  §  90. 

«  Aristide  conseilla  à  tous  les  alliés  de  convoquer  une  assemblée,  et  d’y  proposer  le  transfèrement 
et  le  dépôt  du  trésor  général  à  Délos.  Cet  argent  était  le  fruit  de  l’Impôt  que  chaque  ville,  pour  faire 
face  aux  dépenses  d’une  guerre  probable  avec  les  Perses,  devait  payer  selon  ses  moyens.  La  somme 
totale  de  ce  trésor  était  de  560  talents.  Chargé  lui-même  de  la  fixation  de  cet  impôt,  il  en  fit  la  répar¬ 
tition  avec  tant  d’exactitude  et  d’équité  qu’il  s’attira  l’estime  de  toutes  les  villes.  » 

Diodore  de  Sicile.  L.  XI,  46-47. 

Cf.  Cornelils  Nepos.  Aristide,  3. 

Nous  avons  vu,  déposées  dans  le  musée  des  Propylées,  les  curieuses  inscriptions  qui  ont  fait  con¬ 
naître  la  part  que  chacun  des  peuples  de  la  Grèce  prenait  à  cette  contribution. 

3.  «  Les  Athéniens  décrétèrent  que,  sur  les  sommes  déposées  a  l’Acropole,  1,000  talents  seraient 
prélevés  pour  être  mis  à  part  sans  qu’on  pût  les  dépenser,  et  que  le  reste  serait  consacré  aux  frais 


100 


AT  H  k  N  E  S. 


Jésus -Christ),  époque  de  la  plus  grande  puissance  d’Athènes,  six  mille 
talents  (32,A00,000  francs),  selon  Thucydide,  étaient  déposés  dans 
ropisthodome  Quelques  années  auparavant,  le  dépôt  avait  atteint 
l’énorme  somme  de  10,000  talents  (5A  millions  de  francs  2),  mais  on 
sait  qu’une  partie  de  ces  trésors  avait  été  détournée  de  sa  destination  et 
employée  par  Périclès  à  rembellissement  d’Athènes  ^  Là  aussi  étaient 
inscrits  les  noms  de  tous  les  débiteurs  de  l’État ,  nommés  pour  cela 
£Yy£yp(j^(/,f7^£voi  £v  T'fl  AîcpoTcoT^si,  inscrits  (IciHS  l  Aci  opolc^  et,  api  es  1  acquitte¬ 
ment  de  leur  dette,  ÀxpoTirolew;  i^ak-nki[jp.é'Joi,  efjacés  de  l  Acropole.  Les 
particuliers  mettaient  en  dépôt  dans  ropisthodome  les  sommes  d  argent 
et  les  objets  précieux  qu’ils  n’osaient  garder  chez  eux  L  On  y  conservait 


de  la  guerre  (du  Péloponèse).  La  peine  de  mort  fut  prononcée  contre  quiconque  parlerait  de  toucher 
à  ces  1,000  talents  ou  proposerait  un  décret  dans  ce  sens,  à  moins  que  ce  ne  fût  pour  repousser  une 
armée  d’invasion  venant  par  mer  attaquer  la  ville.  »  Thucydide.  L.  Il,  §  24. 

Cependant,  en  l’an  412,  après  les  désastres  de  l’expédition  de  Sicile  et  de  la  guerre  du  Péloponèse, 
les  Athéniens  se  servirent  de  cette  réserve  pour  reconstruire  leur  flotte. 

Le  trésor  du  temple  de  Minerve  fut,  plusieurs  siècles  après,  pillé  par  Verrès,  et  ce  sacrilège  est 
Tun  des  crimes  que  Cicéron  (  Verr.  II,  or.  I,  17)  reproche  à  1  avide  proconsul. 

1.  «  Périclès  dit  aux  Athéniens  qu’il  fallait  avoir  toujours  les  alliés  sous  leur  main;  car,  disait-il, 
c’est  d’eux  que  dépend  la  puissance  de  la  république,  grâce  au  tribut  qu  ils  payent;  et  à  la  guéri  e,  c  est 
la  prudence  et  l’abondance  d’argent  qui,  en  général,  assurent  la  supériorité.  Comme  motif  de  con¬ 
fiance,  il  leur  dit  que  le  tribut  payé  à  la  république  par  les  alliés  s’élevait  en  moyenne  à  600  talents, 
sans  compter  les  autres  revenus,  et  qu’il  restait  encore  à  l’Acropole  6,000  talents  d  argent  monnayé. 
(  Le  maximum  avait  été  de  9,700  talents,  dont  une  partie  avait  été  employée  aux  Piopylées  de  1  Acro¬ 
pole,  à  d’autres  constructions  et  au  siège  de  Potidée.  )  Il  ne  comprenait  pas,  dans  cette  somme,  1  or 
et  l’argent  non  monnayé,  résultant  des  offrandes  privées  ou  publiques,  les  vases  sacrés  affectés  aux 
cérémonies  et  aux  jeux,  les  dépouilles  des  Mèdes  et  d’autres  richesses  du  même  genre  qui  n’allaient 

^  pas  à  moins  de  500  talents.  »  Thucydide.  L.  II,  13. 

2.  «  Ces  hommes,  vos  pères,  qui  ne  caressaient  pas  leurs  orateurs,  qui  non  étaient  pas  cbéiis 
aussi  tendrement  que  vous  l’êtes  des  vôtres,  commandèrent  quarante-cinq  ans  à  la  Grèce,  libiement 
soumise,  et  déposèrent  au  delà  de  10,000  talents  dans  la  citadelle.  »  Démosthènes.  3"  Phihpp- 

Le  mot  opisthodome  était  devenu  synonyme  de  trésor^  et  c’est  dans  ce  sens  qu’il  est  employé  par 
Démosthènes,  lispi  (tuvtoEsw;,  et  dans  son  discours  contre  Timocratc. 


3.  Le  <pop6;  avait  été  apporté  de  Tîle  de  Délos  à  Athènes  sous  prétexte  de  le  mettre  plus  en  sùicté; 
Périclès  crut  pouvoir  en  disposer.  «  Il  remonstroit  aux  Athéniens  qu  ils  n  estoyent  point  tenus  de 
rendre  conte  de  ces  deniers  à  leurs  alliez,  attendu  qu’ils  combatoyent  pour  eux  et  qu  ils  tenoyent 
les  Barbares  loin  de  la  Grèce,  sfns  qu’eux  contribuassent  pour  ce  faire  vn  seul  homme,  vu  seul 
cheval  ni  vn  seul  vaisseau,  ains  seulement  de  l’argent,  lequel  n’est  plus  à  ceux  qui  le  payent,  ains 
à  ceux  qui  le  reçoivent,  et  qu’estant  leur  ville  bien  prouueuë  de  toutes  choses  nécessaires  pour  la 
guerre,  il  estoit  honneste  d’employer  le  surplus  de  ces  finances  en  choses  qui,  à  l’avenir,  quand 
elles  seroient  paracheuées,  leur  apporteroyent  gloire  sempiternelle.  »  Plutarque.  Périclès. 

4.  «  Nous  les  mettrions  en  dépôt  dans  l’Acropole,  sous  un  sceau,  comme,  on  fait  pour  l’or.  » 

Platon.  Dial.  Menon. 

11  paraît  qu’il  y  avait  aussi  des  trésors  déposés  dans  d’autres  temples,  d’après  ce  passage  de  1  hu- 
cydide,  qui  fait  suite  à  celui  que  nous  avons  cité  ci-dessus,  note  \  ; 

«  Il  énuméra  aussi  les  ricliesses  des  autres  temples,  qui  étaient  assez  considérables,  et  dont  ils 


OPISTHODOMH. 


1 01 

les  offrandes  faites  à  la  déesse,  les  ex-voto,  àvaOvijj.aTa^^  enfin  les  dépouilles 
précieuses  enlevées  aux  Perses,  et  entre  autres  le  trône  à  pieds  d’argent 
sur  lequel  Xerxès  s’était  placé  pour  assister  au  combat  de  Salamine^. 
Les  deux  divinités  gardiennes  du  trésor  déposé  dans  l’opisthodome 
étaient  Jupiter  Sauveur,  Zéuç  SwTvip,  et  Plutus,  représenté  avec  des  ailes 
et  par  exception  jouissant  de  la  vue^.  Ces  richesses  étaient  confiées 
aussi  aux  soins,  sans  doute  plus  efficaces,  des  hellénotames caissiers 
qui  étaient  changés  tous  les  quatre  ans,  et  c^ui  transmettaient  à  leurs 
successeurs  des  inventaires  gravés  sur  marbre,  dont  le  musée  des  Pro¬ 
pylées  renferme  encore  de  nombreux  fragments 

La  largeur  de  l’opisthodome  était  naturellement  la  même  que  celle  du 
temple,  19"', 35,  et  sa  longueur  atteignait  c’est-à-dire  près  du 

tiers  de  la  mesure  totale  de  cella. 

pourraient  se  servir,  y  compris  même  les  ornements  d’or  qui  couvraient  la  statue  de  la  déesse,  si 
toutes  les  autres  ressources  faisaient  défaut.  »  L.  II,  13. 

Un  usage  analogue  existe  encore  aujourd’hui  chez  les  musulmans  qui  déposent  dans  les  mosquées 
leurs  richesses  en  des  coffres  à  peine  fermés.  Il  est  sans  exemple  que  l’on  ait  violé  ces  dépôts  placés 
sous  la  sauvegarde  de  la  religion. 

1 .  «  Les  offrandes  ou  dons  sacrés,  àva6yi[j.aTa,  sont,  le  plus  souvent,  des  couronnes,  des  coupes, 

des  encensoirs,  des  vases  d’or  et  d’argent,  des  amphores,  etc.  » 

PocLux.  Onomast.  L.  I,  c.  I,  §  25. 

«  Polémon  le  Périégète  a  écrit  quatre  livres  entiers  sur  les  offrandes  qui  étaient  consacrées  dans 
le  Parthénon.  »  Strabon.  L.  IX,  c.  I. 

Ce  Polémon  avait  laissé  plusieurs  autres  ouvrages  également  perdus,  mais  dont  le  souvenir  nous  a 
été  conservé  par  Athénée.  Après  avoir  cité  (L.  IX)  son  traité  sur  les  ex-voto  do  l’Acropole,  il  extrait 
des  passages  d’un  ouvrage  sur  les  peintres,  dédié  à  Antigonus,  et  de  plusieurs  autres  sur  les  voiles 
consacrés  dans  le  temple  de  Carthage  (L.  XII),  sur  le  Pœcile  de  Sicyone,  et  de  deux  livres  intitulés 
flelladiques  at  Réponses  à  Néanthe  (L.  XIII). 

2.  IIabpocratiox  et  SiiioAS.  Eschyle,  les  Perses.  Plutarque,  Vie  de  Thémistocle. 

3.  «  Nous  allons  mettre  Plutus  à  la  place  de  Jupiter,  qui  gardait  le  trésor  de  la  déesse.  » 

Aristopii.  Plutus. 

«  Le  plus  grand  bonheur  est  arrivé  à  Plutus  :  il  était  aveugle;  ses  yeux  brillent  d’un  vif  éclat, 
grâce  aux  soins  d’Esculape.  »  Id.  kl. 

La  fable  de  cette  comédie  roule  tout  entière  sur  la  vue  rendue  à  Plutus. 

Cf.  Thucydide.  L.  IL  —  Philostrate,  Elxov,  42.  —  Démosthènes.  Schol.  Orat.  3  in  Timocrat. 

4.  Ce  mot,  qui  signifie  trésorier  de  la  Grèce,  indique  que,  dans  le  principe,  ces  fonctionnaires 
avaient  été  institués  seulement  pour  surveiller  la  contribution  de  la  Grèce  déposée  à  Athènes. 

5.  Cinq  de  ces  inscriptions,  plus  ou  moins  complètes,  figurent  au  Dritish  Muséum,  Elgin  Saloon, 
sous  les  numéros  185,  2G7,  276,  282  et  370. 

Les  auteurs  anciens  font  fréquemment  allusion  aux  trésors  de  l’opisthodome. 

Deméas.  «  Oui,  tu  t’es  enrichi  en  entrant  par  dessous  terre  dans  l’intérieur  du  Parthénon.  » 

Tijion.  «  Je  n’y  suis  jamais  entré,  et  personne  ne  croira  ta  langue.  » 

Deméas.  «  Alors  tu  veux  y  entrer,  et  tu  as  déjà  volé  le  trésor  qui  s’y  trouve.  » 

Lucien.  Timon  le  Misanthrope. 

»  N’y  compte  pas,  tant  que  l’on  gardera  des  sommes  immenses  dans  le  temple  de  Minerve.  -i 

Aristoph.  Jjysistrate. 


102 


ATHÈNES. 


Par  une  erreur  difficile  à  justifier,  Spon  et  Wheler,  et  après  eux 
Stuart  et  Ghandler,  ont  avancé  que  le  plafond  de  l’opisthodome  était  sou¬ 
tenu  par  six  colonnes  disposées  sur  deux  rangs.  Or,  l’opisthodome  ayant 
encore  moins  de  profondeur  cjue  de  largeur,  il  eût  été  impossible  d’y 
placer  six  colonnes  espacées  selon  les  règles  dont  les  Grecs  ne  se  sont 
jamais  entièrement  départis.  Nous  devons  donc  admettre,  avec  tous  les 
architectes  et  archéologues  modernes,  c|ue  les  colonnes  n’étaient  qu’au 
nombre  de  quatre;  et  si  l’on  n’acceptait  pas  l’opinion  de  M.  Paccard, 
qui  croit  le  pavé  de  l’opisthodome  une  restauration  de  l’époque 
romaine ,  cette  hypothèse  serait  encore  justifiée  par  la  remarque  que  fit 
M.  Gockerell  de  quatre  dalles  carrées  régulièrement  placées  sur  le  sol, 
et  ayant  dû  porter  autant  de  colonnes;  l’architecte  anglais  dit  aussi 
avoir  vu  sur  l’une  d’elles  une  trace  ronde  de  quatre  pieds  de  diamètre 
qu’il  pense  être  l’indication  d’une  colonne  ionique.  Mais  le  diamètre  de 
ce  cercle,  qui,  du  reste,  a  depuis  longtemps  cessé  d’être  visible,  ne 
serait  même  pas  égal  à  celui  des  colonnes  doriques  du  posticum,  qui  ont 
l'”,70.  Nous  ne  croyons  donc  pas  qu’on  doive  en  tenir  compte,  car  il 
conviendrait  bien  moins  à  une  colonne  ionique  dont  la  base  eût  laissé 
une  trace  encore  plus  large. 

Avec  les  données  fort  restreintes  et  contradictoires  c^ue  nous  possé¬ 
dons,  pouvons-nous  décider  auquel  des  deux  ordres  appartenaient  les 
colonnes  de  l’opisthodome  ?  Nous  pensons  qu’il  y  aurait  peut-être 
témérité  à  le  faire  jusqu’au  jour  où  un  heureux  hasard  aura  fait  retrouver 
quelque  élément  de  ces  colonnes  entièrement  disparues,  aussi  bien  cju’un 
pilier  de  briques  que  les  Turcs  avaient  substitué  à  l’une  d’elles  déjà 
brisée  au  xviG  siècle.  Spon  et  Wheler,  qui  virent  les  colonnes  en 
place,  les  disent  de  même  ordre  et  de  même  grosseur  que  les  colonnes 
doriques  du  posticum^  et  Stuart  a  accepté  leur  témoignage.  D’un  autre 
côté ,  M.  Penrose ,  dans  ses  Principes  d’ architecture  athénienne  ,  et 
M.  Paccard,  dans  sa  Restauration  du  Parthénon,  les  supposent  ioniques, 
et  l’exemple  de  l’ordre  intérieur  des  Propylées  semble  justifier  cette  hypo¬ 
thèse.  De  plus,  la  hauteur  du  plafond  de  l’opisthodome,  indiciuée  encore 
par  des  restes  de  corniche,  paraît  en  effet  exiger  l’emploi  d’un  ordre  de 
proportion  plus  allongée  que  le  dorique,  le  plus  court  des  ordres  grecs 


1.  Au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  on  montre,  sons  le  miméro  400,  une  partie  d’une  volute  corin- 


SCULPTURES  DU  PARTHÉNON. 


iO.'î 

Nous  croyons  avec  M,\l.  Penrose,  Paccard,  et  Beulé  que,  dans  l’an¬ 
tiquité,  aucune  communication  n’existait  entre  le  temple  et  l’opistho- 
dome,  qui  était  loin  d’avoir  le  même  caractère  religieux.  Nous  n’en 
voudrions  d’autre  preuve  que  le  fait  mentionné  par  Plutarque^  du  loge¬ 
ment  dans  son  enceinte  de  Démétrius  Poliorcète  qui  en  fit  le  théâtre  des 
plus  odieuses  débauches.  Quelque  avilis  que  fussent  les  Athéniens-,  ils 
n’eussent  sans  doute  pas  souffert  la  profanation  du  temple  de  la  divinité 
protectrice  de  leur  ville. 

Sculptures.  Passons  maintenant  à  l’examen  des  admirables  chefs- 
d’œuvre  dont  la  sculpture  avait  enrichi  le  Parthénon.  Cinq  grands 
ouvrages  en  ce  genre  avaient  fait  du  temple  de  Minerve  la  merveille  des 
merveilles;  c’étaient  les  deux  frontons,  les  métopes,  la  frise  de  la 
cella,  et  la  statue  colossale  de  Minerve  en  or  et  en  ivoire.  Une  grande 
partie  de  ces  sculptures  était  encore  en  place  au  commencement  de  ce 
siècle;  mais,  par  malheur,  lord  Elgin,  qui  était  ambassadeur  à  Constanti¬ 
nople,  obtint,  en  1801,  du  gouvernement  turc  un  firman  qui  l’autorisa 
à  élever  un  échafaudage  autour  de  l’ ancien  temple  des  idoles  pour  mouler 
en  plâtre  les  ornements  et  les  figures,  et  de  plus  à  enlever  les  pierres 
ou  se  trouvaient  des  inscriptions  ainsi  que  les  statues  conservées.  On 
assure  qu’il  en  coûta  7/i,000  liv.  st.  (1,850,000  francs)  à  lord  Elgin  pour 
s’approprier  les  plus  belles  parties  du  monument  qu’il  fut  possible  de 
transporter  à  Londres.  Du  reste,  cette  barbare  spéculation  ne  fut  guère 


thienne  qui,  dit  la  notice,  a  appartenu  à  un  chapiteau  de  l’intérieur  du  Parthénon.  C’est  évidemment 
une  erreur;  l’ordre  corinthien  n’était  pas  encore  employé  à  Athènes  au  temps  de  Périclès. 

1.  «  Adonc  quoiqu’auparauant  les  Athéniens  semblassent  auoir  desployé  entièrement  leur  arrière 
espargneàlui  décerner  toutes  sortes  d’honneurs  à  l’envi  l’un  de  l’autre,  si  trouuèrent-ils  encore 
d’autres  tous  nouueaux  moyens  de  lui  gratifier  et  de  le  flater  :  car  ils  ordonnèrent  que  le  derrière 
du  temple  de  Minerue,  qui  s’appcloit  Parthénon,  comme  qui  diroit  le  temple  de  la  Vierge,  lui  seroit 
préparé  et  acoustré  pour  son  logis  pour  y  faire  sa  résidence  :  et  disoit- on  que  c’estoit  la  déesse 
Minerue  qui  le  recevoit  et  le  logeoit  chez  elle.  Mais,  à  la  vérité,  c’estoit  un  hoste  trop  peu  chaste 
et  pudique  pour  penser  qu’une  déesse  vierge  prist  à  gré  qu’il  fust  logé  auec  elle.  » 

Plutarque.  Vie  de  Démétrius. 

Quelques  lignes  plus  bas,  l’historien  donne  des  détails,  qui  ne  peuvent  trouver  place  ici,  sur  les 
orgies  auxquelles  se  livra,  dans  l’opisthodome,  le  conquérant  d’Athènes.  A  l’occasion  de  son  séjour 
dans  le  Parthénon,  Plutarque  cite  ces  deux  vers  tirés  de  l’une  des  pièces  du  poëte  Philippide  : 

Lui  qui  du  Partliénon  avait  fait  une  auberge, 

Et  logé  sa  maîtresse  au  temple  de  la  Vierge. 

2.  Voy.  dans  le  Deipnosophiste  d’ Athénée,  L.  VI,  le  récit  des  flatteries  incroyables  que  les  Athéniens 
ne  rougirent  pas  de  prodiguer  à  Démétrius. 


104 


ATHÈNES. 


profitable  à  son  auteur,  car,  en  1816,  la  collection  entière  ne  lui  fut 
achetée  pour  le  Musée  Britannicjue,  par  acte  du  parlement,  cjue  35,000 
liv.  st.  (875,000  francs)  et  un  des  plus  illustres  compatriotes  du  spoliateur 
du  Parthénon ,  lord  Byron,  voyant  son  nom  gravé  sur  une  colonne  du 
temple,  écrivit  au-dessous  :  Quod  non  fecerunt  Gothij,  Scotus  fecit.  Il 
est  vrai  que  lord  Elgin  s’est  acquis  une  célébrité  qu’eût  enviée  Érostrate, 
et  que,  pour  consoler  les  Athéniens  des  trésors  qu’il  leur  arrachait,  il  a 
fait  don  à  la  ville  d’une  horloge  placée  dans  la  tour  du  bazar  et  accom¬ 
pagnée  de  cette  pompeuse  inscription  : 

THOMAS  COMES 
DE  ELGIN 

ATHENIEN.  HOROL.  D.D. 

S.P.  Q.A.  EREX.  G  O  LL  OC. 

A.D.  MDGCCXIV'. 

Il  n’eût  peut-être  pas  été  impossible  d’excuser  jusqu’à  un  certain 
point  les  déprédations  de  lord  Elgin,  qui  pouvait  alléguer  pour  sa  défense 
le  désir  de  sauver  d’une  destruction  prochaine  des  chefs-d’œuvre  exposés 
chaque  jour  à  la  barbarie  iconoclaste  des  Turcs,  alors  maîtres  de  la 
Grèce  ;  mais  comment  justifier  la  brutalité  avec  laquelle  il  arracha  sa 
proie  ,  brisant  les  monuments ,  souvent  même ,  ainsi  c{ue  nous  le 
verrons  à  l’Erechthéion ,  enlevant  des  colonnes,  des  cariatides,  sans 
s’inquiéter  de  la  chute  des  entablements  auxcjuels  elles  servaient  de 
support,  semblable  enfin  à  un  sauvage  qui  mettrait  en  pièces  une  pré¬ 
cieuse  coupe  de  Cellini ,  pour  s’approprier  c|uelc{ues  pierres  c{ui  s’y 
trouveraient  enchâssées?  Ce  n’est  point  ainsi  c|u’au  siècle  précédent 
en  avait  agi  l’ambassadeur  de  France,  M.  de  Choiseul-Gouffier,  qui 
n’avait  rapporté  que  quelques  moulures,  une  métope  et  un  fragment  de 
frise  depuis  longtemps  détachés  du  monument. 

Frontons.  Le  sommet  des  frontons,  àsToi,  avait  pour  ornement  une 
énorme  palmette ,  dont  on  a  retrouvé  cpelques  débris  ensevelis  aujour¬ 
d’hui  dans  une  casemate  où  viennent  s’enfouir,  au  fur  et  à  mesure  de 
leur  découverte ,  les  fragments  d’architecture  que  les  fouilles  mettent  au 
jour  pour  un  moment.  Cette  palmette  était -elle,  comme  au  temple 


I.  Le  gouvernement  anglais  a  depuis  envoyé  à  Athènes  la  collection  des  plâtres  des  sculptures  du 
Parthénon;  elle  a  été  déposée  dans  une  petite  mosquée  voisine  de  la  Tour  des  vents. 


FRONTONS  DU  PARTI! FNON. 


105 


d’Égine,  accompagnée  de  deux  statues  placées  comme  des  supports 
héraldiques?  C’est  ce  C{u’il  est  impossible  de  vérifier  aujourd’hui,  la 
partie  supérieure  des  frontons  manquant  à  l’une  et  à  l’autre  façade.  En 
revanche ,  il  est  facile  de  s’assurer ,  par  les  traces  qui  existent  encore, 
que  les  extrémités  de  chacpie  fronton  portaient  une  statue,  un  griffon, 
un  sphinx,  un  trépied,  enfin  une  décoration  quelconque. 

Les  sculptures  qui  ornaient  les  tympans  des  frontons  n’étaient  point 
des  bas-reliefs  ,  mais  une  réunion  de  figures  en  ronde  bosse  comme  au 
temple  de  Jupiter  Panhellénien  dans  l’île  d’Égine. 

Selon  Pausanias^,  le  fronton  antérieur  représentait  la  Naissance  de 
Minerve  et  le  fronton  postérieur  la  Dispute  de  Minerve  et  de  Neptune 
au  sujet  de  l’Attique^.  Or,  ceux  qui  avaient  vu  le  fronton  occidental 
intact,  sinon  dans  ses  détails,  au  moins  dans  toutes  ses  masses,  avant 
l’explosion  de  1687,  sans  s’arrêter  à  l’examen  approfondi  des  sculptures, 
s’étaient  accordés  à  y  reconnaître  la  Naissance  de  Minerve,  ou  plutôt  sa 
Présentation  par  Jupiter  aujo  dieux  de  l’Olympe,  et  en  avaient  conclu 
que,  contrairement  à  l’usage,  la  façade  du  Parthénon  était  tournée  à 
l’occident.  Ollier  de  Nointel  ,  ambassadeur  de  France  en  167li,  partagea 
la  même  opinion,  et  les  escjuisses  qu’il  fit  faire  des  figures  déjà  mutilées 
de  ce  fronton  servirent  encore  à  accréditer  une  erreur  qu’elles  eussent 
dû  détruire^.  Stuart  le  premier  reconnut  l’erreur,  et  avança  que  le 


1.  Attic.  C.  XXIV. 

2.  «  Jupiter  fit  sortir  de  son  cerveau  la  respectable  Pallas,  déesse  vive  et  courageuse  qui  anime  les 
guerriers,  qui  se  plaît  aux  combats  et  au  tumulte  des  armes.  »  Hésiode.  Théogonie,  v.  02t. 

3.  «  Voici,  selon  Varron,  la  raison  pour  laquelle  cette  ville  fut  nommée  Athènes,  qui  est  un  nom 
tiré  de  celui  de  Minerve  que  les  Grecs  appellent  Athéna.  Un  olivier  étant  tout  à  coup  sorti  de  terre 
en  cet  endroit  et  une  source  d’eau  en  un  autre,  ces  prodiges  étonnèrent  le  roi  (Cécrops)  qui  députa 
vers  Apollon  de  Delphes  pour  savoir  ce  que  cela  signifiait  et  ce  qu’il  fallait  faire.  L’oracle  répondit 
que  l’olivier  signifiait  Minerve  et  l’eau  Neptune,  et  que  c’était  aux  habitants  à  savoir  de  laquelle  de 
ces  deux  divinités  ils  donneraient  le  nom  à  leur  ville.  Cécrops  assemble  tous  les  citoyens,  tant 
hommes  que  Jpmmes  ;  car  les  femmes,  parmi  eux,  avaient  alors  voix  dans  les  délibérations.  Comme 
il  eut  l’ecueilli  les  suffrages,  tous  les  hommes  furent  pour  Neptune  et  toutes  les  femmes  pour  Minerve  ; 
et  parce  qu’il  y  avait  une  femme  de  plus.  Minerve  l’emporta.  »  Satnt-Acgcstin.  Cité  de  Dieu. 

Voy.  p.  11. 

4.  Ces  dessins  à  la  mine  de  plomb  et  à  la  sanguine,  par  J.  Carrey,  ne  rendent  nullement  le  carac¬ 
tère  des  sculptures  grecques  ;  mais  ils  sont  précieux  cependant,  parce  que  seuls  ils  nous  ont  conservé 
celles  des  compositions  du  Parthénon  qui  aujourd’hui  sont  détruites.  Ce  recueil  existe  au  Cabinet 
des  estampes  de  la  Bibliothèque  impériale  (n”  616) ,  où  il  est  désigné  à  tort  sous  le  nom  de  Dessins 
de  Nointel.  Il  porte  le  titre  plus  extraordinaire  encore  de  :  Sculptures  du  temple  de  Minerve  à  Athènes, 
bâti  par  Adrien.  Les  dessins  des  deux  frontons,  exécutés  par  Carrey,  ont  été  reproduits  d’égale 


« 


106  ATHÈNES. 

fronton  occidental  était  le  fronton  postérieur  et  représentait  la  Dispute 
de  Neptune  et  de  Minerve,  tandis  c^ue  c’était  le  fronton  oriental  c[ui  avait 
du  offrir  la  Naissance  de  la  Déesse.  Quatremère  de  Quincy  adopta 
cette  opinion^  et  en  fit  le  texte  d’une  savante  dissertation  en  réponse  à 
l’avis  contraire  émis  par  Barbié  du  Bocage,  dans  son  Atlas  d' Anacharsis. 
M.  Brôndsted,  à  son  tour,  s’est  rangé  du  côté  de  Quatremère  de 
Quincy,  et  aujourd’hui  l’avis  des  savants  est  unanime  sur  ce  point. 

Fronton  ortent4l.  Nous  avons  dit  que  le  fronton  oriental  avait  été 
en  grande  partie  détruit  par  les  chrétiens  à  l’époque  où  ils  transfor¬ 
mèrent  le  Parthénon  en  église*.  Lorsqu’en  1674,  quelques  années  avant 
le  siège  des  Vénitiens,  il  fut  dessiné  par  Carrey,  il  ne  restait  plus  cjue 
sept  figures  et  quatre  têtes  de  chevaux  plus  ou  moins  mutilées,  occupant 
à  droite  et  à  gauche  les  extrémités  du  tympan  du  fronton;  il  paraissait 
y  avoir  existé  une  vingtaine  de  figures  en  ronde  bosse,  hautes  d’environ 
4  mètres,  proportion  qui,  d’en  bas,  devait  les  faire  paraître  de  gran¬ 
deur  naturelle. 

Les  sculptures  qui  existaient  au  xvii®  siècle  étaient  encore  en  place 
au  commencement  de  celui-ci,  et  elles  ont  pu  être  enlevées  par  lord 
El  gin  et  déposées  au  musée  de  Londres.  Sous  l’extrémité  du  rampant  à 
gauche,  on  apercevait,  semblant  sortir  de  la  base  du  fronton,  la  partie 
supérieure  du  corps  d’Hypérion^,  guidant  son  char  indiqué  seulement 
par  les  têtes  des  quatre  chevaux.  Deux  de  ces  têtes  sont  au  musée  de 
Londres  ^  ;  les  deux  autres,  mutilées  et  méconnaissables,  sont  restées  en 
place.  En  continuant  d’aller  vers  la  droite,  on  trouvait  un  héros  assis. 


grandeur  par  M.  de  Laborde  dans  le  premier  volume  d'Athènes  aux  xv®,  xvi'  et  xvii®  siècles.  Les  fron¬ 
tons  ,  les  métopes  et  la  frise,  gravés  également  d’après  les  dessins  de  Carrey,  ont  été  publiés  par 
C.-P.  Landon  dans  l’édition  française  de  Stuart.  T.  IV. 

Jacques  Carrey,  né  à  Troyes  en  1646,  et  mort  en  1726,  était  élève  de  Charles  Lebrun.  Il  avait 
vingt-huit  ans  à  l’époque  de  son  voyage  à  Athènes,  à  la  suite  de  M.  de  Nointel.  A  son  retour  à  Paris, 
il  travailla,  sous  la  direction  de  son  maître,  à  la  galerie  de  Versailles.  Après  la  mort  de  Lebrun ,  il 
se  retira  dans  sa  ville  natale  où  il  exécuta  plusieurs  œuvres  importantes,  entre  autres  une  Vie  de 
saint  Pantaléon  en  six  grands  tableaux,  suite  qui  se  voit  encore  dans  l’église  placée  sous  l’invocation 
de  ce  saint. 

1 .  Voy.  planche  III. 

2.  Hypérion,  61s  d’Üranus  et  frère  de  Neptune,  épousa  Thya,  et  fut  père  du  Soleil,  de  la  Lune  et 
de  l’Aurore;  il  est  confondu  quelquefois  avec  Hélios,  le  Soleil.  Cette  hgure  est  au  British  Muséum, 
Elgin  Saloon,  n”  91. 

3.  Elgin  Saloon,  n"  92.  —  Voy.  page  suivante. 


5 


Un  groupe  de  Gérés  et  de  Proserpine  2,  principales  divinités  de  l’At- 
tique  après  Minerve,  est  assis  sur  le  même  siège  et  précède  une  femme 
debout,  dans  l’attitude  d’une  marche  rapide,  indic{uée  par  ses  draperies 
qui  voltigent  derrière  elle  On  y  reconnaît  Iris,  la  messagère  céleste, 
courant  annoncer  au  monde  la  naissance  de  Minerve.  Tout  le  milieu  du 
fronton  où  se  passait  la  scène  principale  a  disparu.  «  C’est,  dit  poéti¬ 
quement  M.  Beulé,  comme  une  tragédie  antique  dont  les  chœurs  seuls 


Dans  cette  statue,  célèbre  sous  le  nom  de  Thésée^,  M.  Beulé  croit 
reconnaître  un  Hercule  à  la  peau  de  lion  sur  laquelle  il  repose. 


Thésée  ou  Hercule. 


FRONTONS  DU  PARTHÉNON.  t07 

figure  d’une  beauté  et  d’une  force  qui  n’excluaient  ni  la  grâce  ni  la  pureté 
des  formes. 


Chevaux  du  Parfchénon. 


1.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n”  93. 

2.  Ibid.,  n"  94. 

3.  Ibid.,  n"  95. 


-108 


ATHÈNES. 


nous  seraient  parvenus.  »  Toute  restauration  serait  donc  hypothétique. 
M.  Beulé  suppose  qu’il  ne  manque  que  neuf  à  dix  figures;  on  en 
compte  douze  dans  la  restauration  proposée  par  M.  Nolau^.  Au  centre 
devait  être  Jupiter  assis  sur  son  trône  ^  ayant  près  de  lui  Junon,  Vulcain 
et  diverses  autres  grandes  divinités  de  l’Olympe,  témoins  de  la  naissance 
miraculeuse  de  la  déesse  de  la  Sagesse 

De  toutes  ces  figures,  il  n’a  été  retrouvé  à  terre,  au-dessous  du 
fronton,  qu’un  torse  viril  mutilé  déposé  aujourd’hui  dans  la  casemate 
voisine  de  l’Érechthéion.  Dans  la  partie  du  tympan  qui  succède  à  la 
brèche  se  présentait  d’abord  une  femme  ailée,  dont  le  torse,  renversé 
sur  la  base  du  fronton ,  avait  échappé  à  Carrey ,  qui  ne  l’a  point 
fait  figurer  dans  son  esquisse;  ce  doit  être  une  Victoire^.  A  coté  se 
trouvait  le  fameux  groupe  de  trois  femmes,  dans  lesquelles,  malgré 
leur  jeunesse,  on  s’accorde  généralement  à  reconnaître  les  Parques^, 
et  dont  les  draperies  sont  peut-être  les  plus  belles  que  nous  ait  léguées 
l’antiquité  grecque.  Enfin,  la  composition  était  terminée  par  la  figure 
de  la  Nuit  qui,  s’enfonçant  à  mi-corps  dans  la  base  du  fronton  ,  guidait, 
comme  Hypérion,  son  char  attelé  de  quatre  chevaux  dont  les  têtes 
seules  étaient  visibles.  Deux  de  ces  têtes  sont  également  au  Musée  de 
Londres*^.  Renversée  par  la  chute  de  la  partie  du  rampant  qui  la 

1.  Les  Antiquités  d’Athènes  et  autres  monuments  grecs  d'après  les  mesures  de  Stuart  et  de  Revett, 
enrichis  des  nouvelles  découvertes.  In-18.  1835. 

2.  «  Le  moine  Cédrénus  dit  qu’au  xi”  siècle  on  voyait  sur  la  place  publique  de  Constantinople  un 

Jupiter  en  marbre  blanc  de  Phidias.  Le  dieu  était  assis  sur  iin  siège  sans  dossier,  sorte  de  banc  que 
recouvrait  un  tapis  ou  un  coussin.  Tels  sont  les  sièges  qui  servent  aux  divinités  sur  la  frise  du 
Parthénon.  Au  milieu  du  viii'-  siècle,  le  Parthénon  fut  converti  en  église  grecque.  On  construisit 
l’abside  sur  l’emplacement  du  pronaos,  et,  pour  que  les  rayons  du  soleil  pénétrassent  par  les  petites 
fenêtres  byzantines,  on  abattit  la  couverture  du  portique  et  le  milieu  du  fronton  oriental.  Alors,  neuf 
ou  dix  statues  disparurent  sans  qu’on  en  ait  retrouvé  de  traces.  C’étaient  précisément  les  principaux 
personnages  de  la  grande  composition  qui  représentait  la  Naissance  de  Minerve;  Jupiter  y  occupait 
la  première  place.  Je  me  suis  demandé  si  ces  statues,  une  fois  enlevées  par  les  chrétiens,  n’ont  pas 
été  transportées  à  Constantinople,  où  les  empereurs  entassaient  tous  les  chefs-d’œuvre  que  Rome 
avait  respectés,  et  si  le  Jupiter  du  Parthénon  n’était  point  celui  dont  parle  le  moine  Cédrénus.  Assis 
au  centre  du  fronton,  il  contemplait  sa  fille  qui  venait  de  s’élancer  de  son  cerveau,  et  «  qui  enlevait, 
t(  comme  dit  Hésiode,  de  ses  épaules  immortelles  ses  armes  divines,  et  le  cœur  de  Jupiter  se  réjouis- 
'<  sait.  »  E.  Beüiæ.  La  Jeunesse  de  Phidias  {Revue  des  Deux  Mondes.  Mars  1800). 

3.  La  naissance  de  Minerve  a  fourni  à  Lucien  le  sujet  de  son  huitième  dialogue  des  dieux,  intitulé 
Vulcain  et  Jupiter. 

4.  Rritish  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"  90. 

.5.  Ibid.,  n»  97. 

0.  Ibid.,  n"  98. 


FRONTONS  DU  P  A  RT  H  F  NON. 


lOÜ 

surmontait,  la  Nuit  avait  disparu  au  temps  de  Carrey  et  ne  figure  pas 
dans  son  dessin;  elle  a  été  retrouvée  dans  des  fouilles  opérées  à  l’angle 
sud-est  du  Parthénon  et  elle  est  déposée  aujourd’hui  dans  l’enceinte 
du  Parthénon. 

Fronton  occidental.  Le  fronton  occidental,  qui  représente  la  Dispute 
de  Minerve  et  de  Neptune^ ^  était  composé,  selon  toute  apparence*,  à 
peu  près  du  même  nombre  de  personnages;  il  avait  beaucoup  moins 
souffert,  et  Carrey  avait  pu  encore  dessiner  sur  place  vingt  figures  et 
deux  chevaux;  mais  bientôt  la  maladresse  des  ouvriers  de  Morosini 
acheva  de  détruire  ce  qui  venait  d’échapper  aux  bombes  et  aux  boulets 
de  Kœnigsmark ,  et  de  ce  vaste  ensemble  à  peine  reste-t-il  quelques 
fragments  disséminés  à  Londres,  à  Athènes,  à  Paris,  retrouvés  soit  par 
lord  Elgin.  soit  dans  les  fouilles  exécutées  depuis,  et  deux  figures 
mutilées  demeurées  en  place  au  fronton  du  Parthénon. 

Ces  deux  figures,  dans  lesquelles  ils  avaient  cru  reconnaître  Adrien 
et  Sabine,  sa  femme,  avaient  paru  à  Spon,  à  Wheler,  à  Leroy,  une 
preuve  suffisante  pour  avancer  que  les  frontons  avaient  été  refaits  sous 
cet  empereur.  Cette  assertion  était  démentie  par  le  style  des  sculptures 
mêmes,  et  si  d’ailleurs  nous  nous  en  rapportons  à  Plutarque,  à  l’époque 
où  vivait  cet  historien,  les  monuments  élevés  pour  Périclès  n’avaient 
pas  encore  besoin  de  restauration. 


Passant  en  revue  les  diverses  figures  de  la  composition  que  nous  a 
conservée  le  dessin  de  Carrey,  nous  trouvons  d’abord  couchée  sous 
l’angle  de  gauche  la  célèbre  figure  connue  sous  le  nom  de  rili.ssus2,  et 


1.  Voy.  p.  Il,  note  2. 

2.  nritish  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"  99. 


110 


ATHÈNES. 


qui  heureusement  a  échappé  à  la  destruction.  Après  une  lacune  que 
remplissait  peul-être  la  nymphe  Callirhoé,  sœur  de  l’ilissus,  se  trou¬ 
vaient  les  deux  figures  de  Cécrops  et  de  sa  fille  Aglaure  encore  en  place 
aujourd’hui,  celles  mêmes  qui  ont  été  prises  pour  les  statues  d’Adrien 
et  de  Sabine.  A  la  suite,  entre  Pandrose  et  Hersé,  les  deux  autres  filles 
de  Cécrops,  était  le  jeune  Érichthonius^,  tenant  la  main  de  l’une  d’elles 
et  cherchant  à  l’entraîner  loin  d’un  char  monté  par  la  Victoire  2,  attelé 


Tête  de  la  Victoire. 


de  deux  chevaux,  qu’accompagne  Érechthée  et  devant  lequel  se  tenait 
Minerve.  De  cette  déesse,  il  ne  reste  au  Musée  de  Londres  que  la  partie 


1.  Quatrième  roi  d’Athènes,  fils,  selon  les  uns,  de  Vulcain  et  de  Minerve,  selon  les  autres,  de 
Vulcain  et  de  la  Terre,  ou  môme  de  Vulcain  tout  seul. 


. Sine  niatre  crealam 

Lemnicolœ  stirpeni . 


Ovide.  Métam.  L.  II. 


2.  Le  torse  de  cette  Victoire  est  au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n”  105,  et  la  tête  apportée  à 
Venise  par  le  secrétaire  de  Morosini,  San  Gallo,  fut  retrouvée  en  1824,  lors  de  la  démolition  de  la 
maison  qu’il  avait  occupée,  et  acquise  par  un  amateur  allemand,  David  Weber,  établi  à  Venise.  Des 
mains  de  ses  héritiers,  ce  chef-d’œuvre  est  passé  dans  celles  de  M.  le  comte  Léon  de  Laborde,  qui  le 
possède  aujourd’hui.  Ce  savant  archéologue  en  a  donné  la  description  et  une  photographie  dans  son 
ouvrage  sur  Athènes  aux  xv®,  xvi®  et  xvii®  siècles.  T.  II,  p.  228. 


FRONTONS  DU  PARTHÉNON. 


IM 

supérieure  de  la  tète'’,  et  un  fragment  de  la  poitrine  couverte  de  l’égide^. 
Au  même  musée ,  on  lui  attribue  aussi  deux  pieds  fixés  encore  sur  une 
plinthe^.  Suivant  l’opinion  d’Ottfried  Müller  adoptée  par  M.  Beulé, 
«  Neptune  a  frappé  la  terre  de  son  trident,  et  fait  naître  le  cheval 
frémissant  et  indompté  ;  Minerve  aux  yeux  du  dieu  étonné  l’a  saisi , 
soumis  au  joug;  on  la  voit  le  contenir  d’un  bras  puissant,  tandis  que 
la  Victoire  et  Érechthée,  sur  le  char,  tiennent  les  rênes  d’une  main  déjà 
confiante'^.  »  J’ai  peine  à  accepter  cette  donnée;  le  char  de  la  Victoire 
est  attelé  de  deux  chevaux,  et  ce  n’est  qu’un  seul  cheval  que  fit  sortir 
du  sol  le  coup  de  trident  de  Neptune.  Je  proposerai  une  explication,  à 
mon  sens,  plus  conforme  au  génie  poétique  des  Grecs.  La  Victoire,  sur 
son  char,  assistait  à  la  lutte  dont  elle  devait  être  le  prix,  et  Minerve, 
arrêtant  ses  chevaux  de  son  bras  puissant,  en  prenait  possession  après 
la  défaite  de  Neptune.  Entre  Minerve  et  le  dieu  des  mers  on  chercherait 
vainement,  il  est  vrai,  l’espace  nécessaire  pour  placer  et  l’olivier  et  le 
cheval  qu’avaient  fait  naître  les  deux  divinités  rivales;  mais  comme, 
ainsi  que  nous  le  verrons,  beaucoup  d’accessoires  de  métal  avaient  été 
ajoutés  aux  marbres  des  frontons,  il  est  assez  vraisemblable  que  l’olivier 
de  Minerve,  aussi  bien  que  le  cheval  de  Neptune,  n’y  figurait  qu’en 
bronze,  de  très-petite  proportion  et  d’une  manière  en  quelque  sorte 
symbolique.  Bien  plus,  il  est  probable  que  le  cheval  n’a  jamais  existé 
dans  cette  composition,  et  que  le  sculpteur  s’était  contenté,  suivant  une 
autre  tradition  plus  répandue,  de  faire  jaillir  sous  le  trident  de  Neptune 
la  source  d’eau  salée  qui  plus  tard  fut,  comme  l’olivier  sacré,  renfermée 
dans  l’enceinte  de  l’Erechthéion. 

Neptune,  entièrement  nu,  semblait*  se  reculer  violemment  et  comme 
irrité  de  sa  défaite.  La  partie  supérieure  de  son  torse  est  au  Musée  de 
Londres  5.  A  sa  suite  venait  ïéthys,  dont  on  croit  que  la  tête  est  con¬ 
servée  à  Paris,  au  Cabinet  des  médailles  de  la  Bibliothèque  impériale 6; 


1.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"  101- 

2.  Ibid.,  n”  102. 

3.  Ibid.,  n”  250. 

4.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  82. 

5.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n”  1013. 

6.  On  doit  la  découverte  de  ce  magnifique  fragment  à  M.  Cli.  Lenormant,  qui,  en  1840,  Fa 
retrouvé  parmi  des  débris  de  mai’bre  recouverts  de  poussière  qu’on  venait  de  retirer  des  caves  de  la 


« 


ATHÈNES. 


112 

elle  se  tenait  debout  devant  Amphitrite  assise.  Derrière  celle-ci,  Latone, 
également  assise,  tenait  dans  ses  bras  Apollon  et  Diane  enfants,  dont 
les  deux  petits  torses,  joints  à  une  partie  des  genoux  de  leur  mère,  sont 
au  Musée  de  Londres  ^  Vénus  reposait  sur  les  genoux  de  Thalassa^,  sa 


Tète  de  Téthys. 


mère;  enfin,  vers  l’angle  du  fronton,  étaient  trois  personnages  assis  ou 
couchés,  «  deux  femmes  pour  lesquelles,  dit  M.  Beulé,  on  a  choisi  dans 
le  cycle  neptunien  les  noms  de  Leucothée  ^  et  de  la  nymphe  Euryte; 
un  homme  qui  sera,  si  l’on  veut,  Halirrhothius,  fils  de  cette  dernière  et 


Bibliothèque  impériale.  Voy.  le  Mémoire  de  M.  Lenormant  lu  à  l’Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  le  li  juillet  1840,  et  inséré  au  Moniteur  des  Arts.  T.  IV,  année  1817.  —  Le  Catalogue  général 
et  raisonné  des  camées,  etc.,  de  la  Bibliothèque  impériale,  par  M.  An.  Cbabouillet,  n"  —  Athènes 
aux  xv«,  xvi“  et  xvii'=  siècles,  par  M.  de  Laborde,  ouvrage  dans  lequel  on  trouve  une  photographie 
de  cette  tête.  T.  I,  p.  157. 

1.  British  Muséum,  Elgin  Salocm,  n°  106. 

2.  Thalassa,  la  Mer.  Hésiode  (Théog.)  la  dit  fille  de  l’Éther  et  d’Héméra  (l’Air  et  le  Jour)  ;  elle  était 
au  rang  des  divinités.  Pausanias  nous  apprend  que  sa  statue  était  placée,  à  Corinthe,  auprès  de  celles 
de  Neptune  et  d’Amphitrite ;  et  que,  sur  la  base  d’un  autre  monument,  elle  était  représentée  en 
bas-relief,  tenant  sa  fille  Vénus. 

3.  Leucothée,  la  même  qu’Ino,  nourrice  de  Bacchus,  à  laquelle  les  dieux  donnèrent  ce  nom  après 
qu’elle  fut  admise  au  rang  des  divinités  marines.  Elle  avait  un  autel  dans  le  temple  de  Neptune,  à 
Corinthe. 


MÉTOPES  DU  PARTHÉNON. 


1 13 

de  Neptune.  »  La  partie  supérieure  du  corps  d’Euryte  avait  sans  doute 
été  enlevée  par  un  boulet  ;  la  partie  inférieure  est  restée  en  place,  mais 
elle  fait  peu  de  saillie  et  il  est  difficile  de  l’apercevoir,  à  moins  de  monter 
sur  le  fronton  par  l’escalier  de  l’ancien  minareL’^. 

On  reconnaît  facilement,  sur  ce  qui  reste  des  sculptures  de  ce  fronton, 
les  traces  d’ornements  en  bronze,  là  plupart  dorés  sans  doute,  qui  en 
avaient  fait  partie.  Le  masque  de  Minerve  conservé  au  Musée  de  Londres 
avait  évidemment  un  casque  de  métal,  et,  autour  de  l’égide  qui  couvre 
le  fragment  du  torse,  on  voit  l’indication  de  serpents  et  d’une  tête  de 
Méduse  également  de  bronze.  Ce  mélange  de  deux  matières  rend  déjà 
plus  vraisemblable  un  fait  cjui,  pour  choquer  nos  idées  modernes,  n’en 
est  pas  moins  incontestable  :  toutes  ces  figures  étaient  coloriées  et  enri¬ 
chies  de  dorures  ;  les  yeux  de  la  Minerve  étaient  même  formés  de  quelque 
matière  précieuse  qui,  en  disparaissant,  a  laissé  les  orbites  vides. 

On  est  habitué  à  reporter  à  Phidias  tout  l’honneur  des  sculptures  et 
parfois  même  de  l’architecture  du  Parthénon.  Quelcjue  longue  c^u’eût  été 
la  vie  d’un  homme,  elle  n’eût  jamais  suffi  à  une  pareille  entreprise,  et 
cependant  les  travaux  du  temple  de  Minerve  ne  furent  pas  les  seuls  qui 
marquèrent  la  glorieuse  carrière  de  Phidias.  E'orce  est  donc  de  convenir 
que  s’il  eut  la  suprême  direction  de  ces  travaux,  s’il  en  exécuta  lui- 
même  quelques-uns,  si  d’autres  furent  la  reproduction  en  marbre  de  ses 
compositions,  d’autres  aussi  furent  l’œuvre  d’artistes  d’un  talent  déjà 
éprouvé  et  dont  il  dut  respecter  l’indépendance.  Nous  ne  pouvons  suivre 
ici  M.  Beulé  dans  l’intéressante  discussion  à  laquelle  il  se  livre  pour 
rechercher  les  véritables  auteurs  des  frontons  du  Parthénon  nous  nous 
contenterons  de  dire  qu’il  établit,  de  la  manière  la  plus  probable  et  par 
les  distinctions  les  plus  ingénieuses,  cpie  le  fronton  oriental  fut  l’œuvre 
de  Phidias  aidé  de  ses  élèves  et  surtout  d’Agoracrite,  le  plus  habile  et 
le  plus  aimé,  tandis  que  le  fronton  occidental  est  dû  au  ciseau  d’Alca- 
mène,  son  émule  plutôt  que  son  disciple. 

MiixoPES.  La  seconde  suite  de  sculptures  du  Parthénon  était  composée 
des  métopes  qui,  décorant  la  frise  extérieure,  alternaient  avec  les  tri- 

•  1.  Au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  sous  les  numéros  178,  310-315  et  341,  on  conserve  plusieurs 
autres  fragments  que  l’on  croit  aussi  avoir  appartenu  aux  frontons  du  Parthénon.’ 

2.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  94  et  suiv. 


ATHÈNES. 


1 1 4 

glyphes  entre  lesquels  elles  étaient  glissées  dans  des  coulisses  par  la 
partie  supérieure  que  fermait  ensuite  la  corniche.  Les  métopes  ont  une 
hauteur  de  d."’,335  sur  une  largeur  de  i'",270;  celles  qui  sont  voisines 
des  angles  sont  un  peu  plus  étroites.  Cet  excès  de  la  hauteur  sur  la  lar¬ 
geur  fait  voir  que  l’architecte  avait  en  vue  de  les  faire  paraître  carrées 
malgré  la  saillie  de  la  bande  de  l’architrave.  Les  figures  s’en  détachaient 
presque  en  ronde  bosse,  et,  si  elles  avaient  ainsi  un  relief  beaucoup  plus 
prononcé  que  celles  de  la  frise  intérieure  du  portique ,  c’était  parce 
qu’elles  n’étaient  pas  destinées  comme  celles-ci  à  décorer  un  mur  uni 
et  à  être  vues  de  près^,  et  qu’elles  devaient  au  contraire  produire  leur 
effet  au  milieu  d’ornements  d’architecture  très -saillants,  par  lesquels  il 
fallait  qu’elles  ne  fussent  pas  écrasées. 

Les  métopes  du  Parthénon  étaient  au  nombre  de  92  :  J/i.  à  chaque 
face,  32  à  chaque  côté  du  temple  ;  un  assez  grand  nombre  avaient  échappé 
aux  ravages  du  temps  et  à  l’explosion  de  1687,  quand  le  monument 
fut  livré  aux  déprédations  de  lord  Elgin.  Dix-sept  des  métopes  qu’il 
arracha  en  brisant  les  triglyphes  arrivèrent  à  Londres ,  où  elles  font 
l’ornement  du  Musée  Britannique.  Plusieurs  ont  été  englouties  entre  le 
cap  Malée  ou  Saint- Ange  et  l’île  de  Cérigo  (l’ancienne  Cythère),  dans 
le  naufrage  d’un  bâtiment  qui  transportait  divers  objets  d’antiquité 
pour  le  compte  de  lord  Elgin-. 

Une  métope  est  au  Musée  du  Louvre  ;  elle  était  hors  de  place  depuis 
longtemps  quand  elle  fut  rapportée  en  France  par  M.  de  Choiseul- 
Gouffier  qui  en  avait  fait  l’acquisition  avec  l’aide  du  consul  de  France 
à  Athènes,  M.  Fauvel,  qui  a  rendu  à  l’archéologie  de  si  importants 
services.  En  18.18,  après  la  mort  de  M.  de  Choiseul,  ce  marbre  pré¬ 
cieux  a  été  acquis  pour  le  Musée  au  prix  de  25,000  francs. 


1.  «  Phidias  possédait  des  notions  très-étendues  sur  l’art  de  construire,  au  moins  sur  la  partie 
théorique.  Comment  sans  cela  eût -il  pu  surveiller  les  travaux  d’architectes  tels  qu’Ictinus  et 
Callicrate?  Comment  eût-il  montré,  dans  le  Parthénon,  une  admirable  intelligence  des  besoins  de 
l’architecture  et  saci'ifié  toutes  les  prétentions  de  la  sculpture,  lui  sculpteur,  à  l’harmonie  et  à  l’effet 
général  du  monument?  C’est  ainsi  qu’il  donne  aux  métopes  un  relief  exagéré  contraire  à  ses  principes, 
pour  qu’elles  soient  en  rapport  avec  les  fortes  saillies  de  l’entablement.  La  frise  de  la  cella,  au  con¬ 
traire,  tant  son  relief  est  léger,  tant  ses  proportions  sont  petites  pour  la  hauteur  qu’elle  occupe, 
n’attire  que  faiblement  les  regards;  elle  leur  échappe  quelquefois;  mais  il  fallait  ne  pas  écraser  une 
muraille  lisse  par  l’importance  des  sculptures  et  la  couronner  au  contraire  d’un  bandeau  délicat. 

Beülk.  La  Jeunesse  de  Phidias  {Revue  des  Deux  Mondes^  mars  1860). 

2  Voyages  de  Chandler,  traduction  française  publiée  en  1806.  Notes  de  MM.  Servois  et  Barbié 
du  Bocage. 


MÉTOPES  DU  PARTHÉNON. 


i  lë 

Aujourd’hui  quatorze  métopes,  la  plupart  fort  endommagées,  sont 
encore  en  place;  une  métope  presque  complète,  mais  mutilée,  et  quelques 
fragments  ont  été  retrouvés  dans  les  déblayements  exécutés  au  Parthénon 
sous  la  direction  de  M.  Pittakis,  et  ils  sont  déposés  dans  l’enceinte  de 
l’opîsthodome.  Les  autres  métopes  ne  nous  sont  connues  que  par  les 
dessins  de  Garrey.  Ces  divers  bas-reliefs  ont  été  publiés  maintes  fois 
en  tout  ou  en  partie,  et  entre  autres  par  Stuard,  Legrand,  BrÔndsted,  etc. 

Les  métopes  de  Londres  et  de  Paris,  provenant  toutes  du  côté  méri¬ 
dional  du  temple  qui  était  le  mieux  conservé,  puisque,  lorsque  Garrey  les 
dessina,  il  n’y  manquait  que  quelques  bras  et  quelques  têtes  repré- 


Métope. 


sentent  en  général  des  épisodes  du  combat  des  Gentaures  et  des  Lapithes 
aux  noces  de  Pirithoüs  et  d’Hippodamie  2;  mais  quelques  autres  sujets 

1.  <i  A  l’est  et  à  l’ouest,  toutes  les  métopes  sont  à  leur  place,  frustes  plutôt  que  mutilées,  tant  le 
fanatisme  a  mis  de  persévérance  à  les  anéantir.  On  voit  que  des  échafaudages  ont  été  dressés,  que 
des  ouvriers  ont  travaillé  à  grands  coups  de  marteau,  ici  nivelant  complètement  la  dalle  de  marbre, 
là  satisfaits  de  rendre  méconnaissables  les  sujets  et  les  personnages  qu’on  y  avait  sculptés.  Les 
métopes  du  nord  ont  été  défigurées  de  la  même  manière.  Était-ce  l’église,  était-ce  la  mosquée  qu’on 
purifiait  ainsi  en  faisant  disparaître  les  images  profanes?  Peu  importe  de  savoir  qui  a  encouru,  des 
Grecs  ou  des  Turcs,  une  indignation  qui  ne  remédierait  à  rien.  On  ignore  même,  ce  qui  serait  plus 
intéressant,  quelle  cause  avait  fait  épargner  les  trente-deux  métopes  du  sud.  Comme  ce  côté  du 
temple  est  tourné  vers  le  dehors  de  la  forteresse  et  voisin  du  mur  d’enceinte,  on  n’y  passait  jamais. 
Avait-on  calculé  que  les  regards  n’auraient  pas  lieu  d’être  blessés?  » 

E.  Beülé.  Acropole  d’Athènes,  T.  II,  p.  112. 

2.  Aux  noces  de  Pirithoüs,  les  Centaures  s’étant  enivrés  insultèrent  les  femmes  des  Lapithes, 
habitants  de  la  Thessalie  et  sujets  de  Pirithoüs.  Thésée,  ami  de  ce  prince,  à  la  tête  des  Athéniens, 
se  réunit  aux  Lapithes;  un  grand  nombre  de  Centaures  furent  tués  et  le  reste  prit  la  fuite.  «  Non, 


116 


ATHÈNES. 


se  trouvaient  dans  celles  qui  ont  disparu  ou  qui  sont  restées  en  place. 
M.  Beulé,  parmi  ces  sculptures  presque  toutes  méconnaissables,  a  cepen¬ 
dant  cru  distinguer  :  à  la  façade  orientale,  Minerve  combattant  un  Titan 
ou  repoussant  Vulcain,  la  déesse  combattant  Encelade,  domptant  Pégase 
pour  le  procurer  à  Bellérophon,  etc.,  et  quelques  traits  de  Thistoire  des 
héros  qu’elle  inspirait  ou  protégeait.  Hercule,  Persée  et  Thésée;  au  côté 
nord,  quelques  restes  d’hommes  et  de  chevaux  dans  lesquels  il  est  diffi¬ 
cile  de  voir,  comme  l’ont  prétendu  quelques  voyageurs,  le  combat  des 
Amazones;  enfin,  sur  la  façade  occidentale,  une  série  d’engagements 
entre  des  guerriers  à  pied  et  alternativement  entre  un  piéton  -et  un 
cavalier,  compositions  qui  lui  paraissent  inspirées  non  plus  par  la  fable, 
mais  par  l’histoire,  et  qu’il  pense  représenter  des  victoires  remportées 
par  les  Athéniens  sur  les  Perses^. 

Nous  ajouterons  que  rien  ne  nous  semble  plus  admissible  que  cette 
supposition.  Était-il  un  sujet  qui  fut  plus  à  sa  place  sur  une  frise  qui 
précédait  cet  opisthodome,  rempli  des  dépouilles  des  Perses  et  des 
trésors  amassés  pour  les  combattre  de  nouveau  ,  si  jamais  ils  osaient 
remettre  le  pied  sur  le  sol  de  la  patrie  ? 

Enfin,  au  côté  méridional  du  temple,  les  dessins  de  Carrey  nous 

dit  Nestor  {Iliade.  L,  I),  jamais  je  n’ai  vu,  et  je  ne  verrai  sans  doute  jamais  des  héros  tels  que 
Pirithoüs,  Drias,  pasteur  des  peuples,  Cénée,  Exadius,  le  divin  Polyphème,  et  le  fils  d’Égée,  Thésée, 
semblable  aux  immortels.  Ils  étaient  certes  les  hommes  les  plus  courageux  qu’ait  nourris  la  terre; 
ils  combattirent  de  vaillants  ennemis,  les  Centaures  des  montagnes,  qu’ils  exterminèrent  dans  une 
lutte  terrible.  »  La  tradition  que  nous  fournit  Homère  sur  les  commencements  de  cette  lutte  diffère 
un  peu  de  celle  généralement  adoptée  :  «  Jadis,  dit-il  {Odyssée.  L.  XXI),  le  vin  fit  perdre  la  raison 
au  fameux  Centaure  Eurythion,  lorsqu’il  était  chez  les  Lapithes,  auprès  du  magnanime  Pirithoüs; 
quand  le  vin  eut  troublé  ses  sens,  il  devint  furieux  et  commit  des  crimes  épouvantables  dans  le 
palais  même  de  Pirithoüs;  mais  la  colère  s’empara  bientôt  de  tous  ces  héros  réunis;  ils  se  jetèrent 
sur  Eurythion,  le  traînèrent  hors  du  vestibule  et  lui  coupèrent  avec  l’airain  cruel  le  nez  et  les 
oreilles.  Le  Centaure  Eurythion,  vivement  offensé,  s’en  alla  couvert  de  honte  et  après  avoir  subi  le 
châtiment  d’une  aberration  funeste  due  à  son  esprit  insensé.  Voilà  quelle  fut  l’origine  de  la  guerre 
qui  eut  lieu  entre  les  Centaures  et  les  Lapithes.  » 

Le  souvenir  d’une  victoire,  due  en  grande  partie  à  l’intervention  de  leur  héros  et  de  leurs  ancêtres, 
dut  être  cher  aux  Athéniens  ;  aussi  ce  combat  devint-il  un  des  thèmes  favoris  des  sculpteurs,  des 
peintres  et  des  poètes  de  l’antiquité;  on  le  trouve  reproduit  sur  un  grand  nombre  de  bas-reliefs  et 
de  vases  peints,  et  sur  l’une  des  fresques  trouvées  à  Herculanum  { Herculanum  et  Pompéi.  II,  pl.  18. 
Didot),  et  il  a  été  chanté  ou  décrit  par  Hésiode.  In  seul.,  v.  177  ;  par  PujT.vnQUE.  Vie  de  Thésée;  par 
Diodohe  de  Sicile.  L.  IV;  par  Strabon.  lier.  geog.  L.  IX;  par  Virgile.  Georg.  L.  HI,  Énéide.  L.  IV, 
et  Culex,  V.  28;  par  Ovide.  Mét.  L.  XH  et  XIV,  et  Amores.  L.  H,  Eleg.  12;  par  Properce.  L.  H, 
Eleg.  6;  par  Stage.  Thébaïde.  L.  VI,  etc.  Suivant  Ælien  {Hist.  diverses).,  un  poète  antérieur  à 
Homère,  Mélisandre  de  Milet,  avait  décrit  aussi  le  combat  des  Centaures  et  des  Lapithes. 

1.  .Acropole  d’Athènes.  T.  H,  p.  118. 


MÉTOPES  DU  PARTHÉNON. 


117 


apprennent*  qu’outre  les  vingt-trois  métopes  représentant  des  combats 
de  Centaures  et  de  Lapithes,  il  y  en  avait  neuf  dont  les  sujets  étaient 
empruntés  aux  anciennes  traditions  relatives  à  l’origine  d’Athènes^. 

La  métopQ  du  Louvre,  l’une  des  mieux  conservées,  bien  que  les  têtes 
et  quelques  autres  parties  aient  dû  être  refaites  par  Lange,  d’après 
l’esquisse  de  Carrey,  offre  un  vieux  Centaure  saisissant  une  femme  qui 
cherche  à  échapper  à  sa  poursuite  ;  elle  séparait  les  dixième  et  onzième 
triglyphes  de  la  frise  méridionale  à  partir  de  la  façade  du  temple 

Des  dix-sept  métopes  du  Musée  Britannique,  cpinze  représentent  des 
combats  singuliers  et  à  succès  variés  entre  un  Athénien  ou  un  Lapithe 
et  un  Centaure;  la  seizième,  provenant  de  l’angle  droit  du  côté  septen¬ 
trional  du  temple,  représente  deux  femmes,  l’une  debout,  l'autre  assise 
sur  un  rocher;  on  voit  seulement  un  cavalier  sur  la  dix-septième  qui 
appartenait  à  l’angle  gauche  de  la  façade  occidentale^. 

La  métope  déposée  à  Athènes  dans  l’enceinte  du  Parthénon  offre  un 
Centaure  enlevant  une  femme. 

Enfin,  deux  têtes  provenant  de  l’une  des  métopes  ont  été  découvertes 
au  Musée  de  Copenhague  par  M.  Bïôndsted^;  elles' ont  été  apportées  en 
Danemark,  en  1688,  par  un  certain  capitaine  Hartmand  l’un  des 
compagnons  de  Kœnigsmark  au  funeste  siège  de  l’Acropole.  Ces  têtes 
sont  celles  d’un  Centaure  et  d’un  jeune  homme.  A  la  dernière  on 
remarque  tout  autour  un  enfoncement  et  au  front  un  petit  trou  qui 
annoncent  assez  clairement  l’existence  d’un  ornement  en  métal ,  une 
bandelette  large  de  0'",03  à  0“’,0/i.,  dorée  et  ornée  sur  le  devant  d’un 
bouton  ou  d’une  agrafe. 

Le  mérite  des  métopes  c|ui  sont  parvenues  jusqu’à  nous  est  très- 


1.  Voy.  BrOndsted,  Voyages  et  recherches  dans  la  Grèce.  2'’  livr.,  p.  207  à  267. 

2.  Comte  de  Clarac.  Description  du  Musée  des  antiques  du  Louvre. 

3.  Uritish  Muséum,  Elgin  Saloon,  1,  2,  3,  4,  5'  6,  7,  8,  10,  11,  12,  13,  14,  15,  10,  10“  et  10'\ 
Sous  les  numéros  301  à  309,  321  et  323,  on  conserve  au  môme  musée  divers  fragments  que  l’on  croit 
avoir  fait  partie  d’autres  métopes  du  Parthénon. 

4.  Voyages  et  recherches  dans  la  Grèce,  p.  171. 

5.  La  note  inscrite,  en  1690,  aux  registres  du  Musée  porte  :  «  Deux  têtes  de  marbre  qui  ont  été 

autrefois  dans  le  temple  de  Diane,  à  Éphèse ,  envoyées  d'Athènes  par  le  capitaine  Hartmand , 
l’an  1088.  »  , 

Il  ne  faut  pas  s’arrêter  à  cette  indication  inventée  par  un  rédacteur  ignorant.  Dès  cette  époque 
remplacement  même  du  temple  d’Éphèse  était  un  problème,  et  il  n’est  guère  probable  que  des 
sculptures  en  provenant  eussent  pu  se  trouver  à  Afbènes. 


118 


ATHÈNES. 


inégal;  dans  toutes  on  trouve  une  connaissance  remarquable  du  corps 
humain ,  mais  dans  la  plupart  on  chercherait  vainement  la  beauté  idéale 
de  l’art  arrivé  à  son  apogée.  Toutes  ont  conservé  le  cachet  réaliste  de 
l’école  archaïque,  et,  seules  parmi  les  sculptures  du  Parthénon,  elles 
rappellent  les  marbres  du  temple  d’Égine^. 

Phidias,  pour  suffire  aux  innombrables  et  gigantesques  travaux  du 
Parthénon,  dut  appeler  à  lui  tous  les  sculpteurs  capables  de  le  seconder. 
Les  métopes,  moins  importantes  que  les  sculptures  des  frontons,  placées 
plus  haut  que  la  frise  du  portique  et  ne  demandant  pas  la  même  homo¬ 
généité,  séparées  qu’elles  étaient  les  unes  des  autres  par  les  triglyphes, 
ne  présentant  d’ailleurs  que  des  sujets  simples,  peu  compliqués,  pou¬ 
vaient  surtout  être  confiées  à  des  mains  différentes  et  plus  ou  moins 
habiles.  Isolées  au  milieu  des  ornements  saillants  et  secs  de  l’architec¬ 
ture,  elles  pouvaient  aussi,  avec  moins  d’inconvénient,  présenter  quelques- 
unes  de  ces  formes  anguleuses,  reste  du  style  de  l’ancienne  école, 
à  laquelle  Phidias  put  ainsi  emprunter  soit  des  artistes  d’un  talent  déjà 
formé,  soit  aussi  quelques-uns  de  leurs  élèves  influencés  déjà  par  la 
nouvelle  manière.  Nous  croirions  diffi(iilement  pouvoir,  avecM.de  Glarac^, 
attribuer  quelques  métopes  à  Alcamène,  par  la  seule  raison  que,  dans 
le  fronton  du  temple  de  Jupiter  à  Olympie,  il  avait  sculpté  un  Centaure 
voulant  enlej^er  une  jeune  fille  Si  d’ailleurs,  comme  nous  le  croyons, 
les  figures  du  fronton  occidental  sont  dues  au  ciseau  d’ Alcamène,  la 
comparaison  seule  de  ces  sculptures  avec  les  métopes  suffit  pour  réfuter 
cette  opinion. 

Frise.  La  suite  de  sculptures  la  plus  considérable  du  Parthénon  est 
ce  qui  reste  encore,  soit  sur  place,  soit  dans  les  musées,  de  la  frise  ^  qui 
décorait  la  partie  supérieure  du  mur  de  la  cella  à  13  mètres  environ  du 
sol,  sous  le  portique.  Cette  frise,  qui  régnait  sans  interruption  tout  autour 
du  temple,  a  1“',425  de  hauteur,  sur  une  longueur  qui  n’était  pas  moindre 

1.  Aujourd’hui  à  la  Glyptothèque  de  Munich. 

2.  Description  du  Musée  des  antiques  du  Louvre. 

3.  Pausanias.  Élid.  L.  I,  c.  10. 

4.  Les  Grecs  donnaient  à  la  frise  le  nom  de  îlwocpopoç,  porte-animaux ,  parce  que, "suivant  une 
tradition  orientale,  les  sculptures  des  frises  des  plus  anciens  monuments  étaient  composées  de  suites 
d’animaux.  Les  Latins  avaient  emprunté  ce  mot,  et  on  trouve  dans  Vitruve  zophorus ,  employé  dans 
ce  sens. 


FRISE  DU  PARTIIÉNON. 


119 


de  159"’, 80.  M.  Brôndsted  évalue  à  320  le  nombre  des  figures  quelle 
devait  contenir  et  dont  les  groupes  variés  représentaient  la  grande  fête 
des  Panathénées. 

Ces  fêtes  en  l’honneur  de  Minerve  ou  Athéna,  établies  vers  l’an  1496 
avant  Jésus-Christ  par  Érichthonius  ^ ,  sous  le  nom  à' Athénées,  lôvivaia, 
furent  renouvelées  en  1313  par  Thésée ,  qui  leur  donna  celui  de  Pana¬ 
thénées,  navaOrivaia  [Athénées  universelles),  après  qu’il  eut  réuni  en  une 
seule  cité  tous  les  peuples  des  dè?nes  de  l’Attique^.  Ces  fêtes,  les  plus 
importantes  de  toutes  celles  qui  se  célébraient  à  Athènes,  ne  duraient  dans 
le  principe  qu’un  seul  jour,  mais  plus  tard  on  ajouta  deux  autres  journées. 
Il  y  avait  les  petites  et  les  grandes  Panathénées  :  les  petites,  yixpà  nava- 
6-/ivaia,  avaient  lieu  tous  les  trois  ans,  le  vingtième  ou  vingt  et  unième  jour 
du  mois  de  Thargélion  (mai^)  ;  les  grandes,  [xsyaXa  üavaG-^'vaia,  ne  reve¬ 
naient  que  tous  les  cinq  ans  au  deuxième  jour  du  mois  d’Hécatombéon 
(juillet'^) .  A  cette  époque  on  distribuait  des  couronnes  d’or  aux  citoyens 
qui  avaient  bien  mérité  de  la  République,  et  les  prisonniers  obtenaient 
une  liberté  provisoire. 

La  principale  cérémonie  des  grandes  Panathénées  consistait  à  con- 


1.  «  Érichthonius,  le  premier,  célébra  les  Panathénées  et  attela  un  char.  » 

IsTER.  Atthid.  III,  7. 

2.  «  Theseus  appela  tout  le  corps  de  la  ville  ensemble  Athènes;  puis  institua  la  feste  générale  et 

le  sacrifice  cômun  appelé  Panatlienea.  »  Plctarqüe.  Thésée. 

3.  Haepocration  et  Suidas.  In  verb.  IlavaSi^vata. 

4.  Nous  profitons  de  cette  occasion  pour  donner  dans  leur  ordre  la  liste  des  mois  athéniens  que 
nous  aurons  souvent  occasion  de  citer  dans  le  courant  de  cet  ouvrage,  faisant  remarquer  toutefois 
qu’ils  ne  répondent  pas  rigoureusement  aux  nôtres  : 


Hécatombéon , 

'ExaTop.paiwv, 

juillet. 

Métagitnion , 

MsxaYeiTviwv, 

août. 

Boédromion , 

Boïiôpop-twv, 

septembre. 

Memactérion , 

Matp.axTYiptd)v, 

octobre. 

Pyanepsion , 

nuaveij^iwv. 

novembre. 

Posidéon, 

lloffeiôewv, 

décembre. 

Gamélion, 

rap.ifi>.UiOv, 

janvier. 

Anthestérion , 

’Avôsçripiwv, 

février. 

Elaphébolion , 

’E),açriPo>,iwv, 

mars. 

Munychion , 

Moovuytwv, 

avril. 

Thargélion , 

OapYri),tMv, 

mai. 

Scirophorion , 

Sxippoçoptwv, 

juin. 

120 


ATHÈNES. 


sacrer  à  Minerve  un  vêtement  de  couleur  jaune  et  non  pas  blanche, 
comme  l’ont  avancé  quelques  auteurs,  nommé  pépins,  -Kiiékoç^,  sur 
lequel  les  prêtresses,  aidées  de  deux  jeunes  filles  âgées  seulement  de  sept 
à  onze  ans,  les  Arréphores,  Àpp-/i(po(poi,  avaient  brodé,  outre  les  images 
des  dieux  protecteurs  d’Athènes,  les  principales  actions  de  la  déesse, 
celles  de  Jupiter^  et  des  héros  fameux  par  leur  valeur.  De  là  l’expres¬ 
sion  proverbiale  de  a^wi  dignes  du  pépins^,  appliquée  aux 

citoyens  qui  s’étaient  distingués  dans  les  combats  et  avaient  bien  mérité 
de  la  patrie.  Le  pépins  cjui  devait,  jusqu’aux  Panathénées  suivantes,  orner 
l’antique  simulacre  de  la  déesse  conservé  dans  le  temple  de  Minerve 
Poliade,  était  porté  suspendu  au  mât  d’un  vaisseau  mû  sur  terre  par  un 
mécanisme  caché 

La  procession  se  composait  de  personnes  des  deux  sexes  et  de  tout 
âge  ;  elle  était  dirigée  par  des  vieillards  et  des  femmes  âgées  portant 
des  branches  d’olivier  et  appelés  Thallophores,  ©aXXoçopot,  porteurs  de 

1.  De  couleur  de  safran,  xpôxivoç,  ainsi  que  le  dit  Euripide  [Hécube,  v.  408). 

2.  Nequenisi  qxdnto  anno  quoque  passe  invisere 
Urbem,  atque  extemplo  inde,  ut  speetavisset  péplum 
Rus  rursurn  confestim  exigi  solitum  a  pâtre. 

Plaute.  Mereator.  Acte  sc.  U®,  v.  66. 

«  Il  ne  lui  était  permis  de  venir  à  la  ville  qu'une  fois  tous  les  cinq  ans,  et  il  n’avait  pas  plus  tôt  vu  le  péplus  sacré 
que  son  père  le  ïenvoyait  à  la  campagne.  » 

*  Sed  nuxgno  intexens,  si  fas  est  dicere,  peplo 
Qualis  Erechtheis  olim  portatur  Aihenis 
Débita  quum  castæ  solvuntur  vota  Minervœ. 

Virgile,  h' Aigrette  [Ciris],  v.  21. 

«  Mais  s’enveloppant,  s’il  est  permis  de  le  dire,  dans  un  large  péplus  tel  que  celui  qui  était  porté  autrefois  dans 
la  ville  d’Ereclithée,  quand  tous  payaient  la  dette  sacrée  de  leurs  vœux  à  la  chaste  Minerve.  » 

3.  «  Dans  la  ville  de  Pallas,  sur  le  voile  à  la  couleur  de  safran  de  Minerve  au  beau  char,  repré¬ 
senterai-je  l’attelage  de  ses  coursiers  sur  un  tissu  nuancé  des  plus  riches  couleurs,  ou  la  race  des 
Titans  que  Jupiter,  fils  de  Saturne,  a  foudroyés  de  ses  flammes  étincelantes.  » 

Euripide.  Hécube,  v.  468, 

«  Les  Athéniens  arrestèrent  en  côseil  de  ville,  qu’au  voile  ou  bannière  sacrée  en  laquelle  estoyent 
les  images  des  dieux,  patrons  et  protecteurs  de  la  ville,  pourtraits  de  broderie,  on  y  feroit  encore 
pourtraire  les  figures  d’Antigonus  et  de  Démétrius...  mais  les  dieux  monstrèrent  par  plusieurs  signes 
et  présages  qu’ils  en  estoyent  offensez  :  car  la  bannière  en  laquelle,  comme  il  ailoit  esté  ordonné,  on 
auoit  fait  pourtraire  les  images  d’Antigonus  et  de  Démétrius  auec  celles  de  Jupiter  et  de  Minerve, 
ainsi  côme  on  la  portoit  en  procession  par  la  rue  du  Céramique,  il  se  leua  un  orage  et  tourbillon  de 
vent  si  impétueux,  qu’il  la  deschira  en  deux  par  le  milieu.  »  Plutarque.  Vie  de  Démétrius. 

Cf.  Diodore  de  Sicile.  L.  XX,  §  46. 

4.  «  Gloire  à  nos  pères!  Ils  furent  dignes  de  leur  patrie  et  des  honneurs  du  péplus.  » 

Aristoph.  Les  Chevaliers.,  v.  563. 

5.  Harpocr.  In  neu),.  HÉi.ion.  Æthiop.  L.  I.  Philostrate.  In  Sophist.  L.  II. 


FRISE  DU  PARTIIÉNON. 


121 


liranches^;  venaient  ensuite  des  citoyens  armés  2,  suivis  des  étrangers 
établis  à  Athènes,  les  Métœques,  Mstoix-oi  vêtus  de  rouge,  portant  de 
petits  vaisseaux,  emblèmes  de  leur  origine  étrangère,  remplis  d’eau  et 
de  mieH;  on  les  surnommait  pour  cela  Scaphéphores,  2/4a(p-/i<popoi 
porteurs  de  nefs.  A  la  frise  du  Parthénon,  ce  ne  sont  que  des  espèces 
d’auges.  Leurs  femmes  étaient  nommées  Ilydriaphores ,  t(^pia(popot®, 
parce  qu’elles  portaient  des  vases  remplis  d’eau.  De  jeunes  garçons 
couronnés  de  millet  chantaient  des  hymnes  en  l’honneur  de  la  déesse  ^  ; 
de  jeunes  vierges,  choisies  parmi  les  premières  familles  d’Athènes  les 


1.  IIesych.  In  (r)a/),09. 

On  choisissait,  pour  remplir  les  fonctions  de  thallophores,  «  les  plus  beaux  vieillards,  comme  pour 
déclarer  cfue  la  beauté  est  de  tous  les  âges  »  (Xékophon.  Sympos.),  ce  qui  n’empôcba  pas  ce  titre  de 
devenir,  dans  le  langage  familier,  synonyme  de  ganache,  vieille  bête;  c’est  en  ce  sens  que  ce  mot 
est  employé  par  Aristophane  dans  sa  comédie  des  Guêpes.  «  La  troupe  des  vieillards,  dit-il,  ne 
servirait  plus  de  rien  ;  nous  serions  tournés  en  ridicule  dans  les  rues,  et  appelés  partout  thallophores 
et  sacs  à  procès.  » 

2.  ((  Harmodius  et  Ai’istogiton  arrêtèrent  leurs  mesures  avec  leurs  complices,  et  attendirent  les 

grandes  Panathénées,  le  seul  jour  où  les  citoyens  qui  devaient  former  le  cortège  pussent  se  rassem¬ 
bler  en  armes  sans  donner  lieu  au  soupçon.  »  Thucydide.  L.  VI,  c.  56. 

3.  Msxà,  avec;  olxoç,  maison. 

Les  métœques,  admis  par  l’Aréopage  et  inscrits  sur  un  registre  public,  jouissaient  d’une  partie  des 
privilèges  de  la  cité,  moyennant  un  impôt  qui  frappait  le  sixième  de  leur  revenu.  Hercule,  admis  au 
ciel,  où  il  n’était  pas  né,  dit,  en  s’adressant  à  Jupiter:  «  Pour  moi,  mon  père,  quoique  je  ne  sois 
qu'un  métœque,  je  n’hésiterai  pas  cependant  à  dire  mon  avis.  »  Lucien.  Jupiter  tragique. 

«  Quand  un  esclave  était  affranchi,  il  ne  passait  pas  dans  la  classe  des  citoyens,  mais  dans  celle 
des  domiciliés  (des  métœques),  qui  tenait  à  cette  dernière  par  la  liberté  et  à  celle  des  esclaves 
par  le  peu  de  considération  dont  elle  jouissait.  »  Badthéuemy.  Voy.  d'Anach.  G.  VL 

Les  métœques,  comme  les  autres  Athéniens,  étaient  appelés  à  prendre  part  aux  expéditions  mili¬ 
taires.  «  A  la  fin  de  ce  même  été,  dit  Thucydide  (L.  II,  §  31),  les  Athéniens  en  masse,  citoyens  et 
métœques,  envahirent  la  Mégaride,  sous  le  commandement  de  Périclès,  fils  de  Xanthippe.  » 

Xénophon  {Revenus.  C.  II)  blâme  cet  usage.  «  L’État  est  mieux  servi,  dit-il,  quand  les  citoyens 
tout  seuls  sont  sous  les  armes,  que  quand  on  confond,  comme  aujourd’hui,  dans  une  armée.  Lydiens, 
Phrygiens  et  Syriens,  et  autres  barbares  de  toute  espèce;  car  voilà  quels  sont  la  plupart  des 
métœques.  » 

4.  Ælien.  Hist.  div.  L.  VI,  c.  1. 

5.  Sxàcpy),  barque.  Hesych.  Lexicon,  verb.  Sxâcp. 

6.  "Tôwp,  eau. 

7.  Héliod.  Æthiop.  L.  L 

8.  Il  n’y  avait  pas  que  les  Panathénées  où  figurassent  les  canéphores.  Une  insulte  faite,  dans  une 
autre  cérémonie,  à  la  sœur  d’Harmodius,  fut  la  cause  première  de  la  chute  des  Pisistratides.  »  Hip- 
parque,  dit  Thucydide,  voyant  ses  avances  repoussées  par  Harmodius,  lui  fit,  comme  il  en  avait 
formé  le  projet,  un  cruel  outrage.  On  invita  sa  jeune  sœur  à  porter  la  corbeille  dans  une  solennité, 
puis  on  la  chassa  en  prétextant  qu’on  ne  l’avait  pas  môme  invitée,  vu  son  indignité.  Harmodius 
supporta  impatiemment  cet  affront,  et  Aristogiton  en  fut  encore  plus  indigné  que  lui.  » 

L.  VI,  c.  ,50. 

Cf.  Æuten.  Rist.  div.  L.  XT,  c.  8. 


122 


ATHÈNES. 


Canéphores,  Kav/içopoL  portaient  dans  des  corbeilles  tous  les  objets 
nécessaires  au  sacrifice.  Ces  objets  étaient  sous  la  garde  spéciale  de 
l’une  d’entre  elles,  revêtue  du  titre  d' Archithéore,  Àp/iÔ£wpoç  2.  Derrière 
les  Canéphores ,  des  sièges  et  des  parasols  ^  étaient  portés  par  les 
DiphrophoreSj,  Aeppoçopoi  ^  (porteuses  de  sièges)  ,  filles  des  métœques^; 


Frise  du  Parthénon. 


et  des  sacrificateurs,  ©uvai,  popœ,  conduisaient  des  victimes.  Enfin,  la 


•1.  De  xàvYiç,  corbeille.  Hesych.  et  Harpocr.  au  mot  Kavriç. 

Ce  fut  en  la  voyant  figurer  parmi  les  autres  canéphores  que  Mercure  devint  amoureux  d’Hersé, 
l’une  des  filles  de  Cécrops  : 

Ilia  forte  die,  castœ  de  more  puellœ, 

Verlice  supposito  (estas  in  Patladis  arces 
Para  coronatis  portabant  sacra  canistris. 

Ovide.  Métam.  L.  II,  v.  711. 

«  Ce  jour-là,  suivant  l'antique  usage,  de  chastes  vierges  portaient  sur  leurs  têtes,  au  temple  de  Pallas,  paré  pour 
la  solennité,  les  objets  sacrés  dans  des  corbeilles  couronnées  de  fleurs.  » 

Les  canéphores  portaient  parfois  au  cou  des  colliers  de  figues  sèches;  on  les  trouve  ainsi  repré¬ 
sentées  sur  plusieurs  monuments  antiques,  et  nous  avons  un  témoignage  écrit  de  cette  coutume  dans 
Aristophane  : 

«  Devenue  une  belle  fille,  je  fus  canéphore,  et  je  portai  le  collier  de  figues.  »  Lysistrate,  v.  047. 

2.  ’Ap5(à?,  chef;  ÔswpCa,  cérémonie. 

3.  Prométhée.  «  Donne-moi  le  parasol;  si  Jupiter  m’aperçoit  d’en  haut,  il  croira  que  je  marche  à  la 
suite  d’une  canéphore.  » 

PisTHETERus.  «  Tiens,  prends  aussi  cette  escabelle.  »  Aristoph.  Oiseaux,  v.  1550. 

4.  Afçpoç,  siège. 

K  Où  est  la  diphrophore?  »  Aristoph.  Les  Harangueuses. 

5.  «  Les  Athéniens  obligeaient  les  filles  des  habitants  nouvellement  établis  chez  eux  à  suivre  les 
leurs  dans  les  pompes  sacrées,  avec  un  parasol  pour  les  garantir  du  soleil  ;  les  femmes  à  faire  le  même 
service  auprès  des  femmes  athéniennes,  et  les  hommes  à  y  porler  des  vases.  » 

Æuen.  Hist.  div.  L.  VI,  c.  1. 


FRISE  DU  PARTI! ÉNON. 


123 


marche  était  fermée  par  des  enfants  richement  parés  nommés  Panda- 
raiqueSf  nav^a[;-ix-ol. 

Un  édifice  spécial,  le  Pompeion,  nopt-xeiov,  situé  au  pied  et  à  l’ouest 
de  l’Aréopage,  était  consacré  au  dépôt  de  tous  les  objets  qui  servaient 
aux  pompes  sacrées.  «  En  entrant  dans  la  ville,  dit  Pausanias,  vous 
trouverez  un  édifice  pour  l’appareil  des  pompes  religieuses  qui  se  font, 
les  unes  tous  les  ans,  les  autres  à  des  époques  plus  éloignées,  »  mais 
c’était  dans  le  Céramique  extérieur^  que  se  faisaient  les  préparatifs  des 
cérémonies,  sous  la  direction  des  Nomophy laques,  WopcpuXaxsç,  chargés 
de  maintenir  l’exécution  rigoureuse  de  tous  les  rites  consacrés  par  l’usage. 

Outre  la  procession,  la  fête  des  Panathénées  donnait  lieu  à  des 
combats  d’athlètes,  à  des  exercices  gymnastiques,  Eùav^piaç  àywv  2,  qui 
avaient  lieu  dans  le  stade  panathénaïque,  au  bord  de  l’Ilissus;  à  des 
courses  à  pied,  les  Lampadodromies,  Aa[ji.7uar^o^po[x(ai,  et  Lampadophories, 
AafXTCa^o^optai ,  où  chaque  coureur  tenait  à  la  main  une  torche  qu’il 
devait  conserver  allumée^,  courses  cjui,  plus  tard,  furent  remplacées 
par  des  courses  équestres;  à  des  concours  de  musique,  de  chant,  de 
poésie  lyrique  ^  ou  dramatique  ^ ,  dont  les  prix  étaient  une  couronne 
d’olivier  et  un  vase  d’huile;  enfin,  à  une  danse, Ha  pyrrhique,  qui  repré¬ 
sentait  le  combat  de  Minerve  contre  les  Titans  On  avait  soin  aussi 
d’entretenir  des  rapsodes  pour  chanter  les  poésies  d’Homère  dans  ces 
occasions  solennelles  Les  cérémonies  se  terminaient  par  un  sacrifice 


1.  «  La  fête  (des  Panathénées)  arrivée,  Hippias,  entouré  de  ses  gardes,  se  rendit  hors  la  ville,  sur 
une  place  nommée  Céramique,  pour  régler  dans  tous  ses  détails  la  marche  du  cortège.  » 

Thccvuide.  L.  VI,  c.  57. 

2.  XÉNOPH.  Sympos.  Démosth.  De  coronâ. 

3.  «  XÉNOPH.  Symp.  Athén.  Deipn.  L.  IV. 

«  Conte  plutôt  que  tu  courus  sans  laisser  éteindre  la  torche.  »  Aristoph.  Les  Guêpes. 

4.  «  Ce  combat  poétique  avait  été  institué  par  Périclès.  Le  sujet  proposé  était  l’éloge  d’Harmodius, 
d’Aristogiton  et  de  Thrasybule,  dont  le  courage  avait  délivré  la  patrie  des  tyrans  qui  l’opprimaient.  » 

Philostr.  Vit.  Apoll.  L.  VII,  c.  4. 

5.  Les  pièces  de  théâtre  représentées  étaient  au  nombre  de  quatre ,  ce  qui  avait  fait  donner  à  ce 
concours  le  nom  de  TCTpa).oyta. 

6.  Aristophane.  Les  Nuées,  v.  084. 

7.  «  Hipparque  fut  le  premier  qui  apporta  à  Athènes  les  poëmes  d’Homère  et  qui  obligea  les  rap¬ 
sodes  à  les  chanter  aux  Panathénées.  »  Ælien.  Hist.  div.  L.  VIII,  c.  2. 

Il  est  vrai  qu’ailleurs  (L.  XIII,  c.  14)  le  môme  auteur  dit  que  les  poésies  d’Homère  furent  rassem¬ 
blées  par  Pisistrate,  qui  en  forma  Y  Iliade  et  YOdyssée. 

Suivant  Diogène  Laërce,  Solon  fut  le  premier  qui  fit  chanter  les  vers  d’Homère  dans  les  fêtes 
publiques. 


124 


ATHÈNES. 


auquel  chacune  des  tribus  d’Athènes  contribuait  en  fournissant  un  bœuf, 
et  la  chair  des  victimes  était  distribuée  dans  un  banquet  public  à 
l’assemblée  entière^. 

Revenons  à  la  frise  du  Parthénon,  dont  cette  digression,  que  nous 
avons  crue  nécessaire,  nous  a  écarté  un  moment.  Les  sculptures  de  la 
frise  ont,  comme  nous  l’avons  dit,  très -peu  de  relief,  ce  qui  était 
admirablement  calculé  pour  permettre  de  les  voir  d’en  bas  et  sans  se 
reculer  beaucoup,  ainsi  que  l’exigeait  leur  position  sous  un  portique 
assez  étroit.  Stuart  et  Revett  dessinèrent  une  partie  considérable  de  ce 
qui  existait  encore  de  leur  temps  (1751-1753).  Un  fragment,  déjà 
séparé  du  monument,  fut  apporté  en  France  par  M.  de  Gboiseul.  A  son 
tour,  lord  Elgin  détacha  une  grande  suite  d’environ  77  mètres  de  long, 
et  la  transporta  à  Londres.  Dans  cette  frise,  des  harnais,  des  armes  et 
divers  autres  ornements  étaient  en  métal ,  et  on  reconnaît  encore  facile¬ 
ment  les  trous  des  crampons  qui  servaient  à  les  attacher.  Ce  n’était 
pas  le  seul  genre  de  décoration  appliqué  à  ces  sculptures;  beaucoup  de 
parties  avaient  été  rehaussées  de  peintures  dont  on  retrouve  encore  des 
traces,  et,  si  l’on  en  croit  M.  Penrose,  la  composition  tout  entière  se 
détachait  sur  un  fond  bleu 

Nous  avons  déjà  dit,  à  propos  de  l’escalier  des  Propylées,  que  dans 
cette  vaste  composition  il  ne  fallait  pas  voir  seulement  une  représenta¬ 
tion  matérielle  de  la  cérémonie  des  Panathénées.  La  présence  des  dieux, 
des  demi-dieux,  des  héros,  celle  d’Aglaure,  de  Pandrose  et  d’Hersé, 
celle  enfin  des  chars,  qui,  ainsi  que  nous  croyons  l’avoir  démontré, 
ne  pouvaient  arriver  au  sommet  de  l’Acropole,  certains  détails  intimes 
qui,  évidemment,  ne  pouvaient  appartenir  à  la  scène  qui  se  passait  en 
public,  suffiraient  pour  faire  comprendre  que  l’artiste  s’est  souvent  livré 
à  son  imagination,  et  que  cherchant,  avant  toutes  choses,  à  introduire 
dans  sa  vaste  composition  la  variété  qui  devait  en  faire  le  charme,  il 
ne  s’est  guère  préoccupé  de  la  pensée  de  transmettre  aux  siècles  futurs 
des  renseignements  précis  sur  la  pompe  des  Panathénées,  thème  brillant 
sur  lequel  son  ciseau  avait  brodé  les  plus  riches  variations.  «  La  com¬ 
position  même,  dit  M.  Beulé,  ne  retrace  pas,  comme  on  l’a  dit  souvent. 


1.  «  Quand,  dans  la  fête  des  Panathénées,  tu  t’es  gorgé  de  viande . » 

AniSTOPii.  Les  Nuées,  v.  3S.o. 

2.  Principles  of  Athenian  architecture. 


FRISE  DU  PARTHÉNÜN. 


123 


la  seule  procession  des  Panathénées.  C’est  l’ensemble  de  ces  fêtes 
solennelles,  depuis  les  cérémonies  secrètes  qui  se  célébraient  la  nuit 
dans  le  temple  de  Minerve  Poliade,  jusqu’aux  courses  de  chars  et  de 
chevaux  dont  les  bords  de  l’Ilissus  étaient  le'  théâtre.  Ici  les  dieux 
assistent  au  triomphe  de  Minerve;  là  les  jeunes  Athéniens  se  préparent 
et  revêtent  leur  costume  dans  le  Céramique  ou  dans  le  Gymnase.  Leurs 
esclaves  amènent  leurs  chevaux,  les  brident,  les  caressent.  Par  un 
enchaînement  habile,  les  principales  scènes  sont  réunies  malgré  la  diffé¬ 
rence  du  lieu  et  des  temps.  La  disposition  même  de  ia  frise  aide  l’artiste 
à  leur  donner  l’unité  et  une  impulsion  commune^.  » 

Si  les  divinités  avaient  été  réunies  à  la  façade  du  Parthénon,  les  détails 
familiers  avaient  été  réservés  pour  la  frise  qui,  à  l’occident,  surmontait 
la  porte  de  l’opisthodome ,  partie  moins  sacrée  du  temple.  «  On  dirait- 
les  coulisses  d’un  théâtre ,  et  nous  assistons  aux  préparatifs  de  la  toilette 
des  acteurs.  Quelques  jeunes  Athéniens  déjà  montés  essayent  leurs 
chevaux  et  vont  rejoindre  le  gros  de  la  marche  cpii  court  sur  le  coté  du 
nord.  D’autres  se  font  amener  leurs  coursiers,  contiennent  leur  fougue , 
les  brident,  les  caressent.  Quelques-uns  se  parent  pour  la  fête  en  cau¬ 


sant  avec  leurs  compagnons.  Il  y  a  même  des  détails  d’une  intimité  et 
d’un  naturel  qui  montrent  un  art  bien  sûr  de  lui -même.  Un  Athénien 
passe  sa  tunique  de  la  même  manière  cpie  nous  passons  nos  chemises  ^ , 

1.  Beülé.  Acropole.  T.  II,  p.  140. 

2.  Dans  une  mosaïque  provenant  de  la  maison  du  poêle,  à  Pompéi,  et  représentant  une  répétition 
théâtrale,  on  retrouve  une  figure  qui  a  la  plus  grande  analogie  avec  celle  du  Parthénon. 

IJerculanum  et  Pompéi.  T.  V,  mosaïque  30. 

Dans  la  frise  du  Parthénon,  près  de  l’Athénien  passant  sa  tunique,  il  en  est  un  autre  attachant 
ses  sandales. 


!26 


ATHÈNES. 


et,  plus  loin,  un  cheval  laissé  libre  chasse  d’un  mouvement  de  tête  les 
mouches  qui  lui  piquent  la  jambe  » 

Si  nous  avons  transcrit  ces  passages  si  animés  du  savant  monographe 
de  l’Acropole,  c’est  que  cette  partie  de  la  frise  du  Parthénon  est  juste¬ 
ment  celle  qui  est  encore  en  place  presque  tout  entière;  un  seul 
morceau  est  passé  au  Musée  Britannique  ^  ;  il  représente  deux  cavaliers  ; 
celui  qui  marche  devant  semble  inviter  son  compagnon  à  presser  le  pas. 


Des  soixante-neuf  autres  morceaux  que  possède  le  même  musée ,  six 
appartenaient  à  la  frise  orientale.  C’est  sur  deux  de  ces  fragments  que 
se  trouvent  les  dieux,  les  demi-dieux  et  les  héros,  parmi  lesquels  on 
croit  reconnaître  Jupiter,  Junon,  Esculape,  Hygie,  Castor  et  Pollux, 
Cérès  et  Triptolème,  etc.  Sur  un  troisième  morceau,  disparu  depuis 
longtemps,  devaient  se  trouver  quatre  autres  divinités.  Quelques-uns 
de  ces  marbres  ont  été  complétés  d’après  des  moulages  antérieurs  à 
leur  enlèvement  par  lord  Elgin^;  vingt-deux  marbres  plus  ou  moins 
complets  appartiennent  à  la  frise  du  nord"^,  et  trente-neuf  à  la  frise 
du  sud^;  ce  sont  ceux  qui  représentent  plus  spécialement  les  diffé¬ 
rents  personnages  à  pied  ou  à  cheval  figurant  dans  la  procession. 

Le  morceau  de  la  frise  qui,  du  cabinet  de  M.  de  Choiseul,  est  passé 


i.  Beulé.  Acropole  d'Athènes.  T.  II,  p.  160. 
‘2.  Elgin  Saloon,  n»  47. 

3.  Ibid.,  n®*  17,  18,  19,  21,  22  et2i. 

4.  Ibid.,  25  à  46. 

5.  Ibid-,  n'”  62  à  90. 


M [NEUVE  DU  FARTHÉNON. 


1^27 


au  Musée  du  Louvre ,  appartenait  à  la  façade  orientale.  Il  comprend 
sept  figures  de  jeunes  vierges  athéniennes  sur  le  point  d’entrer  dans  le 
temple  et  de  remettre  aux  Archithéores  et  aux  N omophy laques,  directeurs 
de  la  cérémonie,  les  instruments  des  sacrifices  qu’ils  avaient  portés 
dans  leur  marche  religieuse 

Nous  décrirons  plus  loin  les  quatorze  fragments  plus  ou  moins 
complets  restés  à  Athènes  et  déposés  dans  l’opisthodome  du  Parthénon. 

Il  est  facile  de  se  convaincre,  par  l’examen  de  la  frise  qui  nous 
occupe,  que  la  composition  formait  un  tout  homogène  qui  dut  être  conçu 
tout  d’un  jet,  et  par  un  seul  artiste,  et  cet  artiste  ne  put  être  autre  que 
Phidias.  Quant  à  l’exécution,  qui,  aussi  bien  que  celle  des  métopes,  est 
d’un  mérite  fort  inégal ,  elle  ne  tient  plus  en  rien  du  style  archaïque  et 
doit  être  attribuée  tout  entière  à  l’école  de  Phidias.  Peut-être  même  le 
maître  a-t-il  mis  la  main  à  quelques-unes  des  figures  les  plus  parfaites, 
de  même  que  Raphaël  a  retracé  de  son  divin  pinceau  deux  des  cin¬ 
quante-six  compositions  sacrées  dont  son  génie  a  enrichi  les  loges  du 
Vatican.  Terminons  cet  examen  par  une  remarque  importante  que  nous 
emprunterons  encore  à  l’excellent  ouvrage  de  M.  Beulé.  «  Les  prédéces¬ 
seurs  de  Phidias  avaient  décoré  les  temples  de  sculptures  à  haut  relief 
qui  n’étaient  qu’une  imitation  de  la  nature.  On  dirait  des  statues  en 
ronde  bosse  coupées  par  la  moitié  et  appliquées  sur  un  fond  uni.  Telles 
sont  les  sculptures  du  temple  de  Thésée,  telles  sont  celles  de  la 
Victoire  sans  ailes,  telles  sont  les  métopes  du  Parthénon.  Phidias  fut 
proprement  l’inventeur  du  bas-relief.  Il  sut  avec  une  légère  saillie 
donner  aux  surfaces  et  aux  plans  leur  valeur  apparente.  La  science 
de  la  perspective  et  le  sentiment  personnel  l’aidèrent  à  produire  cette 
illusion  2.  )) 

Minerve.  Enfin,  il  nous  reste  à  mentionner  le  chef-d’œuvre  de 
Phidias,  la  fameuse  statue  de  Minerve,  placée  autrefois  dans  le  sanc¬ 
tuaire,  sur  le  piédestal  L  ,  et  que  malheureusement  nous  ne  connaissons 
que  par  la  description  que  nous  en  ont  laissée  les  auteurs  grecs  et 
latins.  Cette  statue,  qui,  au  dire  de  Pline,  avait  26  coudées  (11"’,  70) 
de  haut,  et,  en  y  comprenant  le  piédestal,  au  moins  15  mètres,  choque 

1.  Comte  de  Glarac.  Description  du  Mu^éedes  antiques  du  Louvre,  n”  82. 

2.  Beulé.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  164. 


^28  ATHÈNES. 

par  sa  grandeur  toutes  nos  idées  de  proportion,  puisque  la  lance  de  la 
déesse  devait  presque  atteindre  les  caissons  du  plafond;  mais  on  sait 
que  les  Égyptiens  ne  comprirent  jamais  la  puissance  séparée  de  la 
grandeur  matérielle,  et  les  Grecs,  à  Athènes  comme  à  Olympie,  ont 
prouvé  ciu’ils  n’avaient  pas  encore  renoncé  à  la  tradition  apportée  par 
Cécrops. 

La  Minerve  du  Parthénon  était  d’or  et  d’ivoire  et  les  ornements  faits 
de  la  première  de  ces  matières  ne  pesaient  pas  moins  de  liO  talents  d’or 
(3  millions  de  francs  2) .  Les  chairs  seules  étaient  d’ivoire  ;  les  vêtements 
d’or  de  diverses  couleurs  étaient  en  outre  rehaussés  de  peintures  légères 
par  Paninus,  frère  ou  cousin  de  Phidias,  qui  paraît  avoir  également 
exécuté  toutes  les  décorations  peintes  des  autres  ouvrages  du  grand 
sculpteur. 'Une  légère  teinte  était  passée  sur  l’ivoire  lui-même  pour 
adoucir  et  rendre  harmonieuse  sa  blancheur  qui  eût  été  trop  éclatante  3. 


1.  Les  matières  précieuses  qui  composaient  les  statues  chryséléphantines  (xpuffô;,  or;  eXÉça;, 
ivoire)  étaient  assemblées  par  une  armature  en  fer  et  en  bois  à  laquelle  Lucien  fait  souvent  allusion. 

«  Les  plus  magnifiques  de  ces  dieux  sont  d’ivoire,  relevé  d'un  peu  d’or  qui  leur  donne  de  l’éclat  et 
de  la  couleur;  mais,  à  l’intérieur,  ils  sont  de  bois,  et  recèlent  de  nombreux  troupeaux  de  rats  qui  y 
ont  établi  leur  république.  »  Jupiter  tragique. 

«  Lorsque  j’étais  roi  et  que  tout  le  monde  enviait  mon  sort,  je  me  comparais  à  vos  statues  colos¬ 
sales,  chefs-d’œuvre  de  Phidias,  de  Myron  et  de  Praxitèle.  Au  dehors,  c’est  Neptune,  le  trident  à  la 
main-  c’est  Jupiter,  tout  brillant  d’or  et  d’ivoire,  armé  de  foudres  et  d’éclairs;  mais  regarde  au 
dedans  ;  des  leviers,  des  coins,  des  barres  de  fer,  des  clous  qui  traversent  la  machine  de  part  en 
part,  des  chevilles,  de  la  poix,  de  la  poussière  et  d’autres  choses  aussi  choquantes  à  la  vue,  voilà  ce 
que  tu  y  trouveras,  sans  parler  encore  d’une  infinité  de  mouches  et  de  musaraignes  qui  y  établirent 
leur  république.  Telle  est  à  peu  près  la  royauté.  »  Le  Songe  ou  le  Coq. 

2.  «  Périclès  établit  qu’aux  ornements  d’or  de  la  déesse  il  y  avait  40  talents  pesant  d’or  pur,  et 

que  la  totalité  pouvait  se  détacher.  Cependant  il  ajoutait  que,  si  l’on  en  faisait  usage  pour  le  salut 

public,  il  faudrait  plus  tard  le  remplacer  par  un  poids  égal.  »  r  tt  i  o 

*  ’  iHUCYDIDE.  L.  Il,  C.  13. 

«  Thucydide  dit  40  talents;  d’autres  auteurs  disent  44;  d’autres  enfin  50.  Je  m’en  rapporte  au 
témoignage  de  Thucydide.  Eu  supposant  que,  de  son  temps,  la  proportion  de  l’or  à  l’argent  était  de 
1  à  13  comme  elle  l’était  du  temps  d’Hérodote,  les  40  talents  donneraient  520  talents  d’argent,  qui, 
à  5,400  livres  le  talent,  formeraient  un  total  de  2,808,000  livres.  Mais  comme,  au  siècle  de  Périclès, 
la  dragme  valait  au  moins  19  sous,  et  le  talent  5,700  livres,  les  40  talents  dont  il  s’agit  valaient  au 
moins  2,904,000  livres.  »  B.vuthélemy.  Voy.  d’Anach.  T.  II,  note  11. 

Une  inscription  trouvée,  en  1857,  dans  les  fouilles  de  l’Odéon  semble  se  rapporter  à  la  dépense 
faite  pour  l’achat  de  l’or  et  de  l’ivoire  de  la  Minerve  de  Phidias ,  dépense  qui  aurait  eu  lieu  dans 
l’année  où  les  fonctions  de  gardien  du  trésor  de  la  déesse  étaient  remplies  par  Cratès,  fils  de  Naupon, 
du  bourg  de  Lambrée,  Kpàxriç  NauTtovo;  ô  Aap.up£Ùç. 

3.  Cet  usage  de  peindre  les  sculptures  était  général.  Praxitèle  ne  voulait  laisser  voir  aucune  de  ses 
statues  avant  qu’elles  eussent  été  peintes  par  Nicias.  H  est  bien  entendu  que  les  anciens  n  em¬ 
ployaient  la  peinture  que  sobrement  et  par  teintes  légères,-  et  non  pas  à  la  manière  des  sculpteurs  du 
moyen  âge. 


.MFiNKRVK  DU  PART  H  K  N  ON. 


1^0 


U  Minerve,  dit  Pausanias  est  debout,  avec  une  tunique  qui  lui 
descend  jusqu’aux  pieds.  Sur  sa  poitrine  est  une  tête  de  Méduse  en 
ivoire.  Elle  tient  d’une  main  une  Victoire-,  qui  a  quatre  coudées  environ 
de  haut,  et  de  l’autre  une  pique;  son  bouclier  est  posé  à  ses  pieds,  et 
près  de  la  pique  est  un  serpent  qui  représente  peut-être  Érichthonius. 
La  naissance  de  Pandore  est  sculptée  sur  le  piédestal  de  la  statue.  » 

«  La  Minerve  d’Athènes,  dit  à  son  tour  Pline  a  26  coudées  ;  elle 
est  d’ivoire  et  d’or.  Sur  la  surface  convexe  du  bouclier  de  la  déesse, 
Phidias  a  gravé  le  combat  des  Amazones;  sur  la  partie  concave,  la 
bataille  des  dieux  et  des  géants;  sur  les  semelles,  celle  des  Lapithes 
et  des  Centaures;  tant  avec  lui  l’art  se  logeait  dans  les  plus  petits 
espaces.  11  a  nommé  Naissance  de  Pandore  ce  qu’il  a  gravé  sur  la  base; 
là  sont  vingt  dieux  naissants.  La  Victoire  surtout  est  admirable.  Les 
connaisseurs  admirent  aussi  le  serpent,  et  sous  la  lance  même  le  sphinx 
d’airain.  » 

Nous  lisons  dans  Maxime  de  Tyr^  :  u  La  Minerve  de  Phidias  n’est 
pas  inférieure  au  type  qu’Ilonière  décrit  dans  ses  vers  ;  c’est  une  belle 
vierge  aux  yeux  glauques  5,  à  la  taille  élevée,  ceinte  de  l’égide,  cas¬ 
quée,  tenant  la  lance  et  le  bouclier.  » 

<(  J’ai  vu,  ajoute  Apulée  sur  le  bouclier  de  la  Minerve  qui  préside  à 
la  citadelle  d’Athènes,  ce  Phidias*  que  la  tradition  nous  présente  comme 
un  habile  sculpteur;  il  s’est  figuré  de  telle  sorte  que,  si  l’on  voulait 
retrancher  son  image  du  bouclier,  l’ensemble  serait  détruit,  et  l’œuvre 
entièrement  perdue.  » 

((  Enfin,  dit  Plutarque  Phidias  s’était  représenté  sous  les  traits  d’un 
vieillard  chauve  qui  soulève  une  pierre  des  deux  mains;  il  y  ajouta  un 
portrait  admirable  de  Périclès  combattant  une  Amazone.  Dans  cette  der- 

1.  Attic.  C.  XXIV. 

2.  «  La  Minerve  de  Phidias,  une  fois  que  sa  main  étendue  a  reçu  la  Victoire,  reste  ainsi  pendant 

tout  le  cours  des  siècles.  »  Arrien.  Épict.  diatrib.  II,  8. 

3.  Hist.  nat.  L.  XXXVI,  4. 

4.  Dissert.  14. 

5.  La  prunelle  des  yeux  était  faite  de  pierres  précieuses  rapportées  (Platon,  le  Grand  Ilippias, 
dial.).  M.  le  duc  de  Luynes  pense  que  cette  pierre  était  une  agate  saphirine  qui,  en  effet,  eût  bien 
répondu  à  l’épithète  de  Minerve  aux  yeux  bleus,  yXaoxwTri;  ’A0/iv5t. 

6.  Traité  du  Monde. 

7.  Vie  de  Périclès. 


130 


ATHÈNES. 


nière  figure,  la  main  lançant  un  javelot  était  placée  avec  tant  d’habileté 
qu’elle  cachait  une  partie  du  visage,  mais  qu’on  en  voyait  encore  assez 
des  deux  côtés  pour  que  la  ressemblance  fut  évidente.  » 

Les  Athéniens  n’eussent  pas  souffert  qu’on  inscrivît  sur  la  statue  le 
nom  de  son  auteur,  non  plus  que  celui  de  Périclès  qui  l’avait  fait  faire, 
et  Phidias  avait  trouvé  ce  moyen  ingénieux  d’éluder  la  défense  fai¬ 
sant  même,  comme  nous  venons  de  le  voir,  de  son  propre  portrait 
la  cheville  ouvrière  du  colosse  entier,  afin  qu’il  ne  pût  jamais  en  être 
détaché. 

Nous  verrons  au  temple  de  Thésée  une  statuette  dans  laquelle 
M.-Ch.  Lenormant  a  cru  reconnaître  une  réminiscence  de  la  Minerve 
du  Parthénon.  Ce  colosse  figure  sur  un  beau  tétradrachme  qui  appar¬ 
tient  à  la  plus  brillante  époque  de  l’art  athénien. 


La  Minerve  de  Phidias  fut  placée  dans  le  Parthénon  la  première 
année  de  la  85®  olympiade  (Û38  ans  avant  Jésus-Christ),  sous  l’archontat 
de  Théodore.  Cent  trente  ans  après,  l’or  en  fut  pillé  par  le  tyran 
Lacharès,  qui  enleva  le  manteau  de  la  déesse  et  le  remplaça  par  un 
manteau  d’étoffe,  disant  qu’il  serait  plus  léger  pour  l’été  et  plus  chaud 
pour  l’hiver. 

Chandler  croit  que  la  statue  fut  détruite  définitivement  vers  l’an  hOO 
avant  Jésus-Christ,  par  les  Visigoths,  conduits  par  Alaric.  Il  est  vrai 
que,  si  l’on  en  croyait  Zosime,  Alaric  marchant  contre  Athènes  aurait 
aperçu  Minerve  armée  sur  les  créneaux,  et  Achille  debout  devant  les 
remparts  de  l’Acropole,  et,  effrayé  par  ces  apparitions,  aurait  renoncé 
à  son  entreprise  et  traité  avec  les  Athéniens.  Mais  toute  cette  histoire, 

1.  «  Les  artistes  veulent  être  célébrés  après  leur  mort.  N’est-ce  pas  pour  cette  raison  que  Phidias 
plaça  son  portrait  sur  le  bouclier  de  Minerve,  parce  qu’il  ne  lui  était  pas  permis  d’y  inscrire  son 
nom?  »  Cicéron.  Tuscul,  I,  15. 


MINERVE  DU  PARTHÉNON. 


131 


dit  avec  raison  Chandler^,  n’est  que  le  dire  d’un  païen  zélé  pour  ses  divi¬ 
nités,  qui  cherche  à  les  soutenir  dans  leur  proscription  et  même  à  relever 
leur  crédit  anéanti.  11  est  au  contraire  prouvé  qu’ Athènes  eut,  ainsi  que 
les  autres  villes  de  la  Grèce,  beaucoup  à  souffrir  de  la  part  de  ce 
conquérant  féroce;  et  tout  porte  à  croire  que  l’idole  puissante  et  révérée 
de  Minerve  fut  alors  enveloppée  dans  la  dévastation  générale  qui  fit 
main  basse  sur  toutes  les  statues  sans  distinction,  comme  sans  examiner 
si  elles  étaient  descendues  du  ciel  ou  si  elles  étaient  l’ouvrage  de 
Phidias.  » 

En  tout  cas,  si  l’assertion  de  Zosime  devait  être  acceptée,  la  Minerve 
qui,  du  haut  des  remparts,  fut  apparue  aux  regards  épouvantés 
d’Alaric  n’eût  point  été  celle  du  Parthénon,  mais  un  autre  colosse  de 
Phidias,  la  Minerve  Promachos,  qui,  en  effet,  était  visible  du  dehors,  \ 
élevée  qu’elle  était  sur  un  énorme  piédestal  dont  nous  retrouverons  les 
restes. 

M.  Beulé  ne  partage  pas  l’opinion  de  Chandler;  il  pense  au  contraire 
que  la  Minerve  ne  fut  enlevée  du  Parthénon  que  par  les  chrétiens,  sous 
le  règne  de  Justinien,  et  que  probablement  elle  alla  orner  l’hippodrome 
de  Constantinople  avec  d’autres  œuvres  de  Phidias,  et  faire  pendant  au 
Jupiter  Olympien 

Si  nous  n’entrons  pas  dans  de  plus  grands  détails  sur  cette  œuvre, 
l’une  des  merveilles  de  l’antiquité,  c’est  que  ce  serait  sortir  de  notre 
cadre ,  qui  n’embrasse  que  les  monuments  encore  existants ,  au  moins  en 
partie.  Quant  à  la  statuaire  chryséléphantine  en  général,  et  à  la  Minerve 
du  Parthénon  en  particulier,  on  pourra  consulter  à  leur  sujet  le  magni¬ 
fique  ouvrage  de  Quatremère  de  Quincy,  le  Jupiter  Olympien,  l’intéres¬ 
sant  chapitre  que  M .  Beulé  a  consacré  à  la  statue  de  Phidias  et  voir 
dans  le  Magasin  pittoresque  ^  le  dessin  et  la  description  de  la  reproduc¬ 
tion  qui  en  a  été  faite  d’après  les  textes  par  M.  Simart,  aux  frais  et  sur 
les  indications  de  M.  le  duc  de  Luynes,  et  qui  a  figuré  à  l’exposition 
universelle  de  Paris  en  1855. 

1.  Voyage  en  Grèce.  T.  II,  p.  386. 

2.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  193. 

3.  Ibid.  T.  II,  c.  5. 

4.  T.  XXIV,  p.  41. 


132 


ATHKNKS. 


PARTiiÉiXON  DANS  SON  ÉTAT  ACTUEL.  Nous  avoiis  dit  ce  qu’avait  été 
le  Parthénon  de  Phidias  et  d’Ictinus;  voyons-le  maintenant  tel  que  nous 
l’ont  fait  les  ravages  des  siècles  et  surtout  les  injures  des  hommes  tant 
barbares  que  prétendus  civilisés.  N’est-il  pas  bien  triste  de  penser  que 
la  plus  merveilleuse  création  de  l’esprit  humain  était  encore  entière 
après  plus  de  2000  ans,  sauf  une  mutilation  partielle  qui  lui  avait  été 
infligée  au  nom  de  la  religion  chrétienne,  quand  du  milieu  d’une  armée 
italienne  s’élança,  à  la  fin  du  xviP  siècle,  la  bombe  fatale  qui  devait  en 
faire  un  monceau  de  décombres?  N’est-il  pas  affreux  de  le  voir  mutiler 
au  commencement  de  ce  siècle  au  nom  de  l’art  même,  et  enfin  de  voir 
presque  compléter  sa  ruine  vingt-cinq  ans  plus  tard  par  les  nouveaux 
sièges  que  l’Acropole  eut  à  soutenir  pendant  la  guerre  de  l’indépen¬ 
dance?  Notre  seule  consolation  est  de  penser  qu’aujourd’hui  au  moins 
ce  qui  nous  reste  du  Parthénon  sera  conservé  à  l’admiration  des  siècles. 
Le  gouvernement  grec  y  veille  avec  la  plus  grande  sollicitude,  et  la 
mesure  cjui  ne  permet  à  personne  de  pénétrer  dans  l’Acropole  sans  la 
surveillance  d’un  gardien  paraît  donner  toute  sécurité  pour  l’avenir. 


Nous  avons  vu  que  le  Parthénon  s’élevait  sur  un  stylobate  formé  de 
trois  degrés  de  marbre;  ces  degrés  subsistent  encore  dans  leur  entier. 
Les  huit  colonnes  de  la  face,  orientale^  sont  bien  conservées;  quatre 
de  leurs  chapiteaux  sont  même  presque  intacts.  L’architrave  qu’ils  por¬ 
taient  avait  été  décorée  de  boucliers  d’or  que  quelques  auteurs  ont 


I .  Planche  III. 


ÉTAT  AC/rUKL  DU  PART  II  É NON. 


prétendu  avoir  fait  partie  des  dépouilles  des  Perses^;  mais  ces  boucliers 
d’or,  n’ayant  jamais  pu  être  ce  que  nous  nommerions  aujourd’hui  des 
armes  d’ordonnance,  eussent  nécessairement  varié  de  grandeur,  de  forme, 
de  richesse  et  de  travail,  suivant  le  caprice  des  satrapes  qui  les  possé¬ 
daient  et  le  talent  des  artistes  qui  les  avaient  exécutés.  Il  eût  donc  été 
difficile,  pour  no  pas  dire  impossible,  de  trouver  quatorze  boucliers 
absolument  semblables  pouvant  figurer  symétriquement  à  la  façade  du 
temple.  Peut-être  pourrait-on  admettre  que  ces  boucliers  avaient  seule¬ 
ment  été  fabriqués  avec  for  enlevé  aux  Perses;  mais  les  guerres 
médiques  avaient  pris  fin  plus  de  quarante  ans  avant  la  construction  du 
Parthénon,  et  il  nous  semble  peu  probable  que  non-seulement  les  bou¬ 
cliers,  mais  même  l’or  provenant  du  butin  fait  sur  les  Perses,  aient 
encore  été  sans  emploi  lorsque  Périclès  acheva  le  temple  de  Minerve. 

Quelle  que  soit  l’origine  de  cette  riche  décoration,  son  existence  peut 
encore  être  constatée  aujourd’hui.  Sur  l’architrave  on  voit  très-distinc¬ 
tement,  au-dessous  de  chaque  métope,  la  trace  du  cercle  des  boucliers 
avec  un  trou  rectangulaire  au  centre  pour  le  scellement  des  crampons 
qui  les  soutenaient.  Ces  boucliers,  qui  n’avaient  jamais  dû  servir  à  un 
autre  usage  et  qui  certainement  avaient  été  fabriqués  expressément  pour 
l’ornement  du  Parthénon ,  furent  enlevés  en  l’an  308  avant  Jésus-Christ, 
par  le  tyran  Lacharès ,  obligé  de  fuir  et  de  renoncer  à  défendre  plus 
longtemps  Athènes  assiégée  par  Démétrius  Poliorcète  ^ ,  et  furent  pro¬ 
bablement  remplacés  depuis  par  des  copies  simplement  de  bronze  doré, 
comme  l’indiquent  les  traces  d’oxyde  qui  en  dessinent  les  contours  sur 
le  marbre. 

1.  «  L’astre  du  jour,  prêt  à  se  plonger  dans  la  mer,  frappait  de  scs  derniers  rayons  les  colonnes 
du  temple  de  Minerve  ;  il  faisait  étinceler  les  boucliers  des  Perses,  suspendus  au  fronton  du  portique, 
el  semblait  animer  avec  la  frise  les  admirables  sculptures  de  Phidias.  » 

Chateai'briand.  Les  Martyrs. 

L’illustre  écrivain  oublie  qu’ailleui’s  il  a  fait  les  sculptures  du  Parthénon  contemporaines  d’Adrien  ; 
i  oublie  surtout  que  la  façade  du  Parthénon  où  se  trouvaient  les  boucliers  est  tournée  à  l’est  et  non 
pas  au  couchant. 

2.  «  Lacharès,  voyant  la  ville  prise,  s’enfuit  dans  la  Béotie;  comme  il  avait  emporté  les  boucliers 

d’or  de  l’Acropole,  et  dépouillé  la  statue  de  Minerve  de  tous  les  ornements  qui  pouvaient  se  déta¬ 
cher,  on  lui  soupçonna  de  très-grandes  richesses,  et  quelques  habitants  de  Coronée  le  tuèrent  pour 
s’en  emparer.  »  Paosamas.  AU.  C.  XXV. 

Ce  dernier  fait  énoncé  par  Pansanias  est  une  erreur;  Lacharès  survécut  au  moins  quinze  ans  à  la 
prise  d’Athènes. 


434 


ATHÈNES. 


Au-dessous  des  triglyphes,  au  contraire,  se  trouvent  irrégulièrement 
disposés  une  foule  de  petits  trous  c[ui  ont  dû  soutenir  des  lettres  de 
métal  formant  des  inscriptions^. 

A  cette  frise,  les  gouttes  sont  presque  toutes  conservées,  ainsi  que  les 
triglyphes,  dont  un  seul,  celui  de  l’angle  sud-est,  est  endommagé  dans 
sa  partie  supérieure.  Les  métopes  sont  toutes  en  place,  mais  dans  le 
plus  triste  état  et  à  peu  près  méconnaissables. 

A  la  base  du  fronton  il  ne  manque  que  trois  blocs  et  demi  ayant 
formé  chacun  une  mutule  ;  les  autres  sont  bien  conservés.  Quant  au 
rampant  du  fronton,  à  peine  en  reste-t-il  l’extrémité  nord-est  et  un  seul 
fragment  du  rampant  de  gauche  soutenu  par  de  faibles  portions  du  mur 
de  fond  du  tympan  en  avant  desquelles  on  voit  encore  au  midi  deux 
têtes  de  chevaux  montant,  et  au  nord  une  tête  de  cheval  descendant. 

En  arrière  de  la  façade,  le  pronaos  ou  prodromos  D  D  s’élevait  sur 
deux  degrés,  le  premier  haut  de  0"',30  et  profond  de  0"‘,38;  le  second 
élevé  de  0'‘‘,39,  servant  de  stylobate.  Des  six  colonnes  qui  le  déco¬ 
raient,  une  seule,  celle  de  l’angle  sud-est,  est  restée  debout,  conservant 
une  partie  de  son  chapiteau.  Des  cinq  autres,  l’avant-dernière  à  droite 
n’existe  plus  et  les  autres  ne  conservent  que  deux  ou  trois  assises.  De 
ce  côte,  par  conséquent,  il  ne  reste  aucune  trace  de  la  frise.  Sur  ces 
colonnes ,  aussi  bien  que  sur  un  fragment  tombé  sur  le  sol  en  avant  de 
la  façade,  il  est  facile  de  constater  les  trous  de  scellement  d’une  grille 
qui  fermait  jusqu’en  haut  les  entre-colonnements.  Ces  colonnes  parais¬ 
sent  avoir  été  renversées  à  l’époque  de  la  transformation  du  temple 
en  église,  aussi  bien  que  la  muraille  qui  séparait  le  pronaos  de  la 
cella. 

Du  côté  septentrional,  les  degrés  du  soubassement  portent  de  nom¬ 
breuses  indications  de  scellements  di'ex-voto.  Le  sol  abaissé  en  avant 
a  mis  à  découvert  les  fondations  du  temple  formées  de  gros  blocs  de 
pierre  du  Pirée. 

Voulant  rendre  accessible  le  troisième  entre-colonnement  E,  à  partir 
de  l’est,  au  lieu  des  marches  supplémentaires  intercalées  à  chaque  degré 
du  soubassement  comme  à  la  façade  orientale,  on  a  creusé  une  marche 


1.  A.U  côté  septentrional  du  temple,  on  voit  aussi  sur  l’architrave,  au-dessous  de  chaque  triglyphe, 
trois  trous  disposés  en  triangle  indiquant  l’existence  de  quelque  ornement  dont  il  serait  impossible 
aujourd’hui  de  préciser  la  nature. 


ÉTAT  ACTUEL  DU  PARTHÉNON. 


135 


dans  chaque  degré.  L’exécution  grossière  de  ce  travail  indique  qu’il  ne 
remonte  qu’à  l’époque  chrétienne.  Pour  diminuer  la  besogne,  on  n’avait 
pas  entaillé  la  marche  jusqu’à  la  moitié  de  1  épaisseur  du  degre,  de  sorte 
qu’à  chacun  des  trois  degrés  la  marche  inférieure  a  environ  0'",30  de 
hauteur,  tandis  cjue  l’autre  atteint  à  peine  0"',  18. 

En  haut  de  cet  escalier,  sur  le  stylobate,  on  voit  les  traces  de  scel¬ 
lement  d’une  grille;  de  cette  circonstance  on  doit  conclure,  ce  nous 
semble,  que  les  chrétiens  avaient  dù  fermer  par  un  mur  plus  ou  moins 
élevé  les  autres  entre  -  colonnements  ;  car ,  sans  cela ,  quel  eût  été 
l’emploi  d’une  porte  de  chaque  côté  de  laquelle  on  eût  pu  passer 
librement. 

Dans  l’avant-dernier  entre-colonnement,  F,  près  de  l’angle  nord- 
ouest,  était  une  autre  entrée  latérale  de  l’église  ;  mais  cette  fois  1  escalier 
avait  dù  être  fait  par  addition  de  marches  intercalées  comme  à  la  façade  ; 
le  degré  supérieur  avait  seul  été  entamé  de  0"’,03  pour  former  seuil.  On 
y  voit  encore  le  trou  d.i  pivot  de  la  porte  qui  n  avait  qu  un  battant, 
sans  doute  de  bois  très-épais,  à  en  juger  par  le  trou  qui  n’a  pas  moins 
de  0'",  09  de  diamètre.  Cette  porte  n’avait  que  i‘",30  de  largeur. 

Les  trois  premières  colonnes  du  nord,  à  partir  de  l’angle  nord-est, 
sont  restées  en  place ,  portant  leur  architrave  et  leur  frise  avec  trois 
métopes  mutilées.  Viennent  ensuite  deux  colonnes  indiquées  seulement 
par  leur  tambour  inférieur,  deux  colonnes  ciui  ont  été  rétablies,  mais 
veuves  de  deux  ou  trois  assises  et  de  leurs  chapiteaux.  De  la  huitième 
colonne,  il  ne  reste  que  deux  boisseaux.  La  neuvième  a  été  relevée 
tout  entière  avec  son  chapiteau,  ainsi  que  la  onzième;  la  dixième  ne 
se  compose  que  de  cinq  assises;  enfin  les  six  dernières  sont  restées  en 
place  avec  leur  architrave  et  leurs  métopes  mutilées.  De  la  corniche,  il 
n’existe  plus  qu’une  faible  partie  à  chaque  extrémité  du  temple,  conser¬ 
vant  quelques  mutules,  et  les  deux  belles  têtes  de  lion  qui  terminent  les 
rampants  des  frontons. 

La  façade  occidentale  est  la  mieux  conservée  dans  sa  partie  supé¬ 
rieure,  mais  les  fûts  des  colonnes  portent  partout  les  tristes  et  profonds 
stigmates  des  boulets  du  siège  de  1826.  Un  seul  chapiteau  est  à  peu  près 
intact;  quatre  métopes  n’existent  plus,  et  les  autres,  à  l’exception 
d’un  cavalier  sur  la  dernière  à  gauche,  sont  méconnaissables.  La  cor¬ 
niche  est  conservée  en  grande  partie ,  ainsi  que  le  mur  du  tympan  et 


136  ATHKNKS. 

quelques  parties  du  rampant  du  fronton.  Au-dessus  du  second  entre- 
colonnement  de  gauche  restent  les  deux  figures  mutilées  que  quelques 
voyageurs  ont  bien  voulu  prendre  pour  Adrien  et  Sabine,  mais  qui,  fai¬ 
sant  partie  de  la  composition  de  Phidias,  n’ont  jamais,  comme  nous 
l’avons  dit,  représenté  que  Cécrops  et  sa  fille  Aglaure, 


Façade  oecideutale  du  Parlliénon. 


L  escalier  A,  grossièrement  taillé  dans  les  degrés  du  soubassement, 
en  avant  des  quatrième  et  cinquième  entre-colonnements,  à  partir  de 
1  angle  nord-ouest,  date  de  la  transformation  du  Parthénon ,  époque  oii 
le  posticum  devint  le  porche  de  l’église. 

Sui  les  colonnes  de  la  façade  occidentale,  M.  Pittakis  a  fait  une  très- 
curieuse  découverte^;  il  y  a  reconnu  de  nombreuses  inscriptions  gravées 
a  la  pointe.  Parmi  elles  trois  sont  latines  et.  appartiennent  au  xv®  siècle, 
époque  de  la  domination  des  ducs  d’Athènes;  une  seule  en  italien  men¬ 
tionne  le  passage  d  une  comète  ;  nous  en  citerons  une  toute  moderne  en 
langue  française,  foutes  les  autres  inscriptions  sont  grecques  et  rem¬ 
plies  d  abréviations  2.  Pour  les  dates,  prises  à  partir  de  la  création  du 
mondes  on  a  employé  les  caractères  alphabétiques. 

1.  Voy.  ’E9Yi[j.£pl!;  àpxatqXoyixv),  livr.  43.  1850. 

2.  Ainsi,  du  mot  Kupts,  seigneur,  on  a  écrit  seulement  la  première  et  la  dernière  lettre,  KE. 

3.  Atto  xTiffewi;  x6(7p,ou.  Ces  dates  reportent  la  création  du  monde  à  5508  ans  avant  Jésus-Christ, 
suivant  l’ère  juive  adoptée  par  les  Grecs,  et  non  pas  à  4004  ans,  comme  le  fait  notre  chronologie. 


ÉTAT  ACTUEL  DU  PAKTIIÉNON. 


137 


Ces  inscriptions  embrassent  une  période  de  sept  siècles,  depuis  le 
viU  jusqu’au  commencement  du  xiv“.  Les  lettres  ont  des  formes  diffé¬ 
rentes,  selon  l’époque  à  laquelle  elles  furent  tracées;  les  plus  anciennes 
sont  les  plus  simples;  les  plus  modernes  sont  plus  contournées,  plus 
ornées  et  beaucoup  plus  difficiles  à  lire. 

4  la  première  époque  appartient  cette  inscription  : 


+  M0KTÜ)BPI®1£HMK 
lltl^ZeT€4K»0H 
(AKAPCACOAncb 
Hutenici^  eTOYc 

/iCB 

«  Le  15  du  mois  d’octobre,  le  premier  jour  de  l’indiction  7,  est  mort  André,  noUe  saint  évêque, 

en  l’an  C202  {Ap.  J.-C.  094).  » 

C’est  à  la  dernière  époque  que  doit  être  rapportée  cette  autre  ; 

+  eie^i5  cp)  © 

po/J  Iwcu/iac  Ck 

tto  çJjoL  ^  r  cT 

çuTXb 

«  Est  mort  dans  le  Seigneur  le  serviteur  de  Dieu,  Nicolas,  prêtre  et  vicaire  de  la 
sainte  église  d’Athènes,  au  mois  de  juillet,  le...  et  de  l’indiction... 
le  jour  quatrième,  en  l’an  6822  {Ap.  J. -G.  1314).  » 

Dans  toutes  ces  inscriptions,  on  trouve  de  nombreuses  fautes  d’ortho¬ 
graphe  ;  mais  on  ne  doit  point  s’en  étonner ,  puisque  ces  fautes  ne  sont 
pas  rares  dans  les  inscriptions  antiques  qui  approchent  le  plus  des  pre¬ 
miers  siècles  du  christianisme,  et  qu’on  en  reconnaît  même  dans  celles 
des  plus  belles  époques  grecques. 

Les  inscriptions  qui  nous  occupent  peuvent  être  divisées  en  deux 
classes  principales;  les  unes,  ecclésiastiques  comme  celles  que  nous 
avons  citées,  contenant  la  date  du  passage  de  ce  monde  en  l’autre 
d’évêques  ,  sttigx.ottoi  ,  archevêques  ,  àp/teTrtax.oTroi ,  de  métropolitains  , 


138 


ATHÈNES. 


[7//iTpoTroliTai,  et  d’autres  personnages  revêtus  de  dignités  ou  de  fonc¬ 
tions  ecclésiastiques,  tels  que  prêtre,  Trpsc^uTspoç;  officiant,  T^eiroupyo;; 
chargé  du  soin  des  orphelins,  6p9avoTpo(po(; ;  diacre,  ^locjcovo;;  économe, 
otxovoptoç;  archiviste,  )(^apTouXapio;  OU  yapToçuXa^^  procureur,  xoupavwp  ; 
sacristain^,  ;  secrétaire  ou  scribe,  ypap.[xaT»//.oç ;  premier 

chantre,  7rpwT0(j;alTV]ç;  moine,  p-ova/o;;  supérieur  de  couvent,  '/îyo'jp.evoç5 
lecteur,  àvayvtoGTVi;;  chancelier,  TrpcoTOcruyysXoç  ;  archiprêtre,  TîpwTOTra-Tuaç; 
familier  ou  bedeau,  ScoyJoruoç;  prêtre  secondaire  ou  vicaire,  Ispeoç 
^suTspsuwv;  doyen,  ^exavwp;  chanoine,  xavoviy.oç;  abbé,  àppâ;,  etc.  Les 
autres  inscriptions  contiennent  une  prière  à  Dieu  de  se  souvenir  du 
défunt  et  de  pardonner  à  son  âme.  Ce  personnage  n’est  pas  toujours  un 
ecclésiastique;  on  trouve  même  le  nom  d’une  femme  appelée  Anastasie. 

Ces  inscriptions  commencent  invariablement  par  les  mots  en  abrégé 
Kupts,  ((  souvenez-vous.  Seigneur,  »  etc.,  comme  celle-ci,  qui 
est  double  : 

^MNC  (C6  c; 

Aoyxuj  rPHroFÏ 
AïkKi  KA!  Oll^'^THC 
eKlCAHCMCÀ>0>HHUJ 

K€  BÛHT4/IC 

IC  B" 

((  Souvenez-vous,  Seigneur,  de  votre  serviteur  Grégoire, 
diacre  et  économe  de  l’église  d’Athènes.  » 

«  Seigneur,  secourez  votre  serviteur,  le  diadre  Cyriaque. 

Seigneur,  secourez-le.  » 

Sur  la  troisième  colonne,  à  partir  de  l’angle  sud-ouest,  au  milieu  de 
ces  inscriptions  anciennes  accompagnées  d’une  foule  de  noms  de  voya- 


\.  Ce  mot  ne  répond  pas  aux  fonctions  subalternes  de  nos  sacristains,  mais  au  poste  plus  relevé 
du  sacrista  des  Italiens,  qui  nomment  ainsi  le  prêtre  chargé  du  soin  et  de  la  conservation  des  vases 
sacrés,  reliquaires,  ornements,  etc  ,  appartenant  à  l’église. 


ÉTAT  ACTUEL  DU  PARTHÉNON. 


139 


geurs  de  tous  les  pays  et  de  toutes  les  époques,  on  en  trouve  une  bien 
plus  moderne ,  qui  n’est  pourtant  pas  sans  intérêt,  car  elle  rappelle 
une  date  malheureusement  trop  importante  dans  l’histoire  de  l’Acro¬ 
pole  ;  ((  Ducrocq  y  philhellène,  entré  au  fort  avec  le  colonel  Fabvier,  le 
13  décembre  1826,  sorti  le  5  juin  1827  {le  tout,  la  citadelle  étant 
assiégée  par  les  Turcs).  » 

Le  côté  méridional,  bien  plus  intact  que  celui  du  nord,  conserve 
encore  en  place  onze  colonnes  complètes,  six  à  l’ouest  et  cinq  à  l’est; 
les  six  autres  n’ont  plus  que  quelques  assises.  Les  onze  colonnes  entières 
portent  leur  architrave  et  leurs  triglyphes,  mais  c’est  dans  cette  frise 
que  sont  surtout  apparentes  les  dévastations  sauvages  de  lord  Elgin. 
Pour  tirer  les  métopes  de  leurs  coulisses,  il  a  brisé  en  partie  celles-ci,  et 
il  a  renversé  la  corniche  dont  les  débris  jonchent  le  sol.  Heureusement 
que,  respectant,  par  hasard,  l’extrémité  du  fronton  qui  protégeait  la 
dernière  métope  à  l’ouest,  il  a  laissé  celle-ci  en  place.  Cette  métope, 
la  mieux  conservée  de  toutes  celles  restées  au  Parthénon,  représente  le 
combat  d’un  Centaure  et  d’un  Lapithe,  et  il  n’y  manque  qu’une  jambe 
de  derrière  du  Centaure. 

Dans  les  deux  entre-colonnements  du  centre  de  cette  aile  du  péristyle, 
les  chrétiens  avaient  taillé  dans  les  degrés  deux  petits  escaliers  B  C , 
larges  seulement  de  0"‘,  78. 

De  ce  côté  du  Parthénon,  les  assises  des  fondations ,  au-dessous  des 
trois  degrés  du  stylobate,  étaient  évidemment  destinées  à  rester  visibles, 
car  chaque  pierre  de  l’avant-dernière  assise  est  entourée  d’une  bande 
creuse  taillée  régulièrement  et  avec  une  certaine  élégance  ;  au  nord  et 
à  l’ouest,  au  contraire,  les  fondations  que  nous  avons  signalées  ne  sont 
formées  que  de  blocs  grossièrement  équarris,  et,  de  ce  rapprochement, 
nous  croyons  pouvoir  conclure,  contrairement  à  l’opinion,  si  respectable 
d’ailleurs,  de  M.  Pittakis,  que  celles-ci  étaient  destinées  à  rester  à 
jamais  cachées  dans  la  terre. 

En  avant  de  la  troisième  colonne,  à  partir  de  l’angle  sud-ouest,  existe 
dans  le  sol  une  casemate  turque  remplie  d’ossements  des  victimes  de 
la  guerre  de  l’indépendance. 

Pour  pénétrer  dans  l’intérieur  du  Parthénon,  revenons  à  la  façade 
postérieure  ou  occidentale,  l’entrée  du  temple  par  sa  véritable  façade 
ayant  été  supprimée  par  le  niur  d’abside  de  l’église. 


Après  avoir  franchi  les  escaliers  dont  nous  avons  parlé,  on  se  trouve 
'  sons  le  péristyle  du  temple  conservant  encore  en  place  de  ce  côté  quatre 
des  grandes  poutres  de  marbre  qui  soutenaient  le  soffite. 

On  remarque  au  pied  des  colonnes  un  caniveau  pour  l’écoulement 
des  eaux  qu’un  dallage  postérieur  a  fait  disparaître  dans  quelques 
parties. 

posticum  était  élevé  de  deux  degrés  comme  \q  pronaos ^  et,  en  en 
faisant  le  porche  de  l’église,  on  avait  entaillé  dans  ses  degrés  trois  esca¬ 
liers  GHl,  dont  un  au  milieu,  et  les  deux  autres  dans  les  derniers 
entre-colonnements  de  droite  et  de  gauche. 

Une  tour  K,  ajoutée  par  les  Turcs  pour  servir  de  minaret,  occupant 
l’extrémité  méridionale  du  posticum  entre  le  mur  de  façade,  l’ante  et 
les  deux  dernières  colonnes,  l’escalier  I,  dont  la  marche  supérieure  porte 
encore  l’indication  de  l’ancienne  existence  d’une  porte,  devint  inutile, 
car  il  n’aboutit  plus  qu’à  la  muraille  de  la  tour  qui  ne  présente  de  ce 
côté  aucune  ouverture.  Cette  tour,  formée  d’assises  de  marbre,  contient 
un  escalier  en  vis  fort  délabré  qui  permet  encore  d’arriver  au  sommet 
du  portique.  On  y  pénètre  de  l’intérieur  de  l’opisthodome  par  une 
ouverture  L,  pratiquée  violemment  dans  le  mur  de  façade  OL. 

Les  six  colonnes  du  posticum  existent  encore ,  portant  leur  archi¬ 
trave  et  leur  frise  enrichie  de  ses  bas-reliefs  assez  bien  conservés  dans 
quelques  parties.  Sur  ces  colonnes,  comme  sur  celles  du  pronaos,  on 
reconnaît  les  traces  de  scellement  de  la  grille  qui  fermait  les  entre- 
colonnements  dans  toute  leur  hauteur. 

Au  fond  du  posticum  s’ouvre  la  porte  M  de  l’opisthodome,  large  de 
5'", 20  à  sa  base,  et  un  peu  plus  étroite  au  sommet,  ayant  encore  à  sa 
droite,  sur  la  muraille,  une  peinture  byzantine,  la  Madone  entre  deux 
anges.  Le  seuil  est  élevé  de  0'",30;  il  n’en  reste  que  les  deux  extrémités 
sur  lesquelles  reposent  les  pieds-droits  ou  jambages^  de  la  porte,  et 
où  l’on  voit  encore  les  trous  de  ses  pivots,  qui  ont  près  de  0"‘,  13  de 
diamètre  2.  Les  portes  durent  être  doubles,  car  en  arrière  de  la  pre¬ 
mière  on  voit  sur  le  pavé  deux .  rainures  NN,  en  quart  de  cercle, 
aboutissant  au  milieu  de  la  porte,  mais  dont  le  centre  n’est  pas  le  pivot 

1.  XTa8[j.6ç.  PoLLüX.  Onom.  L.  T,  c.  VIII,  §  2. 

2.  Les  Grecs  appelaient,  le  pivot,  et  irpo^sû?  la  crapaudine  dans  laquelle  jouait  le  pivot. 


ÉTAT  ACTUEL  DU  U  A  RT  11  É  NON. 


141 


de  la  première  porte.  Evidemment,  dans  ces  rainures  durent  jouer  sur 
des  galets  les  battants  de  la  porte  intérieure  cjui  était  de  bronze,  tandis 
(lue  la  porte  extérieure  n’était  sans  doute  que  de  bois. 

Lorsque  les  chrétiens  avaient  changé  rorientation  de  l’édifice,  l’opis- 
thodome ,  était  devenu  naturellement  le  porche,  T^povanç  ou  narthex  de  la 
nouvelle  église.  De  toute  la  cella  du  Parthénon  qui,  sur  une  hauteur  de 
10'", 70  jusqu’à  l’architrave,  était  composée  de  dix-sept  assises  de 
marbre  faisant  parpaing  il  ne  reste  plus  que  la  partie  qui  circon¬ 
scrivait  cet  opisthodome  Q,  à  l’ouest,  au  nord  et  au  sud  ;  encore  une 
partie  de  ces  murs  est-elle  formée  de  blocs  qui  ont  été  remis  en  place 
dans  ces  derniers  temps  et  consolidés  par  des  briques  intercalées  à  l’in¬ 
térieur  où  ces  murailles  sont  encore  plus  délabrées  qu’à  l’extérieur  2. 
Presque  tous  les  blocs  sont  éclatés  comme  par  l’effet  d’un  violent 
incendie.  La  muraille  occidentale  LO  est  seule  bien  conservée.  Sur  elle, 
dans  l’angle  O,  on  voit  encore  quelques  restes  des  peintures  byzantines 
([Lii  décoraient  le  Parthénon  devenu  chrétien  ;  on  y  reconnaît  une  tête 
de  la  Vierge ,  plusieurs  médaillons  d’apôtres ,  une  croix  et  quel(|ues 
ornements 

La  muraille  qui,  à  l’est,  séparait  l’opisthodome  du  temple,  n’existe 
plus,  mais  sa  direction  est  encore  visible  sur  le  pavé,  et  d’ailleurs 
on  en  reconnaît  les  arrachements  P  au  mur  méridional  LP.  On  peut 
donc  s’assurer  que  la  largeur  de  l’opisthodome,  égale  à  celle  du  temple, 
était  de  19'",  35 ,  et  sa  profondeur  de  là  mètres.  Dans  la  ligne  du 
mur  séparatif  R  P,  est  le  seuil  d’une  porte  qui  fut  percée  seulement 
par  les  chrétiens,  car  nous  avons  vu  c{ue,  dans  le  principe,  il  n’y 
avait  aucune  communication  entre  l’ opisthodome  et  le  sanctuaire. 

Nous  avons  dit  aussi  que  le  plafond  de  l’opisthodome  était  soutenu 
par  quatre  colonnes  qui  ont  disparu  entièrement.  Sur  le  sol  gisent 
queUjues  tronçons  de  colonnes  cannelées  de  0"‘,  30  de  diamètre,  qu’on 

1.  C’est-à-dire  occupant  toute  l’épaisseur  de  la  muraille  et  visibles  des  deux  côtés.  Les  Gi’ccs 
appelaient  ces  pierres  à  double  parement  ôiocTovot  Xî6oi. 

2.  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 

3.  Il  n’est  point  rare  do  rencontrer  des  symboles  chrétiens  que  les  musulmans  ont  épargnés  faute 
souvent  d’en  comprendre  la  signification.  Sur  une  fontaine  turque,  au  pied  de  l’Acro-Corinthe,  deux 
marbres  byzantins  portent  chacun  un  monogramme  du  Christ,  et  nous  avons  reconnu  aussi  plu¬ 
sieurs  croix  et  monogrammes  sur  les  murs  intérieurs  du  fameux  château  des  Sept-Tours,  à  Constan¬ 
tinople,  occupé  cependant  par  les  Turcs  depuis  le  xv'’  siècle. 


142  ATHÈNES. 

avait  cru  avoir  appartenu  au  second  ordre  du  naosj,  mais  qui  sont  trop 
petites  pour  avoir  eu  cette  destination. 

Contre  le  mur  septentrional  OR,  sont  déposés  divers  fragments  de 
la  frise  recueillis  parmi  les  ruines.  En  commençant  leur  examen  par  la 
gauche,  on  trouve  : 

1°  Cinq  hommes  vêtus  de  longues  draperies; 

2“  Trois  jeunes  cavaliers; 

3“  Deux  cavaliers,  dont  l’un  semble  être  retenu  par  une  femme 
placée  au  centre  de  la  composition; 

!l"  Deux  chevaux  attelés  à  un  char,  et  derrière  eux  un  homme  à  pied  ; 

3°  La  partie  postérieure  d’un  char,  deux  jeunes  gens  y  montant,  et 
un  homme  nu  à  pied,  devant  la  tête  d’un  cheval; 

6°  Deux  popes  conduisant  deux  béliers; 

7“  Une  femme  portant  un  coffre,  bas-relief  très-fruste; 

8“  Deux  femmes  et  un  jeune  homme  guidant  deux  taureaux; 

9°  Un  vieillard,  un  jeune  homme  et  une  femme  assis,  belle  composi¬ 
tion  bien  conservée  ^  ; 


10°  Trois  canéphores  et  une  partie  d’un  joueur  de  flûte; 

11°  Un  bas-relief  très-fruste,  un  jeune  homme  maintenant  deux  che¬ 
vaux  qui  se  cabrent. 

1.  Ce  magnifique  bas-relief  était  presque  intact  au  moment  de  sa  découverte;  mais,  peu  de  temps 
après,  un  midsliipman,  faisant  partie  du  corps  d’officiers  d’un  navire  anglais  que  guidait  M.  Pittakis 
lui-mème,  resta  en  arrière  de  quelques  pas  et  brisa  le  nez  de  la  figure  principale  pour  en  orner  son 
étagère.  Pris  sur  le  fait,  il  fut,  sur  les  poursuites  du  conservateur  indigné,  condamné  à  deux  années 
de  suspension  de  son  grade,  et,  par  suite,  forcé  de  donner  sa  démission. 


% 


ÉTAT  ACTUEL  DU  PARTHÉNON. 


143 


J  2“  Fragment  plus  fruste  encore,  la  partie  inférieure  du  corps  de  deux 
jeunes  gens,  l’un  montant  dans  un  char,  l’autre  debout  devant  un  cheval  ; 

13°  Un  fragment  de  draperie; 

l!i°  Fragment  d’un  cheval.  Sur  ce  dernier  bloc  est  déposée  la  partie 
supérieure  d’une  chouette  colossale  en  ronde  bosse. 

Près  de  là  est  une  métope  très-fruste  représentant,  comme  à  l’ordi¬ 
naire,  un  Centaure  combattant  un  Lapithe. 

Deux  autres  morceaux  de  frise  placés  en  face  des  premiers  repré¬ 


sentent  des  cavaliers,  et  un  troisième  incomplet  offre  seulement  trois 
torses  drapés. 

Sur  la  tranche  de  ces  divers  blocs  on  remarque  les  trous  de  scelle¬ 
ment  des  crampons  qui  les  réunissaient  entre  eux  et  de  ceux  qui  les 
fixaient  à  la  muraille  de  la  cella. 

De  l’opisthodome,  on  entre  aujourd’hui  sans  obstacle  dans  le  naos 
ou  sanctuaire  T,  la  muraille  qui  les  séparait  ayant  depuis  longtemps 
été  renversée.  Nous  avons  dit  que  les  colonnes  du  portique  intérieur  ont 
disparu  dès  la  fin  du  xviU  siècle  ;  mais  le  stylobate  qui  les  portait  et 
qui  faisait  au-dessus  du  pavé  central  une  saillie  de  0"’,04  seulement 
subsiste  encore  en  grande  partie  et  offre  leurs  traces  parfaitement 
visibles.  Déjà,  en  1765,  Chandler  écrivait  :  «  On  a  enlevé  toutes  les 
colonnes  qui  étaient  dans  la  nef,  mais  on  peut  encore  voir  sur  le  pavé 
les  cercles  qui  servirent  de  direction  aux  ouvriers  pour  les  placer^.  » 
Legrand  avait  également  reconnu  ces  traces  2. 


I.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  c.  10,  p.  390. 
"l.  Monuments  de  la  Grèce,  p.  44. 


A  T  H  EN  ES. 


M.  Paccard  mettant  sans  doute  à  profit  cette  remarque,  et  examinant 
avec  plus  de  soin  les  traces  signalées  par  ses  prédécesseurs,  a  reconnu 
que  ce  n’étaient  pas  simplement  des  cercles  destinés  à  guider  les  ouvriers, 
mais  bien  le  résultat  du  travail  de  cannelure  des  colonnes.  Nous  avons 
déjà  eu  occasion  de  le  dire,  les  Grecs  ne  cannelaient  les  colonnes  qu’après 
leur  mise  en  place.  Ici,  le  ciseau  de  l’ouvrier,  en  venant  frapper  le  pavé 
au  bas  de  chaque  cannelure,  en  a  reproduit  la  forme  sur  la  dalle,  et  c’est 
ainsi  que  se  sont  formées  ces  circonférences  reconnues  par  Chandler. 
Cette  observation ,  si  simple  en  apparence,  est  cependant  de  la  plus 
grande  importance  pour  la  restauration  du  monument.  De  ce  que  les 
cannelures  descendaient  jusqu’au  sol ,  et  par  conséquent  de  l’absence 
de  base,  il  est  facile  de  conclure  que  .le  premier  ordre  était  dorique^. 
On  reconnaît  aussi  que  la  partie  inférieure  des  colonnes,  un  tiers  sans 
doute,  n’offrait  que  des  cannelures  plates  et  que  le  reste  du  fût  était 
seul  évidé,  comme  on  en  trouve  maint  exemple  à  Pompéi.  Ces  mêmes 
trace  sont  donné  la  largeur  des  entre-colonnements  qui  est  de  2’“, 60,  et 
le  diamètre  du  fût  égal  à  1"’,03. 

A  gauche,  près  de  l’abside  chrétienne  U,  on  voit  debout,  mais  hors 
de  place,  un  tronçon  de  colonne  de  0'",60  de  hauteur  provenant  de  ce 
premier  ordre  intérieur.  Des  colonnes  du  second  ordre  on  n’a  retrouvé  que 
des  débris,  qui  même  ne  sont  peut-être  pas  parfaitement  authentiques. 
Il  est  probable  que  ce  second  ordre  était  également  dorique;  c’est  du 
moins  en  qu’on  peut  conclure  par  analogie  du  fait  semblable  qui  a  été 
constaté  par  M.  Garnier  au  temple  d’Pgine^. 

A  l’extrémité  occidentale  du  sanctuaire  et  de  l’hypoethre  en  partie 
découverte,  sont  les  traces  du  piédestal  S,  qui  portait  la  fameuse  statue 
chryséléphantine,  chef-d’œuvre  de  Phidias.  Au  milieu  du  pavé  de  marbre, 
une  partie  longue  de  6"', 50  sur  2"’, 50  de  large,  qui  devait  être  masquée 
par  le  piédestal,  n’est  composée  que  de  dalles  de  tuf,  toutes  en  place. 


1.  Cette  observation  ne  fait  du  reste  que  conlirmer  le  témoignage  de  Cornelio  Magni,  qui  visita 
Athènes  en  1074  :  «  Le  temple  intérieur,  dit-il,  est  divisé  en  trois  nefs;  les  deux  collatérales  très- 
étroites,  celle  du  milieu  très-large.  Elles  sont  séparées  par  des  colonnes  dont  les  architraves  et  les 
chapiteaux  sont  d’ordre  dorique.  » 

CoRNEi.10  Magni.  Quanto  di  pià  curioso  ha  potuto  racorre  Cornelio  Magni  nel  primo  biennio 
da  esso  consumato  in  viaggi  e  dimore  per  la  Turchia.  Bologne,  1085,  et  Parme,  1092. 

2.  Ch.  Gaunier.  lled’Égine.  Temple  de  Jupiter  Panhellénien.  {Revue  archéologique.  1854.) 


ÉTAT  ACTUEL  DU  PARTHÉNON. 


145 


mais  très-brisées.  Au  centre  est  une  ouverture  de  0'“,  78  sur  0'",  50. 
L’humidité  étant  nécessaire  à  l’entretien  de  l’ivoire  qui  se  serait ’fendu 
par  la  sécheresse  ce  trou  ne  serait-il  pas  l’embouchure  de  quelque 
puisard  crehsé  à  cet  effet  sous  la  statue  ?  Des  fouilles  seules  pourraient 
décider  la  question. 

Autour  du  dallage  de  tuf,  à  une  distance  de  on  reconnaît  dans 

le  pavé  de  marbre  les  traces  de  scellement  de  la  grille  qui  protégeait  le 
piédestal.  M.  Beulé  croit  que  le  piédestal  de  marbre  s’étendait  jusque-là 
et  que  les  trous  que  nous  avons  signalés  n’avaient  d’autre  destination 
cjue  celle  de  recevoir  les  crampons  qui  en  fixaient  le  revêtement. 

Lorsque  le  Parthénon  fut  changé  en  église,  le  sol  de  la  partie  orientale 
du  naos  destinée  à  devenir  le  sanctuaire  fut  exhaussé  d’un  degré  au- 
dessus  du  pavé  de  la  nef.  Deux  gros  murs  qui  existent  encore,  et  qui  se 
composent  de  blocs  de  marbre,  formèrent  une  abside  U,  en  venant  buter 
contre  les  deux  colonnes  centrales  du  pronaos  ^  réunies  elles-mêmes  par 
un  mur  percé  d’une  fenêtre  V. 

((  Dans  le  mur,  au-dessous  de  la  croisée,  dit  Chandler^,  étaient  incrus¬ 
tés  deux  morceaux  de  la  pierre  appelée  phengites,  sorte  de  marbre  dé¬ 
couvert  en  Cappadoce  du  temps  de  Néron,  et  si  transparent  qu’il  en  fit 
ériger  un  temple  à  la  Fortune,  dont  l’intérieur  se  trouvait  éclairé  lors 
même  que  la  porte  était  fermée.  Ces  fragments  étaient  percés,  et  la 
lumière  qui  entrait  par  les  trous  était  d’une  couleur  tirant  sur  le  rouge  ou 
le  jaune.  Le  portrait  en  mosaïque  de  la  Panagia^  ou  Vierge  Marie,  peint 
sur  les  lambris  du  sanctuaire,  s’était  bien  conservé,  ainsi  que  deux  colonnes 
de  jaspe  appartenant  à  la  cloison  cjui  avait  séparé  cette  partie  de  la  nef. 
11  restait  également  dans  l’intérieur  un  dais  ^  soutenu  par  quatre  piliers 
de  porphyre  avec  des  chapiteaux  d’ordre  corinthien  en  marbre  blanc, 
sous  lesquels  la  sainte  table  avait  été  placée;  et  derrière,  au-dessous 
de  la  croisée,  s’élevait  un  siège  en  marbre  pour  l’archevêque.  Enfin,  il 
y  avait  au  milieu  de  la  nef  une  chaire,  également  supportée  par  quatre 


1.  «  Dans  l’Acropole  des  Athéniens,  l’ivoire  de  la  statue  de  Minerve  était  entretenu,  non  par  de 

l’huile,  mais  par  de  l’eau.  L’Acropole,  à  cause  de  sa  grande  élévation,  étant  très-sèche,  la  statue  faite 
d’ivoire  avait  besoin  d’eau  et  d’aspersion  d’eau.  »  Paüsawas.  Élid.  c.  11. 

2.  Voyages  dans  l’Asie  mineure  et  la  Grèce.  T.  II. 

3.  Uàv,  tout;  àyta,  sainte,  nom  de  la  Vierge  chez  les  Grecs  modernes. 

4.  Un  ciborium,  ou  baldaquin. 


10 


146 


ATHÈNES. 


petits  piliers.  Mais  les  Turcs  avaient  fait  blanchir  les  murailles  pour' 
effacer  les  portraits  des  saints  et  les  autres  peintures  dont  les  Grecs  ont 
coutume  de  décorer  les  édifices  consacrés  au  culte.  Ils  avaient  aussi  érigé 
une  chaire  ^  à  main  droite  pour  leur  iman  ou  lecteur.  » 

Enfin,  à  l’entrée  du  sanctuaire,  en  avant  de  la  place  qu’occupait  le 
maître-autel,  sont  déposés  deux  sièges  de  marbre  qui  n’ont  appartenu 
ni  au  temple  ni  à  l’église.  L’un  est  fort  simple,  mais  l’autre  est  d’un 
beau  travail .  Celui-ci  a  pour  bras  deux  sphinx  très-frustes ,  et  le  dossier 
est  orné  d’un  bas-relief  représentant  une  femme  ailée  dont  la  partie  infé¬ 
rieure  se  termine  en  rinceaux. 

De  tous  les  monuments  cités  par  M.  Beulé^,  d’après  Pausanias, 
comme  ayant  existé  devant  la  façade  du  Parthénon,  il  ne  reste  plus  de 
traces^.  Il  en  est  de  même  de  plusieurs  suites  de  statues  un  peu  plus 
petites  que  nature,  données  par  Attale,  roi  de  Pergame^,  qu’il  indique 
comme  ayant  été  placées  sur  des  piédestaux  en  arrière  de  la  muraille 
méridionale  de  l’Acropole  vers  son  extrémité  sud-est^;  nous  n’avons  donc 
pas  à  nous  en  occuper  ici. 

Autel  des  sacrifices.  A  15  mètres  environ  de  la  façade,  et  dans 
l’axe  du  Parthénon,  on  reconnaît  des  substructions  rectangulaires  (Plan 
de  l’Acropole  l),  qui  ne  peuvent  avoir  appartenu  qu’au  grand  autel  des 
sacrifices  qui,  suivant  l’usage  antique,  se  trouvait  isolé  en  avant  du 
temple 


1.  \]i\nimbar. 

2.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  209. 

3.  Ces  monuments  sont  le  Jupiter  de  Léocharès,  le  Jupiter  Polieus,  Procné  et  Itys,  le  groupe  de 
Neptune  et  Minerve,  l’Apollon  Parnopius  (destructeur  de  sauterelles)  attribué  à  Phidias,  la  statue  de 
Xanthippe,  père  de  Périclès,  et  celles  d’Io  et  de  Callisto,  par  Diuomène. 

4.  Pausanias.  Att.  XXV. 

Attale  avait  rendu  de  grands  services  au  peuple  athénien  et  l’avait  comblé  de  bienfaits.  Le  peuple 
reconnaissant  lui  fit,  à  son  arrivée  à  Athènes,  une  réception  splendide  dont  Polybe  (L.  XVI,  c.  24) 
nous  a  conservé  le  souvenir. 

5.  La  guerre  des  Dieux  et  des  Géants,  le  combat  des  Amazones,  la  bataille  de  Marathon,  la  défaite 
des  Gaulois  en  Mysie. 

Un  passage  de  Pline  semble  se  rapporter  à  ces  groupes  qui,  dans  ce  cas,  eussent  été  de  bronze, 
puisque  l’auteur  les  cite  parmi  les  monuments  de  cette  matière. 

«  Plusieurs  artistes  ont  représenté  les  combats  d’ Attale  et  d’Eumène  contre  les  Gaulois  :  Isigone, 
Pyromaque,  Stratonicus  et  Antigone.  »  L.  XXXIV,  19. 

6.  Voy.,  à  Pompéi,  le  temple  grec  et  ceux  de  Vénus,  d’Isis,  de  Mercure,  de  Jupiter  et  Junon,  etc. 

E.  Breton.  Potnpeia,  2®  édit.,  p.  38etsuiv. 

Voy.  aussi  les  deux  fameuses  peintures  d’Herculanum  représentant  des  sacrifices. 

Hercluanum  et  Pompéi.  T.  Il,  pl.  68  et  69. 


TEMPLE  D’AUGUSTE  ET  DE  ROME. 


1 47 


Temple  d’Auguste  et  de  Rome.  Autour  de  l’autel  sont  épars  sur  le 
sol  quatre  fragments  d’une  architrave  circulaire,  provenant  d’un  temple 
monoptère  ^  qui  pourtant  ne  s’élevait  pas  en  cet  endroit,  mais  assez  loin 
de  là  vers  le  nord-est,  où  le  rocher  aplani  indique  son  emplacement  2. 

Les  restes  de  ce  temple  n’ont  été  retrouvés  que  depuis  peu  d’années, 
et  comme  aucun  auteur  ancien,  pas  même  Pausanias,  n’en  fait  mention, 
on  ignorerait  encore  le  nom  de  la  divinité  à  laquelle  il  était  dédié,  si 
l’un  des  fragments  d’architrave  ne  portait  une  inscription  qui  nous 
apprend  sa  consécration  à  la  déesse  Rome  et  à  César  Auguste,  geai 

PDMHI  KAI  SEBASTDI  KAISAPI. 

Dès  avant  la  prise  d’Athènes  par  Mahomet  II,  une  inscription  faisant 
mention  du  temple  d’Auguste  et  de  Rome,  situé  dans  l’Acropole,  était 
déposée  dans  le  vestibule  de  l’Érechthéion,  converti  en  église  ;  elle  y  fut 
copiée  en  1/|,36  par  Cyriaque  d’Ancône,  et  elle  a  été  depuis  plusieurs 
fois  publiée 

D’après  la  courbe  des  architraves,  il  est  facile  de  calculer  que  la  cir¬ 
conférence  du  temple  de  Rome  et  d’Auguste  était  hors  œuvre  d’environ 
21  mètres,  et  dans  œuvre  de  15'", 072.  Le  travail  peu  soigné  et  presque 
barbare  des  détails  de  ce  monument  semblerait  plutôt  appartenir  au  Bas- 
Empire  qu’au,  règne  d’Auguste,  la  plus  belle  époque  de  l’art  romain. 
C’est  c{ue  déjà  au  premier  siècle  de  notre  ère,  Athènes,  avec  sa  liberté, 
avait  perdu  ses  artistes,  qui  tous  avaient  abandonné  la  ville  asservie  pour 
la  métropole  victorieuse. 

Près  de  ces  débris,  est  couchée  sur  le  sol  une  colonne  de  marbre  gris 
de  l’Hymette  qui  pourrait  bien  avoir  appartenu  au  même  temple. 

1.  De  Movoç,  seul,  et  mepôv,  aile. 

On  appelle  monoptère  le  temple  qui  offre  simplement  une  coupole  portée  par  des  colonnes  dispo¬ 
sées  circulairement,  et  dont  le  sanctuaire  était  ouvert  de  toutes  parts.  j 


2.  Plan  de  l’Acropole,  entre  V  et  U. 

3.  Cyriacus  Anconitanus.  Corpus  inscriptionum,  etc.  Roma.  1747.  In-f”. 
Gruter.  Inscriptiones  antiquœ  totius  07’bis  romani.  In-U.  1001. 

Stuart.  Antiquités  d'Athènes.  T.  I,  p.  10. 


148 


ATHENES. 


Piédestal.  Non  loin  de  l’autel  de  Minerve,  vers  le  centre  de  la  partie 
orientale  de  l’Acropole,  au  milieu  de  monceaux  de  ruines  et  de  décom¬ 
bres,  se  dresse  un  piédestal  carré  (Plan  de  l’Acropole  m),  portant  sur 
chacune  de  ses  faces  une  figure  en  bas-relief  fort  endommagée.  L’une 
d’elles,  la  mieux  conservée,  semble  tenir  une  hache  à  deux  tranchants, 
une  bipenne;  une  autre,  armée  d’une  lance,  pourrait  être  une  Minerve. 
Toutes  deux  gardent  dans  leurs  draperies  des  traces  très-visibles  de 
peinture. 

A  quelciues  mètres  au  nord  de  ce  cippe,  sont  encore  en  place  plusieurs 
assises  de  construction  hellénique;  mais  nous  n’avons  aucune  donnée  sur 
ie  nom  et  la  destination  de  l’édifice  auquel  elles  ont  pu  appartenir. 

Dans  sa  partie  sud-est,  le  rocher  de  l’Acropole,  loin  d’avoir  été  abattu, 
comme  au  nord  et  au  sud-ouest,  pour  être  aplani,  avait  dû  être  remblayé 
à  une  grande  profondeur,  et  ces  remblais  étaient  soutenus  par  la  muraille 
de  Cimon  qui,  descendant  assez  bas  pour  s’appuyer  sur  le  roc,  était 
devenue  un  mur  de  soutènement  de  plus  de  16  mètres  de  hauteur.  Il 
est  probable  que  cette  portion  de  l’esplanade  fut  ajoutée  à  l’enceinte 
primitive,  au  moins  en  partie,  par  Cimon,  après  la  destruction  de  l’Acro¬ 
pole  par  les  Perses,  car  lorsque  dans  ce  remblai  (Plan  de  l’Acropole  T) 
on  creuse  à  une  certaine  profondeur,  on  le  trouve  formé  de  cendres  et 
de  débris  de  toute  sorte,  dont  beaucoup,  portant  les  traces  de  l’action  du 
feu,  proviennent  évidemment  des  monuments  incendiés  par  les  soldats 
de  Xerxès.  Au-dessus  est  une  couche  épaisse  d’éclats  de  marbre,  résul¬ 
tant  de  la  taille  des  blocs  destinés  aux  nouveaux  monuments  de  l’Acro¬ 
pole,  et  enfin,  presque  à  fleur  du  sol,  des  fouilles,  qu’il  serait  bien  à 
désirer  que  l’on  continuât,  ont  mis  à  découvert  de  nombreux  tambours 
de  colonnes  simplement  dégrossis,  et  tels  qu’ils  avaient  été  apportés  de 
la  carrière  du  Pentélique.  Ce  sont  ceux  qui  pour  quelque  défaut,  quelcpe 
tare,  avaient  été  rebutés  par  les  architectes  du  Parthénon,  jaloux  de 
n’employer  que  des  marbres  irréprochables. 

M.  Beulé  suppose  qu’à  droite  de  ces  ruines  se  trouvaient  les  piédestaux 
des  groupes  donnés  par  Attale  ^  ;  cette  hypothèse  est  confirmée  par  Plu¬ 
tarque  ^  qui,  racontant  les  présages  funestes  qui  signalèrent  ]e  commen- 


1.  Voy.  p.  14(5. 

2.  Vie  d’Antoine. 


MUSÉE  DE  L’ACROPOLE. 


1 49 


cernent  de  la  guerre  entre  Octave  et  Antoine,  dit  que  la  statue  de  Bac- 
chus,  faisant  partie  de  la  Gigantomachie,  fut  enlevée  de  son  piédestal  et 
jetée  dans  le  théâtre  qui  se  trouve  en  effet  au-dessous  du  mur  de  Cimon. 

A  l’angle  sud-est  de  l’Acropole,  près  de  la  bouche  d’une  énorme 
citerne  en  briques,  sans  doute  de  construction  turque,  se  trouve  déposé 
un  énorme  tambour  de  colonne  c[u’il  est  facile  de  reconnaître  comme 
ayant  dû  appartenir  au  Parthénon.  Ce  bloc  si  éloigné  du  temple  auquel 
il  était  destiné,  et  resté  près  d’un  bord  à  pic  du  rocher,  n’est-il  pas 
une  preuve  prescjuc  décisive  à  l’appui  de  l’opinion  c{ue  nous  avons  émise, 
que  les  matériaux  des  monuments  de  l’Acropole  ont  été  élevés  directe¬ 
ment  au  moyen  de  machines,  et  non  point  traînés  sur  des  chars  par  le 
plan  incliné  de  l’occident? 

A  l’angle  nord-est  de  l’Acropole,  on  a  établi  une  terrasse  (Plan  de 
l’Acropole  U) ,  entourée  de  garde-fous ,  et  ayant  au  centre  une  table  de 
marbre  portée  par  un  fût  antique.  De  ce  belvédère  l’œil  embrasse  un 
merveilleux  panorama^.  Athènes  presque  tout  entière 'avec  ses  monu¬ 
ments,  la  plaine  qui  l’entoure,  les  monts  Hymette,  Anchesme,  Pentélique, 
Parnès,  Saint-Élie,  qui  cernent  la  vallée  ouverte  seulement  sur  les  ports 
de  Munychie,  de  Phalère  et  du  Pirée,  sur  la  mer  et  l’île  d’Égine,  s’éten¬ 
dent  sous  les  yeux  comme  un  immense  plan  en  relief.  On  quitte  à  regret 
ce  spectacle  saisissant  qui  rappelle  tant  d’impérissables  souvenirs,  et, 
revenant  vers  l’occident,  on  passe  sur  l’emplacement  du  temple  de 
Rome  et  d’Auguste;  on  jette  un  coup  d’œil  dans  l’intérieur  de  la  casemate 
turque,  où  sont  déposés,  attendant  un  musée  et  un  classement,  d’innom¬ 
brables  fragments,  des  statues,  des  bas-reliefs,  des  inscriptions  que, 
faute  d’un  local ,  M.  Pittakis,  à  son  grand  regret,  est  obligé  d’entasser 
les  uns  sur  les  autres,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  découverte.  Quand 
arrivera  le  moment  d’exploiter  cette  mine  précieuse,  bien  des  trésors 
ignorés  reparaîtront  à  la  lumière,  mais  déjà  la  tradition  sera  perdue,  et 
bien  habile  sera  celui  qui  pourra  retrouver  la  provenance  ou  indiquer  la 
destination  première  de  ces  marbres  amoncelés. 

Musée  de  l’Acropole.  A  côté  de  la  casemate,  une  maisonnette 
à  laquelle  on  monte  par  une  échelle  à  meunier,  a  reçu  sur  son  plancher 

\,  (I  Montons  à  l’Acropole;  nous  y  aurons  le  panorama  de  la  ville.»  Llcien.  Le  Héclieiir.  XV. 

2.  Plan  de  l’Acropole  V. 


150 


ATHÈNES. 


inégal,  ou  sur  des  tablettes  vermoulues,  une  foule  d’objets  et  de  fragments 
antiques  de  plus  petite  dimension,  déposés  sans  ordre,  au  hasard,  et 
la  plupart  sans  aucune  indication  de  provenance,  sans  un  numéro  se 
rapportant  à  un  catalogue.  Leur  conservateur,  M.  Pittakis,  est  bien  lui- 
même  un  catalogue  vivant;  mais,  après  lui,  que  saura-t-on?  Là  pourtant 
se  trouvent  des  objets  du  plus  haut  intérêt  archéologiciue. 

En  première  ligne  se  présentent  les  débris  des  monuments  détruits 
par  les  Perses,  et  trouvés,  pour  la  plupart,  dans  les  fouilles  faites  dans 
les  remblais  au  sud-est  de  l’Acropole,  ou  dans  celles  opérées,  en  1836, 
autour  du  Parthénon. 

P.armi  les  fragments  qui  par  leur  style  paraissent  avoir  appartenu  au 
vieux  Parthénon,  nous  signalerons  des  tuiles,  des  antéfixes,  des  moulures 
portant  des  grecques  et  des  palmettes  bien  conservées,  et  divers  autres 
ornements  d’architecture  également  couverts  de  peinture. 

On  attribue  au  premier  Érechthéion  des  briques  offrant  sur  leur  tranche 
des  guirlandes  de  laurier  peintes  en  vert,  et  un  masque  de  Gorgone^ 
colorié  du  style  le  plus  archaïque,  rappelant  les  fameuses  métopes  de 
Sélinonte  conservées  au  musée  de  Palerme.  Des  figures  d’applicpe  en 
marbre  de  Paros  proviennent  de  la  frise  du  nouvel  Érechthéion.  Un 
caisson  du  soffite  des  Propylées  conserve  au  fond  une  étoile  peinte,  et  un 
morceau  de  moulure  offre  des  oves  tracés  à  la  pointe  et  coloriés.  Une 
mosaïque  byzantine  a  fait  partie  du  pavé  du  Parthénon  converti  en 
église.  Des  vases,  des  ex-voto,  ont  été  trouvés  dans  l’enceinte  de  Diane 
Brauronia.  Des  pivots  en  bois,  tels  que  ceux  dont  nous  avons  déjà  parlé 
ont  occupé  le  centre  de  la  colonne  d’angle  du  portique  septentrional  de 
r Érechthéion.  Signalons  encore  les  crayons  de  plomb  des  architectes  du 
Parthénon,  un  vase  de  minium  employé  à  l’ornementation  de  son  archi¬ 
tecture,  un  casque  grec  contenant  encore  le  crâne  du  soldat  qu’il  n’avait 
pas  suffi  à  protéger,  un  morceau  d’ivoire  portant  les  traces  d’un  com¬ 
mencement  de  sculpture,  et  que  rien  n’empêche  de  supposer  avoir  été 
ébauché  par  Phidias  et  destiné  à  la  statue  de  Minerve,  de  nombreux 
ex-voto  en  terre  cuite,  conservant  des  restes  de  couleur,  une  foule 
d’objets  carbonisés,  deux  vases  trouvés  dans  des  fouilles  faites  au 

1.  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre. 

2.  Page  57. 


MUSÉE  DE  L’AGROPOLE. 


loi 

Pirée,  quelques  débris  d’autres  vases,  enfin  trois  espèces  de  lustres 
de  diverses  grandeurs,  composés  d’un  cercle  chargé  de  petites  lampes 
de  terre  cuite ,  mais  ne  devant  pas  remonter  au  delà  de  l’époque 
byzantine. 

En  descendant  l’escalier  du  petit  musée  de  l’Acropole,  on  se  trouve 
en  face  du  portique  oriental  de  l’Érechthéion,  auquel  le  chapitre  suivant 
va  être  consacré. 


(•'AÇAnE  OCCIDENTALE  DE  I.’ É  R  E  C  H  TH  É  1 0  N . 


Portique  des  Caryatides. 

CHAPITRE  IV 


ÉRECHTHÉION 

(ÎROTTË  d’aGLAURE.  PIÉDESTAL  DE  MINERVE  PROMACHOS. 
FONTAINE  CLEPSYDRE.  GROTTE  DE  PAN. 

OU  S  avons  déjà  parlé  plusieurs  fois  de  la 
fameuse  dispute  de  Minerve  et  de  Neptune, 
prétendant  tous  deux  au  titre  de  protecteurs 
de  la  ville  d’Athènes  que  Cécrops  venait  de 
fonder.  On  sait  que  Neptune  frappant  la  terre 
de  son  trident  en  fit  jaillir,  selon  les  diverses 
Siège  de  Butés.  '  traditions,  un  cheval  ou  un  flot,  et  que  Minerve 

d’un  coup  de  sa  lance  fit  naître  l’olivier  qui,  lui  assurant  la  victoire, 
devait  être  plus  tard  la  principale  source  de  richesse  de  l’Atticiue 

1.  ((  Erechthée,  qu’on  dît  fils  de  la  Terre,  a,  dans  la  citadelle,  un  temple  où  l’on  voit  un  olivier,  et 
une  mer  (Qdlacaaa).  Les  Athéniens  prétendent  que  Neptune  et  Minerve  les  y  avaient  placés  comme 
un  témoignage  de  la  contestation  qui  s’était  élevée  entre  eux  au  sujet  du  pays.  » 

Hf.rodotk.  L.  VIII,  c.  55. 


154 


ATHÈNES. 


Le  lieu  où  se  passa  cette  scène,  la  plus  importante  des  légendes  athé¬ 
niennes,  le  lieu  où  se  trouvaient  encore  l’olivier  sacré l’empreinte  du 
trident  sur  le  rocher  et  la  source  salée  miraculeuse  qui  faisait  entendre 
un  bruit  semblable  à  celui  des  flots  de  la  mer,  quand  soufflait  le  vent 
du  sud  2,  devait  avoir  droit  à  toute  la  vénération  des  Athéniens;  aussi 
fut-ce  là  sans  doute  que  Cécrops  éleva  le  premier  simulacre  de  Minerve 
et  son  premier  autel 

Erechthée,  à  son  tour,  environna  cette  terre  sacrée  d’un  sanctuaire  atte¬ 
nant  à  sa  demeure,  et  c’est  ainsi  que  prit  naissance  cet  édifice  complexe 
dont  l’ensemble,  conservant  le  nom  de  son  fondateur,  fut  appelé  VÉrech- 
théion.  On  le  trouve  aussi  parfois  désigné  sous  le  nom  de  Cécropion,  en 
l’honneur  de  Cécrops,  qui  y  avait  reçu  la  sépulture^.  Il  est  bien  entendu 
que  ce  premier  édifice  fut  loin  de  la  perfection  de  plan,  de  la  science 
de  distribution,  de  la  beauté  d’architecture  de  celui  dont  nous  admirons 
aujourd’hui  les  ruines  si  riches  de  détails,  si  élégantes  de  forme. 

L’ancien  Érechthéion  fut,  comme  tous  les  autres  monuments  de  l’Acro¬ 
pole,  incendié  par  les  Perses;  les  vainqueurs  brûlèrent  jusqu’à  l’olivier 
sacré  mais,  dans  la  nuit  même,  de  sa  souche  immortelle  sortit  une 
nouvelle  tige  haute  de  deux  coudées,  selon  Pausanias®,  d’une  coudée 
seulement  suivant  Hérodote 

Nous  pensons  que  le  temple,  bien  qu’ayant  souffert  de  l’incendie, 
n’avait  point  été  entièrement  détruit,  puisque  Hérodote  dit  que  Xerxès 
ordonna  aux  Athéniens  d’aller  à  la  citadelle  et  d’y  faire  les  sacrifices 
suivant  leur  usage,  et  qu’ainsi  il  put  être  réparé  et  rendu  au  culte  après 
le  départ  des  ennemis.  Cette  hypothèse  seule  expliquerait  comment  ce 
sanctuaire,  le  plus  vénéré  de  tous,  ne  fut  rebâti  que  si  longtemps  après 
la  guerre  médique. 

1.  Pausanias.  au.  C.  XXVII. 

2.  Id.  Ibid.  C.  XXVI.  —  âpoi.lodore.  III,  4. 

3.  «  On  dit  que  Cécrops,  le  premier,  éleva  un  autel  chez  les  Athéniens  et  que,  le  premier  aussi, 

érigea  une  statue  de  Minerve.  »  Eüsèbe.  Prépar.  et  Dém.  évang.  X. 

4.  Meürsios.  De  regibus  Athen.  L.  1,  c.  12. 

5.  C’est  sans  doute  depuis  cet  événement  que  l’olivier  sacré  ne  put  reprendre  son  élégance  pre¬ 
mière  et  qu’il  mérita  le  surnom  de  Tcàvxuçoç,  tout  tortu;  V.  Hézych.  Lex.  à  ce  mot  et  à  celui  d”Açyi. 

0.  AU.  C.  XXVII. 

7.  «  Le  feu  qui  brûla  le  temple  consuma  aussi  l’olivier;  mais  le  second  jour  après  l’incendie,  les 
Athéniens,  à  qui  le  roi  avait  ordonné  d’offrir  des  sacrifices,  étant  arrivés  au  temple,  remarquèrent 
que  la  sn\iche  de  l’olivier  avait  poussé  un  rejeton  d’une  coudée  de  haut.  » 

Hérooote.  T,.  VITT,  c.  .51  et  .5.5. 


ÉRECHTIIÉION. 


155 


On  ignore  l’époque  précise  de  la  construction  du  nouvel  Erechthéion^; 
cependant  il  est  possible  de  l’indiquer  au  moins  d’une  manière  approxi¬ 
mative.  D’après  le  style  de  l’édifice,  il  est  hors  de  doute  qu’il  ne  put 
être  antérieur  à  Périclès;  il  ne  peut  même  lui  être  contemporain,  car 
dans  tous  ses  détails,  comme  dans  son  ensemble,  il  accuse  iin  raffinement 
de  l’art  évidemment  postérieur  à  la  noble  simplicité  du  Parthénon  et 
des  Propylées.  D’ailleurs,  si  l’Érechthéion  eût  été  érigé  sous  Périclès, 
Plutarque  n’eût  pas  manqué  de  le  citer  parmi  les  travaux  qu’il  fit  exé¬ 
cuter  et  il  garde  à  cet  égard  le  plus  complet  silence. 

D’un  autre  côté,  nous  savons  par  un  fragment  d’inscription  que  décou¬ 
vrit  Chandler,  et  qui  est  conservé  au  musée  de  Londres,  auquel  il  a 
été  donné  en  1787  par  la  Société  des  dilettanti^,  que  l’édifice  n’était 
pas  entièrement  achevé  sous  l’archontat  de  Dioclès,  la  quatrième  année 
de  la  92®  olympiade  (409  avant  Jésus-Christ).  Il  y  a  donc  toute  appa¬ 
rence  qu’ après  la  mort  de  Périclès,  arrivée  en  Û29,  l’élan  donné  par  ce 
grand  homme  ne  s’était  point  arrêté,  malgré  les  inquiétudes  que  causait 
la  première  guerre  du  Péloponèse,  et  que  c’est  pendant  cette  période  de 
vingt  années  que  l’Érechthéion  fut  commencé  et  conduit  au  point  où  il 
en  était  sous  l’archontat  de  Dioclès-^.  A  dater  de  cette  époque,  l’entre¬ 
prise  marcha  avec  rapidité,  et,  probablement  en  hOl  la  seconde  année 
de  la  93®  olympiade,  elle  était  bien  près  d’être  achevée,  puisque  l’année 
suivante,  si,  comme  nous  l’apprend  Xénophon  un  incendie  qui  embrasa 
sans  doute  les  échafaudages  qui  n’étaient  point  encore  enlevés  endom¬ 
magea  quelques  parties  du  monument,  on  ne  jugea  pas  nécessaire  de 
rétablir  ces  échafaudages ,  et  que ,  ainsi  qu’il  est  facile  de  le  reconnaître 
à  la  différence  du  travail,  les  dégâts  ne  furent  réparés  que  bien  des 
années  plus  tard,  vers  l’époque  d’Alexandre. 

1.  Plan  de  l’Acropole.  X. 

2.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"  167*.  Cette  inscription  contient  une  partie  du  rapport  d’une 
commission  nommée  pour  constater  l’état  d’avancement  des  travaux  de  l’Érechthéion,  qui  sans  doute 
étaient  restés  suspendus  pendant  quelques  années,  peut-être,  comme  le  suppose  M.  Beulé,  par  suite 
des  désastres  de  Sicile,  et  qu’il  s’agissait  alors  de  reprendre. 

3.  Cette  opinion  est  celle  adoptée  par  Hermann  Hettner,  Athen  und  der  Pelopones. 

4.  Nous  aurons  occasion  de  citer  plus  d’une  fois  une  très-curieuse  inscription  trouvée  en  1830 
dans  la  Pinacothèque,  et  qui  contient  les  comptes,  pour  cette  année  407,  des  travaux  relatifs  à  la 
décoration  du  monument. 

5.  «  L’année  suivante  (40G-407),  remarquable  par  une  éclipse  de  lune  arrivée  le  soir,  et  par  l’in¬ 
cendie  du  vieux  temple  de  Minerve,  à  Athènes,  Pityas  étant  éphore  et  Caillas  étant  archonte . » 

HeUen.  T..  T,  r.  0. 


156 


ATHIÎNES. 


Converti  en  église  au  vu®  siècle,  en  même  temps  que  le  Parthénon, 
et  consacré  à  la  Mère  de  Dieu,  la  llavayta  ©eo-ro/coç,  l’Érechthéion,  mutilé, 
comme  nous  le  verrons,  pour  être  approprié  à  cette  nouvelle  destination, 
fut,  au  moins  pendant  plusieurs  siècles,  préservé  de  la  destruction  ;  mais 
après  la  conquête  d’Athènes  par  les  Turcs,  de  nouveaux  désastres  allaient 
fondre  sur  lui.  A  l’époque  du  voyage  de  Spon  et  Wheler,  un  officier  turc 
C{ui  s’y  était  établi  ne  leur  permit  pas  d’en  visiter  l’intérieur  qui  renfer¬ 
mait  son  harem. 

11  est  probable  que,  voisin  du  Parthénon,  l’Érechthéion  eut  comme 
lui  beaucoup  à  souffrir  du  bombardement  de  l’Acropole  par  les  Vénitiens. 
En  ne  réparant  rien,  en  s’acharnant  au  contraire,  selon  leur  usage,  à 
la  mutilation  des  sculptures,  les  Turcs  continuèrent  sa  ruine.  Au  com¬ 
mencement  du  XVIII®  siècle,  Pococke  le  vit  cependant  encore,  sinon  en 
bon  état,  au  moins  conservant  presque  toutes  ses  parties  constitutives; 
‘mais  quand,  environ  trente  ans  plus  tard.  Leroy,  Chandler,  Stuart  et 
Revett  vinrent  à  Athènes,  la  destruction  avait  marché  à  grands  pas;  les 
parties  supérieures  du  monument  avaient  presque  disparu,  des  pans  de 
muraille  entiers  s’étaient  écroulés,  les  frontons  n’existaient  plus,  et  le 
sol  autour  du  monument  était  jonché  de  ses  débris.  Les  profanations  de 
lord  Elgin  et  le  siège  de  l’Acropole  en  1826-1827  achevèrent  l’œuvre 
du  temps  et  des  barbares. 

Jusqu’aux  fouilles  terminées  seulement  en  1842,  rien  n’était  plus  inex¬ 
plicable  que  les  ruines  de  cet  édifice  dont  le  plan ,  déjà  bizarre  dès 
l’origine,  avait  encore  été  modifié  par  les  Byzantins,  par  les  Turcs,  et 
rendu  impossible  à  relever  sous  les  monceaux  de  décombres  Aussi  les 
systèmes  les  plus  opposés  avaient-ils  été  mis  en  avant,  aussi  les  diffé¬ 
rentes  parties  de  l’édifice  avaient-elles  été  confondues  au  point  que  Stuart 
et  après  lui  Legrand  prirent  le  sanctuaire  de  Minerve  Poliade  pour 
l’Erechthéion  dont  ils  firent  un  temple  consacré  à  Érechthée  ou  à  Nep¬ 
tune,  le  Pandrosion  pour  le  temple  de  Minerve,  et  la  tribune  des  Carya¬ 
tides  pour  le  Pandrosion.  Enfin,  un  architecte  pensionnaire  de  l’Ecole 
de  France  à  Rome,  M.  Tétaz,  consacra  un  séjour  de  deux  années  c|u’il 
fit  à  Athènes  à  l’étude  de  cette  grande  énigme  de  marbre  dont,  grâce 

I.  Leroy  avait  cependant  reconnu  la  différence  de  niveau  des  deux  temples,  tout  en  se  trompant 
sur  leurs  dénominations  respectives. 


i;  REC  HT  HÉ  ION. 


157 


aux  travaux  de  déblayement,  la  solution  était  devenue  possible;  en  1850, 
il  envoya  à  l’Institut  un  travail  de  restauration,  exécuté  avec  autant  de 
talent  que  d’intelligence ,  et  un  mémoire  explicatif  qui  a  été  publié  par 
la  Revue  archéologique,  l’année  suivante. 


lumière  est  faite,  nous  n’avons  plus  qu’à  suivre  le  plan 


de  M.  Tétaz,  Pausanias  à  la  main,  et  nous  comprendrons  facilement  cet 
édifice  sans  modèle,  comme  sans  copie,  dans  l’antiquité. 

L’Érechthéion,  à  l’ensembte  duquel  on  avait  conservé  le  nom  de  son 
premier  fondateur,  était  composé  de  deux  temples  distincts  consacrés 
l’un  à  Minerve  Poliade^,  l’autre  à  Pandrose'’^,  qu’en  récompense  de  sa 

1.  «  Cet  édifice  est  double,  oixri[j,a  SmXoüv.  »  Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

Souvent,  dans  l’antiquité,  un  même  temple  était  consacré  à  plusieurs  divinités  qui  prenaient  le 
nom  de  (jûvvatot  ou  auvoixÉTat,  qui  ont  un  temple  commun,  vaoç,  une  demeure  commune,  oiv.o:. 


Strabon.  L.  VII.  —  Plutarque.  Sympos.  L.  IV. 


2.  lloXtâç,  protectrice  de  la  ville.  Aristophane  et  Pindai’e  l’appellent  aussi  HoXiTt?  et  noXioù/oç. 

3.  «  Au  temple  de  Minerve  est  contigu  celui  de  Pandrose,  la  seule  des  trois  filles  de  Cécrops  qui 


eût  respecté  le  dépôt  confié  par  la  déesse.  » 


Pausanias.  Att.  G.  XXVII. 


Ce  dépôt  était  une  corbeille  contenant  le  jeune  Érichtbonius  ou  Érecbthée  *,  qui  venait  de  naître 
de  Vulcain  seul  ou  de  Vulcain  et  de  la  Terre,  et  que,  par  compassion,  la  déesse  voulait  faire  élever 
en  secret  dans  son  sanctuaire. 

«  La  fille  de  Jupiter  avait  enfermé  dans  une  corbeille  Éricbthonius,  fils  de  la  Terre,  et  mis  près 
de  lui  deux  serpents  pour  le  défendre  en  le  confiant  à  la  garde  des  filles  d’Agraule  **.  » 


Euripide.  Ion.  sc.  l’’®. 


Nam  lempore  quodam 


Pallas  Erichthonium,  ]jrolem  sine  maire  creatam, 
Clauserat  Aetœo  texta  de  vimine  eisla; 
Virginibusque  tribus,  yemino  de  Cecrope  natis, 
liane  legem  dederal,  sua  ne  sécréta  vidèrent. 


. Commissa  duœ  sine  fraude  luentur 

Pandrosos  algue  Herse;  limidns  vocal  una  sorores 
Aglauros,  nodosque  manu  diducil;  al  intus 
Infanlcmque  vident  adporrectumque  draconem. 


Ovide.  Métam.  L.  II ,  v.  552, 


«  Jadis,  Pallas  avait  renfermé,  dans  une  corbeille  tissue  avec  l’osier  de  l’Attique,  Érichthon,  cet  enfant  né  sans 
mère,  et  l’avait  confié  aux  trois  filles  du  double  Cécrops***,  en  leur  défendant  de  chercher  à  pénétrer  ce  mystère... 
Deux  d’entre  elles  respectent  le  dépôt  confié  à  leurs  soins,  ce  sont  Pandrose  et  Hersé;  mais  Aglaure  raille  la 
timide  obéissance  de  ses  sœurs,  et  sa  main  détache  les  nœuds  de  la  corbeille.  Elle  l’ouvre,  et  leur  fait  voir  un 
enfant  et  un  serpent  couché  près  de  lui.  » 

Nous  avons  vu  que,  suivant  Pausanias,  Hersé  partagea  la  curiosité  de  sa  sœur,  et  en  effet  elle 
n’eut  point  part  au  culte  rendu  à  Pandrose;  Pausanias  ajoute  (L.  XVIII)  qu’ Aglaure  et  Hersé, 
devenues  furieuses,  se  précipitèrent  du  haut  de  l’Acropole;  mais  ce  n’est  pas  non  plus  la  version 
d’Ovide,  qui  raconte  qu’ Aglaure  fut  changée  en  rocher  par  Mercure  pour  s’être  opposée  à  ses  entre¬ 
vues  avec  Hersé.  {Métam.  L.  H,  v.  819.) 

*  Erichthonius  se  trouve  en  effet  dans  les  auteurs  désigné  aussi  sous  le  nom  d’Erechthée  ;  mais  il  ne  faut  pas  pour 
cela  le  confondre  avec  un  autre  Érechthée  qui  vécut  beaucoup  plus  tard.  Le  premier  fut  le  quatrième  roi  d’Athènes, 
succéda  .à  Amphictyon  l'an  1573  avant  J.-C.,  et  régna  jinsqu’en  1556;  le  second,  successeur  de  Pandion  Hr, 
occupa  le  trône  de  1525  à  1460  avant  J.-C. 

**  La  femme  do  Cécrops  s’appelait  Agraule  ou  Aglaure,  comme  l’une  de  ses  filles. 

***  On  donnait  cette  épithète  à  Cécrops,  soit  parce  qu’il  parlait  deux  langues,  soit  parce  qu’il  commandait  à  deux 
peuples,  les  Égyptiens  et  les  Grecs,  soit  parce  qu’il  institua  le  mariage,  etc.  Aucune  de  ces  explications  des  mots 
SiouYiî,  geminus  et  bifrons,  qui  se  trouvent,  dans  les  auteurs,  appliqués  à  Cécrops,  n’est  du  reste  bien  satisfaisante. 


158 


ATHÈNES. 


discrétion  Minerve  fit  la  première  prêtresse  de  son  culte,  voulant  c^u’après 
sa  mort  on  l’associât  aux  honneurs  qui  lui  étaient  décernés  à  elle-même. 

Abstraction  faite  des  deux  portiques  faisant  saillie  au  midi  et  au  nord, 
l’Érechthéion  forme  un  rectangle  long  de  20™,  30,  large  de 
Grâce  à  l’inégalité  du  rocher  sur  lequel  il  était  construit,  ses  deux  parties, 
bien  que  couronnées  d’un  entablement  commun ,  avaient  leurs  bases  à 
deux  niveaux  bien  différents.  A  l’est  et  au  sud,  les  trois  gradins  hauts 
de  0™,2â  et  profonds  de  0"’,32,  qui  lui  servaient  de  soubassement,  repo¬ 
saient  sur  l’esplanade  où  se  dressait  aussi  le  Parthénon.  Au  nord  et  à 
l’ouest,  au  contraire,  le  sol  se  trouvait  en  contre-bas  de  2™, 60,  et  nous 
verrons  qu’on  était  obligé  de  descendre  à  ce  plan  inférieur,  qui  formait 
l’enceinte  de  Minerve  Poliade^,  par  un  escalier  dont  les  traces  sont  encore 
reconnaissables  au  nord  du  soubassement  du  portique  oriental. 


Selon  l’usage,  le  temple  dédié  à  la  divinité  principale,  à  Minerve 
Poliade,  avait  sa  façade  AA  tournée  vers  l’orient.  A  quelque  distance  en 
avant  devait  être  un  autel  a  qui  a  entièrement  disparu.  Cet  autel  était 
consacré  à  Jupiter  Hypatus  ^  ;  on  n’y  sacrifiait  rien  qui  eût  eu  vie  ;  on  y 

] .  Plan  de  l’Acropole  Y. 

'2.  "ï'TtaTOç,  pour  üuépxaxoç,  le  plus  haut. 


ÉUECHÏHÉION. 


I O  9 

offrait  seulement  des  gâteaux,  et  on  ne  se  servait  point  de  vin  dans  ces 
sacrifices^. 

Le  portique  oriental  était  composé  de  six  colonnes  ioniques  de  marbre 
pentélique,  hautes  de  et  d’un  diamètre  de  0“’,71  à  la  base,  haute 

elle-même  de  0'",275.  Le  chapiteau  a  0‘",58  d’élévation.  Cinq  de  ces 
colonnes  sont  encore  en  place,  portant  leur  architrave  et  deux  ou  trois 
morceaux  de  la  frise  de  marbre  noir  d’Éleusis,  sur  lequel  se  détachaient 
en  relief  des  figures  de  marbre  de  Paros.  Plusieurs  autres  morceaux  de 
la  frise  gisent  sur  le  sol  du  pronaos  ou  en  avant  du  péristyle.  Pendant 
longtemps,  l’existence  de  cette  ornementation  ne  fut  révélée  que  par  la 


Portique  oriental  de  l’Érechthéion. 


présence  des  crampons  qui  servaient  à  fixer  les  figures  ;  mais  les  fouilles 
faites  autour  de  l’Érechthéion  ont  fait  découvrir  vingt-cinq  fragments  de 
ces  figures  hautes  de  0'",55  à  0'",60,  plates  d’un  côté'et  dont  la  desti¬ 
nation  ne  pouvait  être  douteuse  2.  Le  fait  d’ailleurs  a  été  encore  confirmé 
par  la  trouvaille  faite  en  1836,  dans  la  Pinacothèque,  du  reste  de  l’inscrip¬ 
tion  du  musée  de  Londres  contenant  les  comptes  relatifs  à  l’achèvement 
de  l’Érechthéion,  sous  l’archontat  de  Dioclès  (409  avant  Jésus -Christ) . 
On  y  trouve  les  prix  payés  pour  un  certain  nombre  de  ces  figures  à  des 
sculpteurs  nommés  Phyromaque  de  Cephissia,  Praxias  de  Mélite,  Anti- 
phanes  du  Céramique,  Mynnion  d’Agrylé,  Soclus  d’Alopèce,  lasos  de 

I.  Palsanias.  Att.  C.  XXVI. 

'i.  Nous  avons  vu  ces  fragments  dans  le  musée  de  l’Acropole,  p.  150. 

5.  Voy.  p.  155. 


160 


ATHENES. 


Collyte^  et  Agapénor.  Le  prix  des  figures  seules  est  de  60  drachmes; 
celui  des  groupes  varie  de  80  à  2/i0  drachmes  suivant  leur  importance  2. 
Plusieurs  de  ceux-ci  représentent  des  chars,  des  guerriers  et  des  femmes. 
M.  Beulé  suppose  avec  toute  vraisemblance  que  les  sujets  de  la  frise 
devaient  être  tirés  des  diverses  fables  relatives  à  Minerve.  Ces  bas-reliefs 
durent  être  coloriés,  et,  s’ils  existaient  encore  se  détachant  sur  leur  fond 
noir,  ils  nous  rappelleraient  l’aspect  de  certaines  peintures  de  Pompéi^. 

La  dernière  colonne  du  portique  oriental,  celle  de  l’angle  nord-est, 
a  été  emportée  par  lord  Elgin^,  et  son  enlèvement  brutal  a  entraîné  la 
chute  de  cette  partie  de  l’entablement.  Des  morceaux  du  fronton  ont  été 
retrouvés  ;  ils  ne  portent  sur  la  face  supérieure  de  leurs  rampants  aucune 
trace  indiquant  qu’ils  aient  jamais  été  surmontés  de  statues,  de  griffons, 
ou  de  tout  autre  ornement.  Des  morceaux  du  plafond  du  pronaos  sont 
aussi  à  Londres 

Le  pronaos  était  fermé  au  fond  par  une  muraille  dont  il  ne  reste 
que  quelciues  arrachements  attenant  aux  antes  bb,  et  qui  offrait  au 
milieu  une  large  porte  c®.  A  cette  muraille,  en  face  des  entre-colon- 
nements,  durent  être  adossés  quatre  autels  d,  dont  trois  mentionnés  par 
Pausanias  avaient  été  dédiés ,  le  premier  à  Neptune  et  à  Érechthée  7, 
pour  obéir  à  un  oracle;  le  second  au  héros®  Butés®,  le  troisième  à 


n  Parmi  les  figures  conservées  au  musée,  on  remarque  une  jeune  fille  agenouillée  mentionnée 
par  l’inscription  comme  étant  l’œuvre  de  lasos  de  Collyte. 

2.  Rangabé.  Antiquités  helléniques,  n«  57.  —  Beulé.  Acropole.  T.  II,  p.  285, 

3.  Entre  autres  celles  de  la  maison  à  la  muraille  noire,  délia  parete  nera. 

k.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n“®  125,  126  et  127. 

5.  Ibid.,  108,  118,  219  et  220. 

6.  Un  fragment  du  jambage  de  cette  porte  est  au  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"  115, 

7.  Erechthée  et  Neptune  étaient  quelquefois  regardés  par  les  Athéniens  comme  une  seule  et  mémo 
divinité.  On  lit  dans  le  lexique  d’Hésychius  cette  définition  :  ’Eçityfizùç,  lloasiowv  êv  A0r,vai;, 
Erechthée,  à  Athènes,  Neptune. 

8.  Le  mot  héros  ne  doit  pas  être  pris  ici  dans  le  sens  usité  chez  les  modernes.  Non-seulement  les 
grands  hommes  célèbres  par  leur  force  et  leur  courage,  mais  encore  ceux  qui  s’étaient  distingués 
par  leurs  vertus  ou  par  des  services  rendus  à  leur  patrie,  étaient,  après  leur  mort,  rangés  parmi 
les  héros,  sorte  de  demi-dieux  inférieurs  aîuxquels  on  décernait  les  honneurs  divins.  Le  culte  rendu 
par  les  chrétiens  aux  saints,  sous  l’invocation  desquels  ils  placent  des  églises  et  des  autels,  n’est  pas 
'sans  quelque  analogie  avec  celui  des  héros  dans  l’antiquité. 

«  Méimppe  :  Au  nom  de  la  divination,  qu’est-ce  qu’un  héros?  Je  l’ignore.  » 

«  Trophonius  :  C’est  un  composé  d’homme  et  de  dieu.  » 

Il  Ménippe  :  C’est,  dis-tu,  un  être  qui  n’est  ni  homme  ni  dieu,  mais  les  deux  ensemble.  » 

Lucien.  3®  Dial,  des  Morts. 

9.  Butés,  fils  de  Pandion,  mari  de  Chitonia,  fille  d’Êrechthée,  prêtre  de  Minerve  et  de  Neptune, 
honoré  comme  un  demi-dieu.  (Apollod.  I,  c.  14.) 


SANCTUAIRE  UE  31INEHVE  EOLIADE.  I6I 

Vulcain^.  Le  quatrième  autel,  omis  par  le  voyageur  grec,  était  consacré 
à  Dioné,  fille  de  l’Océan  2.  Sur  les  murs  étaient  des  peintures,  probable¬ 
ment  portatives,  se  rapportant  à  la  famille  des  Butades  ou  Étéobutades 
Sanctuaire  de  Minerve  Poliade.  Lorsqu’on  avait  franchi  la  porte  c, 
on  se  trouvait  dans  le  sanctuaire  de  Minerve  Poliade  B,  enceinte  de 
7'",  33  de  longueur  sur  4'"?  125  de  largeur,  qui  ne  recevait  de  jour  que 
de  la  porte,  et  dans  laquelle  brûlait  éternellement  une  lampe  d’or, 
ouvrage  de  Callimaque,  qu’on  ne  remplissait  d’huile  qu’une  fois  par  an, 
et  dont  la  mèche  de  Un  carpasien  (amiante)  brûlait  sans  se  con¬ 
sumer'^.  La  fumée*  se  dissipait  par  le  moyen  d’un  palmier  de  bronze 
placé  au-dessus  de  la  lampe  et  s’élevant  jusqu’au  plafond^.  C’est  ce 
singulier  candélabre  que  M.  Tétaz  met  au  centre  h  du  sanctuaire  ;  si 
réellement  il  occupait  cette  place,  il  devait  produire  un  assez  mauvais 
etïet,  cachant  la  statue  de  la  déesse  à  ceux  cjui  entraient  dans  le  temple. 
Nous  ajouterons  que  la  lampe  ne  pouvait  donner  assez  de  lumière  pour 
justifier  la  présence  des  peintures  murales  que  M.  Tétaz  a  introduites 
dans  sa  restauration. 

La  statue  de  Minerve  e  conservée  dans  ce  sanctuaire  était  la  plus 
vénérée  de  l’Attique  ;  elle  passait  pour  être  tombée  du  ciel®;  elle  n’était 

1.  Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

2.  «  Cet  autel  est  mentionné  plusieurs  fois  sur  les  fragments  de  la  célèbre  inscription  trouvée 

en  183G  dans  la  Pinacothèque.  Il  est  question  de  la  cannelure  des  colonnes  de  l’est,  que  l’on  cannelait 
sur  place,  comme  nous  l’avons  déjà  remarqué  au  Parthénon.  Chacune  de  ces  colonnes  est  désignée 
par  l’autel  dont  elle  est  voisine,  et  c’est  toujours  à  partir  de  l’autel  de  Dioné  que  l’on  commence  à 
compter.  »  Beulé.  Acropole.  T,  II,  p.  235. 

3.  Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

Dans  la  famille  des  Butades  ou  descendants  de  Rutès,  le  sacerdoce  était  héréditaire.  L’orateur 
Lycurgue  était  de  cette  famille  consacrée  surtout  à  Neptune  et  Minerve. 

«  Mon  père,  Atrometos,  est  de  la  curie  qui  participe,  avec  les  Étéobutades,  aux  mêmes  sacrifices, 
et  d’où  l’on  tire  la  prêtresse  de  Minerve  Poliade.  »  Eschine.  Procès  de  l’ambassade. 

4.  «  Dans  l’ancien  temple  de  Minerve  Poliade  est  la  lampe  inextinguible.  » 

Strabon.  Rer.  geog.  L.  IX,  c.  1. 

5.  Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

6.  ((  La  plus  vénérée  des  statues  de  Minerve  est  celle  que  l’on  voit  dans  la  citadelle  nommée 

anciennement  Polis,  la  Ville.  Déjà  môme  elle  était  l’objet  du  culte  de  tous  les  peuples  de  l’Attique, 
avant  qu’ils  fussent  réunis.  L’opinion  commune  est  que  cette  statue  tomba  jadis  du  ciel;  je  n’exa¬ 
minerai  pas  si  elle  est  vraie  ou  non.  »  Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

Ce  simulaci’e  devant  lequel  les  habitants  de  la  Tauride  sacrifièrent  longtemps  des  victimes  humaines, 
et  dont  Iphigénie  fut  la  prêtresse,  fut,  d’après  la  tradition,  apporté  à  Athènes  par  Oreste. 

«  Faisant  entendre  sa  voix  par  le  trépied  d’or,  Apollon  m’ordonna  de  venir  en  Tauride  pour  enlever 
la  statue  descendue  du  ciel  et  la  déposer  sur  le  sol  d’Athènes.  »  Euripide.  Iphigénie  en  Tauride. 

Il 


162 


ATHÈNES. 


que  de  bois  d’olivier'^,  mais  la  simplicité  de  la  matière  et  sans  doute 
aussi  la  barbarie  du  travail  disparaissaient  sous  le  magnifique  péplus  dont 
l’antique  simulacre  était  revêtu  à  chaque  fête  des  Panathénées.  Ce  fut 
cette  statue  qui,  au  dire  de  Dion  Cassius,  se  retourna  subitement  vers 
l’occident  et  vomit  du  sang  à  l’instant  de  la  mort  d’Auguste 

On  voyait  dans  le  temple  un  Mercure  également  en  bois  offert,  disait- 
on  ,  par  Cécrops ,  et  qui  disparaissait  presque  sous  des  branches  de 
myrte  ^ ,  sans  doute  pour  en  dissimuler  l’indécence ,  si ,  comme  tout 
porte  à  le  croire,  cette  figure  était  du  nombre  de  celles  dont  parle  Héro¬ 
dote^.  Elle  pouvait  surmonter  l’un  des  deux  piédestaux  /  et  ^  que 
M.  Tétaz  suppose  avoir  accompagné  celui  de  Minerve;  mais  alors  quelle 
eût  été  la  destination  de  l’autre  piédestal?  Peut-être  devrait-on  placer  la 
statue  de  Mercure  et  le  palmier  en  face  l’un  de  l’autre  contre  les 
murailles  latérales  du  sanctuaire.  La  statue  de  Minerve  se  fût  ainsi 
trouvée  démasquée. 

Parmi  les  nombreux  ex-voto  consacrés  dans  le  sanctuaire  de  Minerve 
Poliade,  on  remarquait  un  siège  pliant  qui  passait  pour  l’œuvre  de 
Dédale ,  la  cuirasse  de  Masistius  qui,  suivant  Hérodote  commandait  la 
cavalerie  des  Mèdes  à  la  bataille  du  Githéron  qui  précéda  celle  de 
Platées,  et  non  pas  à  cette  dernière ,  comme  le  dit  Pausanias  et  un 
cimeterre  ^  attribué  à  Mardonius ,  mais  dont  le  voyageur  grec  conteste 
l’authenticité 

1.  En  l’an  503  avant  J.-G.,  les  habitants  de  l’île  d’Égine  étant  affligés  d’une  grande  stérilité,  l’oracle 
de  Delphes  leur  ordonna  d’ériger  à  Minerve  des  statues  de  bois  d’olivier  franc.  Cet  arbre  ne  se  trou¬ 
vant  pas  dans  l’ile,  et  d’ailleurs  les  oliviers  de  l’Attique  passant  pour  plus  sacrés,  les  Éginètes 
s’adressèrent  aux  Athéniens  qui  leur  permirent  de  couper  le  bois  dont  ils  avaient  besoin,  à  condition 
qu’ils  amèneraient  tous  les  ans  des  victimes  à  Minerve  Polias  et  à  Erechthée.  (Voy.  Hérodote.  L.  V, 
c.  82.) 

2.  Dion  Cassius.  L.  IV,  7. 

3.  Pausanias.  AU.  C.  XXVII. 

4.  Hérodote.  L.  II,  c.  51. 

5.  «  La  cavalerie  perse  fit  son  attaque  par  ordre  et  par  escadrons;  mais  Masistius  l’ayant  devancée, 
son  cheval  fut  atteint  d’un  coup  de  flèche  au  flanc;  il  se  cabra  de  douleur  et  jeta  Masistius  par  terre. 
Les  Athéniens  fondirent  aussitôt  sur  lui,  se  saisirent  du  cheval  et  tuèrent  le  cavalier  malgré  sa 
résistance.  Ils  ne  le  purent  d’abord,  à  cause  de  la  cuirasse  d’or  en  écailles  qu’il  avait  sous  son  habit 
de  pourpre,  mais  quelqu’un,  s’en  étant  aperçu,  le  frappa  à  l’œil,  et  il  mourut.  » 

Hérodote.  L.  IX,  c.  22. 

Cf.  Plutarque.  Vie  d'Aristide. 

0.  AU.  C.  XXVH. 

7.  ’Axivàxri;,  sabre  particulier  aux  Perses. 

8.  Paus.anias.  au.  c.  XXVII. 


PORTIQUE  DU  PANÜROSION. 


163 


Legrand,  dans  le  plan  qu’il  a  donné  de  l’Érechthéion,  suppose  que  le 
temple  de  Minerve  Poliade  occupait  toute  la  largeur  de  la  cella  ; 
■aujourd’hui  il  est  reconnu  avoir  été  circonscrit  par  une  cella  particulière. 

A  gauche  de  la  porte  du  temple  s’en  trouvait  une  plus  petite  î,  qui 
ouvrait  sur  un  corridor  G,  par  lequel,  au  moyen  de  l’escalier  k,  on  pou¬ 
vait  communiquer  avec  le  Pandrosion.  Il  est  facile  de  se  convaincre  du 
fait  en  examinant  la  muraille  méridionale  de  l’Erechthéion ,  sur  laquelle 
le  palier  et  l’escalier  sont  en  quelque  sorte  tracés  par  les  assises  gros¬ 
sièrement  taillées  de  pierre  du  Pirée,  qui,  dans  toutes  les  parties  desti¬ 
nées  à  rester  invisibles,  remplaçaient  les  assises  polies  de  marbre 
pentélique.  L’ancienne  existence  de  cette  communication  entre  les  deux 
temples  est  encore  prouvée  par  une  petite  anecdote  rapportée  par  Denys 
d’Halicarnasse  qui,  lui-même,  l’avait  empruntée  à  Philochorus.  «  Une 
chienne,  dit-il,  entra  un  jour  dans  le  temple  de  Minerve  Poliade,  des- 
çendit  dans  le  Pandrosion,  sauta  sur  l’autel  de  Jupiter  Hercéen^  et  s’y 
coucha  à  l’ombre  de  l’olivier  sacré 2.  » 

Seloii'  toute  apparence,  ce  passage  et  cet  escalier  dérobé  n’étaient 
fréciuentés  que  par  les  prêtres  qui  desservaient  les  deux  sanctuaires.  La 
véritable  entrée  du  temple  de  Pandrose  était  par  le  portique  D,  situé  au 
nord  et  à  l’extrémité  de  la  cella,  au  delà  de  laciuelle  il  faisait  saillie  à 
l’ouest^.  Pour  racheter  la  différence  de  niveau  et  atteindre  à  l’entable¬ 
ment  commun  à  tout  l’édifice,  l’ordre  de  ce  portique  avait  dû  être  de 
bien  plus  grande  proportion  que  celui  de  la  façade  orientale  ;  aussi  les 
colonnes  qui  le  composent  ont-elles  7'",  58  de  hauteur,  compris  la  base 
et  le  chapiteau,  sur0™,8à  de  diamètre  à  la  base  et  0'",72  au  sommet. 

Les  bases  attiques,  hautes  de  0'",36,  ont  leur  tore  supérieur  décoré 
d’un  riche  entrelac. 

Enfin,  les  chapiteaux,  hauts  de  0“,  61 ,  sont  au  nombre  des  plus  ornés 
et  en  même  temps  des  plus  élégants  que  nous  possédions  de  l’ordre 


1.  ''Eç,v.iioz,  protecteur  de, l’enceinte.  Apollodore. 

Suivant  Lucain,  il  existait  dans  les  ruines  de  Troie  les  restes  d’un  autel  dédié  à  Jupiter  sous  ce 
même  surnom. 

Hcrceas ,  monstrator  ait,  non  respicis  aras? 

Pharsale.  C.  IX. 

«  Ne  vois-tu  pas,  dit  le  guide,  l’autel  de  Jupiter  Hercéen?  » 

2.  Denys  d’Halicarnasse.  Dynarch. 

3.  Voy.  planche  IV,  à  gauche,  et  p.  159,  à  droite  du  dessin  de  la  façade  orientale. 


ATHENES. 


1 64 

ionique.  Non-seulement  les  détails  les  plus  fins  étaient  prodigués  dans  le 
marbre,  mais  des  attaches  qui  existent  encore  nous  révèlent  l’existence 
de  guirlandes  de  bronze  doré  cpi  couraient  sur  les  volutes  dont  l’œil  était 
également  doré^. 

Les  colonnes  sont  au  nombre  de  six,  quatre  en  façade,  deux  en 
retour;  toutes  sont  encore  debout;  mais  les  trois  de  l’angle  nord-est, 
j  ,  2  et  O,  conservent  seules  leur  entablement,  leurs  poutres  de  marbre, 
et  leur  soffite  ou  plafond,  formé  de  caissons  creusés  deux  à  deux  dans 
chaque  dalle.  Deux  de  ces  dalles  sont  dressées  contre  la  muraille,  près 
de  la  porte  du  temple  ;  et  là  surtout  il  est  facile  d’examiner  la  décoration 
des  caissons,  percés  au  fond  d’un  petit  trou  qui  recevait  le  tenon  d’une 
étoile  de  bronze.  Les  autres  ornements  étaient  ou  sculptés  ou  simplement 
peints  sur  des  surfaces  planes.  Legrand  mentionne  cette  circonstance, 
qu’il  dit  avoir  été  remarquée  par  M.  FauveP. 

Des  trois  autres  colonnes  maintenant  isolées,  deux  (à-  et  6)  sont 
entières;  mais  celle  d’angle,  5,  qui  avait  été  renversée  par  un  boulet 
en  1827,  pendant  le  siège  de  l’Acropole^,  et  dont  la  chute  avait 
entraîné  celle  d’une  pprtion  de  l’entablement,  a  été  relevée  en  partie,  et, 
en  1859,  on  se  préparait  à  la  compléter  par  l’addition  de  deux  tambours 
et  d’un  chapiteau  modernes 

Une  foule  de  morceaux  de  l’entablement,  des  poutres  de  marbre,  des 
caissons  sont  gisants  sur  le  sol,  devant  le  portique. 

On  doit  à  M.  Tétaz  une  très-curieuse  découverte.  Ayant  remarqué 
dans  l’angle  sud-est,  au  pavé  du  portique,  quelques  dalles  qui  sem¬ 
blaient  n’en  pas  faire  partie  intégrante,  il  les  fit  enlever  et  mit  ainsi  à 
découvert  une  cavité  l  réservée  dans  les  substructions  du  portique,  au 
fond  de  laquelle  on  aperçoit  dans  le  rocher  deux  trous  irréguliers 

1.  Beülé.  Acropole.  T.  II,  p.  271. 

2.  Certains  ornements,  qu’il  eût  été  trop  difficile  de  sculpter  dans  les  caissons  renfoncés  du  pla¬ 
fond,  y  étaient  peints.  »  Legrand.  Mom  de  la  Grèce,  p.  76. 

3.  Le  portique  avait  été  approprié  au  logement  d’un  officier  turc,  en  fermant  les  entre-colonne- 
ments  par  des  murailles,  comme  nous  le  voyons  dans  le  dessin  de  Stuart,  et  le  plafond  avait  été 
chargé  d’une  grande  quantité  de  terre  pour  le  blinder  et  le  mettre  à  l’abri  de  la  bombe;  cette 
précaution  même  a  contribué  à  sa  ruine,  car  le  support  d’angle  ayant  manqué,  cette  masse  énorme 
n’a  fait  qu’accélérer  et  rendre  plus  complète  la  chute  de  l’entablement. 

4.  Nous  avons  vu,  au  petit  musée  de  l’Acropole,  les  espèces  de  pivots,  les  âmes  en  bois  de  cèdre 
provenant  du  centre  des  tambours  composant  le  fût  de  cette  colonne  (  p.  150). 


PORTIQUE  DU  PxVNDROSlON. 


165 


de  0"’,50  environ  de  profondeur,  réunis  entre  eux  par  une  sorte  de  fis¬ 
sure.  •Ces  trous  pourraient  bien  n’être  qu’un  jeu  de  la  nature;  tout 


Trous  du  trident. 


annonce  cependant  que  ce  sont  eux  que  l’on  vénérait  dans  l’antiquité 
comme  étant  l’empreinte  du  coup  de  trident  frappé  par  Neptune.  Il  est 
vrai  que  le  trident  avait  trois  pointes  et  qu’il  n’y  a  que  deux  trous,  mais 
en  aucun  temps  la  superstition  n’y  a  regardé  de  bien  près.  Les  dalles 
que  M.  Tétaz  a  détachées  sont  justement  celles  que  soulevaient  les 
guides,  les  exégètes,  lorsqu’ils  voulaient  offrir  l’empreinte  sacrée  à  la 
curiosité  ou  à  la  vénération  des  visiteurs  et  des  dévots. 

Dans  le  môme  caveau  est  une  petite  citerne  en  partie  ruinée; 
M.  Beulé,  en  la  faisant  déblayer,  a  rencontré  presque  aussitôt  le  rocher; 
ce  ne  serait  point  une  raison  pour  qu’elle  n’eût  point  remplacé  le  puits 
d’eau  salée,  le  flot,  la  Oalaaaa  Eps/G-zit;  ^  c{ui  partageait  avec  l’empreinte 
du  trident  les  hommages  des  pèlerins  de  l’Acropole.  11  suffisait  du  plus 
petit  bassin  rempli  d’eau  salée;  et  quant  au  bruit  que  cette  mer  en 
miniature  faisait  entendre  lorsque  soufflait  le  vent  du  sud,  la  communi¬ 
cation  souteâ’raine  avec  le  temple  pouvait,  comme  le  remarque  M.  Beulé, 
l’expliquer  aussi  bien  c{ue  l’escalier  dérobé  du  sanctuaire  d’Isis,  à 
Pompéi,  explique  les  oracles  rendus  par  la  déesse  En  effet,  de  l’inté¬ 
rieur  du  Pandrosion,  une  petite  porte  souterraine  w,  de  1"',20  de  haut 
sur  0"’,68  de  large,  percée  dans  le  bas  du  mur  septentrional  de 
l’Érechthéion,  et  à  laquelle  on  descendait  par  un  chemin  souterrain  par¬ 
tant  du  corridor  conduisait  en  secret  à  la  grotte  mystérieuse. 

1.  U  Dans  l’Erechthéion,  on  trouve  un  puits  d’eau  de  mer,  ce  qui  n’est  pas  très-surprenant,  car 
il  y  en  a  dans  plusieurs  endroits  au  milieu  des  terres,  entre  autres  à  Aphrodisias  en  Carie;  mais 
ce  que  celui-ci  offre  de  remarquable,  c’est  que,  loi’sque  le  vent  du  sud  souffle,  on  y  entend  un  bruit 
pareil  à  celui  des  flots.  Il  y  a  sur  le  rocher  l’empreinte  d’un  trident.  Cette  empreinte  et  ce  puits  sont 
les  signes  que  Neptune  lit  paraître  pour  prouver  que  le  pays  lui  appartenait. 

Pacsanfas.  Alt.  C.  XWI. 

2.  E.  Breton.  Pornpeia,  2''  èdit.,  p.  42. 


166 


ATHÈNES. 


» 


Au  fond  du  portique  septentrional  s’ouvre  une  grande  porte  m,  dont 
les  ornements  étaient  d’une  rare  élégance,  bien  ciue  manquant  ifn  peu 
de  relief. 


Porte  septentrionale  de  l’Erechtliéion. 


Cette  porte,  la  seule  qui  nous  soit  restée  presque  intacte  de  l’anti¬ 
quité  grecque,  est  de  forme  légèrement  pyramidale  ;  large  de  à  la 

base,  elle  n’a  pas  plus  de  i"’,30  au  sommet.  Le  linteau  s’étant  fendu, 
on  ne  sait  à  ciuelle  épocjue,  les  Byzantins  avaient  du,  à  l’intérieur  de  la 
baie,  ajouter  un  autre  linteau  et  deux  pieds-droits  ne  présentant  que  de 
simples  moulures  qui  ne  doivent  point  être  confondues  avec  le  cham¬ 
branle  primitif.  Sa  corniche,  OxepGupov,  richement  ornée,  est  soutenue  par 
deux  consoles,  âyyaoveç. 

Lorsqu’on  avait  franchi  cette  porte,  on  se  trouvait  dans  une  sorte  de 
passage  L,  large  de  3™, 91,  long  de  9“,60,  cpi’ éclairaient  trois  fenêtres 
ouvertes  à  l’ouest,  et  qui,  lors  de  la  transformation  de  l’Érechthéion,  était 
devenu  le  narthex,  ou  vestibule  de  l’église  byzantine,  mais  qui,  dans 
l’origine ,  servait  à  la  fois  de  vestibule  au  Pandrosion,  et  de  commu¬ 
nication  avec  le  portique  des  Caryatides,  dont  nous  parlerons  bientôt. 
Ses  murailles  sont  très-dégradées,  et,  selon  toute  apparence,  par  le 
feu.  Toute  son  étendue  est  occupée  par  une  grande  citerne,  dont  la 
voûte,  qui  a  été  défoncée  par  la  chute  de  la  partie  supérieure  du  mur 
occidental  de  l’Érechthéion,  excédait  de  plus  de  0'",  ÛO  le  niveau  du 
seuil  de  la  porte.  Les  Turcs,  pour  établir  ce  réservoir,  avaient  tiré  parti 


PANDROSION. 


167 


des  substructions  de  l’édifice  antique,  mais  ils  avaient  dû  les  reprendre 
en  sous-œuvre  pour  les  faire  descendre  à  la  profondeur  nécessaire. 

Le  vestibule  était  séparé  du  sanctuaire  par  un  mur  que  M.  Tétaz 
suppose  avec  beaucoup  de  vraisemblance  avoir  été  percé  de  trois  portes 
non,  correspondant  aux  trois  divisions  du  temple,  aux  trois  nefs  de 
l’église.  En  avant  des  piliers  qui  les  séparaient  se  seraient  trouvés  deux 
piédestaux  pp,  portant  des  statues. 

L’existence  de  ce  mur  n’est  plus  indiquée  que  par  des  arrachements  qui 
se  voient  encore  dans  la  partie  supérieure  des  murailles  du  sud  et  du 
nord,  restées  lisses  dans  le  bas,  nouvelle  preuve  de  l’existence  des 
deux  portes  latérales  nn. 

Pandrosion.  Le  sanctuaire  de  Pandrose  F  formait  un  rectangle  de 
9"’, 60  de  largeur  sur  6™, 20  de  profondeur,  soutenu  par  quatre  colonnes, 
et  dont  la  partie  centrale  dut  être  découverte ,  car  elle  contenait  l’olivier 
sacré  r,  qui  n’eût  pu  vivre  et  se  développer  pendant  tant  de  siècles  privé 
d’air  et  de  lumière.  Il  ombrageait  l’autel  de  Jupiter  Herceus  ou  Hercéen^, 
ainsi  que  nous  l’apprend  l’anecdote  que  nous  avons  déjà  citée  d’après 
Philochorus. 

Tout  en  admettant  avec  M.  Tétaz  l’existence  de  cette  partie  hypœthre 
ou  découverte,  au  centre  du  Pandrosion,  nous  ne  sommes  pas  entière¬ 
ment  d’accord  avec  lui  sur  sa  disposition.  Dans  son  plan,  l’hypœthre 
forme  un  rectangle  s’étendant  de  l’ouest  à  l’est,  et  ne  laissant  couvert 
qu’un  étroit  espace  en  avant  de  la  porte  principale  o,  aussi  bien  cju’au 
pied  de  la  muraille  occidentale  du  temple  de  Minerve  Poliade.  Cet  espace 
est  même  si  étroit  de  ce  dernier  coté  que  la  statue  de  Pandrose  s, 
qu’avec  raison  il  adosse  à  cette  muraille,  serait  à  peine  abritée  par  la 
saillie  'd’une  corniche.  Le  Pandrosion  étant  beaucoup  plus  large  que 
profond,  il  nous  semblerait  pourtant  assez  naturel  de  supposer  l’hy- 
pœthre  n’affectant  pas  justement  la  forme  opposée.  Si,  au  contraire, 
l’hypœthre,  s’étendant  d’un  côté  jusqu’au  mur  non,  s’arrêtait  à  l’est  aux 
colonnes  7  et  8,  un  portique  couvert  ttt  aurait  permis  de  circuler  de 
trois  côtés,  tandis  que  du  quatrième  le  vestibule  E  aurait  complété 
l’enceinte.  Ainsi,  la  statue  de  Pandrose  eût  été  abritée  sous  le  portique 
oriental,  et  au  centre  de  la  partie  découverte  eussent  pu  de  même  trou- 


1.  Voy.  p.  103, 


168 


ATHÈNES. 


ver  place  l’olivier  sacré  et  l’autel  de  Jupiter  Hercéen.  C’est  dans  ce  sens 
que  nous  avons  cru  pouvoir  modifier  le  plan  de  M.  Tétaz,  tout  en  indi¬ 
quant  encore  par  des  lignes  ponctuées  celui  qu’il  a  proposé.  Nos  lecteurs 
pourront  ainsi  se  prononcer  entre  les  deux  opinions,  qui,  du  reste,  nous 
devons  l’avouer,  ne  reposent,  l’une  comme  l’autre,  que  sur  des  hypo¬ 
thèses,  aucune  trace  de  ces  dispositions  ne  se  retrouvant  sur  le  terrain. 

Ce  n’est  également  que  sur  une  probabilité  que  M.  Tétaz  se  fonde  pour 
supposer  que  les  quatre  colonnes  qui,  par  leur  proportion,  n’eussent 
pu  atteindre  au  faîte  de  l’édifice,  étaient  surmontées  d’un  second  ordre 
composé  de  caryatides  plutôt -<»c|ue  de  colonnes;  cette  pensée,  vraie 
peut-être ,  lui  a  été  inspirée  par  la  découverte ,  dans  l’intérieur  du 
temple,  d’un  fragment  de  corniche  analogue  à  celle  de  la  tribune  des 
Caryatides. 

Nous  avons  vu  que  par  un  escalier  /<;,  situé  dans  son  angle  sud-est,  et 
par  ie  corridor  C ,  le  Pandrosion  communiquait  avec  le  sanctuaire  de 
Minerve.  Dans  l’angle  opposé  devait  ouvrir  la  porte  d’une  autre  enceinte 
H,  longue  et  étroite,  occupant  l’espace  compris  entre  le  mur  septen¬ 
trional  du  sanctuaire  de  Minerve,  et  le  mur  commun  du  même  côté  à 
tout  l’Érechthéion.  Cette  dernière  muraille  ayant  les  parpaings  de  marbre 
dont  elle  se  compose  ravalés  à  l’intérieur  dans  toute  sa  hauteur ,  il  est 
facile  d’en  conclure  que  le  pavé  de  ce  réduit  a  dû  être  toujours  et  dans 
toute  son  étendue  de  niveau  avec  le  sol  du  Pandrosion.  Peut-être  cette 
obscure  enceinte  n’avait-elle  d’autre  destination  cjue  celle  de  servir  de 
magasin,  sacrarium,  ïspoçuyaxtov  ou  àp)(_eîov,  pour  les  instruments  du 
culte;  peut-être,  comme  le  suppose  M.  Beulé,  était-ce  dans  ce  lieu  qu’on 
entretenait  le  serpent  sacré,  oixoupoç  oçiç,  dont  parlent  Hérodote  et  Plu¬ 
tarque^,  et  qui  sert  de  prétexte  à  l’une  des  femmes  de  la  comédie 
d’Aristophane  pour  rompre  son  serment  et  chercher  à  fuir  de  l’Acropole  2; 

1.  «  Les  Athéniens  disent  qu’il  y  a  dans  le  temple  de  la  citadelle  un  grand  serpent  qui  est  le  gar¬ 

dien  et  le  protecteur  de  la  forteresse;  et,  comme  s’il  existait  réellement,  ils  lui  présentent  tous  les 
mois  des  gâteaux  au  miel.  »  Hérodote.  L.  VIII,  c.  41. 

Démosthène,  exilé  d’Athènes,  jetant  un  dernier  regard  sur  l’Acropole,  s’écria  :  «  O  Minerve 
Poliade!  comment  peux-tu  prendre  intérêt  à  ces  trois  bêtes  farouches,  la  chouette,  le  dragon  et  le 
peuple?  »  Plutarque.  Vie  de  Démosthène. 

Pour  décider  les  Athéniens  à  abandonner  la  ville  et  à  se  réfugier  sur  la  flotte,  Thémistocle  supposa 
que  le  serpent  de  Minerve  avait  abandonné  le  sanctuaire.  (Plutarqiæ.  Thémistocle.) 

2.  «  Je  ne  puis  dormir  dans  la  citadelle  depuis  que  j’ai  vu  le  serpent  qui  en  est  le  gardien.  » 

Lysistr.,  v.  758. 


PANDROSION. 


169 


peut-être  était-ce  une  de  ces  chambres  secrètes,  a^uxov,  adytum'^,  c\m 
se  trouvaient  souvent  dans  les  temples,  d’où  tout  le  monde,  excepté 
les  prêtres,  était  sévèrement  exclu,  et  dont  ceux-ci  se  servaient  pour 
abuser  par  les  oracles  de  la  crédulité  publique;  peut-être  enfin  est-ce 
dans  ce  lieu  qu’il  faudrait  chercher  l’emplacement  du  tombeau  d’Erech- 
thée  que  l’on  sait  par  les  témoignages  antiques  avoir  existé  dans  l’en¬ 
ceinte  de  l’Érechthéion  2. 

Lorsque  l’on  voulut  consacrer  au  culte  du  Christ  l’enceinte  entière  de 
l’Erechthéion,  tout  le  massif  qui  portait  le  sanctuaire  de  Minerve  B,  aussi 
bien  que  le  passage  G  et  l’escalier  k,  dut  être  enlevé,  afin  que  le  sol  de 
l’église  n’eût  plus  qu’un  seul  niveau  dans  toute  son  étendue.  Dès  lors 
le  porticpie  oriental  devint  sans  destination,  comme  il  l’est  encore  aujour¬ 
d’hui,  ne  pouvant  servir  d’entrée  à  l’abside  chrétienne  placée  en  contre¬ 
bas,  et  l’édifice  n’eut  plus  cj[u’une  seule  porte  principale,  celle  du  por- 
tic|ue  septentrional  ouvrant  sur  le  vestibule  E ,  devenu  le  narthex  de 
l’église  byzantine. 

C’est  de  cette  époque  que  date  le  pavé  de  la  nef  formé  de  marbre  gris 
du  mont  Hymette,  et  encore  conservé  en  grande  partie. 

En  avant  du  chœur  dont  il  ne  reste  que  quelques  débris,  un  seuil  de 
marbre  porte  la  trace  de  deux  colonnes,  et  à  leur  gauche  est  encore  un 
grand  bloc  couvert  d’ornements  byzantins  ayant  fait  partie  du  mur 
d’appui  qui  séparait  le  chœur  de  la  nef. 

Beaucoup  d’autres  débris  épars  dans  l’enceinte  de  l’Érechthéion  ont 
appartenu  également  à  l’église  ;  telles  sont  des  colonnes  de  vert  antique 
et  de  pavonazzetto  qui  avaient  remplacé  celles  du  Pandrosion  et  une 
partie  des  murs  latéraux  du  sanctuaire  de  Minerve  Poliade. 

Au  fond  du  vestibule  E  est  une  porte  u  qui,  par  un  escalier  dont  deux 
marches  subsistent  encore,  conduisait  à  l’intérieur  du  portique  des 
Caryatides  G,  accolé  au  côté  méridional  de  l’Érechthéion,  au  niveau  du 
temple  de  Minerve  Poliade.  Une  autre  porte,  percée  dans  le  bas  du  mur 

1.  «  On  appelle  adytum,  àôuxov,  un  endroit  du  temple  inaccessible,  sacrd,  obscur,  et  où  se  rendent 

les  oracles.  »  Pollux.  Onomast.  L.  I,  c.  1,  §  8. 

2.  «  Érichthonius  étant  mort  fut  enseveli  dans  le  temple  de  Minerve.  » 

Apollodore.  III.  14. 

Nous  avons  déjà  dit  que  les  auteurs  anciens  confondent  continuellement  Érichthonius  et  Érechthée. . 


3.  Marbre  blanc  veiné  de  violet. 


170 


ATHÈNES. 


occidental ,  permettait  de  passer  directement  du  vestibule  dans  une 
enceinte  réservée  I  S  de  forme  triangulaire,  très-allongée,  dans  laquelle 
on  pénétrait  aussi  par  une  porte  v,  située  sous  le  portique  du  nord, 
et  dont  le  linteau  brisé  a  du  être  soutenu  par  un  arc  moderne. 

Lorsqu’on  a  franchi  cette  dernière  porte,  on  a  en  face  de  soi  un  mur  x 
dont  la  base,  formée  de  gros  blocs  à  peine  équarris  de  pierre  du  Pirée, 
est  encore  surmontée  de  deux  assises  d’appareil  plus  soigné.  Ce  mur 
soutient  les  terres  de  la  grande  esplanade  de  l’Acropole  ;  il  s’élevait 
presque  jusqu’au  sommet  du  stylobate  de  la  tribune  des  Caryatides,  sur 
le  côté  occidental  duquel  il  a  laissé  sa  trace  encore  très-visible  ;  il  n’y 
avait  donc  point  de  ce  côté  une  entrée  de  l’enceinte,  comme  quelques- 
uns  l’ont  supposé,  et  c’est  avec  raison  que  M.  Beulé  en  trouve  une  nou¬ 
velle  preuve  dans  rinterruption  de  ce  côté  des  oves  décorant  la  corniche 
du  stylobate,  qui,  au  delà  du  mur,  n’était  plus  destinée  à  être  vue,  par¬ 
ticularité  qui  avait  échappé  à  M.  Tétaz  2. 

A  gauche  est  la  muraille  occidentale  y  y  de  l’Érechthéion  qui,  il  y 
a  peu  d’années,  se  présentait  encore  dans  presque  toute  sa  beauté^. 

Son  soubassement,  élevé  de  3'",  50  et  surmonté  d’une  corniche,  est 
formé  de  blocs  de  marbre  de  grand  appareil  soigneusement  assemblés. 
Par  une  singularité  dont  il  est  difficile  de  se  rendre  compte,  la  porte 
communiquant  au  vestibule  n’est  pas  percée  au  centre,  mais  reportée  un 
peu  vers  la  droite,  de  sorte  qu’elle  ne  se  trouve  à  l’aplomb,  ni  de  l’une 
des  colonnes,  ni  de  l’un  des  entre-colonnements  de  l’ordre  qui  décorait  la 
partie  supérieure  de  la  muraille.  Cette  porte  a  2‘",  àO  de  haut  sur  1'",  35  de 
large.  Hermann  Hettner^*  et  quelques  autres  auteurs,  frappés  de  l’irrégu¬ 
larité  de  sa  position,  ont  pensé  qu’elle  avait  pu  être  ménagée  après  coup; 
mais  il  est  facile  de  s’assurer  que  son  linteau,  long  de  2'",  75,  date  de 
la  construction  même  de  la  muraille  dont  partout  ailleurs  la  plus  longue 
assise  n’excède  pas  i“, 80.  On  comprend  plus  difficilement  comment 
il  se  fait  que  le  seuil  porte  encore  les  trous  qui  recevaient  les  pivots 
de  la  porte,  quand  les  trous  correspondants  n’existent  pas  à  la  surface 
inférieure  du  linteau. 

1 .  Plan  de  l’Acropole  n. 

2.  Beulé.  Acropole  d’Athènes.  T.  II ,  p.  223. 

3.  Planche  IV, 

4.  Athen  und  der  Pelopones. 


TRIBUNE  DES  CARYATIDES. 


La  muraille,  au-dessus  de  la  corniche  de  son  soubassement,  présentait 
C{uatre  demi-colonnes  ioniques  engagées ,  portant  un  entablement  et  un 
fronton.  Les  trois  entre-colonnements  du  milieu  étaient  percés  d’autant 
de  fenêtres  fort  simples,  éclairant  le  vestibule  E,  fenêtres  qui  se  retrou¬ 
vent  encore  dans  tes  dessins  de  Stuart  et  de  Legrand,  et  qui,  de  même 
que  la  grande  porte  du  nord,  affectaient  une  forme  légèrement  pyra¬ 
midale,  circonstance  qui  n’avait  point  été  remarciuée  par  Leroy  qui,  dans 
sa  restauration,  fait  les  trois  fenêtres  rectangulaires.  Hautes  de  i‘",  95, 
elles  avaient  dans  le  bas  0'", 95  de  largeur,  et  au-dessous  du  linteau 
seulement  0'",  87.  Peut-être  ces  fenêtres  étaient-elles  fermées  par  quel¬ 
ques  plaques  de  phengite,  cette  pierre  transparente  que  nous  avons  déjà 
vue  employée  au  Parthénon. 

Toute  cette  partie  supérieure  de  la  muraille  a  été  renversée  en  1852 
par  un  terrible  ouragan  qui  a  également  couché  sur  le  sol  une  des 
colonnes  du  temple  de  Jupiter  Olympien.  Deux  des  demi -colonnes 
gisent  au  fond  de  la  citerne  E,  dont,  comme  nous  l’avons  dit,  elles 
ont  percé  la  voûte.  Il  ne  reste  plus  en  place  que  les  bases  des  demi- 
colonnes.  La  dernière,  à  gauche,  est  encore  surmontée  d’une  portion 
de  fût. 

L’enceinte  I,  qui  n’avait  d’autre  entrée  cjue  de  petites  portes,  en 
quelque  sorte  dérobées,  n’a  jamais  dû  être  livrée  au  public;  elle  était 
sans  doute  réservée  aux  prêtresses  qui  desservaient  les  deux  temples. 
C’était  une  sorte  de  cloître  et  en  même  temps  un  lieu  de  récréation,  un 
jeu  de  paume,  ccpaipicxpa  et  ccpaipixT-éptov,  à  l’usage  des  jeunes  Erréphores, 
car  c’est  sous  ce  nom  qu’il  est  désigné  dans  les  auteurs  anciens. 

Tribune  des  Caryatides.  Cette  tribune  G  est  la  partie  la  plus  élé¬ 
gante  et  aussi  la  plus  célèbre  de  l’Erechthéion  On  sait  par  de  nom¬ 
breux  témoignages  anticiues  que  Cécrops  avait  été  enterré  dans  l’enceinte 
de  l’Érechthéion.  Nous  n’entrerons  pas  ici  dans  la  discussion  à  laquelle 
les  savants  français,  allemands  et  anglais  se  sont  livrés  sur  le  lieu 
précis  qu’occupait  ce  tombeau  ;  nous  dirons  seulement  que  nous  croyons, 
avec  MM.  Raoul  Rochette  2,  Tétaz  ^  et  Beulé^,  c[ue  la  tribune  des 

1 .  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 

2.  Journal  des  Savants.  Janvier  1851. 

.3.  Revue  archéologique.  1851. 

4.  Acropole  d'Athènes.  T.  II,  p.  257. 


Caryatides  qui,  évidemment,  n’a  jamais  pu  servir  d’entrée  au  temple, 
nous  paraît  réunir  toutes  les  probabilités,  et  par  sa  forme,  et  par  sa 
position,  et  par  le  caractère  de  son  architecture  dans  laquelle  on  voit 
figurer  de  grands  denticules ,  ornements  spécialement  funéraires  aux 
belles  époques  de  l’art  grec. 

Sur  les  degrés  communs  à  tout  l’Érechthéion,  s’élève  de  i‘",96  une 
sorte  d’enceinte  de  grand  appareil  formant  un  soubassement  et  longue 
de  7™,  60  sur  3"’,  60  de  profondeur.  L’élégant  entablement,  haut  de 
0'",90,  qui  surmonte  cette  tribune,  ne  se  compose  que  d’une  architrave 
et  d’une  corniche.  Par  une  exception  unique,  la  frise  a  été  supprimée, 
afin  que,  rendu  plus  léger,  il  ne  parût  pas  écraser  ses  supports,  en  appa¬ 
rence  plus  faibles  que  des  colonnes  ou  des  piliers  ;  il  est  soutenu  en  effet 
par  six  caryatides,  quatre  de  face  et  deux  en  retour.  Ces  figures,  qui 
sont  au  nombre  des  productions  les  plus  parfaites  de  l’art  grec,  ont 
2"’,  33,  compris  la  plinthe  sur  lac{uelle  elles  reposent  et  l’espèce  de  cha¬ 
piteau  qu’elles  supportent.  Dans  ces  jeunes  filles,  M.  Beulé  croit  voir 
des  Erréphores,  pensant  trouver  dans  le  poids  qu’elles  supportent  un 
souvenir  du  fardeau  mystérieux  que  leur  confiait  la  grande  prêtresse  ^  ; 
mais  les  Erréphores  n’étaient  que  des  enfants,  au  nombre  de  deux 
seulement,  et  il  nous  semblerait  plus  naturel,  si  l’on  veut  trouver  dans 
ces  figures  autre  chose  que  de  simples  caryatides  ^  et  les  rattacher  au 
culte  de  la  déesse,  d’y  reconnaître  les  Canéphores  qui  figuraient  égale¬ 
ment  dans  les  cérémonies  des  Panathénées  et  qui  étaient  des  vierges 
adultes,  telles  cjue  nous  les  présente  la  tribune  de  rErechthéion.  Si, 
sur  ce  point  de  peu  d’importance,  nous  ne  partageons  point  l’opinion  de 


1.  i;  Une  circonstance  m’a  singulièrement  étonné;  je  crois  devoir  la  rapporter,  parce  qu’elle  est 
peu  connue.  Deux  jeunes  filles,  que  les  Athéniens  nomment  les  Erréphores,  logent  à  peu  de  distance 
du  temple  de  Minerve,  et  même,  durant  un  certain  temps,  elles  y  prennent  leur  nourriture.  La  fête 
étant  arrivée,  voici  ce  qu’elles  font  pendant  la  nuit.  Elles  prennent  sur  leur  tête  ce  que  la  prêtresse 
de  la  déesse  leur  donne  à  porter;  elles  ignorent  ce  que  c’est,  et  la  prêtresse  ne  le  sait  pas  elle-même. 
Il  y  a  dans  la  ville,  à  peu  de  distance  de  la  Vénus  dans  les  jardins,  une  enceinte  où  se  trouve  un 
chemin  souterrain  ouvert  par  la  nature;  elles  descendent  par  là,  laissent  au  fond  ce  qu’on  leur  a 
donné,  et  elles  reçoivent  et  apportent  quelque  autre  chose  élégamment  couverte.  On  les  congédie 
ensuite  et  on  les  remplace  par  deux  autres  jeunes  filles  qu’on  amène  dans  la  citadelle.  » 

Paosanias.  .4ff.  C.  XXVII. 

2.  11  est  bien  entendu  que  nous  n’employons  ici  le  mot  canjatydes,  xapéaTioec,  que  dans  un  sens 
purement  architectural,  et  que  nous  ne  faisôns  nullement  allusion  aux  jeunes  prisonnières  de  Carya 
qui,  suivant  Vitruve  (L.  I,  c.  l),  donnèrent  leur  nom  à  ce  genre  de  support. 


T  R I  B  U  N  E  DES  G  A  R  V  A  T 1  Ü  E  S . 


173 


M.  Beulé,  en  revanche,  nous  ne  saurions  faire  ressortir  aussi  bien  que 
lui  un  des  principaux  mérites  de  ces  figures  célèbres.  «  Ce  qu’il  y  a 
d’admirable,  dit-il^,  dans  les  vierges  de  l’Érechthéion,  ce  n’est  pas 
seulement  la  sculpture  (les  opinions  seront,  je  crois,  unanimes  pour  les 
placer  au  premier  rang  parmi  les  antiques)^  c’est  le  caractère  monumen¬ 
tal  qui  les  met  en  harmonie  avec  les  lignes  et  le  sentiment  de  tout 
l’édifice  2.  Telle  est  l’entente  des  deux  branches  de  l’art  souvent  séparées 
chez  les  modernes,  toujours  étroitement  unies  chez  les  Grecs  :  le  sculpteur 
semble  avoir  subordonné  son  œuvre  à  celle  de  l’architecte  ;  l’architecte 
a  tout  calculé  pour  faire  valoir  les  statues  du  sculpteur.  De  cette  abné¬ 
gation  si  intelligente  est  résulté  un  ensemble  qui  atteint  la  plus  haute 
perfection  que  la  science  puisse  rêver.  » 

Empruntons  encore  à  un  écrivain  allemand  quelques  mots  qui  com¬ 
pléteront  cette  intelligente  appréciation.  «  Dans  les  inscriptions,  dit 
Hermann  Hettner  les  caryatides  de  l’Érechthéion  sont  appelées  xopat, 
jeunes  filles.  Avec  quelle  perfection  l’artiste  a  su  unir  la  plastique  à  l’ar¬ 
chitecture  !  Pour  que  la  masse  ne  paraisse  pas  trop  pesante,  le  plafond 
du  portique  n’est  pas  chargé  d’un  toit  et  prend  ainsi  l’apparence  d’un 
dais.  Et  ce  dais,  les  vierges  le  soutiennent  sur  leurs  têtes  gravement  et 
sans  effort,  comme  si  elles  portaient  des  ustensiles  sacrés  dans  la  pro¬ 
cession  des  Panathénées.  Leurs  formes  puissantes,  leurs  nobles  traits, 
les  riches  plis  de  leurs  draperies,  et  surtout  l’ampleur  de  leur  chevelure 
luxuriante,  sont  rendus  avec  une  vigueur  et  une  liberté  qui  placent  ces 
statues  au  premier  rang  des  sculptures  antiques;  et  cependant,  sous 
aucun  rapport,  elles  ne  franchissent  les  limites  de  leur  destination  archi¬ 
tecturale.  Remplir  leur  office  est  pour  elles  un  plaisir  et  non  une  fatigue; 
et  l’on  voit  à  la  richesse  de  leurs  formes  que  leur  force  musculaire  n’est 
pas  inférieure  au  poids  qu’elles  supportent.  » 

Des  six  statues,  trois  seulement  étaient  encore  en  place  au  moment  de 
l’a.fïranchissement  de  la  Grèce  ;  une  quatrième  était  tombée  pendant  le 
dernier  siège  de  l’Acropole  ;  la  cinquième  avait  été  emportée  par  lord 

1.  Acropole  d'Athènes.  T.  II,  p.  277. 

2.  Aussi  ne  peut-on  comprendre  comment  Leroy  a  cru  devoir  conclure,  du  silence  de  Pausanias, 
que  le  portique  des  Caryatides  n’existait  pas  encore  de  son  temps.  Le  style  même,  si  essentiellement 
grec,  de  ces  admirables  figures  ne  suffit-il  pas  pour  repousser  absolument  une  telle  supposition? 

3.  Athen  iind  der  Pelopones. 


El  gin,  qui  ne  s’était  guère  préoccupé  de  la  pensée  que  son  déplacement 
entraînerait  la  ruine  de  la  plus  grande  partie  de  1  entablement.  On 
croyait  que  la  sixième,  celle  placée  en  arrière,  du  côté  oriental,  figurait 
à  Rome,  au  musée  du  Vatican.  M.  Pittakis  en  a  retrouvé  le  torse  brisé; 
la  partie  inférieure  et  la  tête^  ont  été  refaites  et  eUe  a  pu  reprendre  sa 
place.  Quant  à  la  seconde  figure  à  partir  de  1  angle  sud-ouest,  qui,  enle¬ 
vée  par  lord  Elgin,  est  restée  au  Musée  Britanniques  après  avoir  été 
longtemps  remplacée  par  un  moulage  en  terre  cuite  offert  par  l’Angle- 
terre,  elle  a  été  habilement  refaite  en  marbre  par  un  artiste  grec;  enfin, 
celle  qui  avait  été  renversée  pendant  le  siège  a  pu  être  également  relevée 
après  que  de .  minutieuses  recherches  en  eurent  fait  retrouver  la  tête 
depuis  longtemps  perdue.  Les  portions  de  l’entablement  et  du  soubas¬ 
sement  qui  manquaient  ont  été  remplacées  par  des  marbres  simplement 
massés  et  la  tribune  à  pu  ainsi,  en  186-6,  être  rétablie  toute  entière  aux 
frais  déjà  France,  sous  la  direction  de  M.  Paccard,  architecte  pension¬ 
naire  de  l’Académie  de  Rome,  grâce  à  l’heureuse  initiative  et  à  la  puis¬ 
sante  influence  de  M.  Piscatory,  alors  ministre  de  France  à  Athènes. 

Les  caryatides,  ainsi  que  l’entablement  à  l’intérieur  comme  à  l’exté¬ 
rieur,  portent  encore  des  traces  très-visibles  de  peinture.  Les  autres 
détails  d’architecture  de  l’Érechthéion,  surtout  dans  les  parties  hautes, 
étaient  également  peints  et  même  enrichis  de  dordres,  mais  avec  une 
grande  sobriété. 

Derrière  la  caryatide  du  second  rang  à  l’est,  est  taillé  dans  le  soubas¬ 
sement  de  la  tribune  un  étroit  passage  z  qui  permettait  de  pénétrer 
dans  l’intérieur  et  qui  probablement,  dans  l’antiquité,  était  fermé  par 
une  grille.  Presque  tout  le  dallage  de  la  tribune,  reposant  sur  des  assises 
de  pierres  grossièrement  équarries ,  existe  encore  en  place ,  ainsi  qu  une 
grande  partie  du  soffite,  dont  un  morceau  considérable  gît  renversé  sur 
le  sol. 

Plusieurs  marbres  antiques  sont  déposés  sur  les  degrés  qui  tonnent 
au  sud  le  soubassement  de  l’Érechthéion.  On  y  remarque  un  bas-relief 
représentant  une  trirème,  découvert  le  19  octobre  1858  entre  l’Erech- 
théion  et  le  piédestal  de  Minerve  Promachos,  une  tête  de  Bacchus  indien 

1.  Elgin  Saloon,  n°  128. 

.Divers  autres  fragments  de  l’Érechthéion  portent,  au  même  musée,  les  n"®  110,  114,  252  à  255 


GROTTE  Ü’AGLAURE. 


l7o 


d’un  travail  archaïque,  et  un  joli  buste  de  Minerve,  dont  malheureuse¬ 
ment  la  tête  est  brisée. 

A  la  suite  des  degrés  est  posé  sur  le  sommet  du  mur  qui  domine 
l’enceinte  de  l’Érechthéion  un  bloc  de  marbre  mutilé  qui  paraît  avoir 
été  un  siège  Sa  face  porte  l’inscription  : 

lEPEOL 
B  0  Y  T  O  r 

«  Du  prêtre  Butés.  » 

«  Était-ce,  dit  M.  Beulé,  une  offrande?  Était-ce  le  siège  qui  servait 
aux  Butades^?  Avait-on  refait  après  l’incendie  de  l’Érechthéion  le  siège 
de  Butés,  premier  prêtre  de  Neptune^?  » 

Grotte  d’Agl/VUre.  Dans  l’enceinte  de  l’Érechthéion,  près  de  la 
muraille  septentrionale  de  l’Acropole,  s’ouvre  un  escalier  souterrain  en 
assez  mauvais  état,  déblayé  en  1822.  On  s’accorde  à  reconnaître,  dans 
la  grotte^  à  laquelle  il  conduit,  Y Agraulion^  sanctuaire  qui  était  consacré 
à  Aglaure  ou  Agraule®,  l’une  des  trois  filles  de  Cécrops.  On  ne  com¬ 
prendrait  guère,  si  on  s’en  tenait  aux  deux  traditions  de  Pausanias  et 
d’Ovide,  que  nous  avons  indiquées  à  l’occasion  du  Pandrosion^,  comment 
Aglaure,  punie  par  les  dieux  pour  sa  curiosité  ou  sa  jalousie,  aurait  été 
jugée  digne  de  recevoir  quelques  honneurs  après  sa  mort.  Cette  sorte 
de  culte  ne  peut  être  expliqué  que  par  une  troisième  légende  que  Stuart 
cite  d’après  Ulpien.  Suivant  elle,  Aglaure  était  regardée  comme  une 
héroïne.  Les  Athéniens,  engagés  dans  une  guerre  malheureuse,  avaient 
consulté  l’oracle  d’Apollon  qui  répondit  que,  si  quelqu’un  se  dévouait 
volontairement  pour  le  salut  commun,  sa  mort  assurerait  la  victoire  à 
leurs  armes.  Informée  de  cette  réponse,  Aglaure,  sacrifiant  généreuse- 

'].  Voy.  la  lettre  eu  tête  de  ce  chapitre. 

2.  Voy.  p.  160,  note  9. 

3.  Acropole  d’Athènes.  T.  I,  p.  342. 

4.  Plan  de  l’Acropole,  W. 

5.  Ibid.,  H. 

6.  On  écrit  tantôt  Agraule,  tantôt  Aglaure,  parce  que  l’on  trouve  ces  deux  noms  indifféremment 

employés  par  les  anciens  auteurs.  Cependant  Larcher,  dans  sa  traduction  d’Hérodote,  dit  qu’il 
préfère  le  nom  d’ Agraule,  parce  qu’il  y  avait  dans  l’Attique  une  bourgade  de  ce  nom  qui  le  tirait 
d’Agraule,  fille  de  Cécrops.  ' 

1.  Page  157. 


ATHENES. 


ne 

ment  sa  vie  au  salut  de  sa  patrie,  se  précipita  du  sommet  du  rocher,  au 
lieu  même  où  l’on  éleva  depuis  un  temple  en  son  honneur.  C  était  dans  ce 
temple  que  les  jeunes  Athéniens  venaient  jurer  de  donner  leur  vie  pour 
la  défense  de  la  patrie,  de  ses  lois  et  de  sa  religion^  toutes  les  fois  que 
les  circonstances  l’exigeraient,  et  prenaient  à  témoin  de  leurs  serments 
Aglaure  2,  Mars  Enyalius  ^  et  Jupiter. 

L’escalier  qui  conduisait  de  l’Acropole  dans  l’Agraulion  commence  par 
quelques  marches  modernes,  surmontées  d’une  voûte  grossière;  on  se 
trouve  ensuite  dans  un  corridor  antique  taillé  dans  le  roc,  ainsi  que  les 
douze  marches  qui  lui  succèdent.  Il  serait  dangereux  de  s’aventurer 
sans  lumière  dans  cet  escalier,  car  il  s’interrompt  tout  à  coup,  et  un 
seul  pas  de  plus  précipiterait  le  voyageur  imprudent  d’une  hauteur  de 
sept  mètres  sur  les  rochers  qui  forment  le  sol  de  la  grotte.  C’est  donc 
par  l’extérieur  de  l’Acropole  qu’il  faut  pénétrer  dans  l’Agraulion.  Cette 
autre  entrée,  à  laquelle  on  parvient  assez  difficilement,  en  escaladant 
le  rocher  abrupt,  se  trouve  au  pied  de  la  muraille  septentrionale ,  juste 
au-dessous  des  triglyphes  antiques  employés  par  ïhémistocle  dans  sa 
restauration.  Lors  du  siège  soutenu  par  les  Grecs  dans  l’Acropole,  en 
1822,  les  assiégés,  instruits  peut-être  par  l’exemple  de  leurs  ancêtres, 
fermèrent  cette  entrée  par  un  mur  épais  percé  de  meurtrières.  Depuis 
on  a  ouvert  dans  ce  mur  une  baie  d’environ  un  mètre  en  carré,  par 
laquelle  on  pénètre  aujourd’hui 

Dans  les  parois  de  la  grotte,  qui  est  fort  irrégulière  et  de  peu  d’éten¬ 
due,  étaient  creusées  de  petites  niches  contenant  des  eæ-voto,  mais  elles 
ont  presque  entièrement  disparu  sous  les  stalactites  qui  les  recouvrent. 
Au  fond,  à  droite,  est  une  espèce  de  corridor  naturel,  haute  fissure 
inclinée  à  droite  de  la  verticale  et  cph  ne  tarde  pas  à  devenir  imprati¬ 
cable.  En  revenant  sur  ses  pas,  le  voyageur  qui  l’a  parcourue  aperçoit- 
le  jour  à  une  assez  grande  hauteur  ;  c’est  là  qu’il  voit  se  terminer  brus- 

1.  Démosthène  et  Plutarque  mentionnent  plusieurs  fois  le  serment  des  jeunes  gens  dans  le 
temple  d’Agraule  ;  ’EcpriPwv  op'^o;  èv  tw  tÿiç  AypaûXou. 

«  Alcibiade  rappelait  sans  cesse  aux  jeunes  gens  le  serment  qu’ils  avaient  prêté  dans  le  temple 
d'Agraule,  et  il  les  sommait  de  l’accomplir.  »  Ploïauque.  Vie  d’Alcibiade. 

2.  Les  femmes  d’Atnènes  juraient  aussi  ordinairement  par  Aglaure. 

«  Par  Aglaure,  ô  femmes,  vous  avez  perdu  le  sens.  »  Aristoph.  Les  Fêtes  de  Gérés. 

3.  ’EvoàXioç,  belliqueux. 

4.  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre. 


GROTTE  D’AGLAURE. 


177 


quement  l’escalier  partant  de  l’enceinte  de  l’Érechthéion.  La  communi¬ 
cation  ne  pouvait  être  établie  qu’à  l’aide  d’une  échelle,  et  c’est  sans 
doute  ce  moyen  qui  fut  employé  par  les  Perses,  si  l’on  en  croit 
MM.  LeakeS  Wordsworth  2  et  Beulé.  Selon  eux,  c’est  par  cette  singu¬ 
lière  entrée,  que  les  Grecs  avaient  négligé  de  garder,  que  les  soldats 
de  Xerxès  surgirent  tout  à  coup  au  milieu  de  la  citadelle.  L’inspection 
des  lieux  rend  cette  supposition  très-vraisemblable  et,  pour  notre  part, 
nous  sommes  très-disposé  à  l’admettre,  tout  en  reconnaissant  que  les 
textes  sur  lesquels  elle  est  fondée  sont  loin  d’être  parfaitement  clairs  et 
positifs.  ((  A  la  fin,  dit  Hérodote,  les  Barbares  découvrirent  une  entrée^ 
qui  les  tira  d’embarras  ;  elle  était  en  avant  de  l’Acropole,  derrière  les 
portes  et  la  montée.  Cette  entrée  n’était  gardée  par  personne,  parce 
qu’on  ne  pensait  pas  qu’un  homme  pût  monter  par  là^^  Quelques  Mèdes  y 
montèrent  cependant  dans  le  temple  ou  près  du  temple^  d’Aglaure,  fille 
de  Cécrops,  bien  que  ce  lieu  fût  très-escarpé  *5.  » 

Le  passage  de  Pausanias  est  moins  concluant  encore  :  «  L’enceinte 
consacrée  à  Aglaure,  dit-il,  est  au-dessus  du  temple  des  Dioscures^.  On 
raconte  à  son  sujet  que  Minerve  mit  Érichthonius  dans  une  boîte  qu’elle 
confia  aux  trois  sœurs  Aglaure,  Herse  et  Pandrose,  en  leur  défendant  de 
chercher  à  savoir  ce  qu’elle  contenait.  Pandrose  lui  obéit,  dit-on,  mais 
les  deux  autres  ouvrirent  la  boîte,  et,  dès  qu’elles  virent  Érichthonius, 
elles  devinrent  furieuses  et  se  précipitèrent  du  haut  du  rocher  où  est  la 


\ .  Topography  of  Athens. 

2.  Athens  and  Attica.  C.  XII. 

3.  Le  mot  suoSoç,  employé  par  Hérodote,  n’a  pas  d’autre  sens  que  celui  d’entrée  ou  passage,  et  il 
serait  bien  impropre,  appliqué  à  une  partie  de  la  muraille  mal  gardée  et  qu’on  eût  escaladée  avec 
des  échelles. 

4.  L’escalier  supérieur  n’eùt  sans  doute  pas  existé  à  cette  époque, 

5.  Les  mots  xaxà  xà  Ipov  peuvent  avoir  l’une  et  l’autre  signification.  Nous  avons  déjà  dit  que  le 

mot  Upôv,  en  dialecte  ionien  Ipov,  s’appliquait  à  tout  endroit  consacré  et  pouvait  désigner  aussi  bien 
une  grotte  qu  un  temple.  Voy.  Pollüx.  Onomasticon.  L.  I,  c.  §  2. 

6.  Hérodote.  L.  VIH,  c.  53. 

Le  môme  historien  ajoute  :  «  Lorsque  les  Athéniens  les  virent  dans  la  citadelle,  les  uns  se  tuèrent 
en  se  précipitant  du  haut  du  mur,  les  autres  se  réfugièrent  dans  le  temple  (celui  de  Minerve  Poliade). 
Ceux  des  Perses  qui  étaient  montés  allèrent  d’abord  aux  portes;  les  ayant  ouvertes,  ils  tuèrent  les 
suppliants  de  la  déesse.  Quand  ils  les  eurent  massacrés,  ils  pillèrent  le  temple,  mirent  le  feu  à  la 
citadelle  et  la  réduisirent  en  cendres.  » 

7.  En  présence  d  une  désignation  aussi  positive,  il  est  difficile  de  comprendre  comment  Stuart  a 
pu  prendre  le  temple  de  la  Victoire  Aptère  pour  le  sanctuaire  d’Aglaure, 


ATHENES. 


citadelle,  de  l’endroit  même  où  il  est  le  plus  escarpé.  C’est  par  cet 
endroit  que  les  Mèdes  y  montèrent  et  tuèrent  ceux  qui,  croyant  avoir 
mieux  saisi  que  Thémistocle  le  sens  de  l’oracle^,  avaient  entouré  la  cita¬ 
delle  de  pieux  et  de  pièces  de  bois  2.  » 

M.  Beulé  fait  jouer  à  la  grotte  d’Aglaüre,  dans  l’histoire  d’Athènes, 
un  autre  rôle,  que  le  voisinage  du  temple  des  Dioscures  ou  Anacéion 
indiqué  par  Pausanias,  rend  parfaitement  possible.  «  Lorsque  Pisistrate, 
dit-il,  se  fut  emparé  de  l’Acropole,  il  voulut  enlever  aux  Athéniens  leurs 
armes,  et  eut  recours  à  la  ruse  suivante.  Il  convoqua  le  peuple  dans 
r Anacéion,  monument  voisin  de  l’Agraulion,  et  se  mit  à  le  haranguer 
d’une  voix  très-faible,  qui  obligeait  tout  le  monde  à  tendre  l’oreille  et 
à  prêter  la  plus  grande  attention.  Pendant  ce  temps,  ses  gardes  s’avan¬ 
cèrent  et  s’emparèrent  des  armes  des  citoyens^  et  les  portèrent  dans  le 
temple  d’Aglaure^.  Par  là,  il  était  facile  de  les  hisser  dans  l’Acropole 
sans  qu’on  s’en  aperçût  ®.  » 

Revenons  à  l’enceinte  ou  téménosL'^  de  l’Érechthéion;  nous  y  verrons 
remplacement  que  M.  Beulé  assigne  à  différents  groupes  mentionnés  par 
Pausanias  s,  le  combat  d’Érechthée  et  d’Eumolpe,  les  antiques  statues 
de  Minerve  qui  avaient  échappé  à  l’incendie  de  l’Acropole ,  Thésée 
sacrifiant  dans  la  citadelle  le  taureau  de  Marathon  9.  Nous  n’avons  point 
à  nous  arrêter  à  ces  monuments,  qui  ont  entièrement  disparu,  mais, 
nous  dirigeant  vers  les  Propylées ,  nous  donnerons  un  coup  d’œil  à  ce 
qui  reste  du  piédestal  qui  porta  la  statue  colossale  de  Minerve  Pro- 


1.  Vo/.  p.  13. 

2.  Pausanias.  Alt.  G.  XVIII. 

3.  ’Avàxetov,  d”'Avax£ç  pour  "AvaxTs;,  nom  des  Dioscures,  Castor  et  Pollux.  On  croit  que  ce  temple, 
dont  il  ne  reste  plus  de  trace,  occupait  sur  le  versant  septentrional  de  l’Acropole,  au-dessous  de 
l’Agraulion,  l’emplacement  où  s’élève  la  petite  église  byzantine  consacrée  à  saint  Élie.  Plan  de 
l’Acropole  H'. 

4.  Les  citoyens  avaient  sans  doute  déposé  leurs  armes  avant  d’entrer  dans  le  temple. 

5.  «  Comme  il  parlait  doucement  et  que  les  autres  tendaient  l’oi'eille  avec  attention ,  les  gardes 
s’avançant  et  enlevant  les  armes  les  portèrent  dans  le  temple  d’Aglaure.  » 

PoLYEN.  Stratag.  I,  21. 

6.  Beulé.  Acropole  d’ Athènes.  T.  I,  p.  158. 

\ 

7.  Plan  de  l’Acropole  Y. 

8.  Att.  G.  XXVII. 

9.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  297. 

10.  Plan  de  l’Acropole  Z. 


PIÉDESTAL  DE  MINERTE  PROMACHOS.  -179 

machos^;  ce  ne  sont  que  quelques  assises  de  tuf  indiquant  un  angle. 

((  Cette  statue,  dit  Pausanias  2,  est  en  bronze  ;  elle  a  été  érigée  aux 
dépens  des  Mèdes  débarqués  à  Marathon.  Elle  est  l’ouvrage  de  Phidias, 
et  c’est  Mys  qui  a,  dit -on,  gravé  sur  le  bouclier  de  la  déesse  le 
combat  des  Lapithes  et  des  Centaures,  et  les  autres  sujets  qui  y  sont 
représentés.  On  ajoute  qu’il  a  gravé  ce  bouclier  et  ses  autres  ouvrages 
d’après  les  dessins  de  Parrhasius,  fils  d’Évenor  h  La  pointe  de  la 
pique  de  Minerve  et  l’aigrette  de  son  casque  se  voient  de  la  mer  dès 
le  promontoire  de  Sunium.  »  Nous  avons  dit  ce  qu’on  devait  penser  de 
la  tradition  rapportée  par  Zosime,  suivant  laquelle  ce  colosse  aurait 
arrêté  Alaric  effrayé  à  sa  vue'^. 

«  On  peut,  dit  M.  Beulé,  calculer  les  dimensions  que  Phidias  donna 
à  sa  statue  sur  les  médailles  de  Paris  et  de  Londres  5,  de  fabriques  et 


de  modules  différents;  elle  est  d’un  tiers  plus  haute  que  le  Parthénon. 
Le  temple  avait  environ  55  pieds;  la  statue  en  avait  donc  75.  Il  faut 
déduire  de  ce  chiffre  la  hauteur  du  piédestal  qui  la  supportait  » 

En  nous  dirigeant  vers  les  Propylées,  nous  laissons  à  droite  l’empla¬ 
cement  présumé  d’un  piédestal  sur  lequel,  suivant  Hérodote,  dut  être 
placé  un  char  de  bronze  provenant  de  la  dîme  du  butin  fait  en  l’an  503  sur 

1.  qui  combat  pour,  qui  défend.  Dans  sa  comédie  des  Chevaliers,  Aristophane  lui  donne 
le  nom  de  Hvlal[Lixyoç,  Pylæmachos,  qui  combat  à  la  porte,  allusion  à  la  position  de  cette  statue 
auprès  des  Propylées. 

2.  AU.  C.  XXVIJI. 

3.  Pausanias  commet  ici  un  anachronisme:  le  peintre  Parrhasius,  fils  d’Évenor,  ne  naquit  à 
Éphèse  que  vers  l’an  420  avant  J.-C.,  au  moins  dix  ans  après  la  mort  de  Phidias.  M.  Beulé  {Revue  des 
Deux  Mondes,  mars  1860)  substitue  au  nom  de  Parrhasius  celui  d’un  certain  Pérasius. 

4.  Voy.  p.  130. 

5.  Ces  médailles  représentent  l’Acropole  avec  le  Parthénon  et  la  statue  de  Minerve  Promachos. 

6.  E.  Beulé.  La  Jeunesse  de  Phidias  {Revue  des  Deux  Mondes,  mars  1860). 


■180 


AT  11  ÈNES. 


les  Chalcidiens  et  les  Béotiens  Traversant  les  Propylées  et  passant 
entre  la  Pinacothèque  et  le  piédestal  d’ Agrippa,  nous  trouvons  dans 
l’angle  o  le  point  d’où  partait  un  escalier  conduisant  de  l’intérieur  de 
la  citadelle  à  la  grotte  de  Pan  2.  Aujourd’hui  cette  communication 
n’existe  plus,  aussi  ne  décrirons -nous  la  grotte  qu’ après  être  sorti  de  la 
citadelle. 

Fontaine  Clepsydre.  Dans  l’angle  opposé  de  l’esplanade  où  s’élève 
le  piédestal  d’ Agrippa,  nous  trouverons  auparavant  un  autre  esca¬ 
lier  P  par  lequel  nous  descendrons  visiter  la  fameuse  fontaine  appelée 
d’abord  Empeclo,  et  qui  prit  ensuite  le  nom  de  Clepsydre  \  et  aux 
eaux  de  laquelle  les  anciens  paraissent  avoir  attaché  quelque  idée  reli¬ 
gieuse 

En  182d  et  1822,  pendant  la  guerre  de  l’indépendance,  M.  Pittakis 
fit  partie  d’une  commission  chargée  de  trouver  de  l’eau  pour  le  service 
de  la  citadelle;  il  pensa  à  rechercher  la  fontaine  Clepsydre  que  les 
auteurs  anciens  indiquaient  comme  existant  dans  le  voisinage  de  la  grotte 
de  Pan  5.  Ce  fut  en  effet  dans  une  petite  église  byzantine  consacrée  aux 
saints  apôtres,  située  à  peu  de  distance  de  la  grotte,  et  que  M.  Pittakis 
croit  avoir  succédé  à  un  temple  dédié  à  Neptune,  que  la  fontaine  fut 
retrouvée.  Elle  existait  devant  l’entrée  de  l’église  et  depuis  longtemps 
était  comblée.  On  la  dégagea  et  on  y  retrouva  l’eau  aussi  abondante 
qu’à  l’époque  où  elle  était  conduite  à  la  clepsydre  de  la  Tour  des  Vents. 
La  fontaine  étant  située  en  dehors  de  l’Acropole,  Odyssée,  chef  des 


1.  «  Les  Athéniens  consacrèrent  aux  dieux  la  dixième  partie  de  l’argent  qu’ils  retirèrent  de  la 

rançon  des  prisonniers,  et  on  en  fit  un  char  de  bronze  à  quatre  chevaux  qu’on  plaça  à  main  gauche, 
tout  à  l’entrée  des  Propylées  de  la  citadelle,  avec  cette  inscription  :  «  Les  Athéniens  ont  dompté  par 
leurs  exploits  les  Béotiens  et  les  Chalcidiens,  et,  les  ayant  chargés  de  chaînes,  ils  ont  éteint  leur 
insolence  dans  l’obscurité  d’une  prison.  De  la  dîme  de  leur  rançon,  ils  ont  offert  à  Pallas  ces  che¬ 
vaux.  »  Hérodote.  L.  V,  c.  77. 

2.  Plan  de  l’Acropole  L 

3.  ((  Mvrrhine  ;  Comment  me  purifier  pour  rentrer  dans  la  citadelle?  » 

<!  CiNÉsiAs  :  C’est  fort  aisé;  tu  te  laveras  à  la  Clepsydre.  »  Aristoph.  Lysistr.,  v.  909. 

4.  «  Quand  Antoine  voulut  partir  pour  aller  à  la  guerre,  il  prit  vn  chapeau  (une  couronne)  de  la 
saincte  Olive  (l’olivier  sacré)  et  emporta  avec  lui  vn  vase  plein  de  l’eau  de  la  fontaine  Clepsydre  pour 
autant  qu’il  auoit  eu  quelque  oracle  qui  lui  commandoit  ainsi  de  le  faire.  » 

Pldtarqee.  Vie  d’Antoine. 

5.  ITXriffi'ov  xoü  llaveioo  r]  KXei);ijSpa. 

«  Près  de  la  grotte  de  Pan  est  la  Clepsydre.  Schol.  d’ Aristoph.  Lysistr.,  v.  910. 


FONTATNK  CLEPSYDRE. 


181 


Grecs,  résolut  de  l’enfermer  dans  un  bastion  sur  leciuel  il  fit  graver  cette 
inscription  : 


nPOMAXEQNA  TONAE  HHEAIOr  Y \A 
TOS  ANHEEIPEN  EK  BA0PON  OAÏ 
SSEYS  ANAPIÏZOr  EAAHNÜN  STPATHEOS 
ETEI  AÜKB  KATA  MHNA 
LEIITEMB  PION 

«  Odyssée,  fils  d’Andritzès,  général  des  Grecs,  éleva  ce  bastion  au-dessus  d’une  source 
dans  l’année  1822,  au  mois  de  septembre.  » 

Moins  de  deux  ans  après,  le  17  juin  1824,  le  corps  du  malheureux 
Odyssée  était  suspendu  à  une  fenêtre  de  la  tour  voisine  où  il  était  retenu 
prisonnier  depuis  plusieurs  mois. 

La  construction  du  bastion  devant  obstruer  la  porte  de  l’église,  on 
éleva  au-dessus  de  la  fontaine  une  voûte  en  cul  de  four,  percée  d’une 
margelle  ciui  établissait  une  communication  avec  l’étage  supérieur.  Voici 
dans  quel  état  se  présentent  aujourd’hui  la  fontaine  et  l’église.  A  l’extré¬ 
mité  occidentale  du  mur  de  Thémistocle,  et  au-dessous  de  l’aile  septen¬ 
trionale  des  Propylées,  se  trouve  le  bastion  moderne  s  ;  on  y  descend  de 
l’Acropole  par  l’escalier  p  ^  dont  nous  avons  parlé.  Après  sept  marches  à 
ciel  ouvert,  on  trouve  à  droite,  sous  une  voûte  moderne,  quatorze  degrés 
dont  deux  taillés  dans  le  roc,  et  on  arrive  à  une  porte  percée  à  gauche 
dans  un  mur  antique,  et  conduisant  sur  le  terre-plein  du  bastion  s;  cette 
porte,  de  1"',  30  en  tout  sens,  est  formée  de  deux  jambages  et  d’un 
linteau  byzantins  provenant  peut-être  de  la  porte  de  l’église  ensevelie. 
Le  jambage  de  gauche  porte  une  croix  grossièrement  sculptée,  et  sur  le 
linteau  sont  des  palmettes  alternant  avec  des  croix  inscrites  dans  des 
cercles.  De  la  terrasse  du  bastion ,  un  escalier  moderne  composé  de 
c{uelques  marches  seulement  conduit  à  un  petit  réduit  voûté  ménagé  au- 
dessus  de  la  fontaine  et  garni  d’une  margelle  qui  permettait  aux  assiégés 
de  puiser  l’eau  sans  descendre  juscju’à  la  fontaine  même,  par  un  escalier 
bien  plus  long  et  plus  difficile. 

Rentrant  par  la  porte  byzantine  que  nous  avons  décrite,  on  trouve  à 
gauche  ce  dernier  escalier,  composé  en  partie  de  degrés  construits  dans 


1.  Plan  de  l’Acropole. 


ATHÈNES. 


les  temps  modernes,  en  partie  de  l’ancien  escalier  de  la  grotte  de  Pan 
taillé  dans  le  roc.  A  l’extrémité  inférieure  de  cet  escalier,  assez  peu 
praticable,  on  trouve  une  ouverture  B  percée  violemment  dans  la 


muraille  méridionale  de  la  petite  église  des  Saints- Apôtres,  devenue 
souterraine. 

Celle-ci,  dont  le  sol  est  jonché  de  décombres,  est  couverte  d’une 
voûte  à  plein  cintre  reposant  sur  des  parois  verticales,  dont  la  partie 
inférieure  est  taillée  dans  le  roc.  Le  cul  de  four  en  briques  C,  qui  a 


Intérieur  des  Saints-Apôtres. 


remplacé  l’ancienne  entrée,  contient  un  puits  dont  la  margelle  en  marbre 
est  très-usée  ;  c’est  là  qu’à  10  mètres  environ  de  profondeur  se  trouve 
la  fontaine  Clepsydre;  l’eau  légèrement  salée  et  très-profonde  y  sort 
d’une  fissure  du  rocher,  qui  avait  été  décorée  d’un  petit  frontispice  de 


GROTTE  DE  PAN. 


183 


marbre  composé  de  deux  piédroits  avec  un  fronton  portant  sur  la  frise 
le  seul  mot  «eptnikot. 


Embouchure  du  canal  de  la  Clepsydre. 


La  chapelle  a  environ  h  mètres  de  long  sur  2'",  50  de  large.  L’autel, 
dont  il  ne  reste  plus  de  traces,  devait  être  placé  en  A,  près  de  l’en¬ 
trée  moderne;  on  y  voit  encore  peint  le  Christ  entre  la  Vierge  et 
saint  Jean  évangéliste.  Les  parois  présentaient  les  images  grossières 
des  douze  apôtres;  trois  du  côté  sud  ont  été  détruites  en  pratiquant 
l’ouverture  de  la  muraille.  Enfin,  sur  l’arc  du  cul  de  four  qui  a  remplacé 
la  porte,  on  distingue  à  gauche  une  figure  prosternée,  qui  semble  avoir 
fait  partie  d’une  Annonciation.  Toutes  ces  fresques  barbares,  remontant 
au  moins  au  x®  siècle,  sont  en  fort  mauvais  état;  elles  offrent  en  maint 
endroit  les  traces  de  balles  tirées  par  les  Turcs.  La  chapelle  est  com¬ 
plètement  obscure,  et,  pendant  que  je  la  dessinais,  l’éclat  de  ma  bougie 
réveilla  quelques-unes  des  chauves-souris  suspendues  à  la  voûte  et  seules 
habitantes  du  sanctuaire  abandonné. 

Grotte  de  Pan.  Nous  avons  fini  la  visite  de  l’Acropole;  quelques 
édifices  adossés  à  son  rocher  nous  restent  à  étudier,  mais  ils  sont  entiè¬ 
rement  indépendants  de  la  citadelle  et  ils  trouveront  leur  place  dans  un 
autre  chapitre;  il  n’en  est  pas  de  même  de  la  grotte  de  Pan,  qui,  nous 
l’avons  dit,  avait  avec  l’Acropole  une  communication  directe  par  son 
escalier  taillé  dans  le  roc,  et  c’est  par  elle  c|ue  nous  terminerons  cet 
examen  de  la  partie  la  plus  célèbre  et  la  plus  intéressante  de  l’antique 
Athènes. 

La  grotte  de  Pan^,  située  à  la  droite  de  celle  d’Aglaure,  auprès  du 
bastion  moderne  qui  renferme  la  fontaine  Clepsydre,  avait  été  primitive¬ 
ment  dédiée  à  Apollon,  et,  dans  son  enceinte,  Créuse,  fille  d’Érechthée, 


1.  Plan  de  l’Acropole  I.  La  grotte  est  indiquée  sur  la  médaille  que  nous  avons  donnée  p.  179. 


ATHÈNES. 


1 84 

victime  de  la  passion  de  ce  dieu^,  avait  exposé  elle-même  son  fils  Ion, 
qui  donna  son  nom  aux  Ioniens  d’Europe  et  d’Asie Cette  grotte  fut 
plus  tard  consacrée  également  à  Pan  par  les  Athéniens,  en  reconnais¬ 
sance  de’  la  terreur  qu’il  avait  répandue  parmi  les  Perses  à  Marathon  s, 
terreur  sans  cause  et  sans  mesure  qui,  depuis  lors,  fut  appelée  panique. 
Si  l’on  en  croit  Lucien'^,  qui  n’y  croit  guère  lui-même^,  le  dieu  quitta 
les  montagnes  d’Arcadie  et  vint  s’établir  dans  la  grotte  ciui  lui  était 


1.  «  Il  est  une  ville  célèbi’e  de  la  Grèce  à  laquelle  Pallas  à  la  langue  d’or  a  donné  son  nom;  là, 

Phébus  surprit  Gi'éuse,  fille  d’Érecbthée,  et  la  força  de  céder  à  sa  passion  au  pied  de  la  citadelle  de 
Pallas.  »  Euripide.  Ion. 

«  CréüsÊ  :  Tu  connais  cet  antre  exposé  au  souffle  de  Borée,  creusé  dans  le  rocher  de  Cécrops  que 
nous  appelons  Macra? 

«  Le  Vieillard  :  Je  connais  cette  grotte  où  est  le  sanctuaire  de  Pan,  non  loin  d’un  autel. 

«  Creuse  :  C’est  là  que  j’ai  soutenu  une  lutte  déplorable.  »  Id.  Ibid. 

2.  Euripide.  Ion.,  sc.  l*"®. 

3.  «  En  descendant,  non  dans  la  ville  basse,  mais  un  peu  au-dessous  des  Propylées,  vous  trouverez 

une  fontaine,  et  tout  auprès  un  sanctuaire  d’Apollon  dans  une  grotte;  ce  fut  là,  dit-on,  qu’ Apollon 
surprit  Créuse,  fille  d’Érechthée.  11  y  a  dans  le  même  endroit  un  lieu  consacré  à  Pan.  On  raconte, 
au  sujet  de  ce  dieu,  que  Phidippide,  envoyé  à  Lacédémone  pour  annoncer  le  débarquement  des  Perses 
dans  l’Attique,  dit  à  son  retour  que  les  Lacédémoniens  avaient  différé  leur  départ,  leurs  lois  ne  leur 
permettant  pas  de  sortir  pour  combattre  avant  que  la  lune  fût  dans  son  plein.  Mais  il  ajouta  qu’il 
avait  rencontré  Pan  sur  le  mont  Parthénius,  et  que  es  dieu  lui  avait  dit  qu’il  voulait  du  bien  aux 
Athéniens  et  qu’il  se  trouverait  à  Marathon  pour  les  secourir.  C’est  sur  cet  avis  que  le  culte  de  Pan 
s’établit  à  Athènes.  »  Pausanias.  Ait.  C.  XXVIII. 

«  Avant  de  sortir  de  la  ville,  les  généraux  (athéniens)  envoyèrent  d’abord  à  Sparte,  en  qualité'  de 
héraut,  Phidippide,  Athénien  de  naissance,  et  hémérodrome  (courrier  de  pour)  de  profession.  S'il 
faut  en  croire  le  rapport  que  fit  à  son  retour  Phidippide  lui-même.  Pan  lui  apparut  près  du  mont 
Parthénion,  au-dessus  de  Tégée,  l’appela  à  haute  voix  par  son  nom  et  lui  ordonna  de  demander  aux 
Athéniens  pourquoi  ils  ne  lui  rendaient  aucun  culte,  à  lui  qui  avait  pour  eux  de  la  bienveillance, 
qui  leur  avait  déjà  été  utile  en  plusieurs  occasions  et  qui  le  serait  encore  dans  la  suite.  Les  Athéniens 
ajoutèrent  foi  au  rapport  de  Phidippide,  et,  lorsqu’ils  virent  leurs  affaires  prospérer,  ils  bâtirent 
une  chapelle  à  Pan,  au-dessous  de  la  citadelle.  Depuis  cette  époque,  ils  se  rendirent  ce  dieu  propice 
par  des  sacrifices  annuels  et  par  des  courses  de  flambeaux.  »  Hérodote.  L.  VI,  c.  105. 

«  Le  premier  qui  employa  la  formule  de  salutation  xaXçe  fut  le  coureur  Phidippide  qui,  venant 
annoncer  la  victoire  de  Marathon,  cria  aux  archontes  assis  sur  leurs  sièges  et  inquiets  de  l’issue  du 
combat  :  Nous  sommes  vainqueurs!  Réjouissez-vous,  xaipe-ce.  En  prononçant  ce  mot,  il  expira.  » 

Lucien.  Sur  une  faute  commise  en  saluant. 

i.  i(  Dernièrement,  j’ai  combattu  pour  les  Athéniens  et  je  me  suis  tellement  distingué  à  Marathon 
que,  pour  prix  de  mon  courage,  on  m’a  consacré  la  grotte  qui  est  sous  l’Acropole.  Si  jamais  vous 
allez  à  Athènes,  vous  verrez  comme  on  y  vénère  le  nom  de  Pan. 

Lucien.  23®  Dialogue  des  Dieux. 

((  Mercure:  Comment!  tu  ne  reconnais  pas  Pan,  le  plus  bachique  des  serviteurs  de  Bacchus?  Il 
habitait  autrefois  les  hauteurs  du  mont  Parthénius;  mais,  lors  de  l’expédition  de  Datis  et  de  la 
descente  des  barbares  à  Marathon,  il  vint  au  secours  des  Athéniens  sans  qu’on  l’y  eût  appelé.  Depuis 
cette  époque,  il  a  reçu  pour  demeure  la  grotte  située  sous  l’Acropole;  il  réside  tout  près  du  Pélas- 
gique  {mur  construit  par  les  Pélasges).,  et  on  l’a  admis  parmi  les  métœques  {étrangers  domiciliés).  » 

Lucien.  La  Double  accusation. 

5.  ((  Celui  qui  ne  tiendrait  pas  pour  vrais  ces  contes  ridicules  et  qui,  les  soumettant  à  un  sérieux 


GROTTE  DE  PAN. 


18o 


offerte,  faisant  retentir  les  longs  rochers  des  sons  joyeux  de  sa  flûte  Le 
peuple  se  rendait  deux  ou  trois  fois  par  an  à  ce  nouveau  sanctuaire 
pour  sacrifier  un  bouc  et  se  livrer  à  des  réjouissances  2. 


Grotte  de  Pan. 


La  grotte,  haute  de  10  mètres,  large  de  6,  n'a  pas  plus  de  5  mètres 
de  profondeur,  et  cependant  il  dut  en  être  toujours  ainsi,  car  sur  sa 
surface  extérieure  on  voit  des  traces  à' ex-voto  qui  eussent  disparu  si  la 
partie  antérieure  du  rocher  eût  été  abattue  ou  se  fût  écroulée  plus  tard. 


examen,  regarderait  comme  une  fable...  que  Pan  soit  venu  du  fond  de  l’Arcadie  au  secours  des 
Athéniens,  à  Marathon,  etc.,  celui-là,  dis-je,  passerait  pour  un  impie,  un  insensé,  do  refuser  sa 
ci’éance  à  des  faits  si  authentiques  et  si  avérés.  Telle  est  la  puissance  du  mensonge.  » 

Lücien.  Le  Menteur  par  inclination. 

1.  <(  Pan  :  Moi,  je  me  retire  dans  ma  grotte  où  je  vais  jouer  quelqu’une  de  ces  chansons  amou¬ 
reuses  dont  j’ai  coutume  de  fatiguer  Écho.  »  Lucien.  La  Double  accusation. 

«  O  retraite  de  Pan  !  grotte  voisine  des  rochers  de  Macra,  où  les  trois  filles  d’Agraule,  dans  leurs 
danses  légères,  foulent  les  verts  gazons  qui  fleurissent  au  pied  du  temple  de  Pallas,  aux  modulations 
variées  de  la  flûte  champêtre,  lorsque,  ô  Pan!  tu  la  fais  résonner  dans  ta  caverne.  » 

Euripide.  Ion. 

2.  «  La  Justice  :  Comment  te  trouves-tu  de  ton  séjour  à  Athènes?  » 

«  Pan  :  Pour  tout  dire,  on  ne  me  traite  pas  selon  mon  mérite,  et  je  suis  obligé  de  rabattre  beau¬ 
coup  de  mes  espérances.  Cependant,  j’ai  réprimé  un  fameux  désordre  lors  de  l’invasion  des  Barbares. 
Il  est  vrai  que,  deux  ou  trois  fois  par  an,  on  monte  ici  et  l’on  m’immole  un  bouc  sentant  fortement 
le  gousset;  les  assistants  font  de  sa  chair  un  régal  dont  je  suis  le  témoin  inactif,  et  m’honorent  de 
quelc[ues  froids  applaudissements.  Toutefois,  je  me  divertis  un  peu  de  leurs  rires  et  de  leurs  bouf¬ 
fonneries.  »  Lucien.  La  Double  accusation. 


186 


ATHÈNES. 


Il  est  probable  qu’en  avant  de  la  grotte  on  avait  élevé  quelque  con¬ 
struction  qui  en  agrandissait  l’enceinte,  ainsi  que  le  firent  à  leur 
tour  les  chrétiens  lorsqu’ils  la  convertirent  en  une  chapelle  dédiée  à 
saint  Athanase.  Quelques  restes  de  murailles  en  brique  datant  de  cette 
époque  se  voient  encore  sur  le  rocher  à  droite  de  l’entrée.  Au  fond 
de  la  grotte  est  grossièrement  taillée  dans  le  roc  la  niche  qui  con¬ 
tenait  la  statue  de  Pan;  elle  n’a  que  i‘", 35  sur  0™, 65.  Plus  haut  est 
une  seconde  niche,  sans  doute  destinée  à  la  statue  d’Apollon  Les  parois 
sont  partout  couvertes  de  cavités  rondes ,  carrées  ou  oblongues ,  de 
différentes  dimensions,  destinées  à  recevoir  des  ex-voto  de  marbre.  Plu¬ 
sieurs  de  ceux-ci  étaient  fixés  par  des  tenons  dont  les  trous  de  scelle¬ 
ment  sont  encore  visibles  au  fond  des  cavités.  Des  trous  de  clous 
percés  dans  la  paroi  unie  indiquent  que  d’autres  ex-voto  y  étaient  simple¬ 
ment  suspendus. 

Dans  l’une  des  comédies  d’Aristophane,  dans  Lysistrate,  l’escalier  et 
la  grotte  de  Pan  sont  le  théâtre  d’une  scène  qu’il  nous  serait  impossible 
de  reproduire  ici;  nous  nous  contenterons  de  renvoyer  nos  lecteurs  aux 
œuvres  du  comique  grec,  s’ils  sont  curieux  de  voir  à  quel  point  la  licence 
était  poussée  chez  un  peuple  alors  pourtant  le  plus  policé,  non-seulement 
de  la  Grèce,  mais  encore  du  monde  entier. 

1.  Dans  la  grotte  de  Pan,  une  statue  avait  été  dédiée  par  Miltiade,  et  l’inscription  en  avait  été 
composée  par  Sinionide  {Poet.  Min.  I,  p.  367).  Chr.  Wordsworth  {Athens  and  Aitica.  C.  XII)  pré¬ 
tend  que  cette  statue  orne  aujourd’hui  le  vestibule  de  la  bibliothèque  de  Cambridge. 


T  K  Ml' LE  DE  THESEE. 


Temple  de  Junon  et  de  Jupiter  Panhellénien. 


CHAPITRE  V 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


MONUMENT  DE  CHALCODON, 

METUOUN.  TEMPLE  DE  GÉRÉS.  TEMPLE  DE  JUPITER  OLYMPIEN. 
TEMPLE  DE  JUNON  ET  DE  JUPITER  PANHELLÉNIEN. 

TEMPLE  DE  RACCIIUS  OU  LENœON. 

COLONNE  AU  SUD  DE  l’ AC  RO  POLE. 

E  temple  cpie  nous  allons  décrire  est, 
parmi  les  édifices  sacrés  d’Athènes,  celui 
dont  la  construction  remonte  à  l’époque 
la  plus  reculée.  Plutarcpe  nous  apprend 
que  les  Athéniens  élevèrent  un  temple  à 
Thésée  après  son  retour  de  Crète  et  sa 
victoire  sur  le  Minotaure.  Thésée  lui- 
mêmé  ordonna  c{ue  le  revenu  destiné  à 
l’entretien  de  ce  temple  et  les  frais  des 
sacrifices  qui  s’y  feraient  seraient  pris  sur  le  tribut  que  l’on  payait  au 
roi  Minos ,  tribut  dont  il  avait  par  sa  valeur  affranchi  les  Athéniens.  Il 


ir 


ATHÈNES. 


1 88 

confia  le  soin  des  cérémonies  qu’on  y  devait  célébrer  aux  descendants 
de  Phytalus^,  aux  Phytalides  qui  étaient  allés  le  recevoir  près  du  fleuve 
Céphyse,  à  sa  première  arrivée  à  Athènes,  et,  à  sa  prière,  l’avaient  purifié 
du  meurtre  de  Sinis.  Ce  temple  ne  fut  pas  le  seul  élevé  à  Thésée  de  son 
vivant;  les  Athéniens  lui  en  consacrèrent  un  grand  nombre,  mais  il  ne 
s’en  réserva  c^ue  quatre  et  fit  dédier  tous  les  autres  à  Hercule,  en 
reconnaissance  de  ce  que  ce  héros  l’avait  délivré  de  la  prison  où  il  avait 
été  renfermé  par  Adonéus,  roi  des  Molosses;  il  fit  même  changer  le 
nom  de  ©vicsla  cjne  portaient  ces  temples  en  celui  d’HpocxXeta^. 

Aucun  vestige  de  ces  temples  n’est  parvenu  jusqu’à  nous;  mais  nou's 
possédons  presque  intact  celui  qui  fut  élevé  plus  tard  en  l’honneur  du 
même  héros.  Ce  monument  fut  achevé  l’an  470  avant  Jésus-Christ,  dans 
la  troisième  année  de  la  77®  olympiade,  sous  l’archontat  d’Aphepsion 
près  de  huit  siècles  après  la  mort  de  Thésée,  cparante  ans  avant  celle 
de  Périclès,  et  trente  ans  avant  la  construction  du  Parthénon. 

Malgré  l’opposition  de  quelques  archéologues,  il  nous  semble  qu’il 
ne  peut  s’élever  aucun  doute  sur  la  dédicace  de  ce  temple  au  vainqueur 
du  Minotaure  ;  nous  en  trouverons  des  preuves  irrécusables  dans  les 
sujets  des  sculptures  qui  le  décorent  et  dans  lesquelles,  toutes  mutilées 
qu’elles  soient,  il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  plusieurs  des 
exploits  du  héros  athénien.  C’est  bien  là  le  temple  que  Plutarque  et 
Pausanias  placent  près  du  gymnase  de  Ptolémée'^. 

Ainsi  que  nous  le  verrons,  il  existe  encore  des  restes  assez  considé- 


1.  Phytalus,  héros  éleusinien,  donna'  l’iiospitalité  à  Gérés,  qui  lui  fit  présent  du  figuier.  Les 
Phytalides,  ses  descendants,  présidaient  aux  purifications. 

2.  «  A  son  retour,  il  dédia  à  Hercules  tous  les  temples  que  la  ville,  auparauant,  avoit  faict  bastir 

en  son  hoiîeur  ;  et  au  lieu  que  premièrement  ils  s’appeloyent  Thesea,  il  les  surnoma  tous  Herculea, 
excepté  quatre,  ainsi  que  l’escrit  Philochorus.  »  Plutarque.  Vie  de  Thésée. 

«  Thésée  a  Hercule  :  Quitte  donc  Thèbes  pour  obéir  à  la  loi  et  suis-moi  dans  la  ville  de  Pallas, 
Là  tu  purifieras  tes  mains  du  sang  dont  elles  sont  souillées,  et  tu  partageras  mon  palais  et  ma  fortune; 
tous  les  présents  que  je  reçus  des  citoyens  pour  avoir  sauvé  sept  vierges  et  sept  jeunes  garçons  en 
tuant  le  taureau  de  Crète,  je  te  les  donnerai.  De  tous  côtés,  des  portions  de  terre  me  sont  réservées  ; 
je  veux  que  désormais  elles  portent  ton  nom  et  t’appartiennent  pendant  ta  vie;  et,  après  ta  mort, 
lorsque  tu  seras  descendu  dans  le  royaume  de  Pluton,  la  cité  d’Athènes  t’honorera  par  des  sacrifices 
et  par  des  monuments  de  marbre  élevés  à  ta  gloire.  »  Euripide.  Hercule  furieux.,  sc.  dern. 

3.  Plutarque.  Vie  de  Cinion. 

4.  «  Il  fut  enterré  au  milieu  de  la  ville,  près  du  lieu  où  est  aujourd’hui  le  gymnase.  » 

Plutarque.  Vie  de  Thésée. 

I'  Le  temple  de  Thésée  est  voisin  du  gymnase  do  Ptolémée.  » 

Pausanias.  AU.  G.  XVII. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


189 


râbles  de  ce  gymnase,  et  leur  situation  à  l’égard  du  temple  répond  exac¬ 
tement  aux  indications  que  ces  auteurs  nous  ont  laissées.  Ce  sont  eux 
aussi  qui  nous  apprennent  cpel  fut  le  motif  des  honneurs  rendus  à  Thésée. 
Plutarque,  après  avoir  raconté  ses  actions  héroïques,  l’ingratitude  dont 
les  Athéniens,  en  proie  aux  factions,  payèrent  ses  services,  puis  son  ban¬ 
nissement  et  sa  mort  dans  l’exil,  ajoute  :  «  Et  depuis,  y  a  eu  beaucoup 
d’occasions  cjui  ont  esmeu  les  Athéniens  à  le  reuerer  et  honorer  corne 
demi-dieu  :  car  en  la  bataille  de  Marathon,  plusieurs  pensèrent  voir 
son  image  en  armes,  combattant  contre  les  Barbares  :  et  depuis  les 
guerres  médoises.  l’année  que  Phædon  fust  préuost^  à  Athènes,  la  reli¬ 
gieuse  Pythia  respondit  aux  Athéniens  qui  auoyent  enuoyé  à  l’oracle 
d’Apollo,  qu’ils  retirassent  les  os  de  Theseus,  et  que,  les  mettans  en  lieu 
honorable,  ils  les  gardassent  religieusement  :  mais  il  estoit  bien  malaisé 
de  trouuer  sa  sépulture  :  et  quand  bien  on  l’eust  trouuée,  encores  estoit-il 
plus  difficile  d’en  emporter  les  os  pour  la  malice  des  Barbares  habitans 
de  l’isle  2,  qui  estoient  si  farouches  c{ue  l’on  ne  pouuoit  fréciuenter  auec 
eux.  Toustesfois  Cimon  l’ayant  prise,  corne  nous  l’auons  escript  en  sa 
vie ,  cerchant  ceste  sépulture ,  apperçeut  de  bonne  fortune  vn  aigle  qui 
frappoit  du  bec  et  grattoit  des  griphes  en  vn  endroit  qui  estoit  vn  peu 
releué;  si  lui  vint  incontinent  en  pensée,  corne  par  inspiration  diuine,  de 
faire  fouiller  en  ce  lieu,  là  où  l’on  trouva  la  sépulture  d’un  grand  corps 
avec  la  pointe  d’vne  lance  qui  estoit  d’airain,  et  vue  espée.  Lesquelles 
choses  furent  toutes  portées  à  Athènes  par  Cimon  sur  sa  galère  capi- 
tainesse,  que  les  Athéniens  reçeurent  à  grand  joye,  auec  processions  et 
sacrifices  magnifiques,  ni  plus  ni  moins  que  si  ç’eust  esté  Theseus  lui- 
même  viuant  qui  fust  étourné  en  la  ville  » 

A  cette  occasion  on  institua  des  fêtes  et  des  jeux  en  l’honneur  du’ fils 
d’Égée,  et  ce  fut  alors  qu’eut  lieu  le  fameux  concours  entre  Eschyle  et 

1.  C’est-à-dire  archonte.  L’an  476  avant  J.-C. 

2.  Scyros,  aujourd’hui  Skyros,  île  de  la  mer  Égée,  où  était  mort  Thésée. 

3.  L’an  469  avant  J.-C. 

4.  Plutarque.  Vie  de  Thésée.  Trad.  d’Amyot. 

«  Après  un  règne  de  trente  ans,  Thésée  mourut  sur  la  terre  étrangère,  exilé  de  sa  patrie  pendant 
une  révolte;  mais  les  Athéniens  s’en  étant  plus  tard  repentis  6rent  rapporter  ses  os,  lui  rendirent 
les  honneurs  divins  et  lui  consacrèrent  un  temple  avec  droit  d’asile,  qui  reçut  le  nom  de  Théseion.  » 

Diodore  de  Sicile.  L.  IV,  62. 


■190 


ATlIÈxNES. 


Sophocle,  concours  à  la  suite  duquel  Eschyle  vaincu  se  condamna  à  un 
exil  volontaire  et  se  retira  en  Sicile. 

Le  temple  élevé  à  cette  époque  par  les  soins  de  Cimon  et  sur  les  des¬ 
sins  de  Micon,  pour  y  déposer  les  dépouilles  du  héros,  est  celui-là  même 
que  nous  voyons  aujourd’hui  presque  entier  et  le  mieux  conservé  de  tous 
les  monuments  d’Athènes.  Il  fut  dans  l’antiquité  un  lieu  d’asile  pour  les 
esclaves  maltraités  par  leurs  maîtres,  et  pour  les  citoyens  de  condition 
inférieure  poursuivis  par  quelque  homme  puissant^,  et  cela  en  mémoire 
de  Thésée,  dont  la  vie  entière  avait  été  consacrée  à  la  défense  de  l’infor¬ 
tune  et  de  la  faiblesse.  Ce  temple  fut  aussi  employé  à  divers  usages 
civils;  il  servit  de  lieu  d’assemblée  aux  thesmothètes ^ ;  par  la  suite,  on 
y  plaida  même  quelques  causes ,  et  il  devint  une  espèce  de  prison 
publique 

Le  temple  de  Thésée,  édifice  essentiellement  dorien  et  que  les  anciens 
admiraient  presque  à  l’égal  du  Parthénon'^,  est  situé  sur  un  plateau 
légèrement  surélevé  qui  se  détache  au  nord  de  la  montagne  de  l’Aréo¬ 
page.  Il  est  hexastyle  et  périptère  et  ressemble  beaucoup  au  Parthénon 
auquel  probablement  il  a  du  servir  de  type. 


plan  du  temple  do  Thésée. 


Il  se  composait  d’un  péristyle  AB  CD  et  d’une  cella,  large  dans  œuvre 
de  6™, 22,  comprenant  le  pronaos  E  profond  de  5  mètres,  le  naos  ou 
sanctuaire  F,  long  de  12'",  10,  et  le  posticwn  G,  profond  de  A™,  90. 

1.  PoLLux.  Onomasticon.  L.  VIL  —  Plutarque.  Vie  de  Thésée. 

2.  Les  six  derniers  des  neuf  archontes.  Ils  composaient  un  tribunal  civil  et  criminel,  veillaient  au 
maintien  des  lois  et  des  droits  du  peuple,  recueillaient  les  suffrages  dans  les  assemblées,  etc. 

3.  Esciiine.  C.  Ctésiphon. 

4.  «  Nous  voyons  chacun  admirer  le  temple  de  Thésée  autant  que  le  Parthénon.  » 

Plutarque.  De  Exsil.  007,  8. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


191 


La  façade  principale  A  B  est  tournée  à  l’orient,  et  dans  le  portique 
antérieur  on  voit  une  ligne  gravée  sur  le  sol  que  l’on  a  supposé  avoir 
été  une  méridienne  ;  mais  Revett  ne  croit  pas  à  la  possibilité  de  cette 
destination  à  laquelle  se  fût  opposée  l’ombre  des  colonnes  et  du  soffite. 
Le  temple  s’élève  sur  un  stylobate  composé  de  deux  degrés  de  marbre, 
reposant  sur  des  assises  de  pierre  du  Pirée  qui  sont  visibles  à  l’ouest  et 
au  nord,  où  le  sol  est  moins  élevé,  et  qui  à  l’angle  nord-ouest  atteignent 
le  nombre  de  sept. 

La  dimension  du  temple,  prise  au  degré  supérieur  du  stylobate,  est 
de  31™,  85  sur  13™,  85.  Il  est  formé  entièrement  de  marbre  pentélique. 
Les  colonnes  d’ordre  dorique,  cannelées  et  sans  base,  n’ont  point  d’astra¬ 
gale*,  et  ce  membre  est  remplacé  par  un  anglet^qui,  comme  au  Par- 
thénon,  ne  fait  que  couper  les  cannelures  sans  les  arrêter.  Ces  colonnes 


sont  au  nombre  de  six  à  chacune  des  façades;  leur  diamètre  est,  au  pied 
du  fût,  de  1™,009,  et  à  la  naissance  du  chapiteau,  de  0™,79/i-.  La  hauteur 
du  fût  est  de  5™,50,  celle  du  chapiteau  de  0™,38,  ce  qui  donne  une  élé¬ 
vation  totale  de  5™,  88.  M.  Woods  ^  reproche  aux  chapiteaux  leur  peu 
d’élévation  ;  nous  regardons  ce  blâme  comme  mal  fondé;  les  chapiteaux 
du  temple  de  Thésée  ont  proportionnellement  autant  de  hauteur  que  ceux 
des  autres  temples  de  l’ordre  dorique  gi^c.  Ils  ne  présentent  au-dessous 
de  l’échine  que  trois  filets  comme  les  colonnes  du  pronaos  et  du  posticuiii 
du  Parthénon,  dont  les  colonnes  extérieures  ont  cinq  filets. 

La  largeur  des  entre-colonnements  est  de  i™,59,  excepté  aux  angles 
de  l’édifice  où  elle  n’est  c[ue  de  i™,28,  afin  de  donner  plus  de  solidité 
à  la  construction,  et  aussi  pour  apporter  les  triglyphes  aux  angles  sans 

1.  Petit  membre  d’architecture  qui  entoure  ordinairement  le  haut  du  fût  de  la  colonne. 

2.  Moulure  creusée  à  angle  droit. 

3.  Letters  of  an  Architect  [rom  France,  Italij  and  Greece. 


192 


xVTHÈNES. 


choquer  l’œil  par  l’inégalité  des  métopes.  Ces  colonnes  supportent  un 
entablement  composé  d’une  architrave  haute  de  0'",75,  d’un  filet  de 
0™,008,  d’une  frise  de  0™,88,  enfin  d’une  corniche  de  0‘",25  sur  laquelle 
le  fronton  prend  naissance. 

Entre  les  colonnes  du  péristyle,  on  reconnaît  les  traces  de  scellement 
des  grilles  qui  l’ont  fermé,  et,  au  devant  d’un  petit  escalier  entaillé  dans 
l’un  des  degrés,  les  crapaudines  d’une  porte. 

Au  sud,  près  de  l’extrémité  occidentale  du  temple,  on  voit  que  deux 
colonnes  ont  été  entamées  à  leur  base,  ainsi  que  le  mur  du  naos.  En 
elfet,  en  1660,  les  Turcs  avaient  commencé  à  détruire  le  Théseion  pour 
élever  une  mosquée  sur  son  emplacement  et  avec  ses  matériaux.  Il  fallut, 
pour  arrêter  ce  vandalisme,  un  firman  que  les  Grecs  obtinrent  à  Con¬ 
stantinople. 

Deux  colonnes,  voisines  de  celles  qui  ont  été  entamées  ainsi,  ont  été 
ébranlées  par  le  tremblement  de  terre  de  1807;  enfin,  en  1821,  la  foudre 
a  percé  de  haut  en  bas  la  colonne  de  l’angle  nord-ouest  et  on  a  du  la 
garnir  de  cercles  de  fer^. 

Le  portique  AB  en  avant  du  pwnaos  a  3'", 90  de  largeur  à  partir  du 
nu  des  colonnes.  Son  plafond  est  entièrement  conservé,  et  les  poutres 
de  marbre  qui  le  soutiennent  à  la  hauteur  de  la  corniche  ont  plus  de 
h  mètres  de  longueur.  Ces  poutres  ne  répondent  ni  à  l’axe  des  colonnes, 
ni  à  celui  des  entre -colonnements;  elles  sont  au  nombre  de  sept,  et, 
comme  chaque  intervalle  comprend  vingt  caissons,  on  ne  compte  pas 
moins  de  cent  soixante  caissons  au  pronaos. 

Le  portique  occidental  CD^  est  moins  large,  n’ayant  que  3™,20;  il 
a  perdu  deux  des  poutres,  longues  de  3'", 30,  qui  faisaient  partie  de  son 
soffite,  et  presque  tous  ses  caiseons. 

Les  portiques  des  ailes,  composés  de  treize  colonnes  en  comptant 
celles  des  angles,  sont  plus  étroits  encore;  ils  n’ont  que  i"‘,80  et  on  ne 
comptait  que  dix  caissons  par  division  du  soffite.  Au  portique  méridional 
restent  encore  toutes  les  poutres,  mais  seulement  un  petit  nombre  de 
caissons.  Le  plafond  de  l’aile  du  nord  est  le  plus  maltraité;  la  plupart 
des  poutres  et  des- caissons  ont  disparu. 


\.  PiTTAKis.  L’Ancienne  Athènes. 
2.  Planche  V. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE.  I93 

Entre  chaque  poutre,  au  portique  occidental,  se  trouvent  seize  cais¬ 
sons,  disposés  sur  deux  rangs  et  creusés  dans  trois  plaques  de  marbre 
juxtaposées  et  réunies  entre  elles  par  des  crampons.  Deux  de  ces  plaques 
contiennent  chacune  six  caissons;  la  troisième,  quatre  seulement.  Le 
centre  est  entièrement  percé  à  jour  et  il  est  rempli  par  des  espèces  de 
couvercles  posés  dessus  et  s’ajustant  dans  des  feuillures. 

Sur  les  poutres  étaient  peints  des  oves,  ainsi  que  sur  les  bords  des 
couvercles  des  caissons,  dont  le  fond  était  occupé  par  des  étoiles  peintes 
en  bleu  et  en  rouge.  On  ne  retrouve  qu’en  fort  peu  d’endroits  des  restes 
de  couleur,  mais  cependant  on  ne  peut  douter  qu’il  n’y  en  ait  existé. 
Presque  partout  on  reconnaît  encore  les  contours  des  ornements  peints 
qui  avaient  été  tracés  préalablement  à  la  pointe.  Suivant  la  tradition 
constante,  on  voit  du  bleu  dans  les  triglyphes,  du  rouge  dans  le  fond  des 
metopes,  etc.  Sur  1  architrave  du  péristyle  et  sur  la  corniche  intérieure 
étaient  des  méandres  peints,  visibles  surtout  au  sud-ouest  du  posticum. 
Jusqu’à  présent  on  n’a  découvert  aucun  vestige  de  couleur  aux  chapiteaux. 

Dodwell  ^  suppose  que  les  sculptures  durent  être  coloriées  comme 
celles  du  Parthénon  ;  Leake  dit  y  avoir  observé  des  traces  de  couleur, 
des  indices  de  bronze  et  d’or,  des  draperies  vertes  et  rouges  sur  un  fond 
bleu,  etc.;  M.  Pittakis  avance  c{ue  toutes  ont  conservé  cjuelques  vestiges 
de  la  couleur  dont  elles  étaient  rehaussées,  et  que  les  tons  dominants 
étaient  le  jaune,  le  bleu,  le  rouge  et  le  vert;  mais  M.  Prestat,  architecte, 
(|ui  a  étudié  le  monument  avec  le  plus  grand  soin,  n’a  pu  découvrir  la 
moindre  trace  de  cette  décoration. 

Ainsi  que  nous  1  avons  dit,  et  cju’on  peut  le  voir  sur  le  plan,  la  cella 
comprenait  le  pronaos,  le  naos  et  le  posticum. 

Le  pionaos  E  et  le  posticum  G  étaient  formés  par  un  prolongement 
des  murs  de  la  cella  terminé  par  des  antes,  et  leur  plafond  était  soutenu 
pai  deux  colonnes  ayant  5"’, 38  de  hauteur,  y  compris  le  chapiteau,  et 
1  mètre  de  diamètre  à  la  base.  Ces  colonnes  ont  disparu  du  pronaos, 
pour  faire  place  à  une  large  arcade  f,  qui  forme  l’entrée  d’une  abside  e, 
construite  par  les  Byzantins  sous  le  portique  oriental,  lorsqu’en  l’an  667 
ils  convertirent  le  temple  de  Thésée  en  une  église  dédiée  à  saint  Georges^. 

1.  Alcuni  bassi-rilievi  délia  Grecia.  Roma,  1812,  in-folio. 

2.  Lorsque  les  chrétiens  changeaient  un  temple  en  église,  presque  toujours  il  y  avait  analogie  entre 


13 


194 


ATHÈNES. 


Les  traces  des  colonnes  étaient  encore  visibles  sur  le  pavé  au  temps  de 
Stuart,  mais  elles  sont  aujourd’hui  cachées  sous  le  mur  qui  a  rempli  la 
baie  /,  lorsqu’en  1835  on  a  démoli  l’abside  chrétienne  pour  dégager  le 
portique  grec^.  On  voit  encore  dans  ce  mur  les  piédroits  de  l’arcade, 
et  une  partie  de  leurs  impostes  byzantines.  Un  tronçon  de  colonne  du 
pronaos  est  déposé  sous  le  portique. 

C’est  aussi  à  l’époque  de  la  conversion  du  Théseion  en  église  que  fut 
détruit  le  mur  a  qui  séparait  le  pronaos  du  naos;  mais  sa  situation  est 
indiquée  de  la  manière  la  plus  positive  par  les  arrachements  que  l’on 
voit  encore  sur  les  murs  latéraux  de  la  cella  et  qui  indiquent  qu’il  avait 
O"’,  80  d’épaisseur. 

Les  colonnes  du  posticum  G  ont  été  très-endommagées.  Celui-ci  n’avait 
pas  originairement  de  communication  avec  la  cella,  et  nous  pouvons 
supposer  que,  fermé  par  une  grille,  il  contenait  quelques  statues,  des 
eæ-voto  de  marbre,  de  pierre  ou  de  bronze.  Au  fond  du  pronaos  était 
au  contraire  l’entrée  a  du  sanctuaire  F;  mais  quand  le  temple  devint 
église  et  que  l’orientation  de  l’édifice  fut  changée,  une  grande  porte  b  fut 
percée  dans  la  muraille  occidentale  2,  et  cette  porte  aujourd’hui  condam¬ 
née  se  trouve  indiquée  sur  le  plan  donné  par  Stuart.  Sur  son  cham¬ 
branle  on  retrouve  encore  quelques  restes  de  peintures  et  d’inscriptions 
chrétiennes. 

Lorsque  Athènes  tomba  au  pouvoir  des  Turcs,  les  chrétiens,  pour 
empêcher  les  infidèles  de  profaner  leur  église  en  y  entrant  à  cheval  sui¬ 
vant  leur  usage,  murèrent  la  grande  porte  et  en  ouvrirent  deux  petites, 
également  condamnées  depuis,  dans  la  muraille  septentrionale  de  la  cella, 
et,  dans  celle  du  sud,  une  troisième  d  par  laquelle  on  entre  aujourd’hui. 

Le  naos,  ou  temple  proprement  dit,  avait  à  l’intérieur  d2"',i0  de  lon¬ 
gueur  sur  une  largeur  de  6'", 22.  Le  pavé  antique,  qui  était  en  marbre 
pentélique,  a  entièrement  disparu;  en  1769,  un  Turc  qui  faisait  bâtir  une 


l’ancien  vocable  et  le  nouveau.  Nous  avons  vu  ciue  le  Partliénon,  dédié  à  la  déesse  de  la  Sagesse,  avait 
été  consacré  à  la  Sagesse  divine,  le  temple  de  Minerve  Poliade,  la  chaste  divinité,  à  la  sainte  Vierge; 
ici,  le  temple  de  Thésée,  destructeur  des  brigands  et  des  monstres ,  est  placé  sous  l’invocation  de 
saint  Georges,  le  vainqueur  du  dragon. 

1.  Une  petite  porte  a  été  réservée  dans  ce  mur,  mais  elle  est  constamment  fermée  et,  à  l’intérieur, 
elle  est  masquée  par  des  tablettes  chargées  d’antiquités. 

2.  M.  Pittakis  {Ancienne  Athènes)  pense  que,  de  tout  temps,  il  avait  existé  une  petite  porte  entre 
le  posticum  et  le  naos,  et  que  les  chrétiens  n’avaient  fait  que  l’agrandir. 


TEiMPLR  DE  THÉSÉE. 


^95 


maison  le  fit  enlever  pour  faire  de  la  chaux;  il  a  été  remplacé  par  des 
carreaux  de  terre  cuite. 

Une  voûte  semi -circulaire  de  pierres  grossières,  percée  de  petites 
ouvertures,  a  succédé  au  plafond  antique  qui  sans  doute  était  richement 
orné. 

Le  temple  était  primitivement  couvert  de  tuiles  de  marbre^,  et  M.  Ran- 
gabé^  raconte  qu’un  pacha  en  avait  fait  enlever  une  partie  pour  s’appro¬ 
prier  une  livre  ou  deux  de  miel  que  des  abeilles  y  avaient  déposé. 
MM.  Woods  et  Prestat  en  ont  trouvé  un  fragment  dans  le  haut  de  l’édi¬ 
fice,  mais  hors  de  place.  Les  mêmes  architectes  ont  reconnu  sur  le  haut 
de  la  corniche,  près  de  l’arête,  des  trous  de  crampons  placés  deux  par 
deux  qui  durent  soutenir  des  .antéfixes. 

La  décoration  extérieure  du  temple  de  Thésée  était  composée  de  quatre 
grands  ouvrages  de  sculpture  du^  au  ciseau  de  Miron,  élève,  comme 
Phidias,  d’Agéladas  d’Argos;  c’étaient  le  fronton  ariental,  les  métope-s 
et  les  deux  frises  placées  sous  les  portiques  aux  deux  extrémités  de  la 
cella. 

Le  fronton  principal  ou  oriental  est,  ainsique  celui  du  couchant,  extrê¬ 
mement  bas^;  il  a  beaucoup  souffert  dans  sa  partie  supérieure,  et  la 
plupart  des  morceaux  qui  en  formaient  les  rampants  gisent  sur  le  sol  en 
avant  du  monument.  Au  sommet  et  aux  angles  du  triangle,  on  voit, 
comme  à  la  corniche  des  portiques,  les  trous  des  crampons  qui  soute¬ 
naient  les  acrotères.  Au  fond  du  tympan  se  trouvent  également  des  trous 
de  crampons,  seule  indication  des  sculptures  dont  il  était  décoré.  Ces 
sculptures  étaient  probablement  en  ronde  bosse  comme  celles  des  fron¬ 
tons  du  Parthénon  et  d’Égine,  mais  il  n’en  reste  pas  le  moindre  vesj;ige. 
Du  nombre  et  de  la  disposition  des  trous,  M.  Pittakis'^  croit  pouvoir 
conclure  qu’il  n’y  avait  pas  plus  de  quatre  figures. 

Rien  de  semblable  ne  s’observe  au  fronton  occidental  qui  est  intact; 

'] .  Selon  toute  apparence,  Chandler,  faute  d’une  attention  suffisante,  a  confondu  avec  de  la  rouille 
la  belle  teinte  jaune  que  le  temps  répand  sur  le  marbre  pentélique.  «  Ce  temple,  dit-il ,  est  couvert 
de  plaques  de  fer  et  fort  endommagé,  les  Turcs  ayant  tiré  dessus  avec  des  boulets  rouges  pour 
essayer  la  force  de  leur  poudre,  la  bonté  de  leurs  pièces  ou  leur  propre  adresse  à  venir  frapper  à  un 
point  donné.  »  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  443. 

2.  Antiquités  helléniques. 

3.  Planche  V.  Fronton  occidental. 

4.  Ancienne  Athènes. 


196 


ATHÈNES. 


nous  devons  en  conclure  qu’il  n’avait  jamais  contenu  de  statues,  ce  qui 
est  encore  rendu  plus  vraisemblable  par  l’absence  de  métopes  sculptées 
à  cette  extrémité  du  temple. 

Il  n’existait  en  effet  de  bas-reliefs  qu’aux  dix  métopes  de  la  face  orien¬ 
tale  et  aux  quatre  premières  en  retour  de  chaque  côté.  Ces  bas-reliefs 
ont  0"’,76  de  large  sur  0"’,70  de  haut.  D’après  ce  que  l’on  sait  de  l’amitié 
qui  unissait  Thésée  et  Hercule^,  on  ne  sera  pas  étonné  de  retrouver  dans 
les  métopes  du  temple  de  Thésée  les  exploits  des  deux  héros.  Dans  le 
passage  de  V Hercule  furieux  que  nous  avons  cité  2,  et  qui  fut  écrit  par 
Euripide  quelques  années  seulement  après  l’érection  du  temple,  il  est 
évident  que,  Thésée  promettant  à  Hercule  que  les  Athéniens  l’honoreront 
avec  des  marbres  sculptés ^  le  poète  fait  allusion  aux  métopes  du  temple 
de  Thésée. 

Les  dix  sujets  représentés  sur  les  métopes  de  la  façade  sont  en  effet 
tirés  de  l’histoire  d’Hercule;  voici  dans  quel  ordre  ils  se  présentent  en 
commençant  l’examen  par  la  gauche,  c’est-à-dire  à  partir  de  l’angle 
sud-est  : 

1°  Hercule  tuant  le  lion  de  Némée,  bas-relief  assez  bien  conservé; 

2“  Hercule  tuant  l’hydre  de  Lerne  en  présence  d’Iole; 

3“  Hercule  domptant  le  sanglier  d’Érymanthe  ; 

h°  Hercule  vainqueur  du  taureau  de  Crète  envoyé  par  Neptune  contre 
Minos  ; 

5°  Hercule  enlevant  les  cavales  de  Diomède; 

6“  Hercule  enchaînant  Cerbère  :  à  peine  en  reste-t-il  quelques  traces  ; 

1°  Métope  très -endommagée,  dans  laquelle  on  croit  reconnaître 
Hercule  combattant  Cycnus,  fils  de  Mars  et  de  Pirène; 

8°  Hercule  enlevant  Hippolyte,  reine  des  Amazones,  composition  diffi¬ 
cile  à  comprendre; 

9“  Métope  représentant  deux  personnages  emportant  un  cadavre  : 
M.  Leake  croit  y  reconnaître  Hercule  étouffant  Antée,  tandis  que  la  Terre, 


\.  Ils  étaient  même  parents.  OEthra,  mère  de  Thésée,  était  fille  de  Pitthée;  Alcmène,  mère 
d’Hercule,  était  fille  de  Lysldicè,  et  Pitthée  et  Lysidicè,  enfants  de  Pélops  et  d’Hippodamie , 
étaient  frère  et  sœur.  Hercule  et  Thésée  étaient  donc  cousins  issus  de  germains.  Cette  généalogie, 
expliquée  par  lolas  à  Démophon,  dans  les  Héraclides  d’Euripide,  vers  207-212,  est  confirmée  par 
Plutarque  dans  la  Vie  de  Thésée. 

2.  Page  188,  note  1. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE.  /|97 

sa  mère,  semble  lui  tendre  les  bras  pour  le  secourir;  Stuart  regarde  le 
sujet  comme  inconnu  ; 

10“  Enfin  la  dernière  métope,  assez  bien  conservée,  représente  Hercule 
enlevant  les  pommes  du  jardin  des  Hespérides. 

Les  huit  métopes  placées  en  retour  aux  côtés  du  temple  sont  consa¬ 
crées  aux  exploits  de  Thésée;  elles  sont  en  meilleur  état  que  celles  de 
la  façade,  surtout  les  quatre  du  nord,  les  mieux  conservées  de  toutes, 
qui  représentent  à  partir  de  l’angle  nord-est  : 

1“  Thésée  tuant  Périphetès  surnommé  Corynète^; 

2°  Thésée  et  Créon^; 

3“  Thésée  et  Sciron  ^  ; 

h°  Thésée  tuant  la  laie  de  Crommyon^. 

Les  quatre  métopes  du  midi,  également  en  commençant  par  l’angle 
du  monument,  sont  ; 

1“  Thésée  tuant  le  Minotaure  ^  ; 

2“  Thésée  arrêtant  le  taureau  de  Marathon  ®  ; 

3"  Thésée  et  Cercyon  ^  ; 


1.  Périphetès,  fils  de  Viilcain,  fameux  brigand  qui  tirait  son  surnom  de  la  massue,  xopuvv:,  avec 
laquelle  il  assommait  ses  hôtes. 

‘2.  Créon,  roi  de  Thèbes,  oncle  d’OEdipe  et  de  Jocaste. 

3.  Fameux  brigand  qui,  se  tenant  dans  un  défilé  au  nord  et  au  fond  du  golfe  d’Egine,  précipitait 

les  voyageurs  à  la  mer,  après  les  avoir  dépouillés.  Ce  défilé,  appelé  depuis  roches  scironiennes, 
porte  aujourd’hui  le  nom  de  Kakiscala.  Suivant  une  autre  tradition  rapportée  par  Plutarque  {Vie  de 
Thésée)^  Sciron  aurait  été,  au  contraire,  un  homme  vertueux  et  bienfaisant  qui  n’aurait  été  tué  que 
beaucoup  plus  tard  par  Thésée,  lorsqu’il  s’empara  d’Éleusis,  occupée  alors  par  les  Mégariens,  et  en 
chassa  Dioclès  qui  y  commandait.  Cf.  Pompon.  Mêla.  De  situ  orbis.  L.  II,  c,  3. 

4.  Crommyon  était  une  contrée  voisine  de  Corinthe,  que  ravageait  cette  laie,  mère  du  sanglier  de 
Calydon.  Elle  était  connue  sous  le  nom  de  Phéa,  la  noirâtre.  «  Toutesfois  les  autres  ont  escrit  que 
cette  Phœa  estoit  vue  brigande,  meurtrière  et  abandonnée  de  son  corps,  laquelle  destroussait  ceux 
qui  passoyent  par  auprès  du  lieu  appelé  Crômyon,  où  elle  se  tenoit;  et  qu’elle  fut  surnommée  laie 
pour  ses  mœurs  deshonestes  et  sa  meschàte  vie  pour  laquelle  finalement  elle  fut  tuée  par  Theseus.  » 

Plutarque.  Vie  de  Thésée. 

5.  Suivant  une  tradition  conservée  par  Plutarque  {Vie  de  Thésée)^  le  Minotaure  n’était  pas  un 
homme  à  tète  de  taureau,  comme  on  le  représente  ordinairement,  mais  un  général  de  Minos  nommé 
Taurus,  qui,  par  son  caractère,  s’était  rendu  odieux  aux  Cretois  et  à  Minos  lui-même,  qui  fut 
enchanté  d’en  être  délivré. 

6.  ((  Theseus,  qui  ne  vouloit  pas  demeurer  sans  rien  faire  et  quand  et  quand  desiroit  de  gratifier 
au  peuple,  se  partit  pour  aller  côbattre  le  taureau  de  Marathon,  lequel  faisoit  beaucoup  de  maux  aux 
babitans  de  la  contrée  de  Tetrapolis;  et,  l’ayant  pris  vif,  le  passa  à  trauers  la  ville,  afin  qu’il  fust 
veu  de  tous  les  babitans,  puis  le  sacrifia  à  Apollo  surnômé  Delphinien.  » 

Plutarque.  Thésée. 

7.  Ccrcyon,  ou  Sinis,  selon  Plutarque  et  Lucien,  qui  fait  même  de  Cercyon  un  autre  personnage, 


■198 


ATHÈNES. 


k°  Peut-être  Thésée  et  Procuste 

Il  y  a  lieu  de  croire,  d’après  les  paroles  de  Pausanias,  que  ces  sculp¬ 
tures  du  style  le  plus  élevé  doivent  être,  comme  nous  l’avons  dit,  l’ou¬ 
vrage  de  Micon,  non  moins  habile  sculpteur  que  peintre  et  architecte. 
((  Elles  prouvent,  dit  Dodwell  que  la  sculpture  était  presque  arrivée  à 
la  perfection  qu’elle  atteignit  au  temps  de  Phidias,  et  qui  depuis  ne  fut 
jamais  surpassée  ni  même  égalée.  » 


Sous  le  péristyle  oriental,  au-dessus  de  l’entrée  du  pronaos ^  est  une 
grande  frise  longue  de  sur  0"’, 78  de  hauteur,  sculptée  de  bien  plus 

brigand  qui  désolait  l’isthme  de  Corinthe,  avait  été  surnommé  Pityocampte,  courbeur  de  pins  (de 
tu'tuç,  pin,  et  xàpTtTM,  courber),  parce  qu’il  attachait  ses  victimes  à  deux  arbres  courbés  qui  les 
déchiraient  en  se  redressant.  Thésée  lui  fit  subir  la  peine  du  talion.  Alexandre,  dit  Plutarque  {Vie 
d  Alexandre),  infligea  le  même  supplice  à  Bessus,  l’assassin  de  Darius. 

«  Momus  :  Si  Thésée,  allant  de  Trézène  à  Athènes,  ne  se  fût  occupé,  comme  passe-temps  de  voyage, 
à  châtier  les  malfaiteurs,  comme  il  appartenait  à  ta  providence  de  le  faire,  ô  Jupiter!  rien  n’eût 
empêché  Sciron,  Pityocampte,  Cercyon  et  autres  bandits  de  vivre  tranquilles  et  de  s’amuser  à  égorger 
les  voyageurs.  »  Lucien.  Jupiter  tragique. 

«  Thésée:  Si  je  laissais  une  telle  offense  impunie,  le  brigand  Sinis,  qui  infestait  l’isthme  de 
Corinthe,  ne  s’avouerait  plus  mis  à  mort  par  moi  et  m’accuserait  d’une  vaine  jactance;  et  les 
rochers  que  la  mer  vit  naître  des  ossements  de  Sciron  ne  témoigneraient  plus  que  je  suis  le  fléau 
des  méchants.  »  Euripide.  Hippolyte. 

Cf.  Properce.  L.  III,  élég.  22. 

1.  Brigand  fameux  par  le  lit  sur  lequel  il  couchait  ses  hôtes,  leur  coupant  les  jambes  si  elles 
dépassaient,  les  étendant  de  force  s’ils  étaient  trop  petits.  (Voy.  Plutarque.  Vie  de  Thésée.)  On  sait 
que  le  lit  de  Procuste  est  passé  en  proverbe. 

Sur  les  divers  exploits  de  Thésée,  voy.  Ovide.  Héroïdes,  ep.  2;  Métarn,  L.  VU,  v.  433;  Ibid.,  v.  409-, 
et  Stace.  Thébaïde.  L.  XII,  v.  575. 

2.  Alcuni  bassi-rilievi  délia  Grecia.  In-fo.  Borna,  1812. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


'199 


fort  relief  que  celle  du  Parthénon.  Les  figures,  au  nombre  de  trente,  ont 
jusqu’à  0'",i2  de  saillie,  et  quelques  membres  étaient  même  détachés  du 
fond,  ce  cgii  est  en  partie  cause  de  l’état  de  dégradation  de  ces  sculptures. 
La  composition  est  divisée  en  trois  parties  inégales  par  deux  groupes  de 
divinités  assises  sur  des  rochers.  Vers  le  côté  sud  sont  Jupiter,  Junon 
et  Minerve;  vers  le  centre  est  une  déesse  entre  deux  divinités  masculines. 
Derrière  la  dernière  est  un  héros  dont  la  chlamyde  voltige  au  gré  des 
vents;  il  tient  dans  ses  mains  un  rocher  qu’il  se  prépare  à  lancer  contre 
son  adversaire.  Le  bras  droit  de  celui-ci  étant  brisé,  on  ne  peut  voir  com¬ 
ment  il  était  armé;  de  la  main  gauche  il  s’efforce  de  repousser  le  coup  qui 
le  menace.  Plus  loin  on  voit  un  autre  personnage,  également  aux  prises 
avec  un  enneyii  armé  d’une  pierre  dans  chaque  main.  Une  cinquième 
figure  est  étendue  morte  à  leurs  pieds.  A  la  droite  de  ce  groupe  sont 
cinq  personnages  dont  la  réunion,  selon  Stuart,  représente  un  triomphe; 
en  effet,  l’un  d’eux  semble  être  occupé  à  ériger  un  trophée.  Au  delà  des 
deux  groupes  de  divinités,  on  voit  trois  figures  au  milieu  desquelles  est 
un  cadavre  de  grandeur  colossale;  elles  sont  toutes  trois  très-maltrai- 
tées,  mais  on  y  reconnaît  toutefois  un  combat  d’hommes  armés  de 
pierres  contre  d’autres  hommes  armés  d’épées  et  de  boucliers.  La 
dimension  de  la  figure  renversée  dans  le  milieu ,  et  les  armes  des  autres 
qui  sont  des  rocs  hors  de  toute  proportion,  ne  permettent  pas  de 
douter  que  le  sujet  ne  soit  la  liataille  des  géants  contre  les  dieux.  On 
peut  supposer  qu’ Apollon,  Bacchus,  Mars  et  Mercure  sont,  ainsi  cju  Her¬ 
cule,  engagés  dans  l’action.  Derrière  Minerve,  à  l’extrémité  de  la  frise, 
et  à  la  gauche  du  spectateur,  est  un  groupe  d’un  jeune  guerrier  liant  les 
bras  d’un  captif  derrière  le  dos';  le  casque  cju’il  porte  sur  .sa  tête  semble 
indiquer  Mars.  Nous  partageons  au  sujet  de  ce  bas-relief  l’opinion  de 
Leake;  elle  est  infiniment  plus  d’accord  avec  la  composition  que  celle  de 
Stuart  qui  voudrait  y  reconnaître  la  bataille  de  Marathon,  au  moment 
où  le  spectre  de  Thésée  combat  pour  les  Athéniens. 

Le  bas-relief  de  la  frise  du  posticmn ,  composé  seulement  de  vingt 
figures,  représente  le  combat  des  Centaures  et  des  Lapithes.  Thésée  est 
le  seul  qui  ait  renversé  son  antagoniste.  Micon  avait  fait  en  faveur  de 
ce  héros  la  même  exception  dans  une  peinture  de  la  muraille  de  la  cella, 
peinture  dont  nous  parlerons  bientôt.  On  reconnaissait  aussi  dans  le  bas- 
relief  Cœneus,  qui,  ayant  reçu  de  Neptune  le  don  d'être  invulnérable. 


200 


ATHÈNES. 


fut  accablé  sous  les  arbres  et  les  rochers  que  les  Centaures  amoncelèrent 
sur  lui 

Sous  le  portique,  au-dessus  des  deux  frises,  régnait  un  ornement 
peint  dont  on  ne  voit  plus  guère  de  traces. 

Le  pinceau  avait,  aussi  bien  que  le  ciseau,  concouru  à  la  décoration 
du  temple  de  Thesee,  et  trois  de  ses  parois  avaient  été  enrichies  des 
œuvres  de  Micon  et  peut-être  de  Polygnote.  Suivant  M.  Raoul  Rochette, 
ces  peintuies  auraient  ete  sur  bois  et  encastrées  dans  la  muraille. 
«  M.  Thiersh  m  écrit,  dit-il^  qu  au-dessus  d’un  socle  de  marbre  blanc 
qui  règne  dans  tout  le  pourtour  de  la  cella  jusqu’à  une  certaine  hauteur, 
il  se  trouve  un  i  enfoncement  dans  la  paroi  d  un  dsiiii—poucG  de  profon¬ 
deur,  lequel  se  termine,  a  une  élévation  d’environ  c|uinKe  pieds,  par 
une  frise  du  même  marbre  et  de  la  même  saillie  que  le  socle  2.  » 

C’est  dans  ce  renfoncement  que  M.  Raoul  Rochette  veut  encadrer 
des  panneaux  de  quinze  pieds  de  hauteur  qui,  n’étant  pas  fixés  par  des 
clous,  puisque  lui-même  reconnaît  qu’il  n’en  reste  aucune  trace  sur  la 
muraille,  eussent  dû  nécessairement  avoir  une  épaisseur  de  plus  d’un 
demi-pouce,  sans  compter  qu’il  eût  fallu  les  assembler  par  derrière  au 
moyen  de  barres  qui  eussent  encore  beaucoup  augmenté  l’épaisseur. 
Bien  plus,  le  renfoncement  en  question  est  à  peine  sensible  et  n’atteint 
pas  meme  cette  profondeur  si  faible  d  un  demi-pouce.  L’hypothèse  du 
savant  antiquaire  nous  paraît  donc  absolument  inadmissible;  du  reste 
elle  n’était  point  venue  à  l’esprit  de  M.  Thiersh  lui-même,  qui  avait 
seulement  supposé,  et  cela  au  moins  avec  quelque  vraisemblance,  que 
le  renfoncement  qu’il  avait  observé  avait  été  rempli  par  le  stuc  destiné 
à  recevoir  la  peinture.  Cette  dernière  opinion  avait  été  partagée  par 
MM.  Ott.  MüllerS  et  Letronne^;  cependant  il  en  est  une  troisième  que 
nous  serions  plus  porté  à  admettre.  M.  Beulé  croit  qu’ayant  à  leur  dispo¬ 
sition  une  matière  aussi  belle,  aussi  fine  que  le  marbre  dont  le  temple 
est  construit  tout  entier,  l’artiste  a  dû  peindre  directement  sur  sa  surface 
polie,  et  que,  si  aujourd  hui  la  muraille  est  creusée  et  légèrement  rabo¬ 
teuse,  si  l’on  y  trouve  quelques  traces  de  stuc,  on  doit  y  voir  l’œuvre 

1.  Ovide.  Métam.  L.  XII,  v.  507. 

2.  R.  Rochette.  Peintures  antiques  médites.  18,30. 

3.  Manuel  de  l’archéologie  et  de  l’art. 

4.  Lettres  d'un  antiquaire  à  un  artiste.  1810. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


201 


des  Byzantins  qui,  après  avoir  effacé  au  marteau  les  sujets  païens,  leur 
ont  substitué  une  couche  de  stuc  où  s’exerça  leur  pinceau^. 

Quoi  qu’il  en  soit  de  ces  diverses  conjectures,  il  n’en  est  pas  moins 
certain  que  Micon,  soit  seul,  soit  en  compagnie  de  Polygnote,  avait 
exécuté  sur  les  murs  du  ïhéseion  trois  compositions  tirées  de  l’histoire 
du  héros,  et  que  chaque  sujet  couvrait  la  muraille  depuis  le  plafond 
jusqu’cà  0’",80  du  pavé.  Sur  une  des  parois  était  représentée,  la  bataille 
des  Athéniens  et  des  Amazones^;  sur  une  autre  était  le  combat  des  Cen¬ 
taures  et  des  Lapithes;  c’est  dans  ce  tableau  que  Thésée  seul  a  vaincu 
son  ennemi  tandis  qu’entre  tous  les  autres  la  fortune  est  égale.  «  Le 
tableau  peint  sur  le  troisième  mur  du  temple,  dit  Pausanias  par  lequel 
seul  nous  connaissons  ces  peintures  qui  ont  entièrement  disparu ,  est 
presque  inintelligible  pour  ceux  qui  n’en  connaissent  pas  le  sujet,  ce  qui 
vient,  ou  de  ce  que  le  temps  en  a  détruit  une  partie,  ou  de  ce  que  Micon 
n’a  pas  peint  l’histoire  entière.  Minos,  ayant  emmené  dans  l’île  de  Crète 
Thésée  et  d’autres  jeunes  gens  des  deux  sexes,  devint  amoureux  de  Péri- 
bée;  comme  Thésée  s’opposait  fortement  à  sa  passion,  il  s’emporta  contre 
lui,  et,  entre  autres  propos  injurieux,  il  lui  dit  qu’il  n’était  pas  fils  de 
Neptune  et  qu’il  ne  pourrait  pas  lui  rapporter  un  anneau  qu’il  se  trouvait 
avoir  au  doigt  s’il  le  jetait  dans  la  mer.  Et  il  jeta,  dit-on,  au  même 
moment  cet  anneau  dans  les  flots;  Thésée  s’y  précipita  et  en  ressortit 
bientôt  avec  l’anneau  et  une  couronne  d’or  qu’Amphitrite  lui  avait 
donnée  » 

1.  Nous  ne  voulons  pas  renouveler  ici  la  querelle  trop  vive  qui  préoccupa  le  monde  savant  de 
1833  à  1840,  et  dans  laquelle  M.  R.  Rochette  soutenait,  d’un  côté,  que  les  grands  maîtres  grecs 
n’avaient  jamais  peint  que  sur  bois,  tandis  que,  de  l’autre,  M.  Letronne  affirmait  que  tous  avaient 
peint  exclusivement  sur  mur;  nous  profiterons  seulement  de  l’occasion  pour  consigner  une  observa¬ 
tion  de  M.  Beulé  {Cours  de  1860)  qui  nous  semble  donner  la  véritable  solution  de  la  question.  Selon 
lui,  jusqu’au  temps  de  Périclès,  les  grands  maîtres  tels  que  Polygnote,  Micon,  Paninus,  exécutant 
sur  une  large  échelle  des  sujets  empruntés  aux  poëmes  d’Homère  ou  aux  fastes  de  l’iiistoire,  et 
destinés  à  la  décoration  de  vastes  édifices,  ne  peignirent  que  sur  mur;  mais  quand,  après  Périclès, 
le  temps  des  grandes  entreprises  étant  passé,  l’art  fut  forcé  de  restreindre  son  vol  et  de  se  mettre  au 
niveau  du  goût  et  de  la  bourse  des  particuliers ,  les  artistes  durent  substituer  la  perfection  de  l’exé¬ 
cution  au  grandiose  de  la  composition ,  et  l’ère  de  la  peinture  portative  commença.  Alors  Zeuxis 
peignit  sur  bois  sa  Cenlauresse  allaitant  ses  petits,  Parrbasius  son  Archigalle,  Tinianthe  son 
Cyclope  endormi,  Apelle  son  fameux  Cheval  et  sa  Vénus  Anadijomène. 

2.  Se  fondant  sur  un  mot  d’Harpocration,  M.  Beulé  suppose  que  ce  sujet,  qui  prêtait  à  la  grâce, 
avait  pu  être  exécuté  par  Polygnote  qui  excellait  à  peindre  les  femmes.  {Cours  d'archéologie.  18G0.) 

3.  Attic.  G.  XVII. 

4.  M.  Pittakis  et  quelques  autres  ont  cru  retèouvèr,  sur  des  parties  de  stuc  mieux  conservées, 


^202 


AT  H  k  NES. 


M.  Beulé  pense  que  Pausanias  ii’a  pas  bien  compris  le  sujet  de  cette 
composition.  Les  Athéniens,  selon  lui,  croyaient  Thésée  fils  de  Neptune 
et  non  d’iigée.  On  lui  dit  de  prouver  son  origine  divine  en  plongeant 
dans  la  mer;  il  s’y  précipita,  fut  recueilli  par  les  Néréides  et  conduit 
au  palais  de  Pluton,  puis  il  revint  après  avoir  reçu  d’Amphitrite  une 
couronne  de  pierres  précieuses,  dans  laquelle  il  ne  faut  voir  peut-être 
que  le  symbole  de  la  richesse  acquise  par  la  navigation 

Dans  les  temps  modernes,  le  temple  de  Thésée,  après  avoir  longtemps 
servi  d  église  aux  chrétiens,  puis  d’écurie  aux  Turcs,  avait  reçu  une 
destination  touchante  :  il  servait  de  mausolée  aux  malheureux  voyageurs 
qui  expiraient  loin  de  leur  patrie.  Abandonné  pendant  cjuelque  temps, 
il  n’était  plus  que  l’école  des  architectes  qui  admiraient  la  pureté  de  son 
style,  des  peintres  qui  en  reproduisaient  à  l’envi  la  belle  couleur  dorée; 
maintenant  il  est  converti  en  un  musée  où  sont  réunis  en  assez  grand 
nombre  ces  précieux  fragments  que  le  sol  d’Athènes  rend  chaque  jour 
à  la  lumière. 

Dans  le  posticum  sont  diverses  antiquités  dont  la  plus  importante 
est  un  grand  sarcophage  gréco-romain,  prescjue  entièrement  brisé,  dont 
les  sculptures  d’un  beau  style  représentent  un  combat  de  cavaliers  et 
de  fantassins. 

En  avant  du  porticiue  méridional  et  sous  ce  portique  même,  sont  dépo¬ 
sés  de  nombreux  marbres  antiques  parmi  lesquels  on  remarque  plusieurs 
sièges  plus  ou  moins  ornés,  provenant  du  gymnase  d’Adrien,  et  un 
piédestal  portant  une  inscription  en  l’honneur  de  cet  empereur  : 

X  O  T  H  P I 
KAI  KTIXTHI 
AVTOKP ATOPI 
A API ANOI 
O  A  TM  moi 

«  A  l’empereur  Adrien  l’Olympien,  sauveur  et  fondateur  2.  » 

Un  magnifique  sarcophage  de  marbre  blanc,  découvert  dans  le  quar- 

cjuelques  traces  du  pinceau  de  Micon,  mais  comment  savoir  si  ces  faibles  vestiges  de  couleur  n’ap¬ 
partiennent  pas  à  l’époque  byzantine? 

1.  Beulé.  Cours  d'archéologie.  1860. 

2.  Ce  piédestal  avait  été  vu  par  Cbandler,  à  peu  de  distance  du  temple  de  Thésée,  dans  le  cbemin 
qui  conduit  au  Pirée.  Il  était  presque  entièrement  enfoncé  dans  la  terre,  et  il  fallut  le  dégager  pour 
en  découvrir  l’inscription  (  Voy.  en  Grèce.  T.  II,  p.  490). 

Nous  verrons  pourquoi  les  Athéniens  donnaient  à  Adrien  le  surnom  d’Olympien. 


TEMPLE  DE  THÉSÉE. 


203 


tier  septentrional  d’Athènes,  dans  la  cour  du  ministère  des  finances,  est 
orné  de  guirlandes  de  fruits  soutenues  par  des  têtes  de  lions  et  de  bœufs, 
et  présentant  au  milieu,  d’un  côté  un  aigle,  de  l’autre  un  enfant.  Ce 
sarcophage  est  inachevé,  mais  l’ensemble  en  est  d’une  grande  richesse. 

Au  sud-est  du  temple,  sur  un  tronçon  de  colonne,  on  a  placé  une 
Minerve-Victoire,  A0-/iva  Ntx.-/;,  statue  colossale  sans  tête,  trouvée  à  Mégare. 

L’intérieur  du  temple  présente  aujourd’hui,  grâce  à  la  réunion  du 
pronaos  et  du  naos ,  une  salle  longue  de  16'”,  90  sur  une  largeur  de 
6"’,  22.  Parmi  les  nombreuses  anticiuités  qui  y  sont  réunies  dans  un 
beau  désordre  qui  nest  point  un  effet  de  l’art,  nous  signalerons  :  une 
statuette  de  Minerve  en  marbre,  dans  laquelle,  en  1859,  M.  Charles 


Lenormant  a  cru  reconnaître  une  réminiscence  de  la  Minerve  du  Par 
thénon  ^  ;  un  bloc  circulaire  de  marbre  cjue  ses  quatre  inscriptions 


1  «  Elle  a  un  demi-mètre  eiiviron  .de  hauteur.  C’est  une  œuvre  de  travail  romain  assez  grossier, 
qui  n’a  d’ailleurs  pas  été  achevée.  La  partie  posK'rieure  do  la  figure  est  encore  brute,  et  le  bras 


204 


ATHÈNES. 


indiquent  avoii  porte  une  statue ,  mais  qui  ayant  été  creusé  avait  servi  de 
fonts  baptismaux  dans  le  Théseion  consacré  à  saint  Georges;  plusieurs 
statues  ébauchées  ;  une  caryatide  adossée  à  un  pilastre  et  conservant 
des  traces  de  peinture;  des  tombeaux  gréco-romains;  d’innombrables 
insciiptions  sur  des  dalles,  des  stèles  et  des  autels;  quelques  vases, 
diverses  figurines  de  bronze ,  une  foule  de  fragments  de  toutes  sortes  ; 
enfin,  sous  verre,  le  fameux  bas-relief  archaïque,  découvert  dans  l’un 
des  nombieux  tuniuli  de  Valenidesa  (^Ici.  Chenciie'j ,  localité  voisine  de 
Marathon.  Cette  figure,  où  l’on  retrouve  de  nombreux  et  importants 
vestiges  de  peinture ,  représente  un  guerrier  contemporain  des  guerres' 
médiques,  appuyé  sur  sa  lance.  Sur  la  plinthe  on  lit:  epaon  apis- 
TOKAEox  et  plus  bas  apistionox 

Sui  le  terrain  qui  s  étend  au  sud-est  du  temple  de  Thésée,  le  peuple 
giec  vient  encore,  le  mardi  après  Pâques,  exécuter  une  danse  appelée 
le  Labyrinthe,  que  les  jeunes  Athéniens  y  dansaient  déjà  le  huitième  jour 
du  mois  de  Pyanepsion  (novembre),  et  que  Thésée  lui-même  avait 
exécutée  à  son  retour  de  l’île  de  Crète  ‘A 

Le  reste  de  1  année,  cette  esplanade  est  occupée  sans  cesse  par  les 
troupes  grecques  qui  viennent  y  apprendre  la  manœuvre,  et  les  échos 
de  1  Acropole  et  de  1  Aréopage  ne  cessent  de  répéter  les  commandements 
qui  se  font  en  français,  prononcé  moitié  à  la  grecque,  moitié  à  l’alle¬ 
mande,  mais  nullement  à  la  française. 

A  deux  cents  pas  du  temple  de  Thésée,  sur  la  route  de  Lepsina, 

1  antique  Eleusis,  se  trouvait  un  grand  lion  de  marbre  que  les  capucins 
n  ont  point  omis  sur  le  plan  d’Athènes  qu’ils  dessinèrent  en  1670  et 
qui  est  egalement  indique  sur  le  plan  de  Spon  Ce  lion,  emporté  par 

droit,  ainsi  que  la  main  qui  le  termine,  est  pris  dans  la  masse  de  marbre.  Les  sujets  retracés  sur 
le  bouclier  sont  seuls  terminés  et  même  avec  une  certaine  finesse.  Au  reste,  malgré  l’inexpérience 
de  1  artiste  qui  a  exécuté  cette  reproduction,  il  est  possible  d’y  sentir  encore  un  reflet  du  grand 
caractère  de  l’œuvre  qu’il  a  reproduite.  » 

Fr.  Lenormaxd.  Gazette  des  Beaux-Arts,  novembre  1800. 

1.  Revue  archéologique,  1844.  U'  liv.  —  H.  Hettner.  Athen  und  der  Pelopones. 

2.  «  Theseus  donc,  partant  de  l’isle  de  Candie,  vint  descendre  en  celle  de  Délos,  où  il  sacrifia  au 

temple  d  Apollo  et  y  donna  une  petite  image  de  Vénus  qu’il  auoit  eüe  d’Ariadne;  puis,  auec  les 
autres  ieunes  garços  qu  il  auoit  deliurez,  dâsa  vne  manière  de  dâse  que  les  Déliens  gardent  encore 
auiourdliui,  comme  l’on  dit,  en  laquelle  il  y  a  plusieurs  tours  et  retours  à  l’imitation  des  tournoye- 
ments  du  labyrinthe.  »  Pletarqiie.  Vie  de  Thésée. 

3.  Ces  plans  sont  reproduits  dans  le  curieux  ouvrage  de  M.  de  Laborde,  Athènes  aux  xv%  xvi'  et 
XVII'  siècles.  T.  I,  p.  78,  et  t.  II,  p.  23. 


MÉTROüN. 


203 


Morosini  le  Péloponésien  en  1687,  figure  aujourd’hui  à  la  porte  de 
l’arsenal  de  Venise,  avec  celui  qui  décorait  le  Pirée  qui  en  avait  pris 
le  nom  de  Porto-Leone. 

Monument  de  Chalcodon.  Dans  la  plaine,  sur  une  butte  peu  éloignée 
à  l’ouest  du  temple  de  Thésée,  deux  massifs  de  rocher,  portant  les  ruines 
d’une  chapelle  dédiée  à  saint  Anastase,  ont  fait  partie,  suivant  M.  Pit- 


Monument  de  Chalcodon. 


takis,  du  monument  érigé  au'  héros  Chalcodon,  entre  la  porte  du  Pirée 
et  la  porte  Dipyle.  C’est  près  de  là  que  Sylla  praticjua  dans  la  muraille 
la  brèche  par  laquelle  il  pénétra  dans  la  ville. 

Dans  la  partie  nord-ouest  d’Athènes,  il  nous  reste  encore  à  signaler 
l’emplacement  de  deux  édifices  sacrés,  dont  de  bien  faibles  vestiges 
sont  parvenus  jusqu’à  nous. 

MÉTROüN.  En  haut  de  la  rue  du  Sénat  (6^oç  BouXsur/i'piou) ,  qui  aboutit 
à  l’Acropole  en  face  de  la  grotte  de  Pan,  est  une  église  ruinée  qui  portait 
le  nom  (ï /fijpapandie.  M.  Pittakis^  pense  qu’elle  avait  succédé  au  temple 
de  la  mère  des  dieux,  appelé  Métroun^.  «  Ce  temple,  dit-il,  était  entouré 
d’une  assez  grande  enceinte  dont  quelques  vestiges  existent  encore.  On 
y  voyait  de  nombreuses  statues...  Dans  l’enceinte  de  ce  temple  était  le 
tonneau  de  Diogène.  » 

M.  Pittakis  publie  diverses  inscriptions  qu’il  y  copia  sur  des  piédes¬ 
taux  qui  s’y  voyaient  encore  à  l’époque  déjà  ancienne  de  la  publication 


1.  L’Antique  Athènes.  1835. 

2.  De  (AiQ-nrip,  mère. 

«  Dans  le  temple  de  la  mère  des  dieux,  sa  statue  a  été  faite  par  Phidias.  » 

Pausanias.  au.  C.  III. 


« 


^06  ATHtNKS. 

(le  son  ouvrage.  Aujourd’hui,  au  milieu  des  débris  de  l’église,  je  n’ai 
trouvé  de  bien  positivement  antique  qu’un  morceau  de  marbre  posé  sur- 
champ ,  portant  les  traces  d’un  crampon  de  fer  en  forme  de  double  T. 

Temple  de  CiniÈs.  Au  nord  de  l’Acropole,  entre  la  tour  des  Vents 
et  la  nouvelle  Agora,  existait  un  temple  de  Gérés  sur  l’emplacement 
duquel  les  chrétiens  avaient  élevé  une  église  consacrée  à  saint  Denis, 
et  les  Turcs  à  leur  tour  une  mosquée  nommée  Staropazami  (mosquée 
de  la  place  au  Blé).  Cette  mosquée  est  aujourd’hui  convertie  en  caserne. 
Dans  la  cour,  que  domine  un  des  plus  beaux  palmiers  d’Athènes^,  on 
voit  un  morceau  d’architrave  provenant  du  temple;  il  est  enclavé  par 
un  bout  dans  une  muraille  moderne  2,  tandis  que  par  l’autre  il  repose 
sur  le  chapiteau  d’une  colonne  ionique  que  les  soldats  ont  barbouillée 
de  rouge  et  de  bleu.  Un  autre  tronçon  de  colonne  sort  également  du 
sol ,  mais  privé  de  son  chapiteau. 

Temple  de  Jupiter  olympien.  Pendant  longtemps,  les  savants  n’ont 
point  été  d’accord  sur  le  nom  antique  du  magnifique  édifice  dont  on  admire 
encore  les  ruines  imposantes  dans  la  plaine  au  sud-est  de  l’Acropole, 
et  que  le  vulgaire  désigne  sous  celui  de  Colonnes  d’Adrien.  D’après  un 
passage  de  Spon,  il  paraît  qu’au  xviG  siècle  ces  ruines,  sous  lesquelles 
on  avait  bâti  une  petite  église,  passaient  pour  avoir  appartenu  au  temple 
de  Jupiter  Panhellénien,  élevé  à  Athènes  par  Adrien-^;  mais  Spon  veut 
y  voir  le  portique  construit  par  le  même  empereur  et  mentionné  égale¬ 
ment  par  Pausanias  ;  il  oublie  que  les  colonnes  sont  ici  de  marbre  pen- 
télique ,  tandis  que  celles  du  porticpie  étaient  de  marbre  phrygien.  «  La 
petite  église  qui  est  dessous,  ajoute-t-il,  loin  d’être  le  temple  de  Jupiter 
et  de  Junon  Panhelléniens  que  le  même  empereur  avait  fait  bâtir,  n’est 
qu’un  amas  presque  sans  chaux  de  pièces  de  colonnes  dont  l’on  a  fait 
cette  chapelle  que  les  Grecs  appellent  I-yw;  Tcoawr,?  ûq  rai?  xo>.ovvaiç. 


1.  C’est  celui  que  l’on  aperçoit  dans  la  vue  que  nous  donnons  de  la  tour  des  Vents. 

2.  Voy.  la  lettre  en  tête  du  chapitre. 

3.  Après  avoir  décrit  le  temple  de  Jupiter  Olympien,  Pausanias  ajoute  :  «  Adrien  a  orné  Athènes 

de  plusieurs  autres  édifices  qui  sont  :  le  temple  de  Junon  et  de  Jupiter  Panhellénien,  et  le  Panthéon  ; 
mais  on  admire  surtout  des  portiques  formés  de  cent  vingt  colonnes  de  marbre  de  Phrygie,  et 
dont  les  murs  sont  de  môme  marbre;  on  y  voit  des  salles  dont  les  plafonds  sont  ornés  d’or  et 
d  albâtre  et  qui  sont  décorées  de  tableaux  et  de  statues;  elles  contiennent  des  livres.  Le  gymnase 
qui  porte  le  nom  d’Adrien  est  dans  le  même  endroit  ;  il  est  orné  de  cent  colonnes  de  marbre  de 
Lyl>ie.  »  AU.  C.  XVllI. 


T1-:3I1>LH  DE  JUPITER  OLVMPIEN. 


207 


Saint-Jean  sous  les  colonnes.  11  n’y  a  point  même  de  fabrique  ancienne, 
ni  au  cimetière  des  Turcs  qui  est  voisin,  appelé  par  les  Grecs  xà  Mvtyoupia, 
ni  dans  les  environs,  où  l’on  puisse  trouver  quelque  indice  de  ce  temple.  » 
Leroy  ^  reconnaît  dans  ces  ruines  le  temple  de  tous  les  dieux,  le  Pan¬ 
théon  mentionné  également  par  Pausanias. 

Chandler  n’hésite  pas  à  nommer  le  temple  de  Jupiter  Olympien  2,  et 
cette  opinion  est  partagée  par  Stuart  c|ui  combat  victorieusement  celle 
qui  verrait  les  restes  de  ce  temple  dans  la  belle  ruine  dont  nous  parle¬ 
rons  sous  le  nom  de  Sloa  ou  portique  d’Adrien.  Il  est  difficile  de  com¬ 
prendre  qu’il  ait  pu  exister  quelque  incertitude  sur  le  véritable  nom 
du  monument  qui  nous  occupe.  Sa  position  dans  la  partie  sud-est  de 
la  ville ,  dans  le  quartier  d’Adrianopolis  ^  et  non  loin  de  la  fontaine 
Callirhoé,  suffirait  seule  pour  lui  assigner  sa  véritable  destination^.  Nous 
verrons  de  plus  que  la  mesure  de  quatre  stades,  donnée  par  Pausanias 
au  péribole  du  temple  de  Jupiter  Olympien,  s’accorde  parfaitement  avec 
celle  que  nous  pouvons  relever  encore  aujourd’hui 

Suivant  une  ancienne  tradition ,  un  des  premiers  temples  fondés  à 
Athènes  aurait  été  consacré  à  Jupiter  Olympien  par  Deucalion,  fils  de 
Prométhée,  dès  le  xvi®  siècle  avant  notre  ère*^.  Ce  temple  avait  sans 
doute  disparu  depuis  longtemps,  quand,  vers  l’an  530,  Pisistrate  entreprit 
de  le  relever  plus  vaste  et  plus  magnifique  sous  la  direction  des  archi- 


1.  Ruines  des  'plus  beaux  monuments  de  la  Grèce.  1770. 

2.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  419. 

3.  L’inscription  de  l’arc  d’Adrien  ne  peut  laisser  sur  ce  point  place  au  moindre  doute. 

4.  «  La  ville  ne  consistait  que  dans  l’Acropole  actuelle  et  dans  la  partie  située  au-dessous,  tout  à 
fait  au  midi...  Les  temples  placés  hors  de  l’enceinte  de  l’Acropole  sont  bâtis  dans  cette  partie  de  la 
ville;  tels  sont  ceux  de  Jupiter  Olympien,  de  la  Terre  et  de  Bacchus  Limnéen...  La  fontaine 
appelée  aujourd’hui  les  Neuf-Canaux,  par  suite  de  la  disposition  que  lui  donnèrent  les  tyrans,  et 
jadis  Callirhoé,  lorsqu’elle  coulait  à  découvert,  est  à  peu  de  distance.  » 

Thucydide.  L.  II,  c.  15. 

5.  Le  stade  olympique,  le  plus  connu  et  le  plus  usité  des  stades  grecs,  avait  185'“,  20  de  longueur. 
La  circonférence  du  péribole  était  donc,  selon  Pausanias,  de  740'",  80;  la  mesure  exacte  est 
de  746'",  50.  La  différence  est  bien  minime,  et  il  est  tout  naturel  que  le  voyageur  grec,  en  donnant 
la  mesure  ronde  de  quatre  stades,  ait  négligé  quelques  fractions. 

0.  ((  L’ancien  temple  de  Jupiter  avait  été  érigé  par  Deucalion,  à  ce  que  disent  les  Athéniens,  et, 
pour  prouver  qu’il  avait  demeuré  à  Athènes,  ils  montrent  son  tombeau,  qui  n’est  pas  très-éloigné  du 
temple  actuel.  »  Pausanias.  Alt.  L.'XVIII. 

7.  «  Un  autre  principe  de  la  tyrannie  est  d’appauvrir  les  sujets,  afin  qu’ils  n’aient  pas  les  moyens 
d’entretenir  une  force  armée  et  que,  réduits  tous  les  jojars  à  travailler  pour  vivre,  ils  n’aient  pas  le 
temps  de  conspirer.  Telle  fut  la  cause  politique  qui  fit  construire  les  pyramides  d’Égypte,  les  monu- 


208 


ATHÈNES. 


tectes  Anlistates,  Calleschros,  Antimachide  et  Porinos,  qui  en  commen¬ 
cèrent  les  fondements  A  La  mort  du  tyran  arrivée  trois  ans  après,  celle 
d’Hipparque  suivie  de  l’expulsion  des  Pisistratides,  les  guerres  médiques 
dans  lescjnelles  les  Athéniens  furent  bientôt  engagés,  interrompirent  les 
travaux  qui  ne  furent  pas  même  repris  sous  Périclès,  et  pendant  plu¬ 
sieurs  siècles  le  temple,  à  peine  sorti  de  terre,  dut  être  pour  les  Athéniens 
un  sujets  de  regrets  et  peut-être  de  honte  et  de  remords. 

Enfin,  un  prince  entreprit  de  le  terminer,  mais  cette  fois  encore  «  il 
resta  imparfait,  dit  Strabon,  le  roi  qui  l’avait  recommencé  étant  mort^.  » 
A  la  lecture  de  ce  passage  du  géographe  grec,  on  se  demande  tout 
d’abord  quel  est  le  roi  dont  il  s’agit.  On  ne  peut  admettre  avec  Meursius 
que  Strabon  ait  voulu  par  le  mot  paGtlsuç,  roi,  désigner  Pisistrate  qui  ne 
porta  jamais  ce  titre.  Casaubon  propose  un  roi  de  Macédoine,  Persée,  dont 
le  règne  date  de  l’an  178  à  l’an  168  avant  Jésus-Christ.  Il  est  difficile 
de  comprendre  ces  incertitudes  en  présence  des  témoignages  positifs  que 
nous  ont  laissés  les  écrivains  de  l’antiquité.  Polybe^,  Vitruve^,  Athénée 

ments  sacrés  des  Cipsélides,  le  temple  de  Jupiter  Olympien  par  les  Pisistratides,  enfin  les  fortifica¬ 
tions  de  Polycrate  de  Sanios.  Le  but  de  tous  ces  monuments  était  de  tenir  le  peuple  pauvre  et 
occupé.  »  Aristote.  Politique.  L.  V. 

1.  ViTRLVE.  L.  VII.  Préf. 

2.  "Onep  ŸjfxiTeXsç  xaTs),tTt£  tsXsutwv  ô  àvaOstç  paadeui:.  L.  IX. 

Laporte-Dutlieil  traduit  ainsi  ce  passage  :  «  L’Olympium  resta  imparfait  à  cause  de  la  mort  du 
roi  qui  en  fit  la  consécration-,  »  mais,  reconnaissant  lui-même  que  cette  consécration  d’un  édifice  à 
moitié  achevé  est  peu  vraisemblable,  il  propose,  tout  en  avouant  que  ce  serait  être  en  opposition  avec 
tous  les  manuscrits  et  les  imprimés ,  de  substituer  au  mot  àvaSciç,  qui  a  consacré,  le  nom  même 
du  prince,  Antioclius,  ’AvTtox,o;.  J\’est-il  pas  plus  simple  d’employer  le  verbe  avattOriiJii,  ainsi  que 
nous  l’avons  fait,  dans  une  de  ses  acceptions  ordinaires,  celle  de  refaire,  de  recommencer?  Nous 
verrons  bientôt  que  le  monument  lui-même  donne  raison  à  l’interprétation  que  nous  proposons  et 
que  nous  avons  pour  nous  Tite-Live  qui  dit  que  le  temple  fut  commencé,  inchoaium,  et  non  pas  con¬ 
sacré,  dedicatum,  par  Autiochus. 

3.  «  Dans  les  offrandes  qu’Antiochus  adressait  aux  villes,  dans  les  honneurs  qu’il  rendait  aux 
dieux,  il  surpassait  en  magnificence  tous  ses  prédécesseurs.  Témoin  le  temple  de  Jupiter  Olympien 
à  Athènes  et  les  statues  dont  il  entoura  l’autel  de  Délos.  » 

PoLYBE.  Hist.  gén.  L.  XXVI,  fragm.  10. 

4.  «  Le  roi  Antioclius,  quatre  cents  ans  plus  tard,  ayant  promis  de  faire  la  dépense  de  l’entreprise, 

Cossutius,  citoyen  romain,  dirigea,  avec  le  plus  grand  talent,  la  construction  de  la  vaste  cella, 
l’érection  des  colonnes  autour  du  diptère,  la  pose  des  entablements  et  la  distribution  des  autres 
ornements  selon  les  règles  de  la  symétrie.  »  Vitruve.  L.  VIL  Préf. 

5.  «  Antioobus  surpassait  en  magnificence  tous  les  autres  rois,  lorsqu’il  envoyait  à  différentes 

villes  de  quoi  faire  des  sacrifices  les  jours  de  fête,  ou  dans  les  hommages  qu’il  rendait  aux  dieux. 
C’est  ce  qu’on  peut  voir  par  le  temple  de  Jupiter  Olympien  de  la  ville  d’Athènes  et  par  les  statues 
qu'il  avait  fait  placer  autour  de  l’autel  de  Délos.  »  Athénée.  Deipn.  L.  V. 


TEMPLE  DE  JUPITER  OLYMPIEN. 


209 


Tite-Live^,  Velleius  Paterculus^,  s’accordent  à  désigner  Antiochus 
Epiphane^,  qui  régna  en  Syrie  vers  le  même  temps, 'de  l’an  176 
à  l’an  i6li. 

Le  temple  dont  nous  voyons  les  restes  était  d’ordre  corinthien,  le 
plus  moderne  des  ordres  grecs il  était  diptère,  c’est-à-dire  entouré 


tout  entier  d’un  double  rang  de  colonnes,  qui  même  ici  était  triple  à 
chacune  des  façades.  Cette  disposition,  la  plus  riche  et  la  plus  dispen¬ 
dieuse  de  toutes,  dut  être  rarement  appliquée,  et  Vitruve^  n’en  cite  que 


1.  «  La  magnificence  d’Antiochus  envers  les  dieux  serait  attestée,  ne  fût-ce  que  par  le  temple  do 
Jupiter  Olympien  qu  il  fit  commencer  à  Athènes,  le  seul  au  monde  qui  réponde  à  la  grandeur  de  ce 

”  Tite-Live.  L.  XLI,  c,  25. 

2.  «  Antiochus  Épiphane,  ce  roi  de  Syrie  qui  éleva  dans  la  ville  d’Athènes  un  temple  à  Jupiter 

Olympien...  »  Veleeius  Patercllus.  Hist.  rom.  L.  I,  c.  10. 

3.  Le  surnom  d'Épiphane,  illustre,  a  prévalu,  bien  que  Polybe  {Hist.  gén.  L.  XXVI,  fragm.  10) 
etTite-live  (L.  XLI,  c.  2)  prétendent  qu’Antiochus  méritait  plutôt  celui  d'Épimane,  fou  furieux. 

4.  Nous  verrons  que  le  plus  ancien  exemple  connu  de  cet  ordre  est  le  monument  choragique  de 
Lysicrate  qui  ne  date  que  de  la  fin  du  iv«  siècle  avant  J.-C..  Il  est  vrai  qu’on  sait  que,  vers  l’an  385, 
on  avait  déjà  employé  cet  ordre  au  temple  de  Minerve  à  Tégée,  bâti  par  Scopas,  et  que  même  on  a 
cru  en  reconnaître  le  germe  dans  un  chapiteau  unique  du  temple  de  Phygalie,  dessiné  par  Ictinus, 
l’architecte  même  du  Parthénon,  en  l’an  429  avant  J.-C. 

5.  L.  III,  c.  2. 


14 


210 


ATHÈNES. 


deux  exemples  :  «  C’est  ainsi,  dit-il,  que  sont  construits  à  Rome  le 
temple  doricîue  de  Quirinus,  et  à  Éphèse  le  temple  ionique  de  Diane, 
ouvrage  de  Chersiphron  » 

Un  troisième  temple  diptère,  celui  d’Apollon  Didyméen  à  Milet,  bâti 
par  Péonius  et  Daphnis,  ne  remonte  pas  non  plus  au  delà  du  iv®  siècle 
avant  notre  ère. 

Le  temple  fondé  deux  cents  ans  auparavant  par  Pisistrate  ne  pouvait 
être  que  d’ordre  dorique,  le  seul  usité  en  Grèce  à  cette  époque;  il  ne 
pouvait  avoir  dix  colonnes  à  la  façade,  puisque  encore  sous  Périclès 
on  regarda  comme  une  innovation  le  Parthénon  qu’Ictinus  fit  octastyle, 
tandis  que  tous  les  temples  qui  l’avaient  précédé  étaient  simplement 
hexastyles  ;  bien  moins  encore  devait-il  être  diptère.  Or,  comme  ce 
temple  s’élevait  déjà  à  une  certaine  hauteur  au-dessus  du  sol,  il  est 
évident  qu’Antiochus  ne  put  le  continuer  sur  le  même  plan ,  et  que  s’il 
utilisa  quelque  partie  de  ce  qui  existait  de  son  temps,  ce  ne  put  être 
tout  au  plus  que  le  massif  des  fondations  auquel  nécessairement  il  donna 
une  beaucoup  plus  grande  étendue.  Ce  n’est  donc  pas  sans  raison  que 
nous  avons  dit,  interprétant  d’une  nouvelle  manière  le  passage  de  Stra- 
bon ,  que  ce  prince  recommença  ^  le  temple  que  la  mort  ne  lui  permit 
pas  d’achever.  Il  devait  être  assez  avancé  cependant,  ainsi  que  le  prouve 
le  passage  de  Yitruve  que  nous  avons  cité^,  lorsqu’on  l’an  87  avant 
Jésus-Christ  Sylla  s’empara  d’Athènes,  puisqu’il  le  mit  au  pillage  et 
enleva  des  colonnes  ^  et  des  portes  de  bronze  avec  leurs  chambranles 
pour  en  orner  le  temple  de  Jupiter  Capitolin.  Plus  tard,  les  rois  alliés 
d’Auguste  voulurent  le  terrniner^,  mais,  quoi  qu’en  ait  dit  Suétone, 
l’œuvre  fut  encore  interrompue®. 


1,  Vitruve  conserve  ici,  au  temple  d’Éphèse,  le  nom  de  son  premier  architecte  qui  vivait  au  com¬ 
mencement  du  vr  siècle;  mais,  brûlé  par  Érostrate  en  356,  il  fut  rebâti  avec  plus  de  magnificence 
par  Dinocrate,  et  ce  ne  peut  être  qu’à  ce  second  temple  que  s’appliquent  les  mots  de  Vitruve  :  uti  est, 
comme  est,  et  non  pas  comme  fut,  le  temple  de  Diane. 


2.  Voy.  p.  208,  note  2. 

3.  Voy.  p.  208,  note  4. 

4.  Ces  colonnes  n’étaient  pas  de  marbre  blanc  comme  celles  que  nous  voyons  aujourd’hui,  mais  de 


marbre  tacheté.  Voy.  Pune.  L.  XXXVI,  5.  ^ 

5.  «  Les  rois  amis  et  alliés  bâtirent  chacun,  dans  leur  royaume,  une  ville  qui  prit  le  nom  de  l’em¬ 

pereur,  et  tous  ensemble  firent  achever  à  leurs  dépens  le  temple  de  Jupiter  Olympien,  commencé 
anctaàement  à  Athènes,  et  le  dédièrent  au  génie  d’August..  „  ^ 

6.  «  En  la  ville  d’Athènes,  écrivait  Plutarque  {Vie  de  Solon)  vers  la  fin  du  premier  siècle  de  notre 
ère,  le  temple  de  Jupiter  est  demeuré  seul  imparfait.  » 


TEMPLE  DE  JUPITER  OLYMPIEN. 


211 


C’était  à  Adrien,  le  second  fondateur  d’Athèiies^,  qu’était  réservé 
l’honneur  de  mettre  la  dernière  main  à  cet  édifice,  qui  avait  subi  tant 
de  vicissitudes,  six  cent  soixante-dix  ans  après  sa  fondation  par  Pisis- 
trate^.  Avant  Adrien,  on  avait  déjà  dépensé  pour  sa  construction  la 
somme  énorme  de  7,088  talents  (38,275,200  francs). 

((  C’est  l’empereur  Adrien,  dit  Pausanias,  qui  a  fait  ériger  la  nef, 
Tov  vaov ,  du  temple  de  Jupiter  Olympien  et  une  statue  de  ce  Dieu  ^ 
admirable  moins  par  sa  dimension  (car,  à  l’exception  des  colosses  qu’on 
voit  à  Rhodes  et  à  Rome'^,  les  autres  statues  colossales  sont  à  peu  près 
de  la  même  taille)  que  parce  qu’elle  est  entièrement  d’or  et  d’ivoire® 
et  que,  malgré  sa  grandeur,  elle  est  travaillée  avec  beaucoup  d’art. 
Avant  d  entrer  dans  ce  temple,  vous  trouvez  quatre  statues  de  l'empe¬ 
reur  Adrien,  deux  en  marbre  de  Thasos  et  deux  en  marbre  égyptien. 
Devant  les  colonnes  s’élèvent  d’autres  statues  que  les  Athéniens  appellent 
les  statues  des  colonies  ®.  » 

C’est  à  l’occasion  de  l’achèvement  du  temple  de  Jupiter  qu’Adrien 
reçut  le  surnom  à' Olympien,  que  nous  avons  déjà  lu  sur  une  inscription 
conservée  au  temple  de  Thésée  ^ ,  et  que  nous  retrouvons  dans  une 
autre  inscription  qui  dut  être  placée  sur  la  base  de  l’ime  des  statues 

1.  La  partie  orientale  de  la  ville  bâtie  par  Adrien  prit  dès  lors  le  nom  à! Adrianopolis, 

2.  Lucien  fait,  avec  sa  finesse  ordinaire,  la  satire  de  cette  lenteur,  quand,  dans  son  Icaroménippe 
ou  Voyage  au-dessus  des  nuages,  il  fait  demander  à  Ménippe  par  Jupiter  lui-même  :  «  si  les  Athé¬ 
niens  sont  toujours  dans  l’intention  d’achever  le  temple  Olympien.  » 

3.  Ce  n’est  donc  point  à  la  statue  d’Athènes,  qui  n’existait  point  encore,  mais  à  celle  d’Olympie 
que  doivent,  quoi  qu’en  aient  dit  quelques  auteurs,  s’appliquer  ces  passages  de  Suétone: 

«  Caligula  fit  venir  de  la  Grèce  les  statues  des  dieux  les  plus  fameuses  par  l’excellence  du  travail 
et  par  le  respect  des  peuples,  entre  autres  celle  de  Jupiter  Olympien,  et,  leur  enlevant  la  tête,  il  y 
substitua  la  sienne.  »  vie  de  Caligula.  §  XXII. 

«  Dans  le  jour,  il  s’entretenait  (Caligula)  avec  Jupiter,  tantôt  lui  parlant  à  l’oreille  et  feignant 
d’écouter  ses  réponses,  tantôt  élevant  la  voix  et  même  le  querellant;  car  on  l’entendit  une  fois  lui 
dire  avec  menace  :  Je  te  renverrai  en  Grèce  d’où  je  t’ai  fait  venir.  »  M.  Ibid. 

Dans  un  autre  passage,  Suétone  semble  se  contredii’e  et  faire  supposer  que  Caligula  n’aurait  pas 
eu  le  temps  de  réaliser  le  projet  d’amener  la  statue  à  Rome. 

«  La  mort  de  Caligula,  dit-il,  fut  annoncée  par  plusieurs  présages.  La  statue  de  Jupiter  Olympien, 
qu’il  avait  ordonné  qu’on  portât  à  Rome,  fit  tout  à  coup  un  si  grand  éclat  de  rire,  lorsqu’on  y  mit  la 
main,  que  les  ouvriers  laissèrent  tomber  leurs  machines  et  s’enfuirent.  »  Id.  §  LVII. 

4.  La  statue  d’Apollon  à  Rhodes,  celle  de  Néron  à  Rome. 

5.  Il  est  probable  que  cette  statue  fut  la  dernière  production  importante  et  de  grande  dimension 
de  la  statuaire  chryséléphantine. 

G.  Pausanias.  Ait.  C.  XVIII. 

7.  Voy.  p.  202. 


212 


ATHÈNES. 


dont  parle  Pausanias,  et  qui  aujourd’hui  est  encastrée  dans  la  muraille 
de  l’église  ruinée  de  Saint-Cosme  et  Saint-Damien^,  sur  le  versant  nord 
de  l’Acropole  i 


AYTOKP ATOPA 
AAPIANON  SEBASTON 
OArMlIION 
OASIOI 

AIAOPESBEÏTOr  KAl 
TEXNEITOr  EENO'PANTOS 
TOr  XAPHTOS 
EnilEPEÜS  KA.  ATTIKOT. 


«  Les  Thasiens  {honorent  d’une  statue)  l’empereur  Adrien  Auguste  Olympien  , 
étant  envoyé  {à  Athènes  pour  le  consacrer)  l’artiste  lui-même,  Xénopliante,  fils  de  Charès. 
Claudius  Atticus  étant  grand  prêtre  » 


Le  temple  de  Jupiter  Olympien^  était,  comme  nous  l’avons  dit,  entouré 
sur  les  ailes  d’un  double  rang  de  colonnes  et  d’un  triple  rang  à  chacune 
des  façades.  En  arrière  de  celles-ci  étaient  en  outre,  entre  les  antes  de  la 
cella,  quatre  autres  colonnes  soutenant  le  plafond  du  pronaos  d  et  du  pos- 
ticum  c.  On  ne  comptait  donc  pas  moins  de  cent  vingt-quatre  colonnes  à 
l’extérieur  de  cet  immense  édifice,  long  de  120"’, 842,  large  de  54"’, 25. 
Les  façades  avaient  dix  colonnes  et  les  ailes  vingt  en  comptant  deux 
fois  les  colonnes  d’angle. 

On  ignore  l’époque  précise  de  la  destruction  du  temple,  on  sait  seu¬ 
lement  qu  Alaric  le  ruina  en  partie.  Aujourd’hui  la  cella,  qui  sans  doute 
comprenait  un  naos  ou  sanctuaire  A  et  un  opisthodome  B,  a  entièrement 


1.  Ces  saints  sont  appelés  à  Athènes  ol  Avapyupoi,  sans  argent,  parce  qu’ils  soignaient  gratis  les 
malades. 

2.  Chandler  croit  que  ce  Claudius  Atticus  est  le  même  que  le  fameux  Claudius  Hérodes  Atticus 
qui  a  laissé  à  Athènes  tant  de  monuments  de  sa  munificence;  mais  Claudius  Atticus,  né  en  110, 
n’avait  que  vingt-huit  ans  à  la  mort  d’Adrien,  et  il  est  peu  probable  que,  sous  le  règne  de  ce  prince, 
il  ait  pu  être  revêtu  de  la  dignité  de  grand  prêtre.  Nous  pensons  donc  qu’il  s’agit  plutôt  de  son  père 
qui  fut  un  des  citoyens  les  plus  considérables  d’Athènes. 

3.  Voy.  le  frontispice,  1"  plan. 

4.  Stuart  avait,  dans  un  premier  plan,  assigné  vingt  et  une  colonnes  aux  ailes  du  temple,  mais 
Revett,  son  compagnon  et  son  collaborateur,  a  reconnu  depuis  qu’elles  étaient  au  nombre  de  vingt 
seulement,  et  son  opinion  est  aujourd’hui  généralement  admise.  Le  plan  ainsi  modifié  se  trouve 
dans  le  3®  volume  des  Antiquités  d’Athènes  pl.  XVII. 


TEMPLE  DE  JUPITER  OLYMPIEN. 


213 


disparu.  De  l’immense  colonnade,  dix-sept  colonnes  étaient  encore  debout 
en  1753,  treize  sur  trois  rangs  à  l’angle  sud-est,  trois  du  second  rang 
de  l’aile  méridionale,  et  une  du  premier  rang  du  portique  occidental. 
Cette  dernière  e  fut  abattue  vers  1760,  par  un  vaïvode  ou  gouverneur 
turc  nommé  Chalzi-Ali,  pour  en  faire  de  la  chaux. 

Des  trois  du  portique  méridional  ,  celle  du  milieu  f  a  été  renversée 
par  un  ouragan  en  1852;  elle  gît  tout  entière  sur  le  sol,  et  ses  énormes 
tambours,  qui  n’ont  fait  que  glisser  l’un  sur  l’autre  tout  en  conservant 
leur  ordre  primitif,  nous  permettent  de  nous  rendre  compte  de  la  ma¬ 
nière  dont  ils  étaient  assemblés. 


Coupe  horizontale  d*une  colonne. 


Au  milieu  de  chacun  est  le  trou  carré  a  cjui  avait  contenu  le  pivot 
de  bois  sur  lequel  on  les  avait  fait  tourner  pour  les  polir  et  rendre  leur 
adhésion  parfaite,  mais  il  n’y  a  plus  de  traces  de  ces  pivots  qui  parais¬ 
sent  n’y  avoir  point  été  laissés.  Les  tambours  n’étaient  réunis  que  par 
deux  tourillons  de  fer  b  b  qu’on  y  voit  encore. 

Il  ne  reste  donc  plus  aujourd’hui  que  deux  colonnes  isolées  et  les 
treize  du  sud-est,  encore  réunies  par  leurs  architraves  en  deux  groupes 
de  deux  et  de  onze  colonnes 

Le  diamètre  des  colonnes  est  de  2"’, 24,  et  leur  circonférence  de  5"’, 59. 
Leur  élévation  est  juste  de  9  diamètres  ou  20"’,  16,  dont  i"’,20  pour  la 
base,  16'", 46  pour  le  fût  et  2"’, 50  pour  le  chapiteau.  Cet  énorme  cha¬ 
piteau  n’est  formé  que  de  deux  blocs  seulement. 

«  Les  colonnes  du  temple,  dit  W.  Reveley,  continuateur  de  Stuart, 
sont  diminuées  à  partir  du  pied,  de  manière  à  présenter  une  belle  ligne 
courbe,  et  elles  ont  évidemment  moins  de  10  diamètres  de  hauteur.  Le 


1.  Voy.  la  vignette  page  suivante.  L’arc  d’Adrien  y  figure. 


2U 


ATHÈNES. 


chapiteau  paraît  plus  court  que  ne  le  comporte  la  proportion  ordinaire. 
L’abaque  a  ses  angles  aigus  et  porte  une  rose  circulaire  sur  chaque 
face,  comme  on  le  voit  dans  l’ordre  qui  décore  le  Pœcile^.  Les  petites 
volutes  sont  à  peu  près  semblables  à  celles  que  l’on  voit  au  Pœcile, 
mais  elles  ont  plus  de  saillie  sur  le  vase  du  chapiteau  » 


Principal  reste  du  temple. 


La  largeur  des  entre-colonnements  est  de  2’", 92. 

Les  plinthes  des  bases  étaient  fixées  sur  le  stylobate,  par  des  tou¬ 
rillons  de  fer  dont  les  trous  se  voient  encore  à  chaque  angle,  ainsi  que 
le  petit  canal  qui  y  conduisait  le  plomb  de  scellement. 

Le  stylobate  reposait  lui-même  sur  des  assises  de  pierre  du  Pirée, 
qui  sans  doute  étaient  cachées  par  un  ou  deux  degrés  de  marbre,  dont 
il  ne  reste  plus  de  traces. 

Les  deux  colonnes  séparées  du  groupe  de  onze  portent  sur  leur  archi¬ 
trave,  formée  de  trois  pièces  juxtaposées^,  une  espèce  de  niche  de 

1.  L’édifice  que  Reveley  désigne  sous  le  nom  de  Pœcile  est  le  stoa  ou  portique  d’Adrien. 

2.  Stuart.  Antiquités  d’Athènes.  T.  III.  Préface  par  Willey  Reveley. 

3.  Au  temple  de  Jupiter  Olympien,  le  bloc  d’angle  de  l’architrave  a  jusqu’à  6"\984  de  longueur 
sur  1  mètre  d’épaisseur,  et  2“,25  de  hauteur,  La  plus  grande  pierre  du  plafond  des  Propylées  n’a 
que  6'",40  de  longueur. 


TEMPLE  DE  JUPITER  OLYMPIEN. 


215 


maçonnerie  comparativement  moderne,  mais  qui,  ainsi  cfue  le  remarciue 
Chandler  ^ ,  n’a  pu  être  élevée  à  une  telle  hauteur  que  pendant  que  la 
ruine  était  assez  entière  pour  en  faciliter  l’accès.  Suivant  une  tradition 
conservée  à  Athènes,  cette  niche  aurait  pendant  de  longues  années 
servi  de  demeure  à  un  nouveau  Stylite^. 

«  L’enceinte  du  temple,  le  péribole,  dit  Pausanias,  qui  n’a  pas  moins 
de  quatre  stades  de  tour,  est  remplie  de  statues,  chaque  ville  en  ayant 
érigé  une  à  l’empereur  Adrien;  mais  les  Athéniens  les  ont  toutes  sur¬ 
passées  en  plaçant  derrière  le  temple  la  statue  colossale  de  ce  prince, 
qui  mérite  d’être  vue.  On  remarque  divers  monuments  anciens  dans 
cette  enceinte,  savoir  :  un  Jupiter  en  bronze,  un  sanctuaire  de  Saturne 
et  une  enceinte  consacrée  à  la  Terre,  surnommée  Olympienne.  Le  sol 
de  cette  enceinte  offre  une  ouverture  d’environ  une  coudée,  par  la¬ 
quelle  on  dit  que  les  eaux  s’écoulèrent  après  le  déluge  de  Deucalion. 
On  y  jette  tous  les  ans  des  gâteaux  de  farine  de  froment  pétris  avec  du 
miel.  Vous  trouvez  aussi  dans  l’enceinte  du  temple  de  Jupiter  Olympien 
une  statue  placée  sur  une  colonne  et  cjui  représente  Isocrate...  Il  y  a 
dans  le  même  endroit  un  trépied  en  bronze,  supporté  par  des  Perses  en 
marbre  de  Phrygie  ;  les  hommes  et  le  trépied  sont  également  dignes  de 
remarque^.  » 

Le  terrain  sur  lequel  le  temple  s’élevait  présentant  un  plan  incliné 
dans  la  direction  de  l’Ilissus,  on  avait  dû  établir  une  plate-forme  arti¬ 
ficielle  soutenue  par  des  murailles.  Cette  esplanade,  formant  le  péribole 
du  temple,  était  longue  de  223  mètres  et  large  de  150'", 25,  ayant  par 
conséquent  746'", 50  de  circonférence. 

Au  sud  et  à  l’ouest,  le  mur  de  soutènement  existe  encore  en  grande 
partie.  Son  angle  g  h  i  est  conservé,  et  le  mur  s’étend  au  sud  jusqu’à 
l’alignement  de  la  façade  du  temple,  et  à  l’est  jusqu’en  face  de  sa  hui¬ 
tième  colonne.  Au  sud  sa  hauteur  varie  entre  3'", 20  et  3"% 70,  mais  à 
l’est  elle  atteint  parfois  A™, 80.  Il  est  maintenu  par  de  puissants  contre- 
forts  éloignés  les  uns  des  autres  de  5"’, 575,  ayant  une  saillie  de  i'",iO 
à  la  base  et  0"',92  au  sommet.  Il  est  formé  d’énormes  blocs  de  pierre 

1.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  456. 

2.  Saint  Siméon  Stylite  (de  cttûXoç,  colonne),  né  en  Cilicie,  se  retira,  pour  faire  pénitence,  au 

sommet  d’une  colonne  où  il  passa  vingt-six  ans  sans  en  descendre,  et  mourut  en  450.  « 

3.  Pausanias.  AU.  C.  XVIII. 


216 


ATHÈNES. 


du  Pirée;  nous  en  avons  mesuré  plusieurs  qui  ont  jusqu’à  2"’, 70  de  long 
sur  0"',60  de  hauteur  et  1™,40  de  profondeur.  Ces  blocs  revêtaient  un 
massif  de  maçonnerie  en  blocage. 


Au  bas  de  chaque  assise  existent  de  front  trois  ouvertures  semi- 
circulaires  pour  l’écoulement  des  eaux,  et  le  conduit  qui  vient  y  aboutir 
se  retrouve  dans  le  blocage,  ainsi  qu’on  peut  s’en  assurer  à  un  endroit 
où  plusieurs  pierres  du  revêtement  ont  été  enlevées. 

Vers  l’extrémité  sud-ouest  de  l’esplanade,  on  retrouve  une  continua¬ 
tion  k  du  mur  de  soutènement,  mais  peu  élevée  hors  de  terre,  et,  comme 
cinq  ou  six  assises  l  existent  encore  à  l’ouest  près  de  l’arc  d’Adrien, 
il  a  été  facile  de  reconstituer  le  péribole  entier,  en  supposant  toutefois, 
ce  qui  est  à  peu  près  indubitable,  que  sa  largeur  ait  été  la  même  au  nord 
qu’au  midi  du  temple,  car  au  nord  il  n’existe  aucun  vestige  de  l’en¬ 
ceinte,  qui  n’a  dû  avoir  que  peu  de  hauteur,  le  sol  extérieur  s’élevant 
en  pente  douce  de  ce  côté.  Il  est  à  remarquer  qu’à  la  muraille  de  l’ouest 
il  n’y  a  point  d’ouvertures  pour  l’écoulement  des  eaux,  le  sol  n’incli¬ 
nant  pas  vers  la  rivière  comme  celui  du  sud,  et  les  eaux  n’ayant  point 
à  prendre  leur  cours  de  ce  côté. 

Les  tables  d’un  petit  café  sont  abritées  par  les  colonnes  du  temple. 
Chez  les  Grecs  modernes,  «  le  carême,  dit  Ed.  About,  commence  dès 
le  lundi,  et  le  mardi  gras  est  un  jour  maigre.  Le  lundi  tout  le  peuple 
d’Athènes  se  réunit  autour  des  colonnes  du  temple  de  Jupiter  pour  com¬ 
mencer  en  commun  les  mortifications  de  quarante  jours.  Il  s’y  fait  une 
grande  consommation  d’ail,  d’oignon  et  de  toutes  sortes  de  légumes 
crus.  On  chante  beaucoup  et  du  nez;  on  boit  un  peu,  on  ne  danse  pas 
mal.  Après  cette  cérémonie  religieuse,  chacun  rentre  chez  soi  » 


1.  Eu.  About.  Grèce  contemporaine.  G.  VI. 


TEMPLES  DE  JUNON  ET  DE  BACCHUS.  217 

Temple  de  Jlnon  et  Jupiter  Paniiellénien.  A  l’est  de  l’Acropole, 
près  de  l’extrémité  de  la  rue  de  Lysicrate  et  non  loin  de  l’arc  d’Adrien, 
dans  la  cour  d’un  ancien  moulin  à  huile,  dont  l’enceinte  moderne  est 
formée  en  partie  de  blocs  de  pierre  et  de  marbre  provenant  de  l’édifice 
même,  sont  quelques  restes  d’un  temple  dans  lec{uel  Leake^  croit  recon¬ 
naître  celui  qu’ Adrien  consacra  à  Junon  et  à  Jupiter  Paniiellénien  2. 

A  moitié  enterrées,  s’élèvent  encore  de  2“‘,23  au-dessuâ  du  sol  deux 
colonnes  ioniques  ^  de  marbre  gris  du  mont  Hymette  ,  surmontées  de 
leurs  chapiteaux  de  marbre  blanc  du  Pentélique,  ainsi  que  l’architrave 
qui  les  réunit.  La  largeur  de  l’entre-colonnement  est  de  Le  mor¬ 

ceau  d’architrave  a  2'", 50  de  long  et  0'",60  de  hauteur.  Les  chapiteaux, 
hauts  de  0‘",20,  sont  d’un  travail  peu  soigné  et  ne  paraissent  pas  avoir 
reçu  la  dernière  main.  11  en  est  de  même  de  l’architrave  dont  les  profils 
ne  sont  que  grossièrement  indiciués.  D’autres  morceaux  d’architrave, 
employés  dans  le  mur  d’enceinte,  sont  plus  finis.  Une  troisième  colonne 
sans  chapiteau,  inclinée,  mais  à  sa  place  antique,  sort  d’un  monceau 
de  décombres  à  peu  de  distance  des  deux  autres. 

Temple  de  Bacghus  ou  Lenæon.  A  peu  de  distance ,  à  l’ouest  du 
temple  de  Jupiter  Olympien,  au  sud  de  l’Acropole,  et  juste  au-dessous 
du  théâtre  de  Bacchus,  se  trouvent,  comprises  dans  les  murailles  d’une 
petite  construction  moderne,  quelques  assises  d’un  édifice  antique.  La 
position  de  ces  restes  par  rapport  aux  monuments  voisins,  leur  situation 
dans  le  quartier  de  l’ancienne  Athènes  qui  portait  le  nom  des  Marais^, 
ne  permettent  guère  de  douter  qu’ils  aient  fait  partie  de  l’un  des  plus 
anciens  sanctuaires  d’Athènes,  le  Lenæon  Dionijsion  ou  temple  de 


1.  Topography  of  Athens. 

2.  «  Adrien  a  orné  Athènes  de  plusieurs  autres  édifices  qui  sont,  le  temple  de  Junon  et  de  Jupiter 

Panhellénien  et  le  Panthéon.  »  Pausanias.  AU.  C.  XVIII. 

3.  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 

4.  Leur  hauteur,  y  compris  la  base,  était,  suivant  Stuart,  de  4‘",85.  Antiquités  d’Athènes.  T.  III,  pl.  39. 

5.  Atp-vat,  Limnœ.  Leake.  Topography  of  Athens. 

6.  A vivaiov,  de  Xr|v6ç,  pressoir.  Aryàîoç,  dieu  du  pressoir,  était  un  des  surnoms  de  Bacchus.  Au  mois 
d’anthestérion  (février),  on  célébrait,  en  son  honneur,  des  fêtes  appelées  Lenœennes,  Ar,vaia,  qui 
duraient  trois  jours.  Le  premier  se  nommait  Vouverture  des  tonneaux,  le  second  la  fête  des  coupes, 
et  le  troisième  la  fête  des  marmites. 

«  Pendant  la  fête  des  coupes  et  des  marmites,  on  leur  a  annoncé  une  invasion  de  brigands 
béotiens.  »  Aristophane.  Acharniens 

Voici  l’origine  qu’Euripide  assigne  à  la  fête  des  coupes  : 

«  Oreste.  Arrivé  à  Athènes,  nul  hôte  ne  voulut  d’abord  me  recevoir  comme  en  horreur  aux  dieux 
(il  n’était  point  encore  absous  du  meurtre  de  sa  mère);  mais  ceux  qui  avaient  du  respect  pour  moi 


218  ATHÈNES. 

Bacchus  Limnæen,  in  Limnis'^.  Le  Lenæon  ou  enceinte  sacrée  de 
Bacchus  était  en  effet,  suivant  Pausanias  ^  et  Vitruve,  voisin  du 
théâtre,  et,  au  dire  de  Thucydide,  situé  dans  la  partie  méridionale 
de  la  ville  C’est  d’ailleurs  après  avoir  parcouru  la  rue  des  Trépieds, 
dont  la  direction  est  parfaitement  connue  et  qui  aboutit  en  effet  aux 
ruines  qui  nous  occupent,  que  Pausanias  arrive  au  temple  de  Bacchus. 
Yitruve  enfin  nous  apprend  qu’un  portique  situé  derrière  ce  temple 
servait  de  refuge  aux  spectateurs  surpris  par  la  pluie  pendant  les  repré¬ 
sentations  du  théâtre 

Colonne.  Au  milieu  d’un  champ,  au  sud  de  l’Acropole  et  des  deux 


me  donnèrent  l’hospitalité  à  une  table  solitaire,  quoique  habitant  sous  le  même  toit,  et,  par  leur 
silence,  me  réduisaient  aussi  à  me  taire.  Pour  m’empêcher  de  partager  leur  boire  et  leur  manger,  ils 
avaient  chacun  leur  coupe,  toutes  pareilles,  dans  lesquelles  ils  versaient  le  vin  pour  se  livrer  aux 
plaisirs  de  la  table.  Et  moi,  je  n’osais  me  plaindre  à  mes  hôtes;  mais,  dans  ma  douleur  silencieuse, 
j’avais  l’air  de  n’y  pas  prendre  garde,  tout  en  gémissant  au  fond  de  l’âme,  parce  que  j’étais  le 
meurtrier  de  ma  mère.  J’ai  appris  que,  chez  les  Athéniens,  mon  malheur  avait  donné  lieu  à  une 
solennité,  et  que  l’usage  se  conserve  encore,  chez  le  peuple  de  Minerve,  de  célébrer  la  fête  des 
coupes.  »  Eüripide.  Iphigénie  en  Tauride. 

Le  Scoliaste  d’Aristophane,  sur  le  vers  95  des  Chevaliers ,  raconte  ainsi  l’origine  de  cette  même 
fête  : 

«  Oreste,  à  cause  du  meurtre  de  sa  mère,  vint  à  Athènes,  chez  Pandion,  qui  régnait  alors  sur  les 
Athéniens,  et  le  trouva  présidant  à  un  repas  public.  Pandion  n’osa  renvoyer  Oreste,  et,  regardant 
pourtant  comme  une  impiété  de  l’admettre  à  sa  table  et  à  boire  en  commun  avant  qu’il  se  fût  purifié 
de  son  meurtre,  pour  éviter  de  boire  tous  à  la  même  coupe,  fit  servir  une  coupe  à  chacun  des 
convives.  » 

1.  Dionysion,  Aiovuctov,  de  Atovuato!;,  nom  grec  de  Bacchus. 

2.  «  Le  temple  de  Bacchus  qui  est  auprès  du  théâtre,  nçbç  vw  Ôeàxpw,  est  le  plus  ancien  de  tous. 
11  y  a  dans  la  même  enceinte  deux  temples  et  deux  statues  de  Bacchus  :  l’une  est  le  Bacchus  d’Éleu- 
thère,  et  l’autre,  en  ivoire  et  en  or,  est  un  ouvrage  d’Alcamène.  Les  peintures  qui  ornent  ce  lieu  sont 
Bacchus  ramenant  Vulcain  au  ciel.  Les  Grecs  racontent  que  Junon  ayant  précipité  Vulcain  du  ciel 
aussitôt  après  sa  naissance,  ce  dieu,  pour  satisfaire  son  ressentiment,  lui  envoya  en  présent  un 
trône  où  il  y  avait  des  liens  invisibles,  et  Junon,  s’y  étant  assise,  se  trouva  enchaînée;  aucun  des 
autres  dieux  n’ayant  pu  fléchir  Vulcain,  Bacchus,  qui  avait  toute  sa  confiance,' l’enivra  et  l’amena  au 
ciel.  On  a  aussi  représenté  dans  ce  temple  Penthée  et  Lycurgue  subissant  la  peine  de  leur  conduite 
injurieuse  envers  Bacchus;  Ariane  endormie,  Thésée  partant  et  Bacchus  venant  d’enlever  Ariane. 
Dans  le  voisinage  du  temple  de  Bacchus  et  du  théâtre  est  un  édifice,  etc.  » 

Pausanias.  Alt.  G.  XX. 

3.  «  Les  temples  placés  hors  de  l’enceinte  de  l’Acropole  sont  bâtis  dans  la  partie  méridionale  de  la 
ville;  tels  sont  ceux  de  Jupiter  Olympien,  de  la  Terre  et  de  Bacchus  Limnæen.  » 

Thucydide.  L.  II,  c.  15. 

4.  «  II  doit  y  avoir  des  portiques  derrière  la  scène,  afin  que,  quand  il  surviendra  inopinément  des 
pluies  au  milieu  des  jeux,  le  peuple  s’y  puisse  abriter  en  sortant  du  théâtre...  Tels  sont  les  portiques 
de  Pompée  (à  Rome),  et  à  Athènes  le  portique  d’Eumène  et  le  temple  de  Bacchus.  » 

Vitruve.  L.  V,  c.  9. 

Nous  verrons  que  le  portique  d’Eumène  est  en  effet  également  voisin  du  théâtre. 


COLONNE  AU  SUD  DE  L’ACROPOLE. 


219 


théâtres,  s’élève  une  colonne  isolée  et  sans  chapiteau^,  à  laquelle,  aujour¬ 
d’hui  encore,  les  Grecs  viennent  coller  avec  deux  boulettes  de  cire  un 
cheveu  ou  un  fil  de  la  jarretière  du  malade  dont  ils  veulent  obtenir  la 
guérison  2.  C’est  sans  doute  à  cause  de  cette  superstition  qu’il  suppose 
s’être  transmise  d’âge  en  âge  depuis  l’antiquité,  que  M.  Pittakis  voit 
dans  cette  colonne  le  reste  du  monument  de  Toxaris,  médecin  scythe 
qui,  au  commencement  du  vi®  siècle  avant  Jésus-Christ,  s’était  rendu 
célèbre  à  Athènes.  «  Peu  de  temps  après  sa  mort 3,  dit  Lucien,  une 
grande  peste  ravageant  Athènes,  Dimenète,  femme  d’Architèle,  un  des 
juges  de  l’Aréopage ,  crut  voir  Toxaris  qui  lui  ordonnait  de  dire  aux 
Athéniens  qu’ils  seraient  délivrés  du  fléau,  s’ils  arrosaient  de  vin  les 
rues  de  leur  ville.  On  obéit  à  cette  révélation  et  la  peste  cessa » 

Les  Athéniens  reconnaissants  érigèrent  sur  son  tombeau ,  au  lieu 
même  où  il  était  apparu  à  Dimenète,  une  colonne  c{ui,  dès  le  temps  de 
Lucien,  gisait  renversée  sur  le  sol,  mais  qui  n’en  était  pas  moins  toujours 
ornée  de  couronnes,  par  les  personnes  qui  y  étaient  journellement  guéries 
de  la  fièvre.  Toxaris  fut  élevé  au  rang  des  héros  et  adoré  sous  le  nom 
du  médecin  étranger,  ^évo;  taxpoç;  on  institua  en  son  honneur  des  fêtes 
nommées  Toxaridies,  To^apiâia,  pendant  lesquelles  on  lui  immolait  un 
cheval  blanc.  C’est  avec  regret ,  sans  doute ,  cfue  nous  renonçons  à 
retrouver  ici  le  monument  de  l’illustre  Scythe,  mais  Lucien  ^  dit  formel¬ 
lement  ((  qu’il  était  voisin  du  Dipyle,  à  gauche  de  ceux  qui  allaient  à 
l’Académie ,  »  et  la  porte  Dipyle,  c{ui  réunissait  les  deux  Céramiques 
intérieur  et  extérieur,  était  bien  loin  des  théâtres  et  à  l’extrémité  nord- 


1 .  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre. 

2.  Un  usage  analogue  existe  chez  les  musulmans,  et  à  Constantinople,  à  Smyrne,  nous  avons 
souvent  vu,  garnies  d’innombrables  chiffons  de  toutes  couleurs  arrachés  aux  vêtements  des  malades, 
les  grilles  des  turbeh  ou  tombeaux  des  derviches  morts  en  odeur  de  sainteté,  et  dont  on  invoque 
ainsi  la  protection  contre  la  fièvre. 

3.  Évidemment  Lucien  commet  ici  une  erreur.  Ce  n’est  pas  peu  de  temps,  mais  plus  de  cent 
trente  ans  après  la  mort  de  Toxaris,  que  la  Grèce  fut  désolée  par  la  peste  terrible  qui  coûta  la  vie 
à  Périclès.  Du  reste,  l’auteur  lui-même  semble  démentir  son  assertion  quand  il  ajoute,  quelques 
lignes  plus  bas,  qu’on  reconnut  le  tombeau  de  Toxaris,  «  non-seulement  d’après  l’inscription  qui 
était  à  demi  effacée,  mais  surtout  d’après  le  cippe  sur  lequel  était  sculpté  un  Scythe  tenant  de  la 
main  gauche  un  arc  tendu  et  de  la  droite  un  livre,  autant  qu’il  était  permis  d'en  juger.  »  Tel  n’eût 
point  été  l’état  du  monument  si  peu  d’années  seulement  se  fussent  écoulées  depuis  la  mort  de 
Toxaris. 

4.  Lucien.  Le  Scythe  ou  le  Proxène. 

5.  Id.  Ibid. 


m 


ATHÈNES. 


ouest  d’Athènes.  Nous  ne  devons  donc  voir  dans  notre  colonne  qu’un 
tombeau ,  ou  le  reste  de  quelque  autre  édifice ,  dont  le  nom  est  jusqu’à 
présent  un  problème.  Encore  n’est-il  pas  même  bien  certain  que  la 
colonne  soit  à  sa  place  antique.  Sa  base  étant  enterrée ,  des  fouilles 
pourraient  seules  nous  fixer  à  cet  égard.  Les  Turcs  s’en  servaient  comme 
but  pour  le  tir  à  l’arc,  et  peut-être  l’avaient-ils  relevée  eux-mêmes. 
Qui  sait  même  si  la  première  pensée  de  ce  nom  de  Toxaris  n’a  pas  été 
inspirée  par  sa  ressemblance  avec  le  mot  to^ov,  qui  désigne  l’arc  chez 
les  Grecs.? 


Colonne  au  sud  de  J'Aci’opoU'. 


Tour  des  Vents. 


CHAPITRE  VI 


PŒGILE,  SÉNAT. 

PORTIQUE  DÈS  ÉPONYMES.  PORTIQUE  d’aDRIEN. 

GYMNASES  d’ADRIEN  ET  DE  PTOLÉMÉE.  AGORA.  TOUR  DES  VENTS. 
ARCADES.  PRYTANÉE.  BAIN  ROMAIN.  ARC  d’ADRIEN. 


THÈNES  renfermait  un  assez  grand 
nombre  de  portiques  consacrés  à 
divers  usages  ;  plusieurs  n’ont 
point  laissé  de  traces,  et  l’on 
chercherait  vainement  ailleurs 
cpie  dans  Pausanias  et  les  autres 
auteurs  anciens  les  souvenirs  du 
portique  royal,  gtooc  paaiXeio; ,  où 
de  celui  de  Jupiter  Eleuthérius, 


1.  Pausanias.  Att.  C.  III. 

C’était  le  second  archonte  qui  portait  le  surnom  de  roi;  il  remplissait  les  fonctions  de  ministère 
public,  dans  les  procès  portés  devant  l’Aréopage. 


222 


ATHÈNES. 


È);£Ùe£ptoç,  libérateur,  qui  lui  faisait  face  et  qui  avait  été  élevé  par  les 
Athéniens  après  leur  victoire  sur  les  Perses.  Rien  non  plus  n’est  par¬ 
venu  jusqu’à  nous  du  long  portique^  la  [a.a>tpa  cToà. 

Nous  ne  sommes  pas  beaucoup  plus  heureux  pour  le  plus  célèbre  de 
tous,  le  Pœcile,  dont  il  ne  reste  qu’un  débris,  dont  encore  l’authenticité 
est  fort  contestable  et  fort  contestée.  On  a  cependant,  dans  la  moderne 
Athènes,  donné  son  nom  à  la  rue  où  il  se  trouve,  ô^oç  nounou,  et, 
comme  le  lemaïque  Leake^,  sa  position  a  1  extrémité  du  Céramicjue  inté¬ 
rieur  2,  entre  le  portique  royal  et  la  nouvelle  Agora  rendrait  cette 
attiibution  fort  viaisemblable,  en  meme  temps  c[ue  la  description  que 
1  ausanias  et  les  auti  es  auteurs  nous  ont  laissée  du  Pmcile  ne  permet 
pas  de  s’arrêter  un  instant  à  l’opinion  de  Stuart,  qui  croit  trouver  cet 
édifice  dans  le  portique  d’Adrien"^. 

Le  nom  primitif  du  Pœcile,  dont  Piciadas  avait  été  l’architecte, 
fut  portique  Pisiaiiactien,  neKjavà/CTtoç;  on  lui  donna  celui  de  Pœcile, 
lloc/aV/]  GToa^,  lorsqu’il  eut  été  décoré  de  peintures®.  On  ignore  l’époque 
de  sa  construction,  mais  il  est  certain  qu’il  existait  depuis  assez  long¬ 
temps  lorsqu  on  songea  à  l’enrichir  des  chefs-d’œuvre  du  pinceau,  et 
comme  Cimon  revint  à  Athènes  en  468  avant  Jésus-Christ,  il  semblerait 
assez  naturel  de  rapporter  à  cette  epoque  l’exécution  de  peintures  desti¬ 
nées  à  immortaliser  la  victoire  remportée  à  Marathon  par  son  père 
Miltiade 

On  sait  qu’ Adrien  avait  réuni  à  sa  villa  de  Tivoli  la  reproduction  des 


1.  Topographij  of  Athens. 

2.  Le  Céramique,  quartier  d’Athènes,  situé  moitié  en  dedans,  moitié  en  dehors  des  murailles, 
devait  son  nom  à  Géramus,  Kepa^Ao;,  fils  de  Bacchus  et  d’Ariane,  et  non  point,  comme  on  l’a  dit 
souvent,  à  des  fabriques  de  poteries,  x£pap.o;,  qui  y  auraient  existé. 

3.  «  Eh!  Mercure,  c’est  ton  frère  de  l’Agora,  près  du  Pœcile.  » 

4.  Antiquités  d’Athènes.  T.  I,  p.  62. 

5.  lloixiXço,  varié,  de  diverses  couleurs. 

Lamia,  célèbre  joueuse  de  flûte  et  courtisane  athénienne,  avait  fait  ériger  à  Sicyone  un  portique 
auquel  elle  avait  aussi  donné  le  nom  de  Pœcile,  sans  doute  en  souvenir  de  sa  patrie. 

6.  «  Le  Pœcile,  portique  ainsi  nommé  à  cause  des  peintures  dont  il  est  orné.  » 

Paüsanias.  Att.  C.  XV. 

7.  Contrairement  à  l’opinion  de  M.  Letronne,  M.  Raoul  Rochette  s’est  efforcé,  mais  selon  nous 
sans  succès,  d’établir  que  les  peintures  du  Pœcile  étaient  sur  bois  et  non  .sur  mur. 

Voy.  R.  Rochette.  Peintures  inédites,  p.  150. 

Cf.  Letronne.  Lettres  d’un  antiquaire  à  un  artiste  sur  la  peinture  murale. 


# 

PŒCÏLE. 


223 


monuments  qui  l’avaient  le  plus  frappé  dans  ses  voyages;  le  Pœcile  fut 
du  nombre,  et  c’est  par  les  ruines  de  sa  copie  encore  debout  à  la  villa 
Adriana,  qu’il  nous  est  possible  de  concevoir  une  idée  exacte  de  ce 
qu’il  était  à  Athènes. 


Plan  probable  du  Pœcile. 


Qu’on  se  figure  un  double  portique  fermé  à  chaque  bout  et  partagé 
dans  toute  sa  longueur  par  un  mur.  L’une  des  galeries,  exposée  au 
nord,  offre  en  été  un  abri  contre  la  chaleur;  l’autre,  regardant  le  midi, 
concentre  pendant  l’hiver  les  rayons  du  soleil  ;  des  sièges  y  attendent  les 
flâneurs,  les  politiques  et  les  philosophes^;  une  porte  centrale  E  per¬ 
met  de  passer  d’un  portique  dans  l’autre;  tel  était  le  Pœcile.  Les  faces 
de  la  muraille  centrale  offraient  de  chaque  côté  deux  vastes  espaces,  AB 
et  C  D ,  propres  à  recevoir  les  compositions  des  grands  peintres  appelés 
à  y  retracer  des  épisodes  célèbres  de  l’histoire  de  la  Grèce  et  d’Athènes. 
C’était  là  que  s’étaient  exercés  les  illustres  pinceaux  de  Polygnote^  et 
de  ses  deux  disciples  Paninus  et  Micon.  C’est  au  premier  qu’appartient 
un  sujet  parfaitement  conforme  à  la  nature  de  son  talent,  puisqu’il  excel¬ 
lait  surtout  à  peindre  les  femmes  :  «  Les  chefs  sont  assemblés  pour 
délibérer  sur  l’attentat  d’Ajax  contre  Cassandre.  On  voit  figurer  dans  la 
composition  Ajax  lui-même,  Cassandre  et  d’autres  captives^.  »  Plu¬ 
tarque,  d’ailleurs^  dit  en  termes  précis  que  cette  scène  était  l’œuvre  de 
Polygnote 


1.  «  Tout  entier  à  ces  réflexions,  j’arrive  au  Pœcile;  j’y  vois  une  foule  très-compacte,  quelques 

hommes  sous  le  portique  même,  un  plus  grand  nombre  en  plein  air,  certains  autres  enfin  criant  et 
vociférant  des  sièges  où  ils  étaient  assis.  Je  me  doute,  ce  qui  é-tait  vrai,  que  c’est  une  discussion 
philosophique.  »  Lucien.  Jupiter  tragiQue, 

2.  «  Polygnote  travailla  gratuitement  au  Pœcile  d’Athènes  avec  Micon,  qui,  lui,  se  faisait  payer.  » 

Pline.  L.  XXXV,  35. 

3.  Pausanias.  au.  C.  XV. 

4.  «  Polygnotus,  en  peignant  les  dames  troyennes  captives  contre  les  parois  du  portique  qu’on 
appeloit  alors  Plesianaction  et  qui  se  nome  maintenant  Pœcile,  c’est-à-dire  enrichi  de  diverses 
peintures,  il  tira,  comme  l’on  dit,  le  visage  de  Laodice  sur  le  vif  de  Helpinice,  sœur  de  Cimon.  » 

Plutarque.  Cimon. 


224 


« 

ATHÈNES. 


Le  Combat  de  Thésée  et  des  Amazones  ^  était  dû  à  Micon  ^ ,  auquel 
peut-être  aussi  doit-on  attribuer  la  Bataille  des  Athéniens  contre  les 
Spartiates  à  Œnoé  ^  dans  l’Argolide,  le  seul  des  quatre  sujets  du  Pœcile 
sur  l’auteur  duquel  il  y  ait  incertitude. 

Enfin,  la  quatrième  composition,  due  à  Paninus,  frère  de  Phidias, 
était  la  plus  importante  et  la  plus  compliquée  ;  elle  représentait  la 
Bataille  de  Marathon^.  «  Les  Béotiens  de  Platée,  dit  Pausanias^,  et 
des  autres  villes  alliées  de  l’Attique,  en  sont  aux  mains  avec  les  bar¬ 
bares,  et  de  ce  côté  l’avantage  est  à  peu  près  égal  des  deux  parts.  Hors 
du  champ  de  bataille,  les  barbares  sont  en  fuite  et  se  poussent  les  uns 
les  autres  dans  le  marais.  A  l’extrémité  se  distinguent  les  vaisseaux  phé¬ 
niciens;  les  Grecs  tuent  les  Perses  qui  cherchent  à  y  monter.  Vous 
distinguez  dans  ce  tableau  le  héros  Marathus  de  qui  le  bourg  a  pris 
son  nom,  Thésée  qui  paraît  sortir  de  la  terre,  et  Minerve  et  Hercule 
car  les  Marathoniens,  à  ce  c{u’ils  disent  eux-mêmes,  sont  les  premiers 
qui  aient  rendu  les  honneurs  divins  à  Hercule.  Les  plus  reconnaissables 
parmi  les  combattants  sont  :  Callimaque,  qui  était  alors  polémarque; 
Miltiade,  l’un  des  généraux,  et  le  héros  Échetlus®.» 


1.  Plutarque.  Vie  de  Thésée. 

2.  «  La  femme  aime  le  cheval;  elle  s’y  tient  ferme...  Vois  les  Amazones  que  Micon  a  représentées 

combattant  à  cheval  contre  des  hommes.  »  Aristophane.  Lysistrate. 

3.  Paüsanias.  Att,  C.  XV. 

4.  On  peut  voir  dans  Hérodote  (L.  VI)  à  quelles  modestes  proportions  se  trouve  réduite  cette 
fameuse  victoire  de  Marathon.  Les  Athéniens,  selon  cet  historien,  s'emparèrent  seulement  de  sept 
vaisseaux  ennemis,  et  il  périt  dans  la  journée  6,400  hommes  du  côté  des  Barbares,  et  192  du  côté 
des  Athéniens.  Ces  chiffres  sont  du  reste  beaucoup  plus  acceptables  que  ceux  des  écrivains  qui  font 
déployer  d’innombrables  phalanges  dans  la  petite  plaine  de  Marathon. 

5.  Att.  C.  XV. 

6.  «  Marathus,  héros  éponyme  du  célèbre  dème  de  Marathon.  Il  y  a  sur  son  compte  deux  traditions 

fort  différentes. — l°Fils  d’Épopée,  qui  le  força  de  quitter  le  Péloponèse,  il  se  rendit  en  Attique,  reparut 
dans  sa  patrie  à  la  mort  de  son  père,  puis,  après  avoir  partagé  le  pays  entre  ses  fils  Sicyon  et  Corin- 
thus,  revint  dans  la  contrée  qu’il  avait  choisie  comme  lieu  d’expatriation.  —  2°  Originaire  d’Arcadie, 
il  prit  part,  avec  Echédème,  à  l’expédition  des  Tyndarides,  et  se  dévoua  avant  le  combat  pour  assurer 
la  victoire  à  son  parti,  d  Jacobi.  Dict.  myth. 

«  Du  nom  de  Marathus  a  esté  aussi  nômé  le  bourg  de  Marathon,  à  cause  qu’il  s’offrit  volontaire¬ 
ment  à  estre  sacrifié  deuant  la  bataille,  suiuant  ce  qu’il  leur  avoit  esté  enioint  et  ordô 
prophétie.  »  Plutarque.  Thésée. 

7.  On  a  peine  à  comprendre  comment,  parmi  tant  de  dieux  et  de  héros,  Paninus  n’a  pas  fait 
figurer  Pan,  qui  joua  un  rôle  si  important  à  la  bataille  de  Marathon. 

8.  «  ÉcHETLUs,  nom  d’un  guerrier  qui,  à  la  bataille  de  Marathon,  combattit  dans  les  rangs  des 
Grecs,  sous  la  figure  d’un  paysan ,  armé  d’un  manche  de  charrue,  et  disparut  après  la  victoire. 


PŒCILE. 


225 


Sur  ce  dernier  point,  Pline  est  plus  explicite  encore  que  Pausanias. 
«  Paninus,  frère  de  Phidias,  dit-il,  représenta  même  la  bataille  livrée  à 
Marathon,  entre  les  Athéniens  et  les  Perses.  L’emploi  des  couleurs  était 
déjà  si  commun  et  l’art  si  parfait,  que  Paninus  avait,  dit-on,  fait 
ressemblants  les  chefs  qui  commandaient  dans  cette  bataille  :  du  côté 
des  Athéniens,  Miltiade,  Callimaque,  Cynégire^,  du  côté  des  barbares 
Datis  et  Artapherne^.  » 

Il  est  pourtant  difficile  d’admettre  que  Paninus  eût  peint  ici  de  véri¬ 
tables  portraits,  d’autant  plus  que  les  héros  grecs  qui  avaient  figuré 
à  Marathon  étaient  morts  depuis  longtemps,  et  qu’en  supposant  même 
qu’on  eût  conservé  d’eux  quelque  souvenir,  il  ne  pouvait  en  être  de  même 
pour  les  généraux  persans  Datis  et  Artapherne.  A  cette  époque  encore 
primitive,  on  se  contentait  ordinairement  d’inscrire  le  nom  du  person¬ 
nage  à  côté  de  la  figure  qui  était  censée  le  représenter,  ainsi  que  nous 
le  voyons  dans  plusieurs  des  peintures  antiques  qui  sont  parvenues  jus¬ 
qu’à  nous^.  Cependant,  il  ne  paraît  pas  en  avoir  été  ainsi  au  Pœcile. 
Dans  son  discours  sur  la  couronne.  Eschine  s’écrie  :  «  Transportez-vous 
encore  par  la  pensée  au  portique  du  Pœcile  ;  car  c’est  là,  c’est  sur  la 
place  publique  que  se  trouvent  pour  vous  les  monuments  de  toutes  les 
grandes  actions;  et  quel  est  celui  dont  je  vous  parle,  Athéniens?  Là  est 
peinte  la  bataille  de  Marathon,  et  quel  est  le  général?  A  cette  question 
vous  répondez  tous  :  Miltiade.  Oui,  sans  doute,  et  pourtant  son  nom  nest 
pas  tracé  sur  la  peinture.  »  Que  conclure  de  ce  passage  ?  seulement  que 
l’action,  le  costume,  la  tradition,  faisaient  reconnaître  tel  ou  tel  person¬ 
nage,  ainsi  que  cela  nous  arrive  continuellement  pour  les  tableaux 
modernes,  dont  le  sujet  connu  nous  permet  de  nommer  chaque  person- 


L’oracle  ordonna  de  lui  rendre  les  honneurs  héroïques  sous  le  nom  d’Échetlus,  c’est-à-dire  Vhomme 
au  manche  de  charrue,  ijé’ù.ri.  Il  était  représenté  sur  le  grand  tableau  de  la  bataille  de  Marathon 
dans  le  Pœcile  d’Athènes.  »  Jacobi.  Dict.  myth. 

1.  «  Faut-il  pour  un  scélérat  détruire  tant  de  monde,  et  en  outre  le  portique  avec  Marathon, 

Miltiade  et  Cynégire?  »  Lucien.  Jupiter  tragique. 

2.  Pline.  L.  XXXV.  34. 

3.  Telle  est  la  charmante  peinture  monochrome  sur  marbre  conservée  au  musée  de  Naples,  repré¬ 
sentant  cinq  jeunes  filles  jouant  aux  osselets,  avec  leurs  noms  ArAAIH,  AHTfî,  NIOBH,  «fiOIEH  et 
lAEAlPA,  composition  signée  par  l’ Athénien  Alexandre,  AAEHÂNAP02  A0HNAIO2  ErPA<I>EN. 

Hercul.  et  PoMP.  T.  II,  pl.  17. 

Telles  sont  encore,  au  Vatican,  les  figures  de  Pasiphaé,  Myrrha,  Scylla,  Phèdre  et  Canace;  tels 
sont  enfin  les  sujets  homériques  qui  décorent  le  précieux  tombeau  étrusque  découvert  à  Vulci  par 
M.  Noël  Desvergers,  en  1857. 


15 


226 


ATHÈNES. 


nage,  quoiqu’il  n’ait  peut-être  aucune  ressemblance  avec  l’original,  et 
qu’il  soit  sorti  tout  entier  de  l’imagination  de  l’artiste^. 

«  Sous  le  Pœcile,  dit  encore  Pausanias^,  sont  des  boucliers  d’airain, 
les  uns  pris  aux  Scionéens^  et  à  leurs  alliés,  ainsi  que  nous  l’apprend 
l’inscription  placée  au-dessus;  les  autres,  enduits  de  poix  afin  d’être 
préservés  de  la  rouille,  sont,  dit-on,  ceux  des  Lacédémoniens  faits 
prisonniers  dans  l’île  de  Sphactérie^.  » 

Souillé  du  sang  de  l,/i00  citoyens  immolés  par  ordre  des  trente 
tyrans,  le  Pœcile,  rendu  odieux  aux  Athéniens  par  ce  funeste  souvenir, 
était  resté  abandonné  pendant  plus  de  cent  ans ,  quand  Zénon  lui  rendit 
sa  célébrité  en  le  choisissant  pour  son  école  de  philosophie,  et  en  y 
fondant  la  fameuse  secte  des  stoïciens,  ^Tooto'i,  ainsi  nommés  du  por¬ 
tique,  GToa,  sous  lequel  ils  s’assemblaient^. 

Devant  le  Pœcile  s’élevaient  plusieurs  statues  en  bronze  de  person¬ 
nages  célèbres;  on  y  remarquait  celle  de  Solon®. 

Nous  avons  dit  que  l’authenticité  des  ruines  attribuées  au  Pœcile  est 
fort  peu  prouvée  ;  en  effet,  ce  qui  reste  encore  debout  ne  paraît  pas  avoir 
appartenu  à  un  portique  double,  mais  à  l’extrémité  occidentale  d’un 
portique  simple  ouvert  au  nord,  et  s’étôndant,  il  est  vrai,  comme  ‘le 
Pœcile,  de  l’est  à  l’ouest. 

L’angle  sud-ouest  que  présente  notre  dessin  étant  entier  et  sans  arra¬ 
chements  ,  rien  n’indique  qu’il  ait  existé  un  second  portique  exposé  au 
midi.  Quoi  qu’il  en  soit,  voici  ce  qui  reste  aujourd’hui.  L’angle  postérieur 
sud-ouest  est  composé  d’une  plinthe  de  0'",  30,  surmontée  d’une  moulure 


1.  Suivant  Cornélius  INepos  {Thémistocles.  VI),  on  pouvait  ainsi  reconnaître  Miltiade  à  la  place 
qu’il  occupait  dans  la  composition.  «  Le  seul  honneur,  dit-il,  qu’obtint  Miltiade,  qui  venait  de  sauver 
l’Attique  et  toute  la  Grèce,  fut  d’être  représenté,  à  la  tête  de  ses  dix  collègues,  au  moment  où  il 
exhortait  ses  soldats  et  engageait  l’action,  dans  la  peinture  de  la  bataille  de  Marathon  qui  fut  placée 
sous  le  portique  appelé  Pœcile.  » 

2.  Att.  C.  XV. 

3.  Habitants  de  Scione,  ancienne  ville  de  la  Ghalcidique,  dans  la  presqu’île  de  Pallène,  sur  la 
mer  Égée. 

4.  L’an  415  avant  J.-C.,  par  Cléon  et  Démosthène.  Voy.  Thucydide,  L.  IV,  §  38. 

Ifaud  libi  inexpei’tum  curvos  deprendere  mores 
Quœque  docet  sapiens,  braccatis  illila  Médis 
Porlicus . 

«  Tu  sais  distinguer  ce  qui  dévie  de  la  saine  morale  ;  tu  sais  les  sages  leçons  du  portique  où  sont  peints  les 
Mèdes  aux  larges  braies*.  »  Perse.  Sat,  III. 

G.  Pausanias,  Att.  C.  XVI.  —  Démosthène.  In  Aristog.  —  Ælien.  L.  VIII,  c.  16. 

*  ’AvaÇ'jpthî. 


POKCILE 


227 


et  d’un  soubassement  de  1"',  65  de  hauteur,  formé  de  grandes  dalles  de 
marbre  debout,  portant  un  bandeau  en  saillie  haut  de  0'",  25, et  au-dessus, 
dans  l’angle,  la  partie  la  plus  intacte  de  l’édifice,  une  muraille  en  équerre, 
composée  de  quatorze  assises  de  pierre  de  0'’‘,39  de  hauteur.  Le  mur 


Ruines  du  Pœcile. 


occidental,  resté  entier  dans  sa  largeur,  nous  donne  la  profondeur  du 
monument,  qui  était  de  6"',  82.  La  plinthe,  de  ce  côté,  porte  les  traces 
d’une  inscription  illisible,  que,  d’après  la  forme  des  lettres,  M.  Pittakis 
pense  ne  pas  remonter  au  delà  de  l’époque  romaine.  Nous  verrons  tout 
à  l’heure  qu’un  autre  fait  pourrait  s’ajouter  à  cette  observation.  La 
partie  de  la  muraille  en  retour  au  sud  et  ayant  formé  le  fond  du  por¬ 
tique  a  encore  5'”, 60  de  hauteur;  mais  sa  partie  inférieure  n’est  point 
déblayée.  Au  nord,  les  fouilles  ont  mis  à  découvert  le  soubassement 
entier  composé  de  belles  assises  de  pierres  du  Pirée,  d’une  hauteur  totale 
de  2  mètres,  et  surmonté  d’une  moulure  de  marbre.  Le  reste  est  détruit 
et  remplacé  par  une  muraille  moderne  formée  de  toute  espèce  de  maté¬ 
riaux  qui,  fermant  cette  partie  du  portique  au  nord  et  à  l’est,  l’a  converti 
en  une  salle  qui  a  été  habitée.  Dans  cette  salle,  on  voit,  couchés  ou 
employés  comme  matériaux,  de  nombreux  tronçons  de  colonnes  de  0"',75 
de  diamètre.  Ces  colonnes,  provenant,  selon  toute  apparence,  du  portique 
lui-même,  ne  sont  point  cannelées,  et  ne  peuvent,  par  conséquent, 


m 


ATHÈNES 


remonter,  au  beau  temps  de  l’art  grec  ;  elles  doivent  plutôt  appartenir  à 
l’époque  romaine.  Il  est  donc  difficile  d’admettre  que  nous  ayons  vérita¬ 
blement  sous  les  yeux  les  restes  du  Pœcile.  Avait-il  été  remplacé  par  un 
nouveau  portique,  dont  nous  voyons  les  ruines?  Cette  supposition  est 
encore  peu  probable,  car  Synésius,  qui  visita  Athènes  en  l’an  /|.02  de 
notre  ère ,  dit  que  le  Pœcile  existait  encore ,  bien  que  dépouillé  de  ses 
peintures 

Sénat.  Un  peu  au-dessus  du  Pœcile,  en  allant  vers  l’Acropole,  on 
trouve  dans  la  rue  qui  en  a  pris  le  nom,  6^dç  BouXsur/ipiou,  rue  du  Sénat, 
les  ruines  considérables,  mais  informes,  d’un  grand  édifice  dans  lequel 
on  croit  reconnaître  le  lieu  de  réunion  du  conseil  des  cinq  cents ,  •/(  pouV/j 
Tcov  TOVTaz-oGtcov.  Ces  ruines  se  trouvent  en  effet,  comme  l’a  dit  Pausa- 
nias,  dans  le  voisinage  du  temple  de  la  Mère  de  Dieu  ,  dit  3Iétroun^ , 
situé  un  peu  plus  haut  dans  la  même  rue,  et  leur  position,  par 
rapport  à  l’Aréopage,  justifie  le  nom  de  sénat  d’en  bas,  ■/,  xaTw  pouV/f, 
qu’on  donnait  à  double  titre  à  ce  conseil  pour  le  distinguer  de  l’Aréo¬ 
page,  le  sénat  d’en  haut„  vf  avco  pouXv]. 

Le  conseil  ou  sénat,  créé  par  Solon  •^,  n’était  composé  d’abord  que  de 
quatre  cents  membres  tirés  au  sort  chaque  année  parmi  les  citoyens  no¬ 
tables  des  quatre  tribus,  ayant  atteint  l’âge  de  trente  ans. 

Quatre-vingt-six  ans  environ  après  l’établissement  de  la  constitution 
de  Solon ,  Clisthène  ayant  porté  le  nombre  des  tribus  à  dix,  cent  nou¬ 
veaux  membres  furent  adjoints  au  conseil  qui  prit  alors  le  nom  de  conseil 
des  cinq  cents;  enfin,  plus  tard  encore,  le  nombre  des  tribus  s’étant 
élevé  jusqu’à  douze,  celui  des  membres  du  conseil  fut  porté  à  six  cents, 

1.  Le  passage  de  Synésius  est  le  principal  argument  mis  en  avant  par  ceux  qui  ont  prétendu  que 
les  peintures  du  Pœcile  étaient  portatives  et  sur  bois.  Cet  écrivain  dit,  en  effet,  en  termes  formels  ; 

«  Le  portique  Pœcile  n’est  plus  pœcile  (orné  de  peintures)...  Le  gouverneur  de  la  province  a  enlevé 
les  planches,  ràç  amiôaç,  où  Polygnote  de  Thasos  avait  déposé  les  fruits  de  son  pinceau.  » 

Sur  la  foi  qu’on  doit  ajouter  à  ce  passage  et  sur  les  déductions  qu’on  peut  en  tirer,  voy.  Letronxe, 
Lettres  d’un  antiquaire  à  un  artiste,  p.  201,  et  R.  Rochette,  Peintures  inédites,  p.  150. 

2.  «  Près  de  là  (près  du  temple  de  la  Mère  des  Dieux  ou  Métroun),  est  le  sénat  des  cinq  cents  qui 
se  renouvelle  chaque  année.  On  y  remarque  une  statue  de  Jupiter  Bulæus,  un  Apollon,  ouvrage  de 
Pisias,  et  une  statue  du  peuple  de  la  main  de  Lyson.  Protogène  de  Cannes  et  Olbiade  y  ont  peint, 
le  premier,  les  législateurs  d’Athènes,  et  le  second,  ce  Callippus  qui  conduisit  les  Athéniens  aux 
Thermopyles  pour  s’opposer  à  l’irruption  des  Gaulois  dans  la  Grèce.  » 

Pausanias.  Att.  C.  III. 

3.  Plutarque.  Vie  de  Solon. 


SÉNAT. 


229 


cinquante  membres  continuant  à  être  fournis  par  chaque  tribu  Nous 
trouverons  ce  conseil  des  six  cents  mentionné  dans  rinscription  de  la 
statue  élevée  en  l’honneur  de  Julie,  fille  d’Auguste,  à  la  porte  de  V Agora. 

Le  conseil  était  chargé  d’examiner  avec  soin  les  questions  qui  devaient 
être  soumises  à  la  délibération  du  peuple ,  et  qui  n’étaient  présentées  aux 
assemblées  que  revêtues  de  so-n  approbation  2,  sous  le  nom  dé  sénatus- 
consultes,  (]>vi<p(cr[/.aTa  Tviç  Il  vérifiait  les  comptes  des  magistrats , 

à  l’expiration  de  leurs  fonctions  ;  il  veillait  à  l’entretien  des  citoyens 
pauvres;  il  nommait  les  gardiens  des  prisons,  avait  l’administration  géné¬ 
rale  de  la  flotte,  et  enfin  jugeait  les  crimes  prévus  par  la  loi.  Les  séna¬ 
teurs,  pouls'jTai,  recevaient  un  salaire  fixe  d’une  drachme  par  jour  et,  à 
l’expiration  de  leurs  fonctions,  une  couronne  pouvait  leur  être  décernée 
par  le  peuple  en  récompense  de  leur  bonne  et  intègre  administration. 

La  présidence  du  conseil  était  exercée  successivement,  et  d’après  un 
ordre  réglé  par  le  sort,  par  chaque  tribu  ;  les  cincfuante  membres  qu’elle 
avait  fournis  prenaient  le  titre  de  prytanes,  TupuTavsiç,  pendant  l’exercice 
de  leur  prytanie^  ^puraveta  L’année  lunaire  alors  en  usage,  se  compo¬ 
sant  de  35/1.  jours,  avait  été  divisée  en  dix  périodes,  les  quatre  premières 
de  36  jours,  les  six  autres  de  35,  formant  chacune  la  durée  d’une  pry- 
tanie.  Cette  durée  fut  réduite  à  un  mois  quand  le  nombre  des  tribus  fut 
porté  à  douze,  et  celui  des  membres  du  conseil  à  six  cents.  Les  cinquante 
prytanes  se  partageaient  eux- mêmes  en  cinq  décuries,  chargées  de 
présider  le  conseil  chacune  pendant  une  semaine;  les  membres  de  la 
décurie  en  fonction  portaient  le  nom  de  proèdres ,  Trpoe^pot.  Enfin,  dans 
cette  décurie  même,  le  sort  désignait  également  le  président  de  chaque 
jour,  Vépistate,  extaxaT'/îç,  et  comme  la  semaine  n’a  c|ue  sept  jours, 
naturellement  trois  prytanes  par  décurie  n’étaient  point  appelés  à  l’hon¬ 
neur  de  la  présidence.  Ij'épistate,  gardien  des  sceaux,  des  clefs  de  la 

1.  On  désignait  en  même  temps,  également  par  la  voie  du  sort,  un  nombre  égal  de  suppléants, 

£7U>>a)(6vT£Ç. 

2.  «  Et  toi,  prytane,  si  tu  crois  qu’il  t’appartienne  de  veiller  sur  la  république,  si  tu  veux  être 
bon  citoyen,  mets  cette  proposition  en  délibération  et  appelle  les  Athéniens  à  voter  de  nouveau.  » 

Thucydide.  L.  VI,  c.  14. 

3.  De  petit  caillou  qui  servait  pour  les  votes. 

4.  Recevoir  une  drachme  par  jour,  Spayjjifjv  tÿi;  la.yjXv,  était  devenu  synonyme  de  faire 

partie  du  conseil  des  cinq  cents.  La  valeur  de  la  drachme  serait  aujourd’hui  d’environ  9  francs. 

5.  C’est  ainsi  que  nous  trouvons  dans  Thucydide  (L.  IV,  §  118)  la  ratification  d’une  trêve  d’un 
an  conclue  avec  les  Lacédémoniens,  commençant  par  ces  mots  :  «  Adopté  par  le  peuple,  sous  la 
prytanie  de  la  tribu  Acaniantide,  etc.  » 


230 


ATHÈNES. 


ville  et  du  trésor  public,  ne  pouvait  conserver  son  emploi  plus  d’un  jour,  et 
n’était  point  rééligible.  Il  nommait  neuf  proèdres  distincts  des  premiers  et 
qu’il  choisissait  dans  les  neuf  tribus  qui  n’avaient  point  fourni  les  prytanes 
en  fonction.  Ces  proèdres  étaient  chargés  de  porter  les  décrets  du  conseil 
aux  assemblées  générales,  où  le  premier  nommé  recueillait  les  suffrages. 

Les  prytanes  avaient  pour  mission  de  réunir  le  conseil  tous  les  jours 
qui  n’étaient  ni  fériés,  ni  néfastes,  sous  peine,  en  cas  de  négligence,  d’une 
amende  de  mille  drachmes  ;  mais,  en  outre,  logés  ensemble  aux  frais  de 
l’Etat  dans  un  édifice  nommé  le  Prytanée,  ils  formaient  un  conseil  per¬ 
manent  qui,  représentant  le  conseil  entier,  pouvait,  à  sa  place,  prendre 
les  décisions  exigées  par  les  cas  urgents.  Enfin,  c’était  entre  leurs  mains 
que  les  plaideurs,  avant  d’entamer  une  procédure,  devaient  consigner 
une  certaine  somme  pour  répondre  des  frais  Cette  somme  était  par¬ 
tagée  entre  les  juges  après  le  prononcé  du  jugement,  et  le  condamné 
devait  indemniser  sa  partie  adverse  de  cette-  avance  2. 

De  l’édifice  où  siégeait  le  conseil,  il  ne  reste  aujourd’hui  que  de 
grandes  substructions  en  pierre  du  Pirée,  de  nombreux  tronçons  de 
colonnes  non  cannelées  de  0"’,75  de  diamètre,  d’autres  cannelés  un  peu 
plus  forts,  et  une  base.  Sur  un  des  fûts  de  colonne  on  lit  cette  inscrip¬ 
tion,  assez  mal  orthographiée  ; 

H  BOTAH  KAI  O  AHMOS 
SENOKAHN  OEOTIOMITOY 
PAMNOÏSION  EILHriITlIN 
TENOMENON  TOT  SITC2NIKOT 
TAMIEOY  KAI  SITÜNHSANTA 
AIX  KAI  XTPATHrON  EITI  TOS  (sic) 

OIIAEITAS  TENOMENON 
TETPAKIL  APETHS  ENEKA 
KAI  EYNOIAX  THS  EIS  EATOYS  (sic) 

«  Le  sénat  et  le  peuple  {honorent)  Xénoclès  de  Rhamnonte^,  fils  de  Théopompe, 
aj'ant  été  fondateur  du  grenier  de  réserve,  deux  fois  commissaire  pour  l’achat  des  grains 
et  quatre  fois  nommé  commandant  des  oplites  pour  son  mérite 
et  sa  bienveillance  envers  eux.  » 

Au  milieu  des  ruines  est  une  ancienne  citerne,  et  dans  un  massif  de 

1.  On  nommait  les  sommes  ainsi  consignées  prytanies,  Trpuxaveïa;  de  là  la  locution  :  TrpuTavsta 
-riSevai  vivt,  fournir  les  prytanies  a  quelqu’un,  pour  l’assigner  en  justice  en  consignant  la  somme 
voulue  par  la  loi. 

i(  Pasias.  Je  m  en  vais;  mais  que  je  meure,  si  de  ce  pas  je  ne  vais  déposer  la  consignation.  » 

2.  POLLDX.  Onomast.  L.  VIII,  c.  6.  Artstophane.  Les  Nuées. 

3.  Bourg  de  l’Attique  célèbre  par  le  culte  de  Némésis. 


PORTIQUE  DES  ÉPONYMES.  231 

constructions  on  voit  enclavée  une  grande  jarre  de  terre  cuite,  un  dolium. 
Plusieurs  fûts  de  colonnes  d’un  faible  diamètre  et  de  marbre  du  mont 
Hymette  ont  dû  appartenir  à  l’église  byzantine,  devenue  mosquée,  qui 
avait  remplacé  le  Sénat,  et  dont  on  reconnaît  encore  quelques  traces. 

Trois  fragments  de  sculpture  sont  conservés  dans  la  maison  du  gar¬ 
dien  des  ruines  ;  ce  sont  une  statuette  de  femme  drapée  dont  la  tête 
manque,  un  beau  torse  de  jeune  homme,  et  une  moitié  de  bas-relief 
représentant  la  partie  supérieure  du  corps  d’un  Satyre. 

Portique  des  Éponvmes.  Entre  le  Pœcile  et  le  temple  de  Thésée, 
dans  la  rue  des  Éponymes,  se  trouve  une  assez  vaste  enceinte  récemment 
fouillée  où  s’élèvent  les  restes  d’un  monument  considérable  dont  il  est 
presque  impossible  de  reconstruire  le  plan.  Son  existence  était  depuis 
longtemps  indiquée  par  deux  piliers  en  partie  enterrés^  et  qui  aujour¬ 
d’hui  sont  entièrement  dégagés.  M.  Pittakis  ^  avait  décrit  ces  ruines 
sous  le  nom  de  monument  de  Phorbas^;  mais  depuis  qu’on  est  fixé  sur 
la  position  du  Boukeur^'piov,  du  Sénat,  on  a  une  précieuse  indication  qui 
peut  conduire  à  la  vérité.  Pausanias,  en  effet,  nous  apprend  que  c’était 
dans  le  voisinage  de  cet  édifice  que  se  trouvait  le  portique  des  Éponymes 
où  étaient  affichés  les  décrets  et  les  annonces  publiques  ;  nous  savons 
que  ce  portique  était  orné  des  statues  des  héros  éponymes  Ces  statues 


1.  «  Dans  une  maison,  on  montre  deux  caryatides  colossales;  ce  sont  deux  hommes  nus,  à  genoux, 
dont  le  corps  se  termine  en  queue  de  poisson.  La  sculpture  en  est  assez  mauvaise.  » 

Bloüet  et  Ravoisier.  Expédition  scientifique  de  Morée. 

2.  V Ancienne  Athènes, 

3.  «  Phorbas,  dit  Diodore,  était  fils  de  Lapithès  et  d’Orsinome,  et  frère  de  Périphas  et  de  Diogénie. 
Ayant  délivré  l’île  de  Rhodes  des  serpents  qui  l’infestaient,  il  reçut  les  honneurs  héroïques.  » 

4.  O'i  £7rwvu(ro(  iipweç,  de  Itti  ôvo[Aa,  sur  nom.  On  appelait  éponymes  les  héros  qui  avaient  donné 
leurs  noms  aux  tribus  de  l’Attique. 

Dans  le  principe,  les  tribus,  çufal,  étaient  eulement  au  nombre  de  quatre,  auxquelles  Cécrops 
avait  donné  les  noms  de  :  Cécropide,  KsxpoTiU;  Autochthone,  ’Aut6x,0wv,  Actée,  ’Axvaia,  d’àxvYi,  rivage, 
et  Paralie,  llapaXioc,  maritime.  Cranaüs  changea  ces  noms  en  ceux  de  Cranaïde,  Kpavatç;  d'Atthide, 
d’ ’Axôiç,  nom  de  sa  fille  ;  de  Mésogée,  Mcaoyata,  située  au  milieu  des  terres,  et  Diacride,  Atàxpu;,  sépa¬ 
ration,  de  la  position  isolée  de  cette  tribu.  Érichthonius,  à  son  tour,  nomma  les  tribus  Diade,  Aiàç; 
Athénaîde,  ’Aerivaïc;  Posidoniade ,  noaetSwviàc ,  et  Héphaïstiade ,  'HcpaidTià? ,  des  noms  grecs  de 
Jupiter,  Minerve,  Mercure  et  Vulcain, 

Le  nombre  des  citoyens  ayant  augmenté,  Clisthène  porta  à  dix  celui  des  tribus,  en  donnant  à 
chacune  le  nom  d’un  ancien  héros  qui  fut  dit  éponyme;  elles  furent  donc  appelées  :  Ërechthéide, 
d’Érechthée;  Cécropide,  Kexpoutç,  de  Cécrops;  Égéide,  ’Atyrilç,  d’Égée;  Pandionide, 
llavSioviç,  de  Pandion;  Acamantide,  'AxapLawi;,  d’Acamas;  Antiochide,  Avxtoxh,  d’Aiitiochus;  Léon- 
tide,  Aeovxîç,  de  Léos  ;  OEnéïde,  'Oivr;iç,  d'OEnée;  H ippothoontide ,  'IutcoQowvxIç  ,  d’Hippothoon,  et 
Aiantide,  Atavxii;,  d’Ajax  (Pausanias.  Ait.  C.  V).  Plus  tard,  les  Athéniens,  délivrés  par  Démétri us. 


232 


ATHÈNES. 


étaient  certainement  tout  autres  que  celles  que  nous  voyons  aujourd’hui. 
Détruites  sans  doute  dans  l’une  des  nombreuses  dévastations  qu’Athènes 
eut  à  subir,  elles  auront  été  refaites  assez  grossièrement  au  ii®  ou  au 
III  siecle  de  notre  ère,  sous  la  domination  romaine.  M.  Ross  fait  remar¬ 
quer  avec  raison  que  ces  piliers,  dont  la  partie  postérieure  était  entière¬ 
ment  lisse,  étaient  parfaitement  disposés  pour  recevoir  les  décrets 
qu’on  y  affichait  et  que  les  citoyens  pouvaient  lire  à  leur  aise  et  à 
couvert. 

Le  portique,  ouvert  au  nord  comme  le  Pœcile,  était  soutenu  par  des 
piliers  carrés  dont  deux  sont  encore  en  place.  Aux  piliers  et  servant 


ajoutèrent  encore  deux  tribus  auxquelles  ils  donnèrent  les  noms  à'Antigonide,  ’AvirtYov'K;,  et  Démé- 
triade,  Ar,jxr;Tptà;  (Plutarque.  Vie  de  Démétrius,  et  Diodore  de  Sicile.  L.  XX,  §  46),  qui  furent 
changés  depuis  en  ceux  à  Attalide,  ATTa).i<;,  et  PtolémcCide,  nxoX£[jLatç,  en  l’honneur  de  deux  princes 
bienfaiteurs  d’Athènes,  Attale,  roi  de  Pergame,  et  Ptolémée,  roi  d’Égypte. 

Malgré  sa  longueur,  nous  pensons  que  nos  lecteurs  nous  sauront  gré  de  transcrire  ici  un  curieux 
passage  de  Démosthène,  qui  fait  connaître  les  titres  que  les  héros  éponymes  avaient  à  l’honneur  que 
les  Athéniens  leur  avaient  décerné. 

«  Tous  les  Érechthéides  savent  que  cet  Érechthée,  dont  ils  tirent  leur  nom,  avait,  pour  sauver  le 
pays,  abandonné  les  Ilyacinthides,  ses  filles,  à  une  mort  certaine.  Lors  donc  qu’un  fils  des  dieux 
avait  tant  sacrifié  à  la  délivrance  de  sa  patrie,  ils  auraient  rougi  de  paraître  mettre  à  plus  haut  prix 
un  corps  mortel  qu’une  impérissable  renommée.  N’ignorant  pas  que  Thésée,  fils  d’Égée,  avait  le 
premier  établi  dans  Athènes  l’égalité  civique,  les  Égéides  se  seraient  fait  un  crime  de  trahir  les 
principes  de  ce  grand  homme;  et  ils  ont  mieux  aimé  mourir  que  de  leur  survivre  à  la  face  de  la 
Grèce  pai  un  lâche  attachement  à  la  terre.  La  tradition  avait  appris  aux  Pandionides  quelle  vengeance 
Procné  et  Philomèle  tirèrent  des  outrages  de  Térée;  unis  par  le  sang  à  ces  filles  de  Pandion,  la  mort 
leur  eût  semblé  un  devoir,  s  ils  n’avaient  déployé  le  même  courroux  contre  les  oppresseurs  de  la 
Grèce.  On  avait  dit  aux  Léontides  :  Les  Léocores  (les  filles  de  Léos),  célèbres  dans  la  fable,  s’offri¬ 
rent  au  éoutteau  sacré  pour  sauver  la  patrie;  et,  à  la  pensée  du  mâle  courage  de  ces  jeunes  filles, 
des  hommes  se  seraien  crus  coupables  s’ils  ne  les  eussent  égalées  Les  Acamantides  se  rappelaient 
ces  vers  où  Homère  dit  qu’Acamas  se  rendit  à  Troie  par  tendresse  pour  OEthra  dont  il  tenait  le  jour; 
ainsi  ce  héros  brava  tous  les  périls  pour  délivrer  sa  mère  ;  et  ses  descendants ,  alors  qu’il  fallait 
protéger  tous  leurs  parents,  tous  leurs  amis,  auraient  reculé  devant  le  danger  !  Les  OEnéides  n’ou¬ 
bliaient  point  que  Sémidé,  née  de  Cadmus,  eut  pour  fils  un  dieu  qu’il  ne  convient  pas  de  nommer 
dans  ces  funérailles,  et  que  ce  dieu  était  père  d’OEnée,  premier  Suteur  de  leur  race;  à  la  vue  du 
péril  qui  pressait  également  les  deux  républiques,  la  lutte  la  plus  sanglante  fut  pour  eux  une  dette 
à  payer.  Le  chef  des  Gécropides  fut,  dit-on,  moitié  homme,  moitié  serpent,  sans  doute  parce  qu’à  la 
force  du  dragon  il  unissait  toute  la  sagesse  d’un  mortel  ;  de  là  les  deux  grandes  qualités  qu’il  appar¬ 
tenait  suitout  à  cette  tribu  de  faire  revivre.  Les  Hippothoontides  se  souvenaient  de  l’hymen  d’Alopè 
d  où  naquit  Hippothoon  qu’ils  reconnaissaient  pour  leur  chef.  Fidèle  aux  convenances  de  ce  jour,  je 
ne  développerai  pas  ce  souvenir.  Ils  pensaient  donc  que  c’était  à  eux  à  se  montrer  dignes  de  ce  grand 
homme.  La  tribu  d  Ajax  était  instruite  que  ce  guerrier,  frustré  du  prix  de  la  valeur,  n’avait  pu  sup- 
poitei  la  vie;  aussi,  lorsque  ce  prix  fut  décerné  à  un  autre  par  la  Fortune,  repoussant  les  ennemis, 
elle  comprit  qu’il  fallait  mourir  pour  remplir  la  vraie  destinée  des  Aiantides.  Vivre  dignes  de  nos 
ancôties  ou  périr  avec  gloire,  telle  fut  la  maxime  des  Antiochides  qui  n’avaient  pu  oublier  qu’An- 
tiochos  était  fils  d’Hercule.  » 

Démosthène.  Éloge  funèbre  des  Athéniens  morts  à  Chéronée. 


PORTIQUE  D’ADRIEN. 


233 


d’atlantes,  sont  adossés  des  personnages  en  demi-relief  et  de  proportion 
colossale  dont  les  cuisses  se  terminent  en  double  queue  de  poisson,  desi- 
nunt  in  piscem.  Ces  figures  peuvent  d’autant  mieux  être  celles  des 
Éponymes  que  nous  savons  que  plusieurs  de  ces  héros,  tels  qu’Érech- 
thée,  Cécrops,  etc.,  étaient  ordinairement  représentés  avec  la  double 
nature. 


Eponyme. 


Au-dessous  des  figures,  sur  leur  piédestal ,  est  un  bas-relief  offrant 
un  serpent  entourant  un  arbre  de  ses  replis  ;  il  est  facile  d’y  reconnaître 
l’olivier  et  le  serpent  sacrés  de  l’Acropole. 

Un  troisième  colosse  sans  piédestal  est  dressé  dans  un  coin  de  l’en¬ 
ceinte.  Tous  trois  sont  privés  de  leurs  têtes  et  de  leurs  bras.  Derrière 
l’un  d’eux  est  gravée  cette  inscription  : 


ANHrEPOH  TOI  1858  lOTNlOT  24 


«  Relevé  en  1858,  le  24  juin.  » 


Un  fragment  d’architrave ,  un  tronçon  de  colonne  non  cannelée  et  de 
nombreux  fragments  de  moulures  sont  gisants  sur  le  sol  dans  lequel  on 
voit. l’embouchure  d’une  citerne. 

Portique  d’Adrien.  Nous  trouvons  à  Athènes  les  restes  bien  plus 


cansidérables  d’un  autre  portique  décrit  par  Ghandler,  sous  le  nom  de 
Prytanée^,  et  par  Stuart  sous  celui  de  Pœcile^,  mais  que  la  seule 
inspection  de  son  architecture  suffit  pour  faire  reconnaître  comme  un 
édifice  d’époque  romaine.  Les  traducteurs  de  Ghandler,  Servois  et  Bar- 
bié  du  Bocage  y  voient  le  Panthéon  d’Adrien,  et  Spon  et  Wheler,  et 
après  eux  Leroy,  le  temple  de  Jupiter  Olympien,  mais  au  moins  l’erreur 
des  derniers  est  plus  excusable,  puisque  ces  deux  édifices  sont  contem¬ 
porains  du  portique  d’Adrien,  que  l’on  s’accorde  aujourd’hui  à  retrouver 
dans  le  monument  que  nous  allons  décrire. 

Get  édifice  présente  une  vaste  enceinte  rectangulaire  ABGD,  située 


Plan  du  Portique  d’Adrien. 


au  nord  de  l’Acropole,  et  dont  la  muraille  postérieure  ou  orientale  GD 
se  trouve  dans  l’alignement  de  la  rue  d’Éole,  la  principale  de  l’Athènes 
moderne  ;  sa  longueur  est  de  iSS"*,  l/i,  et  sa  largeur  de  8i'",  86.  La 
façade  AB,  tournée  à  l’ouest^,  se  composait  d’une  porte  centrale  E, 
flanquée  de  deux  murailles  de  marbre  richement  ornées.  La  muraille  de 
droite  EB^,  ainsi  que  le  mur  méridional  BD,  a  fait  place  à  une 


1.  Voyages  en  Grèce.  T.  Il,  p.  503. 

2.  De  son  temps,  les  Athéniens  le  nommaient  indifféremment  palais  de  Périclès  ou  de  Thé- 
mistocle. 

3.  Voy.  planche  VI. 

i.  «  La  moitié  de  la  façade  qui  est  au  sud-ouest  du  portail  se  trouve  dans  un  état  de  ruine  complet; 
cependant  une  grande  partie  du  mur  de  face  existe  encore,  et  on  retrouve  dans  leur  place  primitive 
les  sept  piédestaux  et  quelques  fragments  des  colonnes.  » 


Stuart.  Antiquités  d’Athènes.  I,  GO. 


PORTIQUE  D’ADRIEN. 


235 


grande  caserne  de  cavalerie;  celle  de  gauche  AE  est  restée.  Elle  est 
ornée  de  sept  colonnes  corinthiennes  non  cannelées,  d’un  seul  morceau 
de  marbre  tacheté  de  vert  ressemblant  au  cipollino^.  Les  piédestaux, 
enterrés  pour  la  plupart,  et  quelques-uns  tout  à  fait,  sont  du  même 
marbre,  mais  les  bases  et  les  chapiteaux  sont  de  marbre  pentélique.  Par 
une  innovation  dont  l’effet  n’est  guère  heureux,  les  angles  du  tailloir  de 
ces  chapiteaux  ne  sont  point  abattus,  mais  sont  au  contraire  très-aigus  2. 
Le  diamètre  des  colonnes  est  de  0™,  90,  et  leur  hauteur ,  y  compris  la 
base  et  les  chapiteaux,  mais  sans  le  piédestal,  est  de  8'",  60.  Elles  sont 
à  0™,65  de  la  muraille  et  espacées  entre  elles  de  3'",  25.  M.  Pittakis^ 
dit  avoir  reconnu  sur  l’entablement  qui  surmonte  chaque  colonne  les 
traces  d’une  statue  de  bronze  s’appuyant  sur  une  pique. 

Le  portique  était  fermé  à  chaque  bout  par  un  mur  en  équerre  A  F 
et  B  G,  terminé  par  une  ante.  Ce  mur,  qui,  à  l’extrémité  septentrionale  du 
portique,  existait  encore  tout  entier  au  temps  de  Stuart^,  n’a  conservé 
aujourd’hui  que  sa  partie  inférieure  adossée  à  une  mosquée  transformée  en 
gymnase  musical  pour  l’armée.  La  porte  E,  que  Stuart  vit  aussi  presque 
entière,  était  accompagnée  de  deux  antes  moins  saillantes  H  et  I, 

et  précédée  d’un  portique  ou  péristyle  L,  formé  de  quatre  colonnes  de 

% 

même  ordre,  mais  rudentées  dans  le  tiers  inférieur,  et  cannelées  dans  le 
reste  de  leur  hauteur.  Elles  portaient  un  fronton,  et  s’élevaient  sur  un 
perron  composé  de  six  degrés  dont  il  ne  reste  point  de  traces.  Grâce 
aux  piédestaux  sur  lesquels  étaient  exhaussées  les  colonnes  placées  en 
avant  de  la  muraille,  toutes  se  trouvaient  au  même  niveau  dans  toute 
l’étendue  de  la  façade.  Trois  des  colonnes  du  péristyle,  avec  leur  enta¬ 
blement,  figurent  encore  dans  le  dessin  de  Stuart,  mais  elles  ont  déjà 
disparu  dans  la  planche  de  l’expédition  de  Morée  où,  comme  aujour¬ 
d’hui ,  s’élève  seulement,  en  avant  de  l’ante  H,  une  colonne  isolée  N, 

1.  «  Adrien  a  orné  Athènes  de  plusieurs  autres  édifices  qui  sont  :  le  temple  de  Junon  et  de  Jupiter 

Panhellénien,  et  le  Panthéon,  mais  on  admire  surtout  des  portiques  formés  décent  vingt  colonnes 
de  marbre  de  Phrygie,  et  dont  les  murs  sont  du  même  marbre.  On  y  voit  des  salles  dont  les  plafonds 
sont  ornés  d’or  et  d’albâtre,  et  qui  sont  décorées  de  tableaux  et  de  statues  ;  elles  contiennent  des 
livres.  »  Paüsanias.  Att.  C.  XVIII. 

2.  Il  en  est  de  même  au  temple  de  Vesta,  à  Rome,  qui,  comme  le  monument  qui  nous  occupe, 
appartient  au  ii®  siècle  de  notre  ère. 

3.  V Ancienne  Athènes. 

4.  T.  I,  pl.  XXXl. 


236 


ATHÈNES. 


qui  formait  l’angle  NO  du  péristyle.  L’une  des  colonnes  fut  renversée 
en  1780;  la  moitié  d’une  troisième  a  été  retrouvée  dans  les  fouilles  faites 
en  1835  pour  les  fondations  de  la  caserne. 

Le  mur  M,  qui  prolonge  la  muraille  au  delà  de  l’ante  H,  se  termine 
par  le  piédroit  et  une  partie  du  linteau  de  la  porte  E.  A  l’épocjue  de 
l’expédition  de  Morée,  la  partie  inférieure  de  la  colonnade  F  H  était 
enterrée;  et  si  les  constructions  qui  étaient  venues  s’y  appuyer  avaient 
disparu  en  laissant  des  traces  de  leur  existence^,  on  y  voyait  encore 
dans  l’angle  H  une  petite  église  byzantine,  qui  a  également  été  démolie, 
ainsi  qu’une  arcade  construite  au  sommet  de  la  colonnade  et  servant  de 
clocher,  lorsqu’on  a  dégagé  l’édifice  antique.  La  porte  de  l’église  était 
formée  par  l’espace  compris  entre  l’ante  H  et  la  colonne  isolée  N, 
restée  debout  à  l’angle  du  péristyle.  Au  pied  de  la  troisième  colonne  O, 
on  voit  quelques  restes  des  constructions  de  l’abside.  Enfin,  l’existence 
de  l’église  est  encore  rappelée  par  des  traces  de  peintures  chrétiennes 
existant  encore  sur  la  muraille  de  marbre. 

Dans  celle-ci,  de  nombreux  trous  ont  été  pratiqués  dans  les  bas  siècles 
pour  extraire  les  crampons  de  bronze  qui  unissaient  les  blocs,  ainsi 
qu’on  le  fit  aussi  au  Colisée  et  à  la  plupart  des  monuments  de  Rome. 

Le  mur  du  nord  AG,  formé  de  grosses  pierres  du  Pirée,  est  assez 
difficile  à  Voir  à  l’intérieur  par-dessus  les  étaux  de  bouchers  qui  lui  sont 
adossés,  et  encore  plus  à  l’extérieur,  où  il  est  entièrement  masciué  par 
des  échoppes  ;  mais ,  de  ce  côté ,  en  entrant  dans  la  petite  cour  qui  existe 
derrière  la  plupart  de  celles-ci,  il  est  facile  de  s’assurer  que  le  mur 
existe  dans  une  grande  partie  de  sa  longueur,  et  l’on  voit  cfuelques  arra¬ 
chements  PQ  d’un  hémicycle  R  d’environ  10  mètres  de  diamètre,  et 
un  reste  ü  d’un  autre  hémicycle  S,  c^ui  lui  faisait  pendant.  Ces  hémi¬ 
cycles  ont  tout  le  caractère  des  exèdres  dont  parle  Vitruve,  et  il  est 
présumable  qu’ils  contenaient  des  sièges  pour  les  promeneurs  qui  fré- 
cfuentaient  le  portique.  Au  centre  de  la  muraille  était  une  grande  niche 
quadrangulaire  T,  c[ui  a  été  percée,  si  toutefois,  comme  le  pense 

1.  «  Cette  façade  est  encombrée  de  maisons,  de  magasins  et  de  boutiques  qui  y  ont  été  adossés 
et  qui  en  obstruent  la  vue  au  point  de  rendre  la  disposition  générale  de  l’édiftce  entièrement  mécon¬ 
naissable  pour  ceux  qui  se  trouvent  au  niveau  de  la  rue;  ils  en  cachent  même  encore  une  grande 
partie  au  spectateur  placé  dans  la  situation  la  plus  favorable.  Ces  magasins  et  ces  boutiques  sont 
occupés  par  des  fabricants  de  savon;  il  y  en  a  ici  un  grand  nombre,  et  le  savon  est  un  des  principaux 
articles  du  commerce  d’Athènes.  »  Stuart.  Antiquités  d’Athènes.  T.  I,  p.  03. 


PORTIQUE  D’ADRIEN.  237 

Stuart,  elle  n’a  pas  toujours  été  ouverte,  et  qui  est  aujourd’hui  l’une  des 
entrées  du  bazar. 

Enfin,  du  côté  oriental  CD,  sur  la  rue  d’Eole,  existe  encore  le  milieu 
de  la  muraille,  sans  ornements,  avec  cinq  contre-forts,  speiGp-axa,  et  l’indi¬ 
cation  d’un  sixième,  et  à  la  suite  quelques  substructions  de  grand  appareil. 

L’intérieur  de  l’enceinte  dut  être  entouré  d’une  colonnade  simple, 
sinon  à  deux  rangs,  comme  le  suppose  Stuart^,  mais  il  n’en  reste  plus 
aujourd’hui  le  moindre  vestige. 

Après  avoir  servi,  pendant  la  domination  turque,  d’habitation  au  vaï- 
vode  ou  gouverneur  d’Athènes,  l’enceinte  d’Adrien  est  occupée  aujour¬ 
d’hui  par  le  bazar,  ou  marché  aux  comestibles.  Au  centre  sont  de  faibles 
restes  de  construction  antique  V,  qui  maintenant  font  partie  d’une  église 
double  dédiée  au  saint  sans  corps  et  à  Notre-Dame-la-Grande  Une 
tour  qui  s’élève  auprès  contient  l’horloge  donnée  par  lord  Elgin 

En  avant  de  la  colonnade,  moitié  dans  la  rue,  moitié  dans  une  enceinte 
de  palissades  gardées  par  un  invalide^,  on  a  réuni  un  assez  grand 
nombre  de  fragments  antiques;  les  plus  remarc|uables  sont  ;  deux  cha¬ 
piteaux  d’antes  du  portique  même,  divers  cippes  ronds  portant  des 
inscriptions  funéraires;  un  seuil  avec  une  inscription  fruste;  un  grand 
linteau  de  porte  avec  ces  mots  : 

EriESKETAXeiI  EK  TON  AHMOSION 
XPHMATON  EUITPOnErONTOi: 

AIAIOr  OMOTAAOr 

«  Réparé  aux  frais  du  public,  sous  l’administration  d’Ælius  Omullus.  n 

un  autre  linteau  avec  ceux-ci  : 

0EOd>IAOS  TITOT  SOTNIEYX 
«  Théophile,  fils  de  Titus,  de  Sunium.  « 

1.  «  Dans  l’intérieur  du  monument,  on  trouve  quelques  traces  d’un  péristyle  ou  colonnade  qui 

régnait  tout  autour  du  parallélogi-amme.  Ce  péristyle  était  composé  d’un  double  rang  de  colonnes, 
et,  sous  ce  rapport,  il  s’accorde  avec  la  description  que  Vitruve  nous  a  donnée  d’un  portique.  De 
tant  de  colonnes,  il  n’en  reste  plus  qu’une  seule*  en  place;  elle  paraît  avoir  appartenu  au  rang  qui 
se  trouvait  le  plus  éloigné  du  mur  d’enceinte.  »  Stuart.  Antiquités  d’Athènes. 

2.  'O  ayi'ot;  àfTW[jiaTO(;,  nom  que  les  Grecs  modernes  donnent  à  l’archange  saint  Michel. 

3.  Msyà^yi  Ilavayi'a.  Suivant  M.  Pittakis,  la  première  église  aurait  succédé  au  temple  de  Jupiter 
Panhellénien,  et  l’autre  à  celui  de  Junoii;  mais  M.  Leake  pense  que  ce  qui  reste  d’antique  appartient 
à  une  époque  de  décadence,  et  nous  partageons  son  opinion. 

4.  Voy.  p.  104.  C’est  cette  tour  et  cette  horloge  qu’on  aperçoit  dans  notre  vue  de  la  tour  des  Vents. 

5.  Planche  VI. 


*  Elle  a  disparu. 


238 


ATHENES. 


un  grand  seuil,  qui  paraît  avoir  appartenu  au  portique;  plusieurs 
cippes  funéraires,  dont  un  fort  beau  avec  un  bas-relief  représentant,  de 
grandeur  naturelle ,  un  homme  et  une  femme  se  donnant  la  main ,  des 
antéfixes  de  terre  cuite,  deux  boucs  luttant,  un  grand  nombre  d’inscrip¬ 
tions,  d’urnes  cinéraires  en  marbre  avec  bas-reliefs,  la  plupart  d’un 
travail  médiocre,  représentant  tous  un  personnage  assis  recevant  un 
homme  qui  arrive,  un  torse  de  Minerve  de  style  archaïque,  une  grande 
palmette  qui  dut  être  l’acrotère  d’un  fronton,  peut-être  de  celui 
du  péristyle  du  portique  d’Adrien,  quelques  fragments  de  sculpture 
byzantine,  dont  un  élégant  chapiteau,  un  poids  de  marbre  ayant  la 
forme  d’un  fer  à  repasser  moderne ,  enfin  une  belle  statue  de  matrone , 
malheureusement  sans  tête,  etc.,  etc. 

Gymnases.  Les  gymnases,  yupaGia  i,  étaient  dans  le  principe  des  lieux 
consacrés  exclusivement  aux  exercices  gymnastiques ,  qui  tenaient  une 
place  si  importante  dans  l’éducation  de  la  jeunesse  grecque  2;  peu  à  peu 
ils  s’étendirent,  se  développèrent  et  réunirent  dans  leur  vaste  enceinte 
tout  ce  qui  pouvait  charmer  les  oisifs,  qui  s’y  rassemblèrent,  d’abord 
sous  prétexte  d’assister  ou  de  prendre  part  aux  exercices,  et  bientôt  pour 
s’y  livrer  aux  conversations  sérieuses  ou  frivoles ,  commerciales  ou  poli¬ 
tiques,  aux  discussions  philosophiques  ou  littéraires.  En  un  mot,  il  en 
fut  des  gymnases  grecs  comme  plus  tard  des  thermes  romains  qui  n’en 
furent  que  l’imitation  ;  les  accessoires  en  vinrent  à  tenir  plus  de  place  que 
les  lieux  d’exercice  dans  les  premiers,  que  les  bains  dans  les  seconds. 

1.  De  yu[av6ç,  nu,  parce  qu’on  quittait  ses  vêtements  pour  se  livrer  aux  exercices  gymnastiques. 

2.  «  La  gymnastique  est  un  art  nécessaire,  et  il  est  aisé  de  concevoir  comment  elle  doit  faire  partie 

de  l’éducation.  Jusqu’à  l’àge  de  puberté,  on  formera  les  enfants  par  des  exercices  légers...  Les  trois 
années  qui  suivront  l’époque  de  la  puberté  seront  employées  à  l’étude  des  diverses  sciences.  Ensuite, 
on  reprendra  la  gymnastique,  et  les  jeunes  gens  seront  assujettis  à  un  régime  sévère  et  à  des  exer¬ 
cices  fatigants.  On  évitera  ainsi  le  travail  simultané  du  corps  et  de  l’esprit.  Car  ces  deux  genres 
d’occupation  se  contrarient  toujours.  Les  travaux  du  corps  nuisent  à  ceux  de  l’esprit,  et  les  travaux 
de  l’esprit  à  ceux  du  corps.  »  Aristote.  Polit.  L.  VIII. 

«  Ils  envoient  leurs  enfants  chez  le  maître  de  gymnase  ;  ils  veulent  que  leur  corps,  plus  robuste, 
exécute  mieux  les  ordres  d’un  esprit  mâle  et  sain,  et  qu’ils  ne  soient  pas  réduits,  par  la  faiblesse  phy¬ 
sique,  à  se  comporter  lâchement  à  la  guerre  ou  dans  les  autres  circonstances.  »  Platon.  Protagoras. 

«  Quelques  tyrans  ont  fait  brûler  ou  renverser  les  gymnases  où  s’exerçaient  les  jeunes  gens, 
comme  autant  de  forts  opposés  aux  citadelles  du  despotisme.  »  Athénée.  Deip7ios.  L.  XIII. 

Perque  coloratas  subtilis  Grœcia  gentes 
Gymnasium  prœfert  vultu,  fortesque  palœstras 

Manilius.  Asironom.  L.  IV,  v.  717. 

«  L’ingénieuse  Grèce  montre  sur  le  visage  basané  de  ses  enfants  les  traces  des  robustes  exercices  du  gymnase 
et  de  la  palestre.  » 


GYMNASES. 


239 


Dans  les  gymnases,  la  palestre,  proprement  dite,  les  par¬ 

ties  destinées  aux  exercices  étaient  : 

i“  Uepheheum,  àtp'/iêeîov,  pièce  spacieuse,  où  les  jeunes  gens,  ephebi, 
£<priêoi ,  s’exercaient  en  présence  de  leurs  maîtres  les  gymnastes^ 
yuyvaGTai  ^  ;  elle  était  entourée  de  sièges  pour  leurê  familles  et  pour  les 
curieux,  et  sa  longueur  devait  excéder  d’un  tiers  sa  largeur^. 

2"  Un  corycœum^,  xwpuxeîov,  salle  destinée  à  un  jeu  qui  consistait  à 
pousser  et  repousser  à  coups  de  poings  un  large  sac,  xwpuxoç,  suspendu 
au  plafond  et  rempli  de  graines,  de  gousses,  de  noyaux  d’olives,  de  son 
ou  de  sable 

3°  Un  conisterium^ ,  xovi^rpa  ou  xoviTxvjpiov  salle  dont  le  plancher 
était  couvert  de  poussière,  r.oviç,  ou  de  sable  fin  et  jaune,  haphè, 
âçT]  dont  les  lutteurs  se  frottaient  le  corps,  afin  d’avoir  plus  de  prise 
l’un  sur  l’autre 

1.  Ce  mot  était  quelquefois  pris  pour  synonyme  de  gymnase,  mais  il  s’applique  plus  spécialement 
aux  lieux  d’exercice,  ayant  désigné  d’abord  uniquement  l’endroit  où  les  athlètes  étaient  formés  pour- 
les  jeux  publics. 

2.  PoLLUx.  Onom.  L.  III,  c.  XXX,  §  8, 

Platon  et  Xénophon  emploient  dans  le  môme  sens  le  mot  TTfoyofAvaatriç. 

«  Le  maître  de  gymnase,  le  progymnaste,  pourrait  bien  dire  :  Socrate,  je  serais  très-surpris  que 
Gorgias  pût  te  montrer  quelque  bien  résultant  de  son  art  [la  rhétorique)  plus  grand  que  celui  qui  - 
résulte  du  mien.  —  Et  toi,  mon  ami,  répliquerai-je,  qui  es-tu?  quelle  est  ta  profession?  —  Je  suis 
maître  de  gymnase,  répondrait-il  ;  ma  profession  est  de  rendre  le  corps  humain  beau  et  robuste. 

Platon.  Gorgias. 

(c  Le  MAiTiiE  A  DANSER.  Je  lui  soutiens  que  la  danse  est  une  science  à  laquelle  on  ne  peut  faire  assez 
d’honneur. 

«  Le  MAITRE  DE  MUSIQUE.  Et  moi ,  que  la  musique  en  est  une  que  tous  les  siècles  ont  révérée. 

n  Le  MAITRE  d’armes.  Et  moi,  je  leur  soutiens  à  tous  deux  que  la  science  de  tirer  des  armes  est  la 
plus  belle  et  la  plus  nécessaire  de  toutes  les  sciences. 

«  Le  maître  de  philosophie.  Et  que  sera  donc  la  philosophie?  Je  vous  trouve  tous  trois  bien 
impertinents  de  parler  devant  moi  avec  cette  arrogance,  et  de  donner  impudemment  le  nom  de 
science  à  des  choses  que  l’on  ne  doit  pas  même  honorer  du  nom  d’art,  et  qui  ne  peuvent  être  com¬ 
prises  que  sous  le  nom  de  métier  misérable  de  gladiateur,  de  chanteur  et  de  baladin.  » 

„  ,  Molière.  Le  Bourgeois  gentilhomme,  acte  II,  sc.  IV. 

3.  ViTRUVE.  L.  V,  c.  M. 

4.  Id.  Ibid. 

5.  Anthyll.  Ap.  Oribas.  Coll.  med.  6. 

Ü.  ViTRUVE.  L.  V,  c.  H. 

1  ■  Ilarpasto  quoque  subligata  ludit 

Et  flavescit  haphe,  gravesque  draucis 
Ilaltei’as  faciii  rolat  lacerlo. 

Martial.  L.  VII,  ép.  67. 

«  Philonis,  la  robe  retroussée  et  les  membres  frottés  de  la  poudre  jaune  des  lutteurs,  manie  sans  effort  les 
pesantes  haltères.  » 

Le  limon  du  Nil  était  très-recherché  pour  cet  usage,  et  on  en  apportait  jusqu’à  Rome. 

Voy.  Pline.  L.  XXXV,  47. 

8.  «  D’autres  ont  une  fosse  remplie  de  sable,  qu’ils  se  répandent  à  pleine  main  les  uns  sur  les 


240 


ATHENES. 


[\°  Un  elœothesium ,  èXatoÔEciov^,  cabinet  où  les  jeunes  gens  se  frot¬ 
taient  d’huile  avant  les  exercices  qui  demandent  de  la  souplesse  2. 

5°  Un  sphæristerium^,  GcpaiptcTyfptôv,  ou  jeu  déballé,  pila^^  apaipa^.  La 
lutte  que  les  joueurs  soutenaient  les  uns  contre  les  autres  se  nommait 
sphœromachia  <7(pat,po[;.aj(^(a.  Cette  salle  servait  aussi  à  d’autres  exer¬ 
cices 

6°  Un  stade,  cra^tov,  pour  la  course  à  pied,  le  saut  et  le  jet  du 
disque. 


autres,  en  grattant  la  poussière  comme  des  coqs,  sans  doute  afin  de  pouvoir  échapper  moins  facile- 
nent  quand  ils  se  serrent,  parce  que  le  sable  empêche  le  corps  de  glisser  et  offre  à  sec  une  prise 
plus  assurée.  »  Lucien.  Anacharsis  ou  les  Gymnases. 

1.  D’âXatov,  huile,  et  Ti9rip.i,  mettre. 

2.  «  Comme  l’huile  dont  ils  se  sont  frottés  ne  les  empêche  pas  de  se  salir,  et  qu’ils  ont  bientôt  fait 
disparaître  cette  sorte  d’enduit  pour  se  couvrir  de  boue  et  ruisseler  de  sueur,  ils  me  font  bien  rire 
quand  je  les  vois  glisser  des  mains  comme  des  anguilles.  » 

Lucien.  Anacharsis  ou  les  Gymnases. 

.  «  Ils  se  préparent  au  combat,  et  les  voilà  qui  se  frottent  d’huile  et  qui  répandent  la  poussière  sur 
leurs  bras.  » 

Vers  d’un  ancien  comique  cités  par  Plutarque,  Vie  de  Pompée. 

. Perfudit  membra  liquore 

Hospes,  Olympiacæ  servato  more  paleslrœ. 
nie  parum  fidens  pedibus  eontigere  matrern, 

Auxilmm  membris  caiidas  infundit  arenas. 

«  L’étranger  [Hercule]  arrose  ses  membres  d’un  liquide  onctueux,  selon  l’usage  de  la  palestre  olympienne; 
l’autre  (Anlée),  auquel  ne  suffit  pas  de  toucher  des  pieds  le  sein  de  sa  mère,  répand  sur  ses  membres  un  sable 
brûlant.  »  ^  Lucain.  Pharsale.  C.  IV. 

«  Tel  qu’un  bon  atblète-qui  ne  descend  dans  l’arène  qu’après  s’être  soigneusement  frotté  d’huile 
et  avoir  fortifié  son  corps  par  un  long  exercice...  » 

Diodore  de  Sicile.  L.  XXVI,  fragm.  2. 

3.  Pline  le  jeune.  L.  II,  epist.  17.  —  Suétone.  Vespasien.  C.  XX. 

4.  Quid  mine  strata  solo  referam  tabulata  crêpantes 

Auditura  pilas? . 

I 

«  Parlerai-je  des  planchers  résonnants  sous  les  balles  bruyantes?  » 

Stage.  L.  Silv.  5. 

5.  On  nommait  aussi  la  balle  àpTtâoTov  et  çaivESa,  et  on  disait,  pour  jouer  à  la  balle,  çaivîvSa 
Trageiv. 

«  Cette  balle,  qu’on  appelait  autrefois  phéninde,  s’appelle  aujourd’hui  harpaste  (d’âpTrà^w,  saisir). 
C’est,  de  tous  les  jeux,  celui  que  je  préfère,  parce  qu’étant  pénible,  il  demande  beaucoup  d’agilité 
pour  ne  pas  manquer  la  balle  et  beaucoup  d’efforts  dans  les  mouvements  de  la  colonne  vertébrale.  » 

Athénée.  Deipnos.  L.  I. 

6.  «  Je  suis  libre  aujourd’hui,  mais  ce  n’est  pas  moi  que  j’en  dois  remercier,  mais  la  curiosité  qui 

a  entraîné  les  importuns  à  une  sphéromacbie.  »  Sénèque.  Épist.  LXXX. 

7.  «  Sous  Yapodyterium  (ou  exutorium,  lieu  où  se  déshabillaient  les  baigneurs)  est  un  sphæris- 
terium  propre  à  plusieurs  genres  d’exercices,  et  offrant  plusieurs  renfoncements  circulaires.  » 

Pline  le  jeune.  L.  V,  epist.  G. 


GYMNASES. 


241 


7"  Un  xyste,  ^ugto;,  portique  double  et  fort  large,  «  construit  de  telle 
sorte  que,  le  long  du  mur  et  le  long  des  colonnes,  il  y  avait  comme  des 
chemins  élevés  larges  de  dix  pieds  qui  laissaient  au  milieu  un  autre 
chemin  bas ,  large  au  moins  de  douze  pieds  ;  de  cette  manière,  ceux  qui 
se  promenaient  habillés  sur  le  chemin  haut  n’étaient  point  incommodés 
par  ceux  qui  s’exercaient  dans  le  bas^.  »  C’est  là  que,  pendant  l’hiver, 
les  jeunes  gens  s’exercaient  à  couvert  2,  sous  la  direction  d’un  profes¬ 
seur  nommé  .. 

8°  Des  aires  pour  la  lutte,  lucta,  luctamen,  luctatio,  xaV/i  ou  ^aXaicTpa, 
le  pugilat,  pugilatus ,  -jruyyvi  ou  xuyyayja,  le  pancrace,  pancratium, 
xayjcpaTtov,  réunion  de  la  lutte  et  du  pugilat,  la  lutte  des  mains, 
àxpoy^eiGpç et  les  autres  exercices  gymnastiques^. 

Aux  diverses  parties  composant  la  palestre  vinrent  se  joindre  des 
bains  avec  leurs  parties  constitutives^,  des  exèdres,  exedræ,  s^é^paq  salles 
de  conversation  ordinairement  semi- circulaires*^,  des  portiques,  des 
allées  découvertes  appelées  xapa^poyoi  ou  xapà^popti^eç des  jardins, 
des  pièces  d’eau,  des  fontaines,  etc. 

Presque  toutes  les  villes  grecques  avaient  des  gymnases  ;  Athènes  en 
comptait  plusieurs.  Les  plus  anciens  et  les  plus  célèbres,  ceux  du 


1.  VlTRUVE,  L.  V,  C.  11. 

2.  Les  Romains  donnaient  au  contraire  le  nom  de  xystes  à  de  petits  jardins  qui  accompagnaient 
leurs  habitations  et  qu’ils  appelaient  aussi  viridaria.  On  en  trouve  plusieurs  exemples  à 
Pompéi. 

3.  PoLLüx.  Onomast.  L.  III,  c.  30,  §  5. 

4.  Solon.  «  Nous  exerçons  nos  jeunes  gens  à  bien  courir,  soit  en  les  accoutumant  à  fournir  une 
longue  carrière,  soit  en  les  rendant  très-légers  et  très-lestes  dans  un  espace  restreint.  La  course  n’a 
pas  lieu  sur  un  terrain  ferme  et  résistant,  mais  dans  un  sable  profond  où  l’on  ne  peut  marcher  ni 
se  tenir  sans  que  le  pied  enfonce  dans  le  sol  qui  cède.  En  même  temps,  on  leur  apprend  à  franchir 
au  besoin  un  fossé  ou  tout  autre  obstacle,  et  ils  s’exercent  à  cela  en  tenant  une  masse  de  plomb  dans 
chaque  main.  Ensuite,  ils  se  disputent  l’honneur  de  lancer  au  loin  un  javelot.  Tu  as  vu  aussi  dans 
le  gymnase  une  autre  masse  d’airain  circulaire  (un  disque)  semblable  à  un  petit  bouclier,  sans 
poignées  et  sans  courroies.  Tu  as  essayé  de  le  soulever  de  la  place  où  il  est  posé  ;  il  t’a  paru  pesant 
et  difficile  à  saisir  à  cause  de  la  perfection  de  son  poli.  Nos  jeunes  gens  cependant  le  lancent 
dans  l’air,  soit  en  haut,  soit  en  long,  et  luttent  à  qui  l’enverra  plus  loin  que  les  autres.  Cet  exercice 
leur  fortifie  les  épaules  et  donne  de  la  vigueur  à  leurs  extrémités.  » 

Lucien.  Anacharsis  ou  les  Gymnases. 

Cf.  PoLLüx.  Onomast.  L.  III,  c.  30. 

5.  E.  Breton.  Pompéia,  2®  édit.,  p.  141. 

G.  ViTRUVE.  L.  V,  c.  9;  L.  VI,  c.  3;  L.  VII,  c.  0. 

7.  ViTRUVE.  L.  V,  c.  11. 


242 


ATHÈNES. 


Lycée du  Cynosarges^,  de  l’Académie^,  ne  sont  point  parvenus  jus¬ 
qu’à  nous,  et  les  savants  ne  sont  pas  même  complètement  d’accord  sur 
leur  emplacement. 

Gymnase  d’Adrien.  Nous  ne  sommes  guère  plus  heureux  pour  le 
gymnase  d’Adrien,  dont  nous  reconnaissons  à  peine  quelques  traces 
autour  de  la  curieuse  église  byzantine ,  la  Panagia  Gorgopiko  près  de 
laquelle  on  achève  en  ce  moment  la  nouvelle  cathédrale  d’Athènes  con¬ 
sacrée  au  Sauveur. 

Pausanias ,  après  avoir  décrit  le  portique  d’Adrien ,  ajoute  :  «  Le 
gymnase  qui  porte  le  nom  d’Adrien  est  dans  le  même  endroit ,  il  est 
orné  de  cent  colonnes  de  marbre  de  Libye  » 

De  ce  vaste  et  magnifique  édifice ,  il  reste  seulement  épars  sur  le  sol 
plusieurs  fragments  à  moitié  enterrés,  des  colonnes  de  divers  marbres  et 
de  diamètres  variés,  un  morceau  d’archivolte,  un  chapiteau  ionicj:ue,  un 
siège  de  marbre  en  partie  brisé,  etc.  Nous  avons  vu  quelques  sièges  du 
même  genre  déposés  devant  le  temple  de  Thésée  et  ayant  la  même  origine. 


1.  «  Depuis  assez  longtemps,  nous  nous  tuons,  nous  nous  éreintons  à  courir  dans  le  Lycée  pour 

prendre  au  sortir  de  là  le  bouclier  et  la  lance.  »  Aristophane.  La  Paix. 

Le  Aoxeîov,  Lycée,  devait  son  som  à  Apollon  Auxoxtovoç,  tueur  de  loups,  ou  Auxetoç,  Apollon  aux 
loups,  auquel  il  était  consacré  (Pi.ütarque.  Symp.),  et  dont  la  statue  ornait  son  entrée.  C’est  là 
qu’ Aristote  enseignait  la  philosophie  en  se  promenant,  ce  qui  fit  donner  à  ses  disciples  le  nom  de 
péripatéticiens,  TCpntaTTiTixoi,  promeneurs. 

«  Ceux  qui  suivaient  Aristote  furent  nommés  péripatéticiens,  parce  qu’ils  discouraient  en  se  pro¬ 
menant  dans  le  Lycée;  tandis  que  ceux  qui,  d’après  l’institution  de  Platon,  tenaient  leurs  assemblées 
et  dissertaient  dans  l’Académie,  autre  gymnase  d’Athènes,  reçurent  de  ce  lieu  même  le  nom  d’acadé¬ 
miciens.  »  Cicéron.  Acad.  IV. 

2.  KovoaapYeç,  de  xuwv  àçjbç,  chien  agile,  parce  qu’un  des  chiens  de  Diomus,  dans  un  sacrifice 
que  son  maître  faisait  à  Hercule,  avait  dérobé  une  part  de  la  victime  et  s’était  enfui  rapidement 
(Hesych.  Lex.).  Le  gymnase  du  Cynosarges  était  réservé  aux  étrangers  et  aux  enfants  illégitimes, 
vô9ot,  fort  nombreux  à  Athènes,  puisqu’il  suffisait,  pour  être  déclaré  tel,  d’être  fils  d’une  mère  ne 
jouissant  pas  du  droit  de  cité  (Plutarque.  Vie  de  Thèmistocle),  et  qu’en  outre  c’était  dans  cette 
classe  qu’étaient  rangés  les  affranchis,  àTrsXeûGepot.  C’est  dans  ce  gymnase  qu’Antisthène  fonda  la 
secte  des  philosophes  cyniques,  xuvixoi,  qui  prirent  le  nom  du  lieu  de  leurs  assemblées,  et  non 
point,  comme  on  l’a  dit,  de  leur  effronterie  et  de  leur  mépris  des  mœurs  et  des  usages.  (Dioo.  Laert. 
In  Antisth.). 

3.  «  L’Académie,  qui  est  tout  auprès  de  la  ville,  était  jadis  le  domaine  d’un  simple  particulier; 

c’est  maintenant  un  gymnase.  »  Pausanias.  Alt.  C.  XXIX. 

C’était  dans  le  jardin  d’Académus  que  Platon  donnait  ses  leçons. 

4.  C’est  cette  église  qui,  dans  les  Monuments' anciens  et  modernes,  publiés  sous  la  direction  de 
M.  J.  Gailhabaud,  est  décrite  par  erreur  sous  le  nom  de  Catholicon,  cathédrale  d’Athènes.  Le  Catlio- 
licon,  qui  était  situé  rue  d’Éole,  est  depuis  longtemps  démoli  et  remplacé  par  la  place  nommée 
7i).aT£Ïa  navx£>.eyi(j,ovoç. 

5.  Att.  C.  XVIII. 


GYMNASliS  D’ADRIEN  ET  DE  PÏOLÉMÉE.  243 

Gymnase  de  Ptolémée.  Ce  qui  nous  reste  du  gymnase  de  Ptolémée 
n’est  pas  beaucoup  plus  considérable.  «  Le  Ptolemœon,  dit  Pausanias, 
peu  distant  de  la  place  publique,  a  pris  le  nom  de  son  fondateur.  On  y 
trouve  [des  hermès  de  marbre  qui  méritent  d’être  vus,  une  statue  en 
bronze  de  Ptolémée,  celles  de  Juba  le  Libyen  et  de  Chrysippe  de  Soles. 
Le  temple  de  Thésée  est  voisin  de  ce  gymnase^.  » 

C’est  en  effet  entre  l’Agora  et  le  temple  de  Thésée  que  nous  trouvons 
éparses  les  ruines  que  l’on  s’accorde  à  regarder  comme  ayant  fait  partie 
du  gymnase  élevé  à  Athènes  par  Ptolémée  Philadelphe,  vers  le  milieu  du 
IIP  siècle  avant  Jésus- Christ.  Il  serait  aujourd’hui  fort  difficile  de 
reconstruire,  même  par  la  pensée,  cet  édifice  dont  les  principaux  frag¬ 
ments  sont  disséminés  sur  une  place  inégale  et  au  milieu  de  baraques. 
Le  plus  considérable  de  ces  restes,  situé  au  nord-est,  est  un  angle  com- 


Gymnase  de  Ptolémée. 


posé  d’assises  ayant  alternativement  0'",65  et  0"‘,35  de  hauteur  et 
surmonté  d’un  reste  de  corniche.  En  avant  est  un  pan  de  mur  fort  déla¬ 
bré  et  d’une  construction  moins  soignée,  mais  dans  laquelle  on  a  fait 
entrer  plusieurs  blocs  de  marbre  blanc  ;  ce  mur  paraît  appartenir  à  une 
reconstruction  postérieure. 

Le  troisième  fragment ,  situé  à  cent  mètres  environ  au  sud  du  premier. 


I.  Pausanias.  Att.  C.  XVIII. 


244 


ATHÈNES. 


est  également  un  angle  du  bâtiment;  il  n’a  plus  de  corniche,  mais  son 
pied  dégagé  laisse  voir  les  grandes  dalles  sur  champ  qui  formaient  le 
soubassement. 

Muraille  antique.  Contre  le  premier  fragment  à  l’est,  venait  buter 
un  mur  ^  dont  on  voit  des  restes  assez  considérables  consistant  en  plu¬ 
sieurs  assises  de  gros  blocs  cubiques  assez  mal  ajustés,  et  paraissant 
remonter  à  la  dernière  époque  pélasgique.  On  ignore  de  quel  édifice  cette 
construction  a  pu  faire  partie. 

Agora.  L’Agora  des  Grecs,  àyopa,  comme  le  Forum  romain  qui  en 
dériva,  fut  dans  le  principe  une  place  rectangulaire  entourée  de  portiques, 
destinée  à  servir  à  la  fois  de  marché,  de  tribunal,  et  de  lieu  de  réunion 
pour  les  assemblées  populaires.  Bientôt  dans  son  enceinte  la  jeunesse 
se  livra  à  des  jeux  gymnastiques,  et  la  tragédie  promena  son  char  ou 
éleva  ses  tréteaux ^  ;  mais  lorsqu’on  eut  construit  des  palestres,  des  stades, 
des  théâtres,  des  tribunaux,  des  Pnyx,  l’Agora  ne  conserva  plus  guère 
que  la  première  de  ces  destinations 

Aidés  d’archers,  de  soldats  de  police,  appelés  Scythes,  des 

magistrats,  les  agoranomes^,  armés  de  fouets*^,  veillaient  au  maintien  de 


1 .  Voy.  la  lettre  en  tête  du  chapitre. 

2.  Dicitur  et  plausiris  vexisse  poemata  Tlicspis 

Eschylus  etmodicis  instravü  pulpila  lüjms. 

Horat.  Ars  poi'l. 

Thespis  fut  le  premier  qui,  barbouillé  de  lie, 

Promena  par  les  bourgs  cette  heureuse  folie. 

Et ,  d'acteurs  mal  ornés  chargeant  un  tombereau. 

Amusa  les  passants  d'un  spectacle  nouveau. 

Eschyle  dans  le  chœur  jeta  les  personnages. 

D'un  masque  plus  honnête  habilla  les  visages. 

Sur  les  ais  d'un  théâtre  en  public  exhaussé 
Fit  paraître  l'acteur  d'un  brodequin  chaussé. 

Boileau.  Art  poétique. 

3.  Ce  fut  alor.^  qu’on  donna  aussi  à  l’Agora  le  nom  de  irpaxiipiov,  qui  signifie  plus  exclusivement 
lieu  où  l’on  vend,  marché.  Le  verbe  àyopâ^w,  après  avoir  signifié  primitivement  fréquenter  l’Agora, 
devint  synonyme  de  trafiquer,  faire  le  commerce. 

4.  Ils  n’étaient  pas  tous  Scythes,  de  même  que  les  portiers  à  Paris  n’étaient  pas  tous  Suisses. 

Il  m’avait  fait  venir  d'Amiens  pour  être  suisse. 

Racine.  Les  Plaideurs. 

Mais  cependant  il  y  en  avait  un  certain  nombre  de  recrutés  réellement  parmi  ces  barbares,  et, 
dans  sa  comédie  des  Fêtes  de  Cérès ,  Aristophane  fait  parler  à  l’un  d’eux  un  grec  qui  ne  le  cède  en 
rien  au  français  des  Suisses  de  M.  de  Pourceaugnac. 

5.  (I  S’il  fait  du  bruit,  j’appelle  les  agoranomes.  »  Aristoph.ane.  Acharn. 

6.  «  Pour  les  agoranomes  chargés  de  présider  au  marché,  j’établis  trois  fouets  de  cuir  lépréen  » 

(  de  Lépros,  lieu  hors  la  ville  où  se  trouvait  le  marché  au  cuir).  Aristophane.  Ibid. 


NOUVELLE  AGORA. 


245 


l’ordre  et  jugeaient  les  différends  qui  survenaient  entre  les  marchands  et 
les  acheteurs.  Enfin,  des  collecteurs  étaient  chargés  de  percevoir  l’impôt 
établi  sur  chaque  denrée 

Le  moment  de  la  vente  était  appelé  V Agora  pleine,  àyopà  xV/iGouça,  à 
cause  de  l’affluence  du  peuple  qui  la  remplissait  à  cette  heure  2. 

Les  agoras  étaient  en  grand  nombre  à  Athènes.  La  plus  ancienne,  qui, 
par  la  suite,  fut  appelée  àpyata  Àyopà,  était  située,  suivant  Robinson 
dans  le  Céramiciue  intérieur,  non  loin  de  la  porte  Dipyle;  suivant  Leake'^, 
plus  au  sud  et  dans  le  voisinage  de  l’Aréopage;  elle  était  consacrée  à 
toute  espèce  de  commerce,  mais  chacun  avait  sa  place  séparée.  Il  ne 
reste  plus  rien  de  l’ancienne  Agora,  non  plus  que  du  Ku/cao;,  marché 
aux  esclaves  de  l’àXcptToTicoT^iç  Àyopà,  marché  aux  farines,  de  la  yuvausta 
Àyopà,  bazar  où  l’on  vendait  les  parures  de  femmes;  il  y  avait  aussi  le 
marché  au  vin,  le  marché  à  l’huile,  etc.,  de  même  qu’à  Rome  on  trouvait 
les  Forum  boariutn,  suarium,  piscarimii,  olitorium,  cupedinis  argenta- 
rium,  etc.,  destinés  au  commerce  des  bœufs,  des  porcs,  des  poissons, 
des  légumes,  des  friandises ,  des  métaux,  etc. 

Nouvelle  Agora.  Des  diverses  agoras  d’Athènes,  une  seule  se  re¬ 
trouve  en  partie  dans  la  ville  moderne;  l’entrée  monumentale  de  la 
nouvelle  Agora,  vaa  Àyopà,  s’élève  encore  sur  une  place  en  face  de  la  rue 
du  Pœcile,^  entre  le  gymnase  de  Ptolémée  et  la  tour  des  Vents,  dans 
l’ancien  quartier  d’Érétrie,  Êpsxpta.  Bien  que  cette  position  soit  celle 
indiquée  par  Strabon^,  bien  que  le  plan  et  l’orientation  du  portique 

1.  Aristote  {OEcon.  II)  parle  du  produit  de  cet  impôt  du  marché,  y)  àyopaiwv  t£>.wv  TïpoaoSoi;. 

«  Et  que  me  donneras-tu  pour  cette  anguille?  —  Je  la  prends  pour  mon  droit  de  marché.  » 

Aristophane.  Acharn. 

2.  C’était  à  ce  moment  sans  doute  que,  lorsque  les  citoyens  tardaient  à  se  rendre  aux  assemblées 
publiques,  les  magistrats  faisaient  tendre  sur  l’agora  une  corde  teinte  en  rouge  pour  envelopper  la 
foule  et  la  ramener  ainsi  au  Pnyx.  La  corde  déteignait  sur  les  habits  des  retardataires  qui  étaient 
reconnus  et  condamnés  à  l’amende. 

«  Le  Pnyx  est  encore  désert  :  ils  sont  à  bavarder  dans  l’Agora,  tout  en  s’efforçant  d’éviter  la  corde 
rouge.  »  Aristophane.  Acharn. 

«  D’où  viens-tu?  —  De  l’assemblée...  Par  Jupiter!  la  teinture  rouge  répandue  alentour  m’a  fait 
bien  rire.  »  Aristophane.  Les  Harangueurs. 

3.  Antiquités  grecques.  T.  I,  L.  II,  c.  1. 

4.  Topography  of  Athens. 

5.  Hesych.  Lex.  verb.  Kux>,oç. 

G.  De  cupedium,  friandises,  mets  délicats. 

7.  Ber.  Geogr.  L.  IX. 


Varro.  De  ling.  lat.  iil. 


â46 


ATHÈNES. 


tourné  au  nord-ouest  démentent  toute  opinion  contraire,  les  savants  n’en 
ont  pas  moins  émis  sur  sa  destination  les  assertions  les  plus  contradic¬ 
toires.  Plusieurs,  sans  se  prononcer,  l’ont  simplement  décrit  sous  le  nom 
de  portique  dorique;  d’autres,  par  une  fausse  interprétation  de  l’inscrip¬ 
tion  qu’il  porte,  en  ont  fait  le  fronton  d’un  temple  dédié  à  Rome  et  à 
Auguste^,  ou  à  Minerve  Archégétis,  A^yrijériç,  conductrice'^;  d’autres 
enfin  un  monument  honorifique  élevé  à  Lucius  César 

Stuart^,  Leake^,  et  M.  Beulé®  ont  enfin  assigné  à  cet  édifice  son  vérita¬ 
ble  nom,  en  y  reconnaissant  le  péristyle  ou  propylée  de  la  nouvelle  Agora. 

Toutes  ces  dénominations,  à  l’exception  toutefois  de  temple  de  Rome 
et  d’Auguste,  ont  leur  raison  d’être,  et,  bien  qu’opposées  en  apparence, 
elles  peuvent  être  conciliées  jusqu’à  un  certain  point.  Suivant  un  usage 
fréquent  dans  l’antiquité,  aussi  bien  que  dans  les  temps  modernes,  on 
avait  fait  de  cette  porte  une  espèce  d’arc  de  triomphe  en  l’honneur  des 
princes  bienfaiteurs  et  de  la  divinité  principale  de  la  ville.  C’est  ainsi 
qu’à  Rome  le  forum  de  Nerva  avait  été  placé  sous  la  protection  de  Pallas, 
et  portait  le  nom  de  Forum  Palladium,  sans  avoir  perdu  pour  cela  sa 
destination  purement  civile. 

Yoici  l’inscription  qui,  gravée  sur  l’architrave,  a  donné  lieu  à  ces 
diverses  suppositions  : 

O  [AHMOS  AHO  TON  AO0EISON  AQPEQN  TITO  EAIOT  lOTAIOY 

KAISAPOS  0EOT 

KAI  ATTOKPATOPOS  KÂISAPOS  0EOT  TIOY  SEBAXTOY 
A0HNAI  APXHrETIAI  XT  P  A  T  HP  O  YN  T  0  2  EUT  TOYX  OITAITAX 
EYKAEOYX  MAPA0QNIOY 

TOT  KAI  AlA  AEEAMENO  Y  THN  EITIMEAEIAN  YIIEP  TOT  ITATPOX 
HPÜAOY  TOT  KAI  HP E XB E Y X AN T O X 

EniAPXONTOX  NIKIOY  TOT  XAPAIIIONOX  A0MONEQX 

«  Le  peuple,  des  dons  accordés  sous  le  divin  Caïus  Julius  César,  et  sous  l’empereur  Auguste, 
fils  du  divin  César,  (a  dédié)  à  Minerve  Archégétis  (ce  monument). 

Euclès,  du  bourg  de  Marathon,  étant  général  des  oplites,  ayant  succédé  dans 
la  surveillance  {des  travaux)  à  son  père  Hérode,  et  après  avoir  été  ambassadeur; 
étant  Archonte,  Nicias,  fils  de  Sérapion  d’Athmone’^.  » 


1.  Spon  et  Wiieler.  —  Leroy.  — Bloüet.  Expédition  scientifique  de  Morée. 

2.  Chandler.  Voyages  en  Grèce.  —  Pittakis.  L’Ancienne  Athènes. 

3.  L.  de  Laborde.  Athènes  aux  xv'’,  xvY  et  xviY  siècles. 

4.  Antiquités  d’Athènes.  T.  I. 

5.  Topography  of  Athens. 

0.  Acropole  d’Athènes.  T.  I,  p.  187  et  189. 

7.  Bourg  de  l’Attique,  de  la  tribu  Cécropide. 


NOUVELLE  AGORA. 


247 


Minerve  Archégétis  ou  conductrice  portait  sur  le  poing  une  chouette^; 
c’est  ainsi  qu’elle  est  représentée  sur  cette  ancienne  monnaie  d’Athènes. 


Médaille  de  Minerve  Archégétis. 


Sur  l’acrotère  du  fronton  qui,  d’après  sa  dimension,  dut  porter  une 
statue  équestre,  on  lisait  : 

0  A H MO s 

AOTKION  KAISAPA  AYTORPATOPOS 
0EOY  TOr  SEBASTOT  KAISAPOS  YION 

«  Le  peuple  (  honore  de  cette  statue)  Lucius  César,  fils  du  divin  empereur  César  Auguste.  » 


Lucius  César  était  fils  de  Marcus  Agrippa  et  de  Julie,  fille  d’Auguste 
et  de  Scribonie,  sa  première  femme;  adopté  par  Auguste,  ainsi  que  son 
frère  Caïus,  en  l’an  xii  avant  Jésus-Christ,  il  mourut  à  Marseille  en 
l’an  iii  de  notre  ère  ;  c’est  donc  à  la  période  qui  s’écoula  entre  son  adop¬ 
tion,  qui  lui  permit  de  prendre  le  titre  de  César,  et  sa  mort,  que  doit 
être  rapportée  l’érection  du  portique  qui  servait  d’entrée  à  l’Agora 
d’Athènes.  Enfin,  sur  le  piédroit  d’une  porte  qui  se  trouvait  en  arrière 
du  frontispice ,  piédroit  encore  debout  est  gravé  un  long  édit  de 
de  l’empereur  Adrien  concernant  la  vente  de  l’huile  et  du  sel,  édit  qui 
évidemment  ne  se  fût  pas  trouvé  à  pareille  place  si  l’édifice  "eût  été  un 
temple,  tandis  qu’au  contraire  rien  n’est  plus  naturel  que  de  le  lire  à  la 
porte  d’un  marché.  * 

Le  propylée  de  l’Agora  se  compose  de  quatre  colonnes  doriques  sans 

1 .  «  Jupiter  est  représenté,  avec  un  aigle  sur  la  tête  en  qualité  de  roi  ;  sa  fille  porte  une  chouette.  » 

Aristophane.  Les  Oiseaux.  V.  515. 

2.  Ce  piédroit  fut  longtemps  engagé  dans  la  façade  d’une  maison ,  et  ce  n’est  que  depuis  que 
celle-ci  a  été  démolie  et  que  le  monument  a  été  isolé,  qu’on  a  pu  s’assurer  que  l’inscription  était 
bien  encore  à  sa  place  antique. 


248 


ATHÈNES. 


base,  AA  A,  de  1"’,22  de  diamètre  et  7‘“, 87  de  hauteur^,  portant  son 
entablement  et  un  fronton  ;  les  entre-colonnements  de  droite  et  de  gauche 
n’ont  que  tandis  que  celui  du  milieu,  beaucoup  plus  large, 


Propylée  de  la  nouTelle  Agora. 


comme  aux  Propylées  de  l’Acropole,  n’a  pas  moins  de  3'",  42.  Comme 
aux  Propylées  aussi,  le  nombre  des  triglyphes  est  double  à  cet  entre- 
colonnement  central.  Les  métopes  n’ont  jamais  été  ornées  de  sculptures, 


Plan  du  Propylée  de  l’Agora. 


non  plus  que  le  tympan  du  fronton.  Celui-ci  a  perdu  son  sommet,  mais 
les  deux  angles  qui  existent  encore  suffisent  pour  faire  reconnaître  qu’il 

i ,  Cette  hauteur  de  près  de  six  diamètres  et  demi  est  une  preuve  de  plus  de  la  destination  pure- 
liieht  civile  du  monument.  Nous  lisons  en  effet  dans  Vitruve  : 

«  Columnarutn  autem  proportiones  et  symmetriæ  non  erunt  iisdem  rationibus,  qilibus  in  œdibiia 


NOUVELLE  AGORA. 


249 


était-  Lin  peu  plus  élevé  qu’il  n’était  d’usage  chez  les  Grecs,  particularité 
due  à  l’influence  romaine  qui  se  fait  sentir  dans  plusieurs  détails  du 
monument.  A  l’extrémité  droite  du  fronton  est  un  autre  piédestal  ou 
acrotère  plus  petit;  on  peut  donc  supposer  avec  Chandler^  qu’outre  la 
statue  équestre  de  Lucius  César,  le  fronton  portait  les  statues  pédestres 
d’Auguste  et  de  César,  ou  d’Agrippa,  le  véritable  père  de  Lucius. 

En  arrière  du  portic{ue,  s’étendait  un  triple  passage,  comme  à  la  porte 
d’Herculanum  à  Pompéi^,  deux  chemins  H  étant  réservés  aux  piétons, 
et  un  plus  large  G,  au  centre,  étant  destiné  aux  charrettes  et  aux  bêtes 
de  somme  qui  apportaient  les  denrées  au  marché. 

L’ante  B,  réunie  à  la  façade  par  son  architrave,  et  l’un  des  pié¬ 
droits  D  de  l’arrière- porte  DE,  encore  debout,  un  fragment  du 
piédroit  E ,  encore  visible  à  fleur  du  sol ,  ainsi  que  quelc{ues  pierres 
du  soubassement  des  murailles^  qui  formaient  le  triple  passage,  sont  des 
éléments  suffisants  pour  recomposer  le  plan  du  portique 

Le  passage  central  G  avait  3'”, 50  de  large  ;  les  passages  latéraux  H, 
L",50  seulement.  La  largeur  totale  du  portique  est  de  lL",i/i  ;  sa  pro¬ 
fondeur  était  de  O"’,  iO.  Les  deux  colonnes  de  gauche  du  portic[ue  étaient, 
au  temps  de  Stuart ,  engagées  dans  la  maison  occupée  par  le  consul 
de  France,  et  les  deux  de  droite  dans  une  église  du  Sauveur,  xoG  ayiou 
2wT‘^poç,  déjà  ruinée  alors  et  aujourd’hui  détruite.  C’est  à  cet  édifice 
chrétien  qu’il  faut  restituer  quelques  fragments  d’architecture  et  plusieurs 
tronçons  de  colonnes  de  divers  diamètres  qui  gisent  sur  le  sol  ;  mais 
d’autres  fragments  ont  appartenu  au  portique  de  l’Agora.  Contre  1  une 
des  colonnes  est  déposé  un  morceau  du  sommet  du  fronton,  portant 

sacris  scripsi.  Aliam  enini  in  Deorum  templis  debent  habere  gravüateni,  aliani  in  potticibus  et 
cœteris  operibus  subtil itatem.  »  L.  V,  c.  9. 

«  Les  proportions  des  colonnes  (dans  les  portiques)  ne  doivent  pas  être  les  mêmes  que  celles  que 
j’ai  prescrites  pour  les  édifices  sacrés.  Dans  ceux-ci,  il  faut  que  les  colonnes  aient  surtout  de  la 
majesté,  tandis  que,  dans  les  portiques  et  autres  monuments  du  môme  genre,  elles  doivent  avoir 
de  la  finesse  et  de  l’élégance.  » 

1.  Voyages  en  Grèce.  T.  Il,  p.  519. 

2.  E.  Breton.  Ponipéia.  2®  édit.,  p.  196. 

3.  C’est  sur  ce  piédroit  qu’est  gravé  l’édit  d’Adrien. 

4.  Ces  murailles  étaient  probablement  percées  de  baies  rectangulaires,  peut-être  même  d’arcades, 
ce  qui  ne  serait  pas  impossible  dans  un  monument  d’époque  romaine. 

5.  Sur  notre  plan,  nous  avons  indiqué  en  noir  les  parties  existantes  du  monument,  en  gris  celles 
qui  n’excèdent  pas  le  niveau  du  sol,  et  par  des  lignes  ponctuées  celles  que  nous  avons  dû  suppléer. 


250 


ATHÈNES. 


encore  sur  son  rampant  une  partie  du  piédestal  de  la  statue  de  Lucius  ; 
un  fragmeiU  avec  des  denticules,  ornement  qui  n’existe  pas  à  la  façade, 
a  dû  faire  partie  de  la  décoration  intérieure  du  Propylée. 

Deux  segments  de  cercle  en  marbre  de  l’Hymette  proviennent  d’un 
piédestal  rond  et  ont  ete  laisses  à  l’endroit  où  ils  furent  trouvés.  On  a 
porté  au  musée  du  temple  de  Thésée  une  base  carrée  que  surmontait  une 
statue  représentant,  sous  la  forme  de  la  Providence,  Julie,  fille  d’Auguste 
et  mère  de  Lucius  César,  ainsi  que  nous  l’indique  cette  inscription  : 

10  TA  I  AN  0EAN  SEBAXTHN  II  PONOIAN 
H  BOT  A  H  H  ES  APEIOY  IIAPOT  K  AI  H  BOT  AH 
TON  ESAKOXIQN  KAI  0  AHMOI 
ANAOENTOX  EK  TON  lAION 
AIONYSIOT  TOT  ATAOT  MAPA 
OONIOT  APOPANOMOTNTON 
ATTOT  TE  AIONTXIOT  MAPA 
OONIOT  KAI  KOINTOT  NAIBIOT’ 

POT<POT  MEAITEOS 

«  Lo  conseil  de  l’Aréopage,  le  conseil  des  six  cents  i  et  le  peuple  {honorent)  la  divine  Julie, 
Providence  auguste  {de  cette  statue)  érigée  aux  frais  de  Denis,  fils  d’Aulus, 
de  Marathon  ;  étant  agoranomes,  ce  même  Denis  de  Marathon 
et  Quintus  Nævius  Rufus  de  Mélite.  » 

La  présence  auprès  du  portique  d’une  statue  érigée  par  un  agoranome, 
OU  inspecteur  du  marché,  est  une  preuve  de  plus  à  l’appui  de  notre 
opinion  sur  la  destination  du  monument. 

La  TOUR  DES  Vents  2,  ou  horloge  d’Aiidronicus  Cyrrhestes,  est  un  petit 
édifice  de  marbre  blanc  et  de  forme  octogone ,  qui  s’élève  au  milieu 
d  une  place  à  1  extrémité  et  dans  l’axe  de  la  rue  d’Éole ,  au  pied  et  au 
nord  de  l’Acropole,  non  loin  de  la  nouvelle  Agora.  Ce  marché  étant 
le  lieu  le  plus  central  et  le  plus  fréquenté  de  la  ville,  aucune  situation 
n’était  plus  convenable  que  celle-ci  pour  un  monument  destiné  à  donner 
aux  citoyens  des  renseignements  dont  ils  pouvaient  avoir  besoin  à  chaque 
instant. 

Entièrement  dégagée  des  décombres  dans  lesquels,  à  l’époque  de  l’ex¬ 
pédition  de  Morée,  elle  était  encore  à  moitié  ensevelie,  la  tour  des  Vents 
se  trouve  aujourd’hui  isolée  dans  une  enceinte  en  contre-bas  de  5  mètres 


1.  Sur  ce  conseil  des  six  cents,  vo}\  p.  228. 

2.  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 


TOUR  DES  VENTS. 


251 


aa  moins  au  midi ,  et  de  3  mètres  seulement  au  nord ,  fermée  par  une 
grille,  et  dans  laquelle  sont  déposés  divers  fragments  antiques. 

Ce  monument  a  été  décrit  par  Vitruve^.  «  Ceux,  dit -il,  qui  ont 
recherché  avec  le  plus  de  soin  les  différences  des  vents,  en  ont  compté 
huit ,  et  particulièrement  Andronicus  Cyrrhestes  2 ,  qui  bâtit  pour  cet 
effet  à  Athènes  une  tour  de  marbre  de  figure  octogone,  sur  chacun  des 
côtés  de  laquelle  était  l’image  de  l’un  des  vents  à  l’opposite  du  lieu 
d’où  il  souffle.  Sur  cette  tour,  qui  se  terminait  en  pyramide,  il  posa 
un  triton  d’airain  qui  tenait  une  baguette  de  la  main  droite;  et  la  machine 
était  ajustée  de  sorte  que  le  triton,  en  tournant,  se  tenait  toujours  opposé 
au  vent  cjui  soufflait  et  l’indiquait  avec  sa  baguetjj-'^.  » 

11  paraît  qu’au  moyen  d’un  mécanisme  fort  simple,  une  aiguille  sui¬ 
vait  à  l’intérieur  du  monument  les  évolutions  du  triton.  «  Dans  le  haut 
de  cette  coupole,  ditVarron  est  peinte  la  rose  des  huit  vents,  comme 
dans  l’horloge  que  fit  Cyrrhestes  à  Athènes  ;  et  une  aiguille  supportée 
par  le  tourillon  se  meut  de  façon  à  indiciuer  quel  vent  souffle  au  dehors.  » 

Ce  curieux  édifice  a  été  omis  par  Pausanias,  et  pourtant  à  l’époque 
où  il  visita  Athènes  il  existait  depuis  longtemps.  M.  Pittakis  croit  avec 
Stuart  qu’il  dut  être  à  peu  près  contemporain  de  la  première  horloge 
publique,  établie  à  Rome  dans  un  lieu  couvert  par  Scipion  Nasica,  pour 
suppléer  à  l’insuffisance  des  cadrans  solaires,  en  l’an  159  avant  Jésus- 
Christ,  l’an  de  Rome  595  mais  d’après  certaines  imperfections  d’archi¬ 
tecture  indiquant  un  commencement  de  décadence,  M.  Reulé  ®  pense 
qu’il  ne  date  que  du  règne  d’Auguste. 

Hors  œuvre,  le  diamètre  de  la  tour  des  Vents  est  de  7"', 95,  ses  huit 
faces  égales  entre  elles  sont  larges  de  3™, 28  et  hautes  de  12"’, 20,  y  com¬ 
pris  les  trois  degrés  du  soubassement,  et  la  corniche  ornée  de  têtes 

1.  L.  1,  c.  6. 

2.  Nous  ne  trouvons  dans  les  auteurs  anciens  aucun  renseignement  sur  cet  Andronicus  Cyrrhestes. 
Était-il  astronome,  sculpteur  ou  architecte?  Était-ce  simplement  un  riche  particulier  qui  dota  Athènes 
d’un  monument  utile?  C’est  ce  qu’il  est  impossible  de  décider. 

3.  Telle  est  à  Venise  la  statue  en  bronze  de  la  Fortune  qui  décore  la  douane  de  mer  ;  telle  est  la 
fameuse  Giralda  de  Séville;  telle  était  sans  doute  aussi  la  statue  colossale  de  Jupiter,  exécutée  par 
Lysippe,  pour  la  ville  de  Tarente,  «  placée  tellement  en  équilibre,  dit  Pline  (L.  XXXIV,  18),  qu’on 
la  faisait  mouvoir  d’un  doigt  sans  qu’aucune  tempête  pût  la  renverser.  » 

4.  De  Agriculturâ.  L.  III,  c.  5. 

5.  Pline.  L.  VII,  c.  GO. 

0.  Acropole  d’Athènes.  T.  II,  p.  207. 


252 


ATHÈNES. 


de  lion  servant  de  gargouilles.  Les  faces  présentent  des  bas-reliefs  hauts 
de  i"’,90  et  larges  de  3“, 28,  offrant,  de  proportion  colossale,  les  figures 
ailées  des  huit  vents  principaux  de  la  rose  des  vents,  des  anciens. 

Stuart  fait  observer  que  parmi  elles,  Lips  et  Zéphyre  sont  les  seuls  qui 
aient  les  pieds  nus,  les  autres  vents  étant  chaussés  d’espèces  de  bro¬ 
dequins. 

Voici  dans  quel  ordre  se  présentent  les  vents,  distingués  chacun  par 
quelque  attribut,  et  surmontés  de  leurs  noms  gravés  en  gros  caractères  : 

1°  Nord.  Bopéaç,  Boreus,  Septentrio,  Aquilo.  C’est  un  vieillard  chaude¬ 
ment  vêtu,  tenant  en  main  la  conque  nommée  triton,  qui  servait  de 
trompe  aux  dieux  nwins. 


Borée,  vent  du  nord. 


2°  Nord-Ouest.  Sxeipwv,  Caurus  ou  Corus,  Sciron  ,  ainsi  nommé  parce 
C[u  il  soufflait  sur  Athènes  des  roches  scironiennes,  Sitsipovtal  TOxpai,  situées 
sur  le  bord  septentrional  du  golfe  d’Égine,  au  delà  de  Mégare^. 

Ce  vent  étant  le  plus  sec  de  tous  et  souvent  accompagné  d’éclairs, 
Stuart  suppose  ingénieusement  que  le  vase  à  large  panse  et  richement 
décoré  que  tient  cette  figure  barbue  et  sévère  répand  non  de  l’eau, 
mais  du  feu. 

\.  C’est  avec  raison  que  Spon  dit  qu’au-dcssus  de  chaque  vent  est  gravé  son  nom  à  l’athénienne  - 
Sciron  est  en  effet  un  nom  qui  ne  pouvait  avoir  de  sens  qu’à  Athènes. 

«  Cette  route  {de  Crommyon  à  Mégare)^  presque  partout  fort  étroite,  est  bordée,  d’un  côté,  par 
une  haute  montagne  à  pic  et  offre,  de  l’autre,  des  précipices  affreux.  Là,  suivant  les  mythologues, 
se  tenaient  Sciron  et  Pityocamptès ,  brigands  qui  infestaient  les  montagnes,  mais  que  Thésée 
détruisit.  Et  comme  c’est  du  somment  de  ces  roches  que  le  vent  occidental  Argestès,  ’Apyéo-Tyiç, 
semble  se  déchaîner,  les  Athéniens  l’appellent  le  Sciron.  »  Strabon.  Géogr.  L.  IX,  c.  1. 

C’est  aussi  sous  le  nom  d’Argestès  qu’Hésiode  désigne  le  vent  du  nord-ouest. 

«  C’est  Typhon,  dit-il,  qui  produit  les  vents  orageux,  excepté  Notus,  Borée,  Argestès  et  Zéphiro, 
que  les  dieux  ont  fait  naître  pour  l’utilité  des  hommes.  »  Théogonie.  V.  870. 

Cf.  Aülü-Geli.e.  L.  II,  c.  22,  et  Végèce.  Inst.  mil.  L.  V,  c.  8. 


TOUR  DES  VENTS. 


253 


S°  Ouest.  Zs(pupoç,  Zephyrus,  Favoniiis^  Zéphyre.  Ce  vent  doux  et 
chaud  est  le  seul  qui  soit  représenté  nu;  il  n’a  qu’un  manteau  flottant 
dans  lequel  il  porte  des  fleurs. 

li°  Sud-Ouest,  a'i^,  Lips,  Africus,  vent  d’Afrique,  soufflait  de  la 
Libye  ;  c’est  le  vent  que  les  Italiens  nomment  sirocco.  Il  est  représenté 


Lips,  vent  du  sud-ouest. 


sous  la  forme  d’un  jeune  homme  tenant  en  main  cet  ornement  de  la 
poupe  des  navires  que  les  Grecs  nommaient  a(p).acTov  et  les  Romains 
aplustrum 

5“  Sud.  Noto;,  Notus^  Auster,  Autan,  jeune  homme  renversant  une 
urne 

6“  Sud-Est.  Eupo?  Euriis.  Ce  vent,  c|ui  à  Athènes  amène  un  temps 
sombre  et  pluvieux,  est  personnifié  par  un  vieillard  à  figure  morose  et 
sévère. 

7"  Est.  l'nryi'Xicor/iç  Apéliotès ,  Solanus  ou  Siihsolanus,  beau  jeune 
homme  tenant  dans  le  pli  de  son  manteau  des  fruits  et  des  épis,  et, 
selon  Stuart,  un  rayon  de  miel  que  nous  avons  vainement  cherché. 


1.  «  Ce  symbole  exprime-t-il  la  facilité  avec  laquelle  les  vaisseaux,  poussés  par  le  vent  de  sud- 
ouest,  entrent  dans  le  Pirée?  Ou  sert-il  à  caractériser  celui  qui  le  porte  comme  destructeur  des 
vaisseaux,  parce  qu’en  effet,  lorsque  le  vent  du  sud-ouest  souffle,  cette  partie  de  la  côte  de  l’Attiquo 
est  d’une  navigation  dangereuse?  C’est  ce  qu’il  n’est  pas  facile  de  déterminer.  » 

Stuaut.  Antiquités  d’Athènes.  T.  I,  p.  43. 

2.  «  Les  Latins  l’appellent  Auster,  et  les  Grecs  Notoç,  parce  qu’il  amène  les  nuages  et  la  pluie; 

car  le  mot  voxiç  veut  dire  humidité.  »  Auld-Gelle.  L.  II,  c.  22. 

3.  De  àTco  TŸi;  ’Hoü;  péwv,  soufflant  du  côté  de  l’Aurore.  (  Aülu-Geuæ.  L.  Il,  c.  22.) 

4.  De  arro,  de,  et  viXtoç,  soleil. 

On  écrit  aussi  ’Acp-pXtwxYiç.  (Sénèque.  Quest.  nat.  L.  V,  16.) 


254 


ATHÈNES. 


8“  Nord-Est.  Kau-^aç,  Cœcias.  Ce  vent  humide  et  froid  est  représenté 
par  un  vieillard  versant  d’un  large  bassin  des  grains  ronds  qui,  selon 
toute  apparence,  représentent  des  grêlons. 

Leroy  trouve  ces  sculptures  très-médiocres  et  Stuart  au  contraire  les 
trouve  très-belles  ;  nous  y  reconnaissons  avec  le  premier  un  peu  de 
lourdeur,  mais  avec  le  second  un  grand  caractère  et  une  exécution 
savante  sans  être  très-finie.  Ce  sont  de  belles  ébauches,  suffisaminent 
avancées  pour  la  hauteur  où  elles  étaient  placées 

Au-dessous  des  bas-reliefs  sont  tracés  sur  la  muraille  autant  de 
cadrans  solaires  ^  auxquels,  en  1838,  on  avait  restitué  des  styles^  de 
fer  déjà  détruits  ou  forcés  aujourd’hui. 


Cadran  solaire. 


«  On  doit  remarquer,  dit  Stuart^,  que  ces  cadrans  indiquent,  par 
leur  projection,  non -seulement  les  heures  du  jour,  mais  encore  les 
solstices  et  les  équinoxes;  et  que  les  jours  les  plus  longs  sont,  comme 
les  plus  courts,  partagés  en  douze  heures.  » 

L’édifice  avait  deux  portes  larges  de  l'N68  et  hautes  de  3‘",55, 

1.  Ces  bas-reliefs  sont  bien  gravés  et  sur  une  très-grande  échelle  dans  les  Monuments  de  la  Grèce 
de  Legrand,  et  de  plus  petite  proportion  dans  les  Antiquités  d’Athènes  de  Stuart. 

2.  En  latin,  solaria,  de  sol,  solei',  et  hora,  heure  (Varro,  De  iing.  lat.  L.  VI,  4);  en  grec,  crxia- 
Oi^paç  ou  crxtaOiqpa,  de  «rxia,  ombre,  et  ôripaw,  chercher. 

3.  rvwp.Mv,  gnomon. 

4.  Antiquités  d’Athènes.  T.  I,  p.  41. 


TOUR  DES  VENTS. 


2b5 


ouvertes  au  nord-est  et  au  nord-ouest,  et  qui  facilitaient  la  circulation 
des  citoyens  qui  venaient  voir  l’heure  à  la  clepsydre.  Ces  portes  étaient 
accompagnées  chacune  d’un  petit  péristyle  A  B,  soutenu  par  deux 


colonnes  qui  au  nord-ouest  sont  eilcore  en  place  ;  une  seule  a  été  relevée 
au  nord-est.  Les  frontons  des  deux  portes  sont  détruits,  mais  le  cham¬ 
branle  très -simple  de  celle  du  nord-ouest  est  intact.  Les  colonnes, 
hautes  de  A'",  4  5  sur  un  diamètre  de  0'",  496,  sont  cannelées  et  sans 
base.  Le  chapiteau  n’appartient  à  aucun  ordre  déterminé. 


7 


Chapiteau  de  la  tour  des  Vents. 


Le  toit,  pyramide  à  vingt-quatre  pans,  d’une  construction  remar¬ 
quable,  est  formé  de  grandes  dalles  trapézoïdales  de  marbre,  disposées 
comme  des  tuiles,  avec  des  couvre-joints  rayonnant  autour  d’un  bloc 
central  qui  porte  le  triton. 

Afin  que  le  monument  remplît  complètement  et  en  tout  temps  sa 
destination  ,  il  fallait  remédier  à  l’absence  de  soleil  qui ,  à  la  vérité 
moins  souvent  à  Athènes  qu’ailleurs,  rend  les  cadrans  solaires  inutiles. 


236 


ATHÈNES. 


ün  avait  à  cet  effet  établi  dans  l’intérieur  une  horloge  d’eau ,  une 
clepsydre,  Cette  horloge  marquait  les  heures  par  l’abais¬ 

sement  du  niveau  de  l’eau  qu’elle  contenait ,  abaissement  que  l’on 
pouvait  constater  et  mesurer  au  moyen  de  divisions,  spatia,  tracées 
sur  les  parois  du  vase  d’où  elle  s’échappait  ou  de  celui  dans  lequel 
elle  tombait  goutte  à  goutte  2. 

L’intérieur  de  la  tour  des  Vents,  large  seulement  de  6'",90,  est  un 
octogone  régulier  comme  l’extérieur;  une  corniche  fort  simple  règne 
à  la  hauteur  de  i"’,80  au-dessus  du  pavé;  plus  haut,  à  ù"%70  environ 
du  sol,  on  en  voit  une  autre  fort  riche  et  ornée  de  denticules  et  de 
modillons.  Enfin,  au-dessus,  la  muraille  devient  circulaire  et  présente 
sur  un  bandeau  sans  moulure  huit  petites  colonnes  doriques  cannelées. 

Au  siècle  dernier,  cette  rotonde  servait  de  salle  d’exercices  à  un 
TekkeJi  ou  couvent  de  derviches  tourneurs.  Stuart  fit  enlever  le  plancher 
établi  par  eux  à  environ  2“,30  au-dessus  du  sol  antique,  et  fit  débar¬ 
rasser  celui-ci  de  l’énorme  quantité  de  décombres  qui  le  recouvraient. 
L’ancien  pavé  de  marbre  put  alors  être  examiné,  et  l’archéologue  anglais 
reconnut  au  milieu  l’emplacement  de  la  clepsydre  indiqué  par  plu¬ 
sieurs  canaux  déversant  l’eau  dans  un  trou  central  d’où  elle  s’écoulait 
par  un  conduit  souterrain^.  Dans  les  décombres  qu’il  enleva,  il  dit  avoir 
trouvé  une  grande  quantité  d’ossements  humains,  d’où  il  conclut  avec 
vraisemblance  qu’à  une  époque  restée  inconnue  le  monument  avait  pu 
être  affecté  au  culte  chrétien. 

Ce  fut  aussi  aux  fouilles  faites  par  Stuart  à  l’extérieur  de  la  tour  des 
Vents  qu’on  dut  la  découverte  d’une  construction  circulaire  C,  appliquée 
à  son  côté  méridional.  Nous  devons  y  reconnaître  le  réservoir  indiqué 
par  Vitruve  comme  l’une  des  parties  constitutives  d’une  clepsydre. 


1.  11  en  était  ainsi  au  magnifique  bain  construit  par  Hippias,  habile  architecte,  contemporain  de 
Marc-Aurèle,  édifice  décrit  par  Lucien. 

«  On  y  trouve,  dit-il,  deux  horloges,  l’une  marquant  les  heures  au  moyen  de  l’eau  et  d’un  bruit, 
l’autre  par  un  cadran  solaire.  »  Lucien.  Hippias  ou  le  Bain. 

2.  Cicéron  donne  à  la  clepsydre  le  nom  de  solarium  ex  aquâ,  tandis  qu’il  nomme  le  cadran  solaire 
solarium  descriptum,  cadran  tracé. 

Vitruve  (L.  I,  c.  8  et  9)  donne  la  description  des  différents  genres  d’horloges  connus  des  anciens. 
Il  appelle  les  clepsydres  horloges  d’eau,  horologia  ex  aquâ,  et  horloges  d’hiver,  horologia  hiberna. 

3.  On  ne  comprend  pas  comment  Legrand,  qui  visita  Athènes  longtemps  après  Stuart,  ose  s’attri¬ 
buer  l’honneur  de  ces  fouilles  et  les  observations  qui  en  furent  le  fruit- 


ARCADES  PRÈS  LA  TOUR  DES  VENTS. 


257 


«  Voici,  dit-il,  la  méthode  qu’il  faut  suivre  pour  porter  l’eau  à  la  ma¬ 
chine.  Derrière  le  cadran  vous  construisez  un  castellum  ou  réservoir  où 
l’eau  soit  portée  par  un  tuyau.  Pratiquez  au  fond  du  réservoir  une  cavité 
dans  laquelle  vous  souderez  un  tambour  d’airain  percé  d’un  trou;  c’est 
parce  trou  que  l’eau  du  réservoir  s’écoulera^.  » 

Arcades.  Derrière  la  tour  des  Vents  se  trouvent  isolées  deux  arcades 
de  marbre  du  mont  Hymette  ^ ,  qui  naguère  encore  étaient  enclavées 
dans  une  habitation  turque.  Stuart^,  qui  à  la  vérité  n’a  pu  les  examiner 
à  son  aise,  n’ose  se  prononcer  sur  leur  destination;  Leake n’est  pas 
plus  explicite  et  se  contente  de  les  désigner  comme  une  ancienne  con¬ 
struction  avec  arcades,  ancient  building  with  arches.  La  première  pensée 
que  fait  naître  leur  vue  est  qu’elles  ont  fait  partie  de  l’aqueduc  qui 
amenait  de  l’Acropole  à  la  tour  des  Vents  l’eau  de  la  fontaine  Clepsydre; 
mais  un  passage  d’Hésychius  ^  nous  apprend  que  cette  eau  était  con¬ 
duite  sous  terre,  et,  de  plus,  nous  ne  trouvons  au  sommet  de  ces  ruines 
aucun  indice  du  canal  qui  eût  existé  si  elles  eussent  appartenu  à  un 
aqueduc.  Nous  sommes  donc  forcé  de  nous  renfermer  dans  la  même 
réserve  que  nos  prédécesseurs  et  d’avouer  avec  eux  que  l’origine  de  ces 
arcades  nous  est  inconnue,  nous  contentant  de  les  décrire. 

Leur  style  est  loin  de  la  finesse  et  de  la  pureté  de  la  belle  époque  de 
l’art  grec,  qui  du  reste  n’employait  ni  l’arcade,  ni  la  voûte  à  claveaux, 
et  nous  y  trouvons  les  traces  d’une  décadence  plus  marquée  encore  que 
dans  l’architecture  de  la  tour  des  Vents.  Le  monument  est  de  petite 
dimension;  les  piédroits  ne  sont  écartés  que  de  2  mètres  et  sortent  de 
terre  d’une  égale  hauteur;  les  moulures  des  archivoltes  sont  fort  simples, 
et  les  petites  rosaces  qui  en  décorent  les  tympans  sont  également  d’une 
grande  simplicité  et  d’une  exécution  médiocre.  Un  seul  morceau  de  la 
frise  est  encore  en  place  ;  sur  sa  face  occidentale ,  il  porte  ce  fragmen 
d’inscription  : 

TOIS  XEBASTOI.  .  . . 

ÜAE  AHMHTPIOr  MAPA . 

Les  premiers  mots,  toix  xebaxtoix,  indiquent  que  ce  fut  sous  le 

1.  VlTRDVE.  L.  IX,  C.  9. 

2.  Voy.  la  vignette  en  tète  du  chapiti-e. 

3.  Antiquités  d’Athènes.  T.  III,  p.  79. 

4.  Topography  of  Athens. 

5.  Il  nomme  la  fontaine  Clepsydre  xXst^tppuxov,  qui  coule  secrètement. 


17 


258 


ATHÈNES. 


règne  simultané  de  deux  empereurs  que  l’édifice  fut  élevé,  peut-être 
s’agit-il  de  Garacalla  et  Géta,  ou  des  Antonins. 

Sur  un  morceau  plus  considérable  gisant  sur  le  sol,  nous  retrouvons 
le  nom  de  Minerve  Archégétis  que  nous  avons  déjà  vu  figurer  dans 
l’inscription  du  Propylée  de  l’Agora  : 

A0HNAI  APXnrETIAl  KAI  K... 

HS  EPM...  APPHTTIOS  TON... 

«  A  Minerve  Archégétis  et  à... 

N***,  fils  d’Hermès  de  Gargetteh..  » 


Prytanée.  Le  Prytanée,  npuTaveîov,  était  un  édifice  cjui,  fondé  primi¬ 
tivement  par  Thésée  avait  un  grand  nombre  de  destinations  différentes. 
C’était  comme  un  vaste  phalanstère  où  étaient  logés  et  nourris  les  cin¬ 
quante  prytanes,  pendant  l’exercice  de  leurs  fonctions  et  où  l’on  entre¬ 
tenait  également  aux  frais  de  l’État  les  devins ,  surtout  en  temps  de 
guerre''*,  ainsi  cjue  les  citoyens  qui,  ayant  bien  mérité  de  la  patrie,  avaient 
reçu  cette  faveur  à  titre  de  récompense  nationale,  avec  le  nom  àeiGiToi, 
nourris  à  perpétuité^.  Quelquefois  ces  citoyens  étaient  seulement  invités 


1.  Dème  de  l’Attique. 

2.  «  Theseus  bastit  un  palais  cümun  (upuxavsîov)  et  une  sale  pour  tenir  le  conseil  au  lieu  où 

maintenant  est  assise  la  cité.  »  Pcutauque.  Thésée. 

«  C’est  à  cette  époque  que  fut  établi  à  Athènes,  en  l’honneur  de  Minerve,  la  fête  publique  appelée 
Xynœcia.,  Suvoixia  {habitation  en  commun),  qui  se  célèbre  encore  aujourd’hui.  Jusque-là,  la  ville  ne 
consistait  que  dans  l’Acropole  actuelle  et  dans  la  partie  située  au-dessous  tout  à  fait  au  midi.  » 

Thucydide.  L.  II,  §,  15. 

3.  <!  Les  magistrats  du  Prytanée  soupaient  tous  les  jours  en  commun  sans  commettre  aucun  excès 

et  devenaient  ainsi  le  salut  de  l’État.  »  Athénée.  Deipn.  L.  V. 

Les  prytanes  avaient  droit  à  la  cinquième  partie  des  victimes  offertes  en  sacrifice. 

4.  «  Tu  ne  souperas  plus  désormais  au  Prytanée  et  tu  ne  rendras  plus  d’oracles  sur  ce  qui  est 

passé.  »  Aristophane.  La  Paix. 

5.  «  Tu  me  reproches  des  choses  pour  lesquelles  je  mériterais,  à  mon  avis,  d’être  nourri  au 

Prytanée.  »  Lucien.  Dial.  Prométhée. 

Cf.  Platon.  Apologie  de  Socrate. 

(!  Celui-ci,  nourri  par  l’État,  se  rend  au  Prytanée...  »  Aristote.  Lettre  sur  le  monde. 

«  Les  Athéniens,  repentants  de  leur  ingratitude  envers  Démosthène,  décidèrent,  après  sa  mort, 
qu’une  statue  de  bronze  lui  serait  élevée  et  que  l’aîné  de  ses  descendants  serait  à  perpétuité 
nourri  au  Prytanée.  »  Plutarque.  Démosthène. 

Cette  faveur  n’était  pas,  dans  le  principe,  fort  enviable,  si  l’on  en  croit  Athénée.  «  Solon,  dit-il, 
prescrit  de  servir  seulement  une  maze  ((j.àÇa,  morceau  de  pâte  cuite,  pâtisserie  grossière)  à  ceux 
qui  sont  nourris  dans  le  Prytanée,  et  d’y  ajouter  un  pain  les  jours  de  fête,  à  l’imitation  l’Homère.  » 

Deipnos.  L.  IV. 


PRYÏANÉE. 


259 


à  un  repas  au  Prytanée  Des  revenus  considérables  étant  assignés 
à  cet  établissement,  on  leur  accordait  des  pensions  2,  et,  lorsqu’ils  mou¬ 
raient  sans  fortune,  leurs  enfants  pouvaient  être  dotés  On  recevait  aussi 
au  Prytanée  les  ambassadeurs  étrangers  et  tous  ceux  envers  lesquels 
la  république  voulait  exercer  l’hospitalité^.  Dans  certaines  circonstances 
on  y  donnait  des  festins  publics,  auxquels  tous  les  citoyens  pouvaient 
prendre  part®;  enfin,  nous  trouvons  dans  Athénée  la  mention  d’une 
sorte  de  repas  sacré  qu’on  y  offrait  aux  Dioscures^. 

«  Près  de  l’enceinte  d’Agiaure,  dit  Pausanias^,  est  le  Prytanée,  où 
sont  écrites  les  lois  de  Solon®.  On  y  voit  les  statues  de  la  Paix,  de 


1 .  «  Minerve  Poliade,  entends  mes  vœux!  Si  je  suis  connu  pour  celui  qui  aime  le  mieux  le  peuple 
athénien,  fais  que  je  sois  toujours,  comme  aujourd’hui,  nourri  au  Prytanée  sans  rien  faire.  » 

Aristophane.  Les  Chevaliers. 

«  A  notre  retour  d’ambassade,  Démosthène  proposa  de  décerner  à  chacun  de  nous  une  couronne 
d’olivier  en  récompense  de  notre  zèle  patriotique,  et  de  nous  inviter  le  lendemain  à  souper  au 
Prytanée.  »  Eschine.  Procès  de  l’ambassade. 

2.  «  Des  ambassadeurs  de  Philippe  en  est -il  un  seul,  ô  juges!  à  qui  vous  élèveriez  une  statue 

sur  la  place  publique?  Que  dis-je!  lui  assigneriez-vous  une  pension  au  Prytanée  ou  telle  autre 
récompense  dont  vous  payez  vos  zélés  serviteurs?  »  Démosthène.  Procès  de  V ambassade. 

3.  «  L’on  monstre  encore  auiourd’hui  la  sépulture  d’Aristides  sur  le  port  de  Phalerus.  qui  lui  fust 
faite  aux  despens  de  la  chose  publique,  corne  l’on  dit,  pource  qu’il  décéda  si  pauure  qu’on  ne  trouua 
pas  chez  lui  de  quoi  le  faire  inhumer  :  et  si,  dit-on  encore  plus  que,  par  décret  du  peuple,  scs  filles 
furent  mariées  aux  despens  du  public  et  eurent  chacune  en  mariage  3,000  drachmes  d’argent.  » 

Plutarque.  Aristide. 

4.  «  Le  sénat  invite  VOEU  du  roi  (l’ambassadeur  du  roi  de  Perse)  h  se  rendre  au  Prytanée.  » 

Aristophane.  Acharn. 

5.  Dans  le  Prytanée  brûlait  sans  cesse  un  feu  dont  l’entretien  était  confié  à  des  veuves  qui,  ayant 
passé  l’âge  de  l’hymen,  s’étaient  consacrées  au  culte  de  la  mère  des  dieux  (Plutarque,  [n  num.).  Ce 
feu  était  considéré  comme  le  foyer  de  la  république,  et  c’est  à  ce  titre  que  ses  hôtes  venaient  s’y 
asseoir. 

C.  «  Moi,  j’accuse  celui-ci  d’entrer  au  Prytanée  le  ventre  vide  et  d’en  revenir  le  ventre  plein.  » 

Aristophane.  Les  Chevaliers. 

«  Tout  endroit  où  l’on  mange  sans  payer,  ne  doit-on  pas  l’appeler  Prytanée?  » 

Timoclès,  cité  par  Athénée,  Deipn.  L.  VL 

«  Cimon  faisait  de  sa  maison  un  Prytanée  commun  à  tous  les  citoyens.  » 

Plutarque.  Cimon. 

7.  «  L’auteur  de  la  pièce  des  ÜTwj^ot,  ou  Mendiants,  que  l’on  attribue  à  Chionid'',  dit  que  : 

«  Quand  les  Athéniens  servent  le  dîner  aux  Dioscures  dans  le  Prytanée,  on  met  sur  la  table  un  fro¬ 
mage,  une  p/ii/sfe  (çviaxii,  sorte  de  pâtisserie),  des  olives  drupèpes  (opoTOTral,  mûries  sur  l’arbre), 
des  poireaux,  en  mémoire  de  l’ancienne  manière  de  vivre.  »  Athénée.  Deipn.  L.  IV. 

8.  AU.  C.  XVIII. 

9.  «  Apres  auoir  establi  ses  loix,  il  les  autorisa  toutes  pour  l’espace  de  cent  ans,  et  furent  escrites 
sur  des  aixieux  ou  rouleaux  de  bois  (xop^si;),  qui  se  tournoyent  dedans  les  tableaux,  plus  longs  que 
larges,  où  ils  estoyent  enchâssés,  dont  il  est  encore  demeuré  quelques  reliques  iusque  à  nostre  temps, 
que  l’on  monstre  en  l’hostel  de  ville  (c’est  ainsi  qu’Amyot  raduit  npoTavetov),  à  Athènes.  » 

Plutarque.  Vie  de  Solon. 


260 


ATHÈNES. 


Vesta  et  de  quelques  hommes  célèbres,  entre  autres  celle  d’Autolycus 
le  Pancratiaste ^ ;  Miltiade  et  Thémistocle  y  sont  aussi,  mais  on  a  enlevé 
les  inscriptions  de  leurs  statues  pour  y  substituer  les  noms  d’un  Romain 
et  d’un  Thrace.  » 

C’est  sans  doute  dans  l’enceinte  décorée  de  ces  statues  cjue  siégeait 
un  tribunal  bizarre,  l’Èrl  Tirpuravetw,  composé  d’un  certain  nombre  de 
prytanes.  «  Dans  le  Prytanée,  ajoute  Pausanias^,  est  un  tribunal  où  l’on 
juge  le  fer  et  les  autres  instruments  qui  ont  servi  à  commettre  un 
meurtre.  Voici,  je  crois,  quelle  en  fut  l’origine.  Érechthée  régnait  à 
Athènes  lorsque  le  Buphone^  tua  pour  la  première  fois  un  bœuf,  et, 
laissant  sa  hache  là,  s’enfuit  du  pays;  sur-le-champ,  on  fit  le  procès 
à  la  hache  qui  fut  déclarée  innocente  ;  cette  cérémonie  se  renouvelle 
encore  tous  les  ans.  » 

Dans  un  chapitre  précédent'^,  Pausanias  a  déjà  parlé  de  cette  cou¬ 
tume  :  «  Je  vais,  a-t-il  dit,  décrire  ce  qui  se  pratique  dans  les  sacrifices 
qu’on  offre  à  Jupiter  Polieus,  mais  je  ne  dirai  pas  la  raison  qu’on  en 


1.  Athlète  qui  avait  excellé  dans  l’exercice  mêlé  de  lutte  et  de  pugilat  appelé  pancrace.  Cette 
figure  de  bronze  était  l’œuvre  de  Léocharès  (Pline.  L.  XXXIV,  19).  La  statue  d’un  athlète  semblerait 
assez  singulièrement  placée  auprès  de  celles  de  Miltiade  et  de  Thémistocle,  si  on  ne  le  connaissait  que 
par  ce  passage  d’Athénée  : 

«  A  l’époque  de  l’archontat  d’Aristion  (421  ans  avant  J.-C.),  Eupolis,  donnant  son  Autolycus,  fit 
persifler  par  Démostrate  la  victoire  de  ce  pancratiaste.  »  Deipn.  L.  V. 

Mais  nous  trouvons  dans  Plutarque  le  récit  du  fait  qui  avait  pu  motiver  les  honneurs  rendus  à 
Autolycus.  Lorsqu’on  414  Lysandre  établit  les  trente  tyrans  à  Athènes,  il  mit  une  garnison  dans 
l’Acropole  sous  les  ordres  d’un  harmoste  (  âpjj.ocTx^i;,  gouverneur  donné  par  les  Spartiates  aux 
places  conquises)  nommé  Callibius,  «  lequel  haussa  vn  baston  qu’il  tenoit  en  sa  main  pour  en 
dOner  à  Autolycus,  homme  dispos  et  roide  à  la  lucte,  sur  lequel  le  philosophe  Xénophon  composa 
adis  le  liure  qu’il  appella  le  Conuiue;  mais  lui,  qui  entendoit  les  ruses  de  la  lucte,  le  saisit  soudai¬ 
nement  aux  cuisses  et,  l’enleuant  en  l’air,  le  ietta  par  terre  à  la  renuerse  ;  de  quoi  Lysander,  non- 
seulement  ne  se  courrouça  point,  mais  reprit  encore  Callibius,  disant  qu’il  se  deuoit  souvenir,  s’il 
eut  esté  sage,  qu’il  avoit  à  gouuerner  des  homes  libres  et  non  pas  des  esclaves.  Toutesfois  peu  de 
iours  après  les  trente  nouueaux  réformateurs  firent  mourir  cestuy  Autolycus  pour  faire  plaisir  à 
Callibius.  »  Plutarque.  Vie  de  Lysandre. 

Diodore  de  Sicile  (L.  XIV,  §  5)  fait  d’Autolycus  «  un  orateur  remarquable  par  la  liberté  de  ses 
opinions;  »  enfin  Xénophon  le  présente  comme  aussi  remarquable  par  sa  beauté  que  par  sa  force, 
et,  comme  l’a  dit  Plutarque,  suppose  qu’on  donna  en  son  honneur  le  banquet  qu’il  a  pris  pour  sujet 
d’un  de  ses  ouvrages. 

2.  AU.  C.  XXVIII. 

3.  Sacrificateur,  de  jloüç,  bœuf,  et  çovoç,  meurtre.  Il  y  avait  à  Athènes  une  fête  appelée  Euphonie, 
Boocpovia,  parce  qu’on  y  sacrifiait  un  bœuf;  c’était  la  môme  que  la  Diipolie,  Aiï7ro).sia,  célébrée 
le  14®  jour  du  mois  de  scirophorion  {juin)  eu  l’honneur  de  Jupiter  Polieus,  ou  protecteur  de  la 
ville. 


4.  Alt.  C.  XXIV. 


PRYTANÉE. 


261 


donne.  On  met  sur  son  autel  de  l’orge  et  du  blé  mêlés  ensemble  qu’on 
laisse  là  sans  aucune  garde  ;  le  bœuf  destiné  au  sacrifice  s’approche  de 
l’autel  et  mange  ces  grains;  alors  un  des  prêtres,  qu’on  nomme  le  Bu- 
plionus,  lui  lance  sa  hache  (ainsi  le  veut  la  coutume) ,  et  prend  aussitôt 
la  fuite;  les  assistants,  comme  s’ils  n’avaient  pas  vu  celui  qui  a  commis 
cette  action,  font  faire  le  procès  à  la  hache.  C’est  ainsi  que  cela  se  passe C  « 

Les  objets  qui,  dirigés  par  une  main  inconnue,  ou  qui,  renversés  par 
un  accident  quelconque,  avaient  occasionné  la  mort  d’un  citoyen,  étaient 
condamnés  à  l’exil  et  transportés  hors  du  territoire  de  la  république 
par  les  phyloh asiles ,  (pulol^aciXeîç  2. 

Le  Prytanée  fut  renversé  par  un  tremblement  de  terre,  la  sixième  an- 


Ruines  du  Prytanée. 


née  de  la  guerre  du  Péloponèse  (l’an  /i26  avant  Jésus-Christ),  mais  il 
fut  reconstruit,  et  Leake  regarde  comme  certain  qu’on  peut  lui  attribuer 
quelques  ruines  dont  la  position  est  parfaitement  d’accord  avec  le  récit 

1.  «  Les  Athéniens,  dans  une  certaine  fête,  immolaient  un  bœuf;  c’était  la  coutume  que  tous  ceux 

qui  étaient  censés  avoir  eu  part  à  la  mort  de  l’animal  fussent  appelés  en  justice,  l’un  après  l’autre, 
et  successivement  déchargés  de  l’accusation,  jusqu’à  ce  qu’on  fût  arrivé  au  couteau  qui  était  seul 
condamné  comme  ayant  réellement  tué  le  bœuf.  »  Ælien.  Ilist.  div.  L.  VIII,  c.  3. 

Porphyre  nous  apprend  comment  se  faisait  cette  procédure.  On  intentait  d’abord  l’accusation 
contre  les  filles  qui  avaient  apporté  l’eau  pour  arroser  la  pierre  sur  laquelle  on  aiguisait  le  couteau; 
les  filles  rejetaient  le  crime  sur  celui  qui  avait  aiguisé  le  couteau;  celui-ci  sur  l’homme  qui  aval 
frappé  le  bœuf;  l’homme  sur  le  couteau,  qui,  se  trouvant  ainsi  le  seul  coupable,  était  jeté  dans  la  mer. 

2.  Magistrats  qui  présidaient  aux  sacrifices  offerts  par  leurs  tribus,  de  cpu).iq,  tribu,  et  paat)v£oç,  roi. 


ATHÈNES. 


de  Pausanias.  C’est  en  effet  au  pied  de  l’Acropole,  à  peu  de  distance 
à  l’est  de  la  grotte  d’Aglaure,  et  près  du  lieu  où  commençait  la  rue  des 
Trépieds,  que,  au  fond  d’une  impasse  ouvrant  sur  la  rue  d’Adrien,  on 
trouve  un  pan  de  muraille,  seul  reste  du  Prytanée. 

La  partie  inférieure  de  cette  muraille  formant  un  angle  très-ouvert 
est  composée  de  grandes  assises  régulières  de  pierre  du  Pirée.  Ce  sou¬ 
bassement  avec  la  plinthe  qui  le  surmonte  nous  semble  seul  appartenir 
aux  beaux  temps  de  l’art  grec;  le  reste  date  évidemment  d’une  époque 
déjà  presque  barbare.  Les  pierres  inégales  paraissent  provenir  d’édifices 
plus  anciens.  Au-dessus  règne  un  bandeau  de  marbre  noir  d’Eleusis 
sur  lequel  s’élèvent  des  constructions  tout  à  fait  modernes  de  briques 
et  de  moellons. 

Le  côté  extérieur  de  la  muraille,  entièrement  défiguré  par  les  bâtisses 
turques  c{ui  y  avaient  été  accolées,  donne  sur  une  place  nommée  place 
du  Prytanée,  TvlaTsîa  iip’jTavsîou. 

Derrière  le  Prytanée  était  un  terrain  consacré  à  Apollon,  appelé  Aip-oO 
xe^iov,  champ  de  la  Famine,  parce  que  l’oracle  avait  ordonné  aux  Athé¬ 
niens  de  le  dédier  au  dieu,  à  l’occasion  d’une  famine.  Leake  croit  recon¬ 
naître  le  Aip.ou  dans  un  petit  jardin  qui  s’étend  entre  la  muraille 

antique  et  le  pied  du  rocher  de  l’Acropole. 

Bains  romains.  En  nous  dirigeant  du  Prytanée  vers  l’arc  d’Adrien, 
arrêtons-nous  un  instant  à  la  charmante  église  russe  récemment  restau¬ 
rée;  nous  y  trouverons,  dans  sa  nef  même,  une  trappe  et  un  escalier 
à  marches  très-élevées  et  très-étroites  par  lesquelles  nous  descendrons 
dans  un  petit  bain  romain  qui  mérite  de  fixer  un  moment  l’attention, 
ne  fût-ce  c|ue  par  la  parfaite  conservation  de  ses  trois  hypocaustes  ^  et 
de  ses  deux  petits  pavés  de  mosaïque.  On  y  voit  aussi  quelques  frag¬ 
ments  de  sculpture  trouvés  dans  les  fouilles. 

Arc  d’Adrien.  Ce  monument^  est  situé  au  sud-est  de  l’Acropole  et 
à  l’angle  nord-ouest  du  péribole  du  temple  de  Jupiter  Olympien.  Ses 
deux  faces  de  marbre  pentélique  étaient  absolument  semblables,  et  for¬ 
mées  de  blocs  de  grand  appareil  réunis  par  des  crampons  sans 

1.  Fourneaux  souterrains  (uTtoxauffiç  ou  vuroxaucïTOv,  de  Oto,  sous,  et  xatw,  brûler)  qui  chauf¬ 
faient  les  diverses  salles  des  bains. 

2.  Voy.  la  vignette  à  la  fin  du  chapitre,  et  la  vue  du  temple  de  Jupiter  Olympien,  p.  214. 


J 


BAINS  ROMAINS  ET  ARC  D’ADRIEN. 


263 


chaux  ni  ciment.  A  ce  monument  avait  été  adossée  une  église  chrétienne 
qui  déjà  n’existait  plus  à  l’époque  du  voyage  de  Ghandler^.  L’arc  enterré 
alors  de  plus  d’un  mètre  est  aujourd’hui  dégagé,  a  II  paraît,  dit  Stuart, 
avoir  été  destiné  à  rester  isolé,  et  cependant  il  se  trouve  placé  si  près 
des  restes  du  péribole  de  l’Olympium,  et  en  même  temps  il  est  dans 
une  situation  si  oblique  à  l’égard  de  ce  mur,  qu’il  semble  difficile  de 
concilier  sa  position  avec  aucune  idée  de  convenance  ou  de  beauté ,  et 
de  concevoir  pour  quelle  raison  les  Athéniens  lui  assignèrent  une  pareille 
place  2.  »  Stuart  cherche  cependant  une  explication  et  s’efforce  d’établir 
qu’en  ce  lieu  existait  l’ancien  arc  d’Égée,  et  qu’il  fut  sans  doute  recon¬ 
struit  religieusement  à  la  même  place  par  Adrien.  Ce  qui  est  plus  certain, 
c’est  que  le  monument  n’a  jamais  pu  être  une  porte  de  ville,  et  qu’il 
ne  se  trouve  nullement  dans  l’alignement  des  anciennes  murailles  dont 
la  direction  est  facile  à  suivre.. 

Sur  la  frise  de  l’arc,  du  côté  qui  regarde  l’Acropole,  on  lit  : 

AIAEIX3  A0HNAI  0H2EUS  H  riPINnOAIX 
«  C’est  ici  Athènes,  l’ancienne  ville  de  Thésée.  » 

Du  côté  opposé  est  cette  inscription  : 

AIAEIS  AAPIANOr  KAI  OÏKI^  OHSEOS  IIOAIS 
«  C’est  ici  la  ville  d’Adrien,  et  non  plus  celle  de  Thésée  » 

Cet  arc  séparait  en  effet  l’ancienne  ville  de  la  nouvelle,  qui,  construite 
en  grande  partie  par  Adrien,  avait  reçu  le  nom  (ï Hadrianopolis.  Pau- 
sanias  ne  parle  pas  de  ce  monument,  mais  Leake  remarque  qu’il  y  a 

1.  «Il  paraîtrait,  d’après  les  traces  de  peinture  qui  restent  sur  le  haut  des  murailles,  qu’on  avait 
érigé  une  église  contre.  Ce  monument  est  enterré.  » 

Chandler.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  447. 

2.  Stuart.  Antiquités  d’Athènes.  T.  III,  p.  57. 

3.  AIAEI2,  contraction  de  al  ôé  eial,  celles-ci  sont...  On  sait  que  le  nom  d’Athènes,  A0HNAI, 
est  pluriel  en  grec.  Chacune  des  inscriptions  est  censée  faire  suite  à  l’autre  ;  c’est  ce  qui  motive 
l’adverbe  conjonctif  ôé,  mais.  «  C’est  ici  la  ville  de  Thésée,  »  dit  une  inscription,  «  mais  c’est  ici  celle 
d’Adrien,  »  dit  l’autre,  et  vice  versa. 

4.  Stuart  écrit  à  tort  KOïKI,  au  lieu  de  KAI  OTKI. 

5.  Il  est  évident  que  cette  inscription  fut  faite  à  l’imitation  de  celle  qui,  suivant  Plutarque,  avait 
été  gravée  sur  la  colonne  élevée  par  Thésée  sur  l’isthme  de  Corinthe.  On  y  lisait  d’un  côté  : 

«  Ce  n’est  pas  ici  le  Péloponèse,  mais  l’Ionie.  »  • 

Et  de  l’autre  : 

«  C’est  ici  le  Péloponèse,  non  l’Ionie,  » 


264 


ATHÈNES. 


évidemment  une  lacune  dans  la  partie  du  texte  qui  précède  la  description 
du  temple  de  Jupiter  Olympien ,  et  que  cette  lacune  occupe  justement 
la  place  qu’eût  remplie  la  mention  de  l’arc  d’Adrien. 


Le  monument  n’avait  qu’une  seule  ouverture  accompagnée  de  deux 
colonnes  faisant  saillie  en  avant  de  chaque  massif  entre  les  piédroits 
portant  l’archivolte  et  les  pilastres  d’angle.  Ces  colonnes  ont  disparu 
depuis  longtemps,  mais  leur  ancienne  existence  est  révélée  par  des 
architraves  saillant  de  chaque  côté,  et  sous  lesquelles  on  voit  encore 
le  trou  cjui  recevait  le  pivot  central  de  la  colonne.  Au  côté  nord-ouest, 
sont  en  outre  les  restes  des  piédestaux  sur  lesquels  reposaient  ces 
colonnes.  Ces  piédestaux,  dont  le  dé  a  de  largeur  à  toutes  ses 

faces,  sont  contre  l’usage  entièrement  isolés  du  monument.  11  ne  reste 
plus  rien  de  ceux  qui  durent  exister  également  au  sud-est,  et  de  ce  côté 
les  architraves  saillantes  sont  aussi  moins  bien  conservées. 

La  profondeur  du  monument  n’est  que  de  1'",  39;  sa  largeur  est  de 
dont  6'", 10  pour  l’ouverture  de  l’arc;  sa  hauteur  totale  est  de 
16'", 80.  Les  pilastres  d’angle,  larges  de  0‘",88,  n’ont  qu’une  simple  base; 
ils  ne  sont  point  cannelés,  et  leurs  chapiteaux,  qui  continuent  en  forme 
de  corniche  aux  petites  faces,  sont  des  espèces  de  chapiteaux  composites. 

Les  piédroits  de  l’arc  ont  seulement  0™,67  de  largeur,  et  leurs  chapi¬ 
teaux  sont  également  composites;  mais  sous  l’arcade,  où  ils  forment  im¬ 
poste,  leurs  acanthes  et  leurs  volutes  sont  remplacées  par  des  rinceaux 
très-élégants  surmontant  une  ligne  d’oves.  L’archivolte  très-simple  n’a 
que  des  moulures  sans  aucun  autre  ornement. 

L’attique  qui  surmonte  cet  ordre  inférieur  était  beaucoup  plus  élégant  ; 
il  se  composait  de  trois  ouvertures  carrées,  l’une  au  milieu,  flanquée 
de  deiTx  colonnes  corinthiennes  cannelées  portant  un  fronton,  les  deux 
autres  accompagnées  de  pilastres  corinthiens  non  cannelés,  en  avant 


ARC  D’ADRIEN. 


265 


desquels  Stuart  suppose,  à  tort  selon  nous,  que  durent  exister  des 
colonnes  semblables  à  celles  du  milieu. 

La  baie  centrale  avait  été  fermée,  sans  doute  à  l’époque  de  la  con¬ 
struction  de  l’église,  par  de  minces  tables  de  marbre  du  mont  Hymette 
dont  trois  petites  sont  restées  debout  dans  le  bas,  tandis  qu’une  qua¬ 
trième  occupe  encore  la  partie  supérieure  de  l’ouverture  dans  toute  sa 
largeur.  Les  deux  autres  baies  avaient  été  remplies  par  des  murs  de 
maçonnerie  grossière  de  briques  et  de  moellons,  dont  une  partie  est 
demeurée  dans  l’une  d’elles. 


Arc  d’Adrien. 


Théâtre  de  Bacchus. 


CHAPITRE  VII 


MONUMENTS  CHOR AGIQU ES. 

THÉÂTRE  DE  BACCHUS. 

PORTIQUE  d’eUMÈNES.  ODÉON.  FONTAINE  CALLIRHOÉ.  TEMPLE  SUR  l’ILISSUS. 
STADE.  TOMBEAU  d’HÉRODE  ATTICUS. 

TEMPLE  DE  DIANE  AGROTERA. 


ANS  certaines  occasions  solennelles,  et  principalement 
aux  grandes  Dionysiaques^,  fêtes  c|ui,  sous  la  prési¬ 
dence  du  premier  archonte,  étaient  célébrées  à  Athènes 
dans  le  mois  d’élaphébolion  (mars),  des  concours  de 
chant  c{ui  ne  manquaient  pas  d’une  certaine  analogie 
avec  nos  concours  modernes  d’orphéons  avaient  lieu 
dans  rOdéon  ou  dans  le  théâtre  de  Bacchus  ^  ;  toutes 
les  tribus  de  l’Attique  étaient  appelées  à  y  prendre  part 


icul 


Trépied  du  monument 
de  Lysicrate. 


en  envoyant  des  chœurs  d’hommes  ou  d’enfants.  Chaque  tribu  choisissait 


1.  Aioviicia  (jLsyâXa  (Démosth.  Orat.  in  Sept.  Ulpien.  In  Loc.].  On  nommait  aussi  ces  fêtes  As¬ 
tiques,  ’Adxtxà,  ou  xà  xax  âaxu,  les  Urbaines,  parce  qu’on  les  célébrait  dans  la  cité  (Æscu.  In  Ctesiph  ). 

2.  Il  en  était  de  môme  aux  autres  fêtes  de  Bacchus;  ainsi,  nous  lisons  dans  Athénée  :  «  Agathon 


268 


ATHÈNES. 


ordinairement,  parmi  ses  membres  les  plus  riches^,  un  citoyen  qui  tenait 
à  honneur  de  faire  tous  les  frais  nécessités  par  le  concours  et  qui  recevait 
le  nom  de  chorége 

Cette  charge,  malgré  les  dépenses  considérables  qu’elle  entraînait ^ 
n  en  était  pas  moins  généralement  briguée  avec  ardeur  ;  une  victoire 
devenait  pour  le  chorége  une  sorte  de  titre  de  noblesse  dont  il  savait  se 
prévaloir  dans  l’occasion 


remporta  le  prix  à  la  fêle  des  pressoirs^  Ai^vaia,  sous  l’archonte  Euphème  (417  ans  avant  J.-C.).  » 

Deipnos.  L.  V, 

«  Si  c  étaient  des  sauvages  tels  que  ceux  que  Phérécrate  a  fait  représenter  aux  fêtes  des  pres¬ 
soirs...  »  Platon.  Banquet. 

La  comédie  des  Sauvages  de  Phérécrate  fut  jouée  sous  l’archontat  d’Aristion  (421  ans  avant  J.-C.), 
suivant  Athénée.  L.  V. 


1.  Les  AetToupyoî;  ils  étaient  au  nombre  de  douze  cents,  fournis  également  par  les  dix  tribus. 
Plusieurs  autres  charges  leur  étaient  imposées,  tant  en  paix  qu’en  temps  de  guerre.  (Ulpien.  In 
Olynth.  2,  et  Aphob.  1). 

«  Pour  ce  qui  est  des  charges  de  chorége,  de  gymnasiarque  et  de  triérarque,  c’est  l’usage  que  les 

riches  soient  choréges  et  que  le  peuple  ait  la  jouissance  des  chœurs;  que  les  riches  soient  gymna- 

siarques  et  triérarques,  et  que  le  peuple  ait  la  jouissance  des  trirèmes  et  des  gymnases.  » 

O  V  '  J  '1  ....  XÉNOPiioN.  Gouvernement  des  Athéniens, 

l.  Aopriyo;,  de  xopoç,  chœur,  et  ayw,  je  conduis. 

Voy.  Lysias,  de  Muneribus,  et  Plutarque,  de  Prudentiâ  Athen. 


«  Mais  Antisthène,  dit  Socrate,  est  passionné  pour  la  gloire,  qualité  nécessaire  à  un  général.  Ne 

vois-tu  pas  que  toutes  les  fois  qu’il  a  été  chorége,  son  chœur  l’a  emporté  sur  tous  les  autres? _ Par 

Jupiter!  s’écria  Nicomachide,  autre  chose  est  d’être  à  la  tête  d’un  chœur  ou  d’une  armée.  —  Cepen¬ 
dant,  reprit  Socrate,  Antisthène,  qui  ne  sait  pas  chanter,  qui  est  incapable  d’instruire  des  chœurs, 
a  eu  malgré  cela  le  talent  de  choisir  les  meilleurs  artistes.  Si  donc  il  sait  trouver  et  choisir  les  meil¬ 
leurs  soldats,  comme  il  a  choisi  les  meilleurs  choristes,  il  pourrait  bien  aussi  remporter  la  palme 
guerrière.  »  Xénophon.  Mém.  sur  Socrate.  L.  III,  c.  4. 


3.  Stuart  cite  ce  curieux  fragment  de  l’un  des  plaidoyers  qui  nous  restent  de  Lysias  :  «  Inscrit 
dans  le  catalogue  des  citoyens  sous  l’archonte  Théopompe  (411  ans  avant  J.-C.),  et  nommé  chorége 
poui  les  tragédies,  je  tirai  30  mines  de  ma  bourse  (2,700  liv.).  Trois  mois  après,  pendant  les  Thar- 
géhes*,  j’obtins  le  prix  avec  un  chœur  d’hommes  faits,  et  il  m’en  coûta  2,000  drachmes  (1,800  liv.); 
plus  800  drachmes  (720  liv.)  sous  l’archonte  Glaucippe  (410  ans  avant  J.-C.),  pendant  les  grandes 
Panathénées,  pour  ceux  qui  exécutèrent  la  danse  pyrrhique;  sous  le  même  archonte,  dans  les  fêtes 
de  Bacchus,  je  fus  encore  chorége,  et  je  remportai  le  prix  avec  un  chœur  d’hommes  faits,  dont  les 
frais,  avec  la  consécration  du  trépied,  montèrent  à  5,000  drachmes  (4,500  liv.).  » 


4.  «  Quelle  charge  publique  n’a-t-il  pas  exercée  d’une  manière  distinguée?  Quelle  contribution 
n  a-t-il  pas  acquittée  des  premiers?  Quel  devoir  a-t-il  jamais  manqué  à  remplir?  Étant  fehorége,  il 
fournit  à  la  dépense  d  un  chœur  de  jeunes  garçons,  remporta  le  prix  et  dédia,  comme  un  monument 
de  sa  libéralité,  le  tréiûed  que  vous  voyez  ici.  »  Isée.  Pro  hæred.  ApoUod. 

«  Je  fus  chorége,  triérarque;  je  fournis  aux  dépenses  d’Athènes;  jamais  je  ne  manquai  l’occasion 
d  une  libéralité  publique  ou  privée.  »  Démosth.  Disc,  sur  la  couronne. 

Thémistocle  lui-même  comptait  parmi  ses  titres  de  gloire  une  victoire  remportée  comme  chorége  à 
1  occasion  d  un  concours  tragique.  <(  Il  fit  les  frais  d’vne  tragœdie  qui  fust  iouée  publiquement,  et  en 
aiant  -gaigné  le  prix ,  estant  desia  l’honneur  de  vaincre  en  tels  ieux  fort  enuié  et  chauldement  pour- 

*  Fête  on  l’honneur  d’Apollon,  que  l’on  célébrait  le  6  et  lo  7  du  mois  de  thargélion  (juillet). 


MONUMENTS  CHORAGIQUES. 


269 


Quelquefois,  à  défaut  de  chorége,  c’était  la  tribu  même,  le  qui 

en  remplissait  les  fonctions.  Le  prix  du  concours  était  un  trépied  de 
bronze,  le  trépied  clioragicpie  ciue  décernaient  les  magistrats  athéniens^. 
Le  chorége  de  la  tribu  qui  avait  remporté  la  victoire  érigeait  ordinaire¬ 
ment,  pour  en  perpétuer  le  souvenir,  un  petit  monument  sur  lequel  était 
fixé  le  trépied  ^  ;  une  inscription  faisait  connaître  les  noms  du  chorége , 
de  la  tribu,  du  poëte  ou  du  musicien,  et  du  joueur  de  flûte  qui  avaient 
droit  à  une  part  du  triomphe,  enfin  le  nom  de  l’archonte  qui  avait  présidé 
au  concours.  C’étaient  ces  monuments  plus  ou  moins  riches  et  de  formes 
variées  qui  portaient  le  nom  de  choragiques  On  les  élevait  presque 


suiui  à  Athènes,  il  fist  peindre  ceste  sienne  victoire  en  vn  tableau  qu’il  dédia  et  fit  atacher  en  vn 
temple  avec  une  telle  inscription  ;  Themistocles  Phrearien  *  en  faisoit  les  frais;  Phrynicus  l’avoit 
composée;  Adimanthus  estoit  préuot**.  »  Plutarque.  Vie  de  Thémistocle. 

1.  «  Un  trépied  est  le  prix  du  vainqueur  dans  les  fêtes  de  Bacchus.  » 

Athénée.  Deipnos.  L.  II. 

Ces  trépieds  furent  do  tout  temps  la  récompense  le  plus  ordinairement  destinée  aux  vainqueurs 
dans  toute  espèce  de  jeu  ;  ainsi,  dans  ceux  qui  furent  célébrés  aux  funérailles  de  Patrocle  :  «  On 
apporta,  dit  Homère,  pour  être  distribués  aux  vainqueurs,  du  fer  brillant,  des  bassins,  des  trépieds, 
des  chevaux,  des  mules,  des  bœufs  au  front  robuste  et  des  captives  ornées  de  belles  cebitures.  » 

Iliade.  L.  XXIII,  v.  264  et  suiv. 

i(  Plus  loin,  des  guerriers  combattaient,  à  cheval  et  sur  des  chars,  pour  le  prix  de  la  course... 
Au  bout  de  la  lice  paraissait  un  grand  trépied  d’or,  fabriqué  par  Vulcain,  qui  devait  être  le  prix  de  la 
victoire.  »  Hésiode.  Bouclier  d’ Hercule,  v.  305. 

«  J’allai  à  Chalcis  paraître  au  concours  de  poésie  publié  par  les  ordres  d’Ampbidamas,  qui  avait 
proposé  des  prix  considérables.  J’y  remportai  pour  prix  de  ma  victoire  un  trépied  magnifique,  que  j  e 
consacrai  aux  muses  de  l’Hélicon  pour  les  remercier.  » 

Hésiode.  Les  Travaux  et  les  Jours,  v.  052. 

Dans  les  fêtes  offertes  aux  Troyens  par  Acestc  : 

Mwtiera  principio  anle  oculos  circoquc  locanlur 
In  medio  :  sacri  tripodes,  viridesque  coronœ, 

El  palniœ,  pretium  victoribus,  armaque... 

«  D'abord  on  expose  au  milieu  du  cirque  les  prix  réservés  aux  vainqueurs ,  les  Irépicds  sacrés ,  les  couronnes 
verdoyantes,  les  armes,  etc.  »  Virgile.  Éneide.  L.  V,  v.  209. 

2.  «  Andocides  fut  chorége  de  sa  tribu  dans  les  jeux  dithyrambiques,  et,  ayant  obtenu  le  prix,  il 
fit  la  dédicace  de  son  trépied  dans  un  lieu  élevé  en  face  du  Silène  de  Porus.  » 

Plutarque.  Vie  des  dix  orateurs. 

«  Nos  aïeux  ont  dédié  dans  le  temple  de  Bacchus  les  trépieds  obtenus  par  eux  sur  leurs  concurrents 
comme  cboréges  et  comme  vainqueurs.  »  Isée.  Pro  liæred.  Dicæog. 

Si  l’on  en  croit  Théophraste,  quelques  vainqueurs  satisfaisaient  à  l’usage  à  meilleur  marché  :  «  Si 
un  tel  homme,  dit-il,  a  remporté  le  prix  de  la  tragédie,  il  consacre  à  Bacchus  des  guirlandes  ou  des 
bandelettes  faites  d’écorce  de  bois,  et  il  fait  graver  son  nom  sur  un  présent  si  magnifique.  » 

.  G.  XXII.  De  l’Avarice. 

3.  «  Héliodore  avait  écrit  un  traité  sur  les  trépieds  choragiques  d’Athènes.  » 

Harpocration.  Lexicon. 

*  De  Phrear,  bourg  de  l’Attiqiie,  voisin  du  Pirée,  dans  la  tribu  Léontide. 

**  Archonte,  l’an  477  avant  J.-C. 


270 


ATHÈNES. 


tous  aux  deux  côtés  d’une  rue  située  au  pied  et  à  l’est  de  l’Acropole  et 
qui  en  avait  pris  le  nom  de  rue  des  Trépieds,  Tpiuor^sç;  elle  partait  du 
Prytanée  et  venait  aboutir  au  théâtre  de  Bacchus 

Monument  ciioragique  de  Lysicrate.  C’est  en  effet  sur  l’espace  au¬ 
trefois  occupé  par  cette  rue  que  se  trouve  le  plus  complet  et  le  plus 
charmant  monument  de  ce  genre  qui  soit  parvenu  jusqu’à  nous.  Près 
de  remplacement  d’une  église  aujourd’hui  démolie,  qui  sous  l’invocation 
de  la  Panagia  Candeli  avait,  suivant  M.  Pittakis  2,  succédé  au  temple 
d’Apollon  et  de  Diane,  sur  un  sol  occupé  naguère  par  le  jardin  d’un 
hospice  de  capucins  français s’élève  un  petit  édifice'^  circulaire  vul¬ 
gairement  appelé  la  Lanterne  de  Démosthène  mais  dont  le  véritable  nom 


est  celui  de  monument  choragique  de  Lysicrate.  C’est  une  espèce  de 
temple  monoptère,  haut  de  6”, 33  compris  l’amortissement,  et  large  de 

1.  «  Les  Trépieds  sont  une  rue  qui  vient  du  Prytanée;  on  lui  donne  ce  nom  à  cause  de  quelques 

petits  temples  sur  lesquels  sont  des  trépieds  de  bronze,  et  qui  contiennent  des  statues  d’un  très- 
grand  prix.  »  Pausanias.  Att.  C.  XX. 

Parmi  ces  statues  était  le  Satyre  de  Praxitèle,  connu  chez  les  Grecs  sous  le  nom  de  rieptpÔYiToç,  le 
Célèbre  (Hesych-.  Lex.  V.  ”Ovntwp.). 

Quelques-uns  de  ces  monuments  étalent  en  effet  de  petits  temples  consacrés  à  Bacchus  qui  prési¬ 
dait  aux  jeux  de  la  scène;  mais  nous  verrons  qu’il  est  impossible  de  reconnaître  un  temple  dans  le 
monument  de  Lysicrate,  non  plus  que  dans  certains  autres  monuments  choragiques. 

2.  L’Ancienne  Athènes. 

3.  Quoique  le  couvent  n’existe  plus,  le  terrain  qu’il  occupait  et,  par  suite,  le  monument  de  Lysi¬ 
crate  sont  encore  la  propriété  de  la  France.  Buchon.  La  Grèce  continentale  et  la  Morée. 

4.  Voy.  planche  VIL 

5.  To  çàvapiov  xoù  Arjp.o(79£vou;. 

L’origine  de  cette  absurde  dénomination  est  dans  la  croyance  que  c’était  dans  ce  réduit  que 
Démosthène  se  retirait  pour  étudier.  Nous  verrons,  qu’il  n’y  avait  ni  porte  ni  espace  qui  rendissent 
cette  supposition  possible.  Nous  n’accepterons  pas  davantage  l’hypothèse  de  Spon  :  «  L’ornement  qui 


MONUMENT  GHORAGIQÜE  DE  LYSICRATE. 


n\ 


2‘",80  de  diamètre  hors  œuvre;  il  est  formé  de  six  colonnes  portant  un 
entablement  et  une  calotte,  un  tholus,  surmonté  d’un  élégant  fleuron. 

L’édicule,  tout  entier  de  marbre  pentélique,  repose  sur  un  soubassement 
carré  à  moitié  enterré,  composé  de  trois  degrés,  hauts  chacun  de  0‘",33, 
légèrement  en  retraite  les  uns  au-dessus  des  autres  et  formés  de  pierres 


du  Pirée.  Les  joints  du  piédestal  sont  accusés  par  un  léger  refend;  sa 
corniche  de  marbre  de  l’Hymette,  haute  de  0"’,32,  est  des  plus  simples. 
On  a  voulu  fouiller  ce  soubassement  et  on  y  est  entré  par  une  ouverture 
pratiquée  violemment  sur  l’une  des  faces;  on  n’y  a  trouvé  qu’une  cavité 
irrégulière,  haute  de  2'”, 30,  large  de  0’",70  à  0™,90,  et  qui  évidemment 
n’avait  été  réservée  que  pour  économiser  les  matériaux.  Sur  l’architrave  du 
monument  on  lit  cette  inscription  : 

ArSIKPATHX  ArXIOEIAOr  KIKYNErX  EXOPHTEI 
AKAMANTIX  IIAIAÜN  ENIKA  OECIN  HTAEI 
ArSIAAHX  A0HNAIOX  EAIAAXKE  ETAINETOX  HPXE 

«  Lysicrate  de  Cicyne,  fils  de  Lysithides,  était  cliorége. 

La  tribu  Acamantide  avait  remporté  le  prix  du  chœur  d’enfants. 

Théon  avait  joué  de  la  flûte  ’  ;  Lysiade,  Athénien,  avait  composé  la  musique  2; 

Evænète  était  archonte.  » 

L’archontat  d’Évænète  remonte  à  la  seconde  année  de  la  3*^  olym¬ 
piade  (355  avant  Jésus-Christ) ,  époque  du  passage  d’Alexandre  en  Asie. 

est  au-dessus,  dit-il,  est  comme  une  lampe  à  trois  becs,  ce  qui  lui  a  peut-être  fait  donner  le  nom  de 
lanterne,  quoique,  apparemment,  cela  n’ait  été  mis  que  pour  l’embellissement.  »  (T.  II,  p.  172.)  On 
a  parlé  aussi  quelquefois  de  Lanterne  de  Diogène,  mais  alors  ce  n’est  plus  qu’une  simple  allusion  à 
la  forme  du  monument  et  non  pas  une  appellation  prétendant  pouvoir  être  justifiée. 

1.  Le  musicien  qui  accompagnait  les  chœurs  avec  la  double  flûte  était  nommé  choraules  ou  c/to- 
raula,  y_opaû),Y);,  tandis  que  celui  qui  jouait  seul  de  la  flûte,  le  soliste,  comme  on  dirait  chez  les 
modernes,  se  nommait  aulœdus,  àoXw86ç. 

2.  Nous  savons  que,  dans  les  inscriptions  choragiques,  on  traduit  ordinairement  le  mot  èStSàoxe 


272 


xVTHÈNES. 


Nous  sommes  donc  fixés  sur  la  date  de  l’édifice  qui  nous  occupe,  et  nous 
trouvons  en  lui  le  plus  ancien  exemple  que  nous  possédions  d’un  monu¬ 
ment  d’ordre  corinthien  La  base  est  absolument  ionique.  Le  chapiteau, 
haut  de  0"*,495,  est  du  reste  bien  différent  de  celui  qui  se  trouve  aux 
monuments  corinthiens  d’époque  plus  récente.  Les  six  colonnes,  auxquelles 


deux  gradins  circulaires  formés  d’autant  d’assises  monolithes  servent  de 
stylobate,  ont  leurs  fûts  également  d’un  seul  morceau  de  marbre;  elles 
ont  3”h55  de  hauteur,  compris  la  base  et  le  chapiteau,  et  leur  diamètre  est 
de  0'",33.  Les  cannelures  descendent  très-bas  sur  le  fût  et  elles  se  ter¬ 
minent  dans  la  partie  supérieure  par  une  espèce  dé  feuille  d’eau  dont  on 
chercherait  vainement  un  autre  exemple  dans  l’antiquité.  Entre  les  can¬ 
nelures  et  le  chapiteau  est  une  bande  en  creux  qui  paraît  avoir  dû  contenir 
un  ornement,  sans  doute  de  bronze  doré,  formant  collier.  Les  colonnes 
sont  presque  à  moitié  engagées  dans  un  mur  circulaire  formé  d’autant  de 
panneaux  de  marbre  épais  de  0"’,i7  dont  elles  cachent  le  point  de  jonction. 

De  ces  panneaux,  un  seul,  celui  qui  regarde  le  nord,  est  intact;  celui 
qui  lui  est  diamétralement  opposé  est  complet,  mais  fendu;  à  deux  autres 


par  fut  le  poêle,  et  que,  par  extension,  on  disait  Stodoxeiv  8pà[j.a,  faire  jouer  une  pièce,  parce  que 
l’auteur  montrait  aux  acteurs  comment  ils  devaient  jouer  (Alexandre.  Dict.  grec),  le  véritable  sens 
du  verbe  étant  apprendre,  enseigner.  Puisqu’il  s’agit  ici  de  musique,  il  nous  semblerait  assez 

juste  que  sur  l’inscription  choragique,  à  côté  du  joueur  de  flûte  qui  accompagnait  les  chanteurs  et 
leur  donnait  le  ton,  on  eût  fait  figurer  le  compositeur,  le  maestro,  qui  les  avait  instruits  et  dirigés, 
plutôt  que  l’auteur  des  paroles  qui,  en  réalité,  avait  peu  contribué  à  la  victoire.  Nous  trouvons  une 
preuve  à  l’appui  de  notre  opinion  dans  une  autre  inscription  choragique  que  nous  aurons  bientôt 
occasion  de  citer.  Du  reste,  Chandler  (T.  II,  p.  425)  paraît  s’en  rapprocher  également  lorsqu’il  tra¬ 
duit  èStôdffxe  par  fut  l’instituteur, 
i.  Voy.  p.  209,  note  4. 


MONUMENT  CHÜRAGIQUE  DE  LYSICRATE. 


273 


il  manque  quelques  parties ,  et  les  deux  derniers  sont  remplacés  par  des 
murs  modernes  en  maçonnerie.  En  haut  de  chaque  panneau,  entre  les 
chapiteaux,  étaient  sculptés  en  bas-relief  deux  trépieds  en  forme  d’autels 
portatifs 

L’intérieur  du  monument,  n’étant  pas  destiné  à  être  vu,  n’a  jamais  été 
ravalé,  les  chapiteaux  n’y  sont  que  massés,  et  les  colonnes,  ayant  tou¬ 
jours  été  engagées,  ne  sont  point  cannelées  en  dedans.  Le  réduit  circu¬ 
laire  que  contient  l’édicule  n’avait  d’ailleurs  que  de  diamètre,  et 

aucune  entrée  n’avait  été  ménagée  2.  Si  on  y  a  pénétré  autrefois,  ce  n’a 
été  qu’en  brisant  un  des  panneaux  dans  l’espoir  d’y  découvrir  un  trésor^. 

La  partie  supérieure  du  monument  accuse  dans  son  auteur  plus  de 
goût  que  de  science,  plus  de  tendance  à  la  richesse,  à  l’élégance,  que  de 
respect  pour  les  règles  de  l’art;  aussi  a-t-on  pensé,  et  selon  nous  avec 
raison,  que  cet  édicule  est  l’œuvre  d’un  sculpteur  plutôt  que  d’un  archi¬ 
tecte.  M.  Pittakis  ayant  trouvé  dans  le  voisinage  un  fragment  de  marbre 
portant  les  mots  nPASiTEAiis  eiioihsen,  «  Praxitèle  a  fait,  »  croit  pou¬ 
voir  en  conclure  que  cet  illustre  sculpteur  fut  l’auteur  ou  l’un  des  auteurs 
du  monument  de  Lysicrate  ;  mais  cette  conjecture  aurait  besoin  d’être 
appuyée  sur  des  preuves  plus  solides  et  plus  concluantes.  M.  Pittakis  n’a 
point  indiqué  à  quelle  partie  du  monument  eût  dû  appartenir  l’inscrip¬ 
tion,  c^ui  d’ailleurs  a  pu  tout  aussi  bien  faire  partie  de  cjuelque  autre 
œuvre  de  Praxitèle,  telle  par  exemple  c{ue  le  Satyre  qui  se  trouvait  juste¬ 
ment  dans  la  rue  des  Trépieds 

L’architrave  et  la  frise  du  monument  de  Lysicrate  étaient  d’un  seul 
morceau  de  marbre  évidé  en  forme  de  couronne,  haut  de  6"‘,58,  sur 

1.  Voy.  la  lettre  en  tète  du  chapitre. 

2.  L’inspection  du  monument  ne  permet  pas  d’admettre  un  seul  instant,  avec  Leroy,  que  deux 
entre-colonnements  opposés  n’aient  point  été  fermés  dans  le  principe. 

3.  En  examinant  le  monument,  on  ne  peut  comprendre  que  Leake  se  soit  obstiné  à  y  reconnaître 
un  temple  et  à  soutenir  énergiquement  cette  opinion  dans  sa  Topographie  d’Athènes. 

4.  «  On  voit  dans  la  rue  des  Trépieds  le  Satyre  que  Praxitèle  regardait  comme  un  de  ses  meilleurs 

ouvrages.  Phryné,  dont  il  était  l’amant,  lui  ayant  un  jour  demandé  la  plus  belle  de  ses  statues, 
il  consentit,  dit-on,  à  la  lui  donner,  mais  il  ne  voulut  pas  la  désigner.  Alors  Pbryné  aposta  un  do 
ses  esclaves  qui  vint  en  courant  dire  que  le  feu,  ayant  pris  à  la  maison  de  Praxitèle,  avait  consumé 
la  plus  grande  partie  de  ses  ouvrages,  que  cependant  tout  n’avait  pas  péri.  Praxitèle  se  précipita 
aussitôt  à  la  porte  en  criant  que  tout  le  fruit  de  ses  travaux  était  perdu,  si  la  flamme  n’avait  pas 
épargné  son  Amour  et  son  Satyi’e.  Phryné  le  rassura  en  lui  disant  qu’il  n’y  avait  rien  de  brûlé  ;  mais 
que,  grâce  à  cette  ruse,  elle  venait  d’apprendre  de  lui-même  ce  qu’il  avait  fait  de  mieux  ;  et  elle  choisit 
ta  statue  de  l’Amour.  »  Pausamas.  Att.  C.  XX. 


18 


274 


ATHENES. 


environ  7'", 50  de  circonférence.  Nous  avons  dit  que  l’inscription  était 
gravée  sur  l’architrave.  Sur  la  frise,  haute  de  règne  un  charmant 

bas-relief,  malheureusement  fort  mutilé,  dans  lequel  on  s’accorde  aujour¬ 
d’hui  à  reconnaître  un  des  traits  de  l’histoire  de  Bacchus,  qui  trouvait 
tout  naturellement  sa  place  sur  le  monument  d’une  victoire  remportée  aux 
fêtes  de  ce  Dieu  Peut-être  même  le  sujet  du  bas-relief  était-il  celui  du 


poème  chanté  par  le  chœur  victorieux  2.  Les  figures  au  nombre  de  trente 
représentent  la  punition  des  pirates  tyrrhéniens  ;  les  uns  sont  changés  en 
dauphins  par  Bacchus  les  autres  sont  tués  par  ses  suivants  à  coup  de 
thyrses  ou  de  flambeaux. 


1.  Francis  Vernon  avait  cru  voir  dans  ces  bas-reliefs  les  travaux  d’Hercule;  aussi ,  dans  une  lettre 
écrite  de  Smyrne  le  10  janvier  1C7G  au  rédacteur  des  Transactions  philosophiques,  fait-il  du  monu¬ 
ment  de  Lysicrate  un  temple  dédié  à  cette  divinité.  Cette  opinion  fut  adoptée  encore  cent  ans  plus 
tard  .par  Leroy,  dans  ses  Ruines  des  plus  beaux  monuments  de  la  Grèce. 

2.  Cette  frise  est  gravée  tout  entière  dans  les  Monuments  de  la  Grèce  de  Legrand  et  les  Antiquités 
d’Athènes  de  Stuart  et  Revett. 

3.  Les  fables  de  Lucien  et  d’Ovide  ne  sont  d’accord  que  sur  un  point,  la  métamorphose  des  pirates 
en  dauphins;  mais,  suivant  le  premier,  ce  châtiment  leur  fut  infligé  après  un  combat  naval; 
suivant  le  second,  après  une  trahison  tentée  contre  Bacchus  enfant.  Dans  l’un  et  l’autre  cas,  la  scène 
se  passe  sur  mer;  mais  il  paraît  qu’il  existait  encore  une  troisième  tradition,  car,  au  monument  de 
Lysicrate,  la  métamorphose  a  lieu  sur  le  rivage  d’où  les  pirates  se  précipitent  dans  leur  nouvel  élément. 

«  Le  Dauphin  :  Ne  soyez  pas  surpris,  Neptune,  que  les  dauphins  soient  bons_  envers  les  hommes, 
puisque  nous-mêmes  nous  sommes  des  hommes  changés  en  poissons. 

«  Neptune  :  Aussi  ne  suis-je  pas  content  de  Bacchus,  qui,  après  vous  avoir  vaincus  dans  un  combat 
naval,  vous  a  métamorphosés  de  la  sorte,  lorsqu’il  eût  suffi  de  vous  avoir  soumis  comme  il  en  avait 
soumis  d’autres.  »  Lucien.  8®  Dial.  Marin. 

« . Primusque  Medon  nigreseere  pinnis 

Corpore  depresso  et  spince  curvamina  flecti 
Incipit  ;  huic  Lycabas  :  in  quœ  rniracula,  dixü, 

Vei  teris?  Et  lati  rictus  et  panda  loquenti 
Naris  erat,  squamamque  cutis  durata  irahehat. 

Al  Libys  obstantes  dum  vult  obvertere  remos 
In  spatium  resilire  manus  breve  vidit;  et  illas 
Jam  non  esse  manus,  jarn  pinnas  passe  vocari. 

«  Médon,  le  premier,  sent  naître  de  sombres  nageoires  sur  ses  membres  courbés,  et  son  dos  s’arrondit  en  arc. 
Quelle  étrange  métamorphose  !  s'écrie  Lycabas,  et  sa  bouche  s’élargit  en  parlant,  ses  narines  s'étendent,  et  sa  peau 
durcie  se  couvre  d'écailles.  Lybis  veut  retourner  la  rame  qui  résiste  ;  mais  il  voit  ses  mains  se  rétrécir  ;  déjà  elles 
ont  perdu  leur  orme  première,  déjà  ce  ne  sont  plus  que  des  nageoires.  » 

Ovide.  Métam.  L.  III,  v.  671  et  suiv. 


MONUMENT  CHORAGïQUE  DE  LYSICRATE.  275 

La  cornicliG,  orncG  cIg  dGiiticulGS,  Gst  fonnéG  dG  trois  blocs  do  niarbro 
unis  GnsGmblG  Gt  maintGiius  par  la  calottG,  qui  Gst  égalGiUGiit  dG  marbrG, 
mais  d’un  sguI  morcGau ,  coinprGnant  mêniG  la  partiG  infériGurG  du  flGuron 
qui  SGrvait  d’amortissGinGnt.  Cgüg  couvGrturG  était  sculptcG  avGC  1g  plus 
grand  soin  Gt  rGvêtuG  dG  fGuillGS  dG  lauriGr  disposéGS  Gii  écaillGS.  Au 
bord  règiiG  coinniG  uno  doublo  couroniiG  forméo  GxtériGurGinGnt  do 
paliuGttGS  Gt  intériGurGinGiit  dG  l’ornGmGnt  courant  que  l’on  nomme 
postes. 


Enfin,  1g  tout  est  surmonté  d’un  grand  et  riche  fleuron  haut  de 
dont  la  face  supérieure,  de  forme  triangulaire,  avait  reçu  le 
trépied,  prix  de  la  victoire.  On  y  voit  encore  les  trous  de  scellement 


des  trois  pieds  aux  extrémités  du  triangle,  et  au  milieu  une  cavité 
plus  grande  ayant  reçu  une  tige  centrale  qui  fixait  plus  solidement  le 
trépied. 

La  hauteur  totale  du  monument,  compris  le  soubassement  et  l’amor¬ 
tissement,  est  de  10"’, 45,  hauteur  qui,  au  premier  coup  d’œil,  semble 
un  peu  disproportionnée  avec  la  faiblesse  de  son  diamètre  ;  mais,  malgré 
ce  léger  défaut,  le  monument  de  Lysicrate  n’en  est  pas  moins  une  des 
plus  charmantes  productions  de  l’art  grec.  Tel  il  avait  paru  à  M.  de 
Choiseul-Gouffier,  qui,  lors  de  son  ambassade  à  Constantinople,  l’avait 
fait  dessiner  et  mouler  par  M.  Fauvel,  alors  consul  de  France  à  Athènes. 


276 


ATHÈNES. 


En  1801,  MM.  Trabuchi  frères  exécutèrent,  à  l’aide  de  ces  matériaux, 
une  copie  en  terre  cuite  de  la  grandeur  de  l’original,  ayant  seulement 
transformé  le  monument  en  un  véritable  temple  monoptère,  par  la  sup¬ 
pression  des  plaques  qui  ferment  les  entre -colonnements.  Cette  copie, 
exposée  dans  la  cour  du  Louvre,  valut  à  ses  auteurs  une  médaille  d’ar¬ 
gent,  et  Napoléon  I""  fit  construire,  sur  le  point  le  plus  élevé  du  parc 
de  Saint-Cloud,  sous  la  direction  des  architectes  Legrand  et  Molinos, 
une  tour  carrée  où  elle  fut  placée  et  se  trouve  encore  aujourd’hui ,  por¬ 
tant,  comme  à  Athènes,  le  nom  de  lanterne  de  Démosthène^. 

Monument  choragique  de  Tiirasyllus.  Dans  le  flanc  méridional  du  ■ 
rocher  de  l’Acropole,  taillé  verticalement  en  cet  endroit,  au-dessous  du 
mur  de  Cimon,  et  au  sommet  des  gradins  du  théâtre  de  Bacchus^,  s’ouvre 
une  grotte  depuis  longtemps  convertie  en  une  chapelle  sous  l’invoca¬ 
tion  de  Notre-Dame  de  la  Caverne^.  Dans  l’antiquité,  un  chorége  vain¬ 
queur  avait  fait  de  cette  grotte  un  sanctuaire  consacré  à  Bacchus  et 
destiné  à  éterniser  le  souvenir  de  sa  victoire  choragique.  Nous  trouvons 
ce  monument  indiqué  sur  une  médaille  d’époque  romaine  qui  représente 
le  théâtre  de  Bacchus  et  l’Acropole  qui  le  surmonte. 


A  .1‘",  60  en  avant  de  la  grotte ,  on  avait  élevé  le  frontispice  de  marbre 


1.  Un  moulage  plus  exact  du  monument  de  Lysicrate  se  voit  maintenant  à  l’École  des  Beaux-Arts 
de  Paris. 

2.  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre  et  plan  de  l’Acropole  A'. 

Leroy,  n’aj^ant  pas  reconnu  la  présence  du  théâtre  de  Bacchus,  fait  cependant  la  singulière  suppo¬ 
sition  qu’en  avant  du  monument  de  Thrasyllus  «  il  devait  y  avoir  un  espace  destiné  aux  combats 
d’athlètes.  »  N’ayant  pas  compris  l’inscription,  il  pense  qu’elle  rappelle  une  victoire  remportée  dans 
ce  genre  de  combat. 

3.  Les  auteurs  de  VExpédition  scientillque  de  Morée  prennent  cette  grotte  pour  celle  d’Aglaure,  et 
les  deux  colonnes  qui  la  surmontent  pour  des  monuments  du  Bas-Empire.  Il  faut  dire,  pour  leur 
justification,  qu’ils  n’ont  pu  en  approcher,  non  plus  que  de  l’Acropole  encore  au  pouvoir  des 
Turcs. 

4.  Uavocyia  XuriXiOTtaca  de  o-uriXaiov,  caverne. 


MONUMENT  CHORAGIQUE  DE  THRASYLLUS. 


277 


pentélique,  et  sur  l’architrave  aujourd’hui  brisée  et  gisant  sur  le  sol  on 
avait  gravé  cette  inscription  : 

OPAErAAOS  0PA2YAAOr  AEKEAEETS  ANE0HKEN 
XOPHPÜN  NIKHSAS  ANAPASIN  innO0OONTIAI  «PTARI 
EYIOS  XAAKIAETi:  HYAEI  NEAIXMOX  HPXEN 
KAPXIAAMOS  XOTIOS  EAIAAXKEN 

«  Thrasyllus,  fils  de  Thrasyllus  de  Décéleia  i,  a  dédié  (ce  monument), 
ayant  vaincu  en  qualité  de  chorége  avec  les  hommes  de  la  tribu  Hippothoontide. 

Evius  de  Chalcis  jouait  de  la  flûte;  Néæchmus  était  archonte; 

Carchidamus,  fils  de  Sotis,  avait  composé  la  musique.  » 

L’archontat  de  Néæchmus  répond  à  la  première  année  de  la  115®  olym¬ 
piade  (320  avant  Jésus  -  Christ) .  Cette  date  est  donc  celle  que  nous 
devons  assigner  au  monument  dont  nous  voyons  aujourd’hui  les  faibles 
restes.  Le  frontispice,  élevé  de  large  de  7'", 70,  reposait  sur 


Monument  de  Thrasyllus  restauré  d’apr&s  Stuart. 


deux  degrés  de  marbre,  hauts  de  0'",31.  Deux  pilastres,  larges  de  0'",70 
aux  extrémités,  et  un  troisième  au  milieu,  large  seulement  de  0‘",  52  2, 
portaient  un  entablement  composé  de  l’architrave,  où  se  lisait  l’inscription, 
d’une  frise  ornée  de  onze  couronnes  de  laurier  et  d’une  corniche  fort 
simple.  Malgré  l’absence  de  triglyphes  et  de  mutules,  le  caractère  général 
du  monument  était  dorique. 

1.  Bourg  de  la  tribu  Hippothoontide. 

2.  «  Entre  les  pilastres,  dit  Leroy,  sont  des  marbres  qui  ont  été  mis  après  coup,  et  qui  ne  faisaient 
pas  partie  du  monument.  » 

Il  reste  quelques  fragments  de  ces  marbres  auprès  du  pilier  central. 


278 


ATHÈNES. 


Au-dessus  de  la  corniche  régnait  un  attique  qui,  interrompu  par  trois 
degrés,  formait  aux  extrémités  de  la  façade  des  espèces  de  piédestaux 
qui,  portant  des  trépieds  de  bronze,  avaient  reçu  sur  leur  face  deux 
autres  inscriptions  choragiques  à  une  époque  postérieure.  A  gauche  on 
lisait  celle-ci  : 

O  AHMOX  EXOPHTEI  nYGAPATOX  HPXEN 
ArCîNOOETHS  ©PASYRAHS  0PA2YAAOY  AEKEAEEYX 
iniIOGOQNTIX  ITAIAON  ENIKA 
0EQN  0HBAIOX  IIYAEI 
nPONOMOX  0HBAIOS  EAIAAXKEN 

«  Le  peuple  remplissait  les  fonctions  de  chorége;  Pytharatus  était  archonte; 

Thrasyclès,  fils  de  Thrasyllus  de  Décéléia,  était  agonothète  *. 

La  tribu  Hippothoontide  vainquit  dans  le  concours  des  enfants. 

Théon  le  Thébain  jouait  de  la  flûte. 

Pronomus  le  Thébain  avait  composé  la  musique  2.  » 

L’archontat  de  Pytharatus  date  de  la  deuxième  année  de  la  127®  olym¬ 
piade  (271  avant  Jésus-Christ).  Cette  inscription,  brisée  en  deux  mor¬ 
ceaux  et  renversée,  est  couchée  sur  le  sol,  à  gauche  de  l’entrée  de  la 
grotte.  Nous  avons  vainement  cherché  cjuelques  traces  de  celle  qui  se 
lisait  sur  le  piédestal  de  droite,  et  cjue  nous  sommes  forcé  d’emprunter 
à  Stuart,  qui  avait  vu  le  monument  en  assez  bon  état,  avant  qu’en  1827 
il  eût  été  détruit  par  les  boulets  turcs. 

O  AHMOX  EXOPHPEI  HYGAPATOS  HPXEN  ' 
AEONOGETHS  0PAXYKAHS  0PASYAAOY  AEKEAEEY2 
IIANAIONIX  ANAPÜN  ENIKA 
NIKOKAHS  AMBPAKIOTHS  HYAEI 
AYXinnOX  APXAS  EAIAAXKE 

U  Le  peuple  a  rempli  les  fonctions  de  chorége;  Pytharatus  était  archonte; 

Thrasyclès,  fils  de  Thrasyllus  de  Décéléia,  était  agonothète. 

La  tribu  Pandionide  vainquit  dans  le  concours  des  hommes. 

Nicoclès  d’Ambracie  joua  de  la  flûte;  Lysippe  l’Arcadien  avait  composé  la  musique.  » 


1.  Agonothète,  àywvoôéxYii;*  (de  àywv,  jew,  combat,  et  TÎ9yi[jLi,  juger,  diriger),  magistrat  qui  pré¬ 
sidait  au  jeux  et  à  l’observation  de  leurs  règlements,  et  jugeait  les  concours.  On  lui  donnait  aussi  le 
nom  d’hellanodice,  êXXavoStxYi!;  (d’"EX),viv,  Grec,  et  Sixt;,  jugement),  lorsqu’il  s’agissait  des  jeux 
Olympiques  communs  à  toute  la  Grèce. 

«  Lycinüs  :  Est-ce  que  tu  t’es  assis  quelquefois  auprès  des  agonothètes  ? 

«  Hermontimus  ;  Oui;  par  Jupiter!  dernièrement,  aux  jeux  Olympiques,  j’étais  à  la  droite  des 
hellanodices.  »  Lucien.  Hermotimus. 

2.  Dans  l’inscription  choragique  de  Lysicrate  (p.  271),  nous  avons  déjà  cru  devoir  traduire  le 

*  PoLLux.  Omni.  L.  III,  c.  30,  §  I. 


MONUMENT  CHORAGIQUE  DE  THRASYLLUS.  279 

La  présence  de  ces  deux  inscriptions,  postérieures  de  cinquante  et  un 
ans  à  la  première,  ne  doit  nullement  étonner,  puisqu’elles  consacrent  le 
souvenir  de  victoires  remportées  sous  la  direction  du  fils  même  de  Thra- 
syllus ,  c|ui  avait  érigé  le  monument. 

Les  degrés  qui  partageaient  l’attique  servaient  de  piédestal  à  une  statue 
assise  cjui,  dès  1676,  avait  perdu  la  tête  et  les  bras^.  Ces  parties 
n’avaient  jamais  été  sculptées  dans  le  même  bloc;  elles  avaient  été  ajou- 


Monument  de  Tlivasyllus  au  xviii®  siècle,  d'après  Stuart. 


tées  et  fixées  par  des  tenons,  circonstance  c{ui  a  du  contribuer  à  leur  chute 
et  à  leur  destruction.  Cette  figure  était,  suivant  Stuart 2,  une  personnifi¬ 
cation  de  la  tribu  victorieuse;  suivant  Chandler'^,  une  Niobé;  suivant 
Leake^  et  le  catalogue  du  Musée  Britannique,  c’est  un  Bacclius,  et  cette 

mot  ioioime  par  :  a  composé  la  musique,  et  non  par  :  fut  le  poëte.  Nous  trouvons  ici  la  preuve  que, 
dans  un  concours  de  choeurs,  c’était  bien  en  effet  au  compositeur  et  non  au  poëte  qu’on  rapportait 
l’honneur  de  la  victoire,  et  qu’en  outre  la  musique  n’était  pas  nécessairement  nouvelle  et  composée 
pour  la  circonstance.  Pronomus  le  Thébain  était  en  effet  un  musicien  non  moins  célèbre  par  son 
talent  que  par  la  longueur  de  sa  barbe  *,  et  qui  était  mort  depuis  plus  de  cent  ans,  quand  la  tribu 
Hippotboontide  remporta  le  prix  en  exécutant  sa  musique. 

1.  Chandi.eu.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  423. 

2.  Antiquités  d'Athènes.  T.  II,  pl.  LU. 

3.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  426. 

4.  Topography  of  Athens. 

*  «  Agyrrhius  n’a-t-il  pas  caché  son  sexe  en  prenant  la  barbe  de  Pronomus?  » 

Aristophane.  Les  Harangueuses.  Acte  1,  sc.  2. 


280 


ATHÈNES. 


dernière  supposition  est  justifiée  par  la  peau  de  bête  féroce  qui  fait  partie 
des  ajustements. 

Pausanias  ne  fait  pas  mention  d’une  statue,  mais  bien  d’un  trépied 
qui  avait  surmonté  le  monument  de  Thrasyllus^  ;  mais  Leake  affirme  avoir 
reconnu  sur  les  genoux  de  la  statue  mutilée  les  traces  du  trépied  qu’elle 
aurait  été  destinée  à  soutenir.  Cette  figure,  enlevée  par  lord  Elgin,  fut 
engloutie  près  de  Cérigo^  avec  le  navire  qui  la  portait;  mais  elle  a  été 
repêchée  avec  plusieurs  autres  antiquités,  et  elle  est  aujourd’hui  au  Musée 
Britannique 

Nous  avons  dit  c|ue  le  frontispice  élevé  par  Thrasyllus,  en  avant  de  la 
grotte,  avait  été  détruit  par  les  boulets  turcs.  Aujourd’hui,  à  peine  en 
reste-t-il  quelques  débris  mutilés  qui  jonchent  le  sol. 


Monument  de  Thrasyllus,  état  actuel. 


La  grotte  est  profonde  de  près  de  15  mètres.  A  gauche,  en  entrant, 
dans  une  fissure  du  rocher,  on  remarque  deux  belles  couches  horizontales 
de  carbonate  de  chaux  cristallisé  produites  par  des  infiltrations. 

Quelques  constructions  grossières,  quelques  peintures  byzantines  pres- 
c^ue  effacées  datent  de  l’époque  de  la  conversion  de  la  grotte  en  chapelle. 
A  droite  se  trouve  un  sarcophage  brisé  de  marbre  blanc;  mais  comme  il 
ne  porte  aucune  espèce  d’ornement,  et  que  ce  n’est,  à  proprement  parler, 


1.  «  Vers  le  sommet  du  théâtre  et  dans  le  rocher,  au-dessus  de  la  citadelle,  est  une  grotte  sur 
laquelle  est  un  trépied  où  sont  représentés  Apollon  et  Diane  tuant  les  enfants  de  Niobé.  » 

^  ^  Pausanias.  AU.  G.  XXI. 

2.  L  ancienne  Cylhère. 

3.  Elgin  Saloon,  n“  111. 


COLONNES  CHORAGIQUES.  ODÉON  DE  PÉRICLÈS.  m 

qu’une  auge  régulièrement  taillée,  il  ne  peut  fournir  sur  sa  date  aucune 
donnée  précise. 

Le  sol  de  la  grotte  n’a  jamais  été  aplani ,  et  il  monte  par  degrés 
grossièrement  taillés,  suivant  l’inclinaison  du  rocher,  jusque  vers  le  fond 
d’où,  par  un  escalier  en  maçonnerie,  on  parvient  à  la  partie  supérieure 
du  cul-de-four,  où,  devant  une  lUort  de  la  Vierge,  peinture  moderne  de 
style  byzantin,  brûle  sans  cesse  une  lampe  soigneusement  entretenue  par 
la  dévotion  des  fidèles. 

Colonnes  ciioragiques.  Au-dessus  de  la  grotte,  près  de  la  muraille  de 
l’Acropole,  sont  restées  debout  deux  colonnes  d’une  hauteur  inégale^, 
surmontées  de  chapiteaux  triangulaires  d’un  travail  peu  soigné  et  d’un 
dessin  médiocre,  sur  lesquels  on  peut  encore  voir  des  cavités  où  avaient 
été  scellés  des  trépieds.  Ce  sont  donc  aussi  des  monuments  chora- 
gic|ues.  Sur  la  plinthe  de  l’un  d’eux,  Stuart  put  encore  déchiffrer 
le  mot  STPATONEiKO s,  probablement  nom  de  celui  qui  avait  érigé  la 
colonne. 

Le  rocher  entaillé  autour  des  colonnes  semble  indicper  quelles  étaient 
entourées  de  quelques  autres  monuments  analogues,  probablement  des 
cippes,  des  piédestaux  portant  des  inscriptions  et  des  trépieds. 

Deux  niches,  l’une  carrée,  l’autre  en  cul-de-four,  creusées  dans  le 
rocher  à  gauche  de  l’entrée  de  la  grotte,  ont  pu  contenir  également  quelque 
monument  des  victoires  choragiques. 

Odéon  de  PÉRICLÈS.  Quand  Pausanias  place  la  grotte  que  nous 
venons  de  décrire  au  sommet  du  théâtre  de  Bacchus  2,  on  ne  peut  s’ex¬ 
pliquer  l’erreur  de  Stuart,  qui  fait  de  ce  dernier  monument  l’ Odéon  de 
Périclès,  prenant  par  contre  l’Odéon  d’Atticus  pour  le  théâtre  de  Bac¬ 
chus.  L’indication  donnée  par  le  voyageur  grec  suffisait  seule  pour 
détruire  toute  incertitude,  quand  même  l’étendue  de  l’édifice  n’eût  pas 
défendu  de  le  ranger  dans  la  classe  des  odéons  qui,  plus  petits  que  les 
théâtres,  étaient  toujours  couverts. 

«  Dans  le  voisinage  du  temple  de  Bacchus,  dit  ailleurs  Pausanias, 
est  un  édifice  qui  avait  été  bâti,  dit-on,  sur  le  modèle  de  la  tente  de 


1 .  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 

2.  Voy.  le  passage,  p.  280,  note  I . 


282 


ATHÈNES. 


Xerxès;  il  a  été  rebâti  de  nouveau,  ayant  été  brûlé  par  Sylla^  après  la 
prise  d’Athènes^,  » 

Pausanias  n’indique  point  ici  quel  était  cet  édifice,  et  comme,  dans  les 
autres  passages  que  nous  avons  cités,  il  parle  de  l’Odéon,  on  pourrait 
croire  qu’il  s’agit  de  deux  monuments  distincts  ;  il  n’en  est  rien  cepen¬ 
dant,  et  dans  Plutarque  nous  trouvons  la  preuve  que,  dans  l’un  et  l’autre 
cas,  notre  auteur  n’a  pu  désigner  qu’un  seul  et  unique  édifice,  et  que  cet 
édifice  est  bien  l’Odéon  de  Périclès^. 

Son  toit,  formé  des  mâts  et  des  antennes  des  vaisseaux  enlevés  aux 

t 

Perses,  était  soutenu  par  des  colonnes  de  marbre^.  Il  ne  reste  plus 
vestige  de  toute  cette  magnificence,  et  le  lieu  même  où  s’élevait  l’Odéon 


1.  Aristion  (Athénion  suiv.  Athénée.  L.  V),  sophiste  athénien,  ayant  entraîné  sa  patrie  dans 
l’alliance  de  Mithridate  contre  les  Romains,  s’y  était  fait  nommer  tyran,  et  avait  défendu  la  ville 
contre  Sylla  qui,  vainqueur,  le  fit  mourir.  Ce  fut  Aristion  qui,  forcé  de  se  retirer  dans  la  citadelle, 
livra  aux  flammes  le  toit  de  l’Odéon,  dont  la  charpente  eût  fourni  aux  ennemis  des  matériaux  pour 
construire  des  machines  de  guerre;  la  ruine  du  monument  fut  ensuite  consommée  par  Sylla.  La 
précaution  prise  par  Aristion  avait  eu  pour  conséquence  la  destruction  des  beaux  arbres  de  l’Académie 
et  du  Lycée  que  Sylla  avait  été  obligé  de  faire  couper  pour  avoir  le  bois  qui  lui  manquait  (Plutaroue. 
Vie  de  Sylla).  Le  même  historien  fait  d’ Aristion  un  fort  triste  portrait  :  «  L’âme  d’Aristion,  dit-il, 
était  un  composé  de  débauche  et  de  cruauté;  il  avait  rassemblé  en  sa  personne  tout  ce  qu’il  y  avait 
de  pire  et  de  plus  infâme  dans  les  vices  et  les  passions  de  Mithridate;  et  la  ville  d’Athènes,  qui  avait 
échappé  à  tant  de  guerres,  à  tant  de  tyrannies  et  de  séditions,  il  la  réduisait,  comme  un  fléau 
destructeur,  aux  plus  affreuses  extrémités.  »  L’Odéon  fut  reconstruit,  comme  l’a  dit  Pausanias,  car 
en  d’autres  endroits  il  en  parle  à  plusieurs  reprises. 

H  Devant  l’entrée  de  l’Odéon  sont  les  statues  des  rois  d’Egypte ,  tous  connus  sous  le  nom  de 
Ptolémée,  mais  distingués  par  des  surnoms,  tels  que  Philométor  pour  l’un,  Philadelphe  pour  un 
autre,  etc.  »  Paüsanias.  Alt.  C.  VIII. 

«  En  entrant  dans  l’Odéon  d’Athènes,  vous  trouvez  plusieurs  statues,  et  entre  autres  un  Bacchus 
qui  mérite  d’être  vu.  »  Id.  Alt.  C.  XIV. 

2.  Pausanias.  AU.  C.  XX. 

3.  «  Quant  au  théâtre  ou  auditoire  de  musique  destiné  à  ouyr  les  ieux  des  musiciens,  qui  s’appelle 
Odéon,  il  est  bien  par  dedans  faict  à  plusieurs  ordres  de  sièges  et  plusieurs  rangs  de  colonnes,  mais 
la  couuerture  est  vn  seul  comble  rond,  qui  se  va  tout  à  l’entour,  courbant  et  couchant  en  soi-mesme, 
aboutissant  en  pointe;  et  dit-on  qu’il  fut  faict  sur  le  patron  et  la  semblance  du  pauillon  du  roy  Xerxès, 
et  que  Périclès  en  bailla  le  deuis  et  l’ordônance  :  pourquoi  Gratinus  en  vn  autre  passage  de  la 
comœdie  des  Thracienes  s’en  iouë  et  s’en  moque  de  lui  en  disant  : 

Voici  venù'  Périclès  au  surnom 
De  Jupiter  d  la  teste  d’oiynon  *, 

Qui  a  dedans  son  large  test  compris 
De  l'Odéon  la  forme  et  le  pourpris, 

Depuis  qu'il  est  cschappé  au  danger 
D’aller  banni  en  pays  eslranger. 

Plutarque.  Vie  de  Périclès. 

4.  ((  Il  lui  demande  combien  de  colonnes  soutiennent  le  théâtre  de  la  musique.  » 

Théophraste.  Caract.  C.  III,  le  Diseur  de  riens. 

SxivoxiçaXoî,  à  cause  de  la  forme  de  sa  tête  allongée  comme  la  bulbe  de  la  sc3’lle  marine. 


THÉÂTRE  DE  BAGCHUS. 


283 


est  un  problème  sur  lequel  les  savants  n’ont  pas  encore  pu  s’accorder. 

Nous  savons  par  Vitruve  que  l’Odéon  était  situé  à  gauche  du  specta¬ 
teur,  lorsqu’il  descendait  du  théâtre^;  Leake^  croit  pouvoir  en  conclure 
que  l’Odéon  était  auprès  et  à  l’est  du  temple  de  Bacchus;  mais  d’un 
autre  côté,  Pausanias’dit  que  près  de  l’Odéon  était  la  fontaine  Enneacm- 
nos^.  Cette  fontaine,  fort  éloignée  du  site  indiqué  par  Leake,  est  au 
contraire  beaucoup  plus  voisine  de  l’hôpital  militaire  qui,  suivant  M.  Ran- 
gabé"^  dont  l’opinion  nous  semble  ici  préférable,  aurait  remplacé  l’Odéon. 
Ce  site,  bien  que  plus  au  sud,  n’en  remplit  pas  moins  la  condition  indi¬ 
quée  par  Vitruve. 

Théâtre  de  Bacchus.  Si  l’Odéon  de  Périclès^  a  entièrement  disparu, 
le  théâtre  de  Bacchus  qui  avait  été  construit  par  l’architecte  Philon, 
n’a  pas  laissé  beaucoup  plus  de  traces®;  on  peut  cependant  reconnaître 
encore  sa  forme  sur  le  flanc  méridional  du  rocher  de  l’Acropole,  car, 
suivant  l’usage,  on  avait  profité,  pour  économiser  les  frais  de  construction, 
de  l’inclinaison  naturelle  du  sol  Les  gradins  en  partie  taillés  dans  le 
roc  sont  détruits  ou  ont  disparu  sous  la  terre  et  les  décombres  amoncelés 
depuis  des  siècles,  et,  malgré  quelques  fouilles  tentées  en  1857,  à  peine 
quelques-uns  sont-ils  encore  visibles  dans  la  partie  supérieure,  près  du  mo- 


1.  «  Il  faut  qu’il  y  ait  au  côté  gauche  du  théâtre,  en  sortant,  un  Odéon  pareil  à  celui  que  Périclès 

fit  construire  â  Athènes  avec  des  colonnes  de  pierre ,  et  qu’il  couvrit  avec  les  mâts  et  les  antennes 
des  navires  pris  sur  les  Perses,  mais  cet  édifice  ayant  été  brûlé  pendant  la  guerre  de  Mithridate,  il 
fut  ensuite  rebâti  par  le  roi  Ariobarzane.  »  Vitruve.  L.  V,  c.  9, 

Cette  reconstruction  de  l’Odéon  au  V*'  siècle  avant  J.-C.,  par  Ariobarzane  H  Philopator,  roi  de 
Cappadoce,  a  été  confirmée  par  une  inscription  découverte  â  Athènes  en  1743. 

2.  Topography  of  Athens. 

3.  Paüsanias.  Att.  C.  XIV. 

4.  Antiquités  helléniques, 

5.  Plan  de  l’Acropole  F'. 

Le  théâtre  de  Bacchus,  Osàxpov  Atovucnaxov,  portait  aussi  le  nom  de  théâtre  Lenaïque,  Ssarpov 
Arivàixov,  soit  parce  que  Arivaïoç  était  un  des  surnoms  de  Bacchus,'soit  à  cause  du  voisinage  du  temple 
appelé  Lenœon,  Af)vaiov. 

C.  Voy.  la  vignette  à  la  tête  du  chapitre. 

Ce  théâtre,  ainsi  que  nous  le  dirons  en  parlant  de  l’Odéon,  servait  parfois,  comme  tous  les  édifices 
de  ce  genre,  aux  délibérations  publiques.  Nous  lisons  dans  Pollux  ;  «  Autrefois,  on  s’assemblait  dans 
le  Pnyx,  mais  maintenant  on  se  réunit  dans  le  théâtre  de  Bacchus.  »  Lexic.  L.  VIII,  132. 

7.  On  sait  qu’il  en  est  de  môme  pour  la  plupart  des  théâtres  antiques;  il  suffira  de  citer  ceux 
d’Argos,  dans  le  Péloponèse,  et  de  Telmissus  en  Lycie;  ceux  de  Pompéi  et  deTusculum,  en  Italie; 
de  Syracuse,  de  Cataneet  de  Taormina,  en  Sicile;  d’Orange  et  de  Lillebonne,  en  France,  et  celui  de 
Murviedro,  l’antique  Sagonte,  en  Espagne.  ’ 


284 


ATHÈNES. 


nument  de  Thrasyllus.  La  base  du  mur  de  la  scène,  composée  de  grandes 
assises  de  tuf  usées  et  disjointes,  existe  encore  en  quelques  endroits, 
principalement  dans  le  voisinage  du  Lenæon,'  où  s’en  trouve  une  por¬ 
tion  assez  considérable,  qui  occupe  le  premier  plan  de  notre  dessin. 

11  serait  difficile  de  se  faire  une  idée  exacte  de  la  grandeur  de  ce 
théâtre  qui,  suivant  Platon,  pouvait  contenir  30,000  spectateurs^;  tou¬ 
tefois,  son  diamètre  paraît  pouvoir  être  évalué  à  160  mètres  environ. 

Athènes  n’avait  eu  d’abord,  comme  toutes  les  autres  villes  grecques, 
qu’un  théâtre  de  bois  2.  Ce  théâtre  s’écroula  pendant  cju’on  jouait  une 
pièce  d’un  ancien  auteur  nommé  Pratinas  Ce  ne  fut  toutefois  qu’après 
la  défaite  des  Perses,  et  vers  la  fin  de  la  75®  olympiade'^,  que  Thémistocle 
fit  construire  le  premier  théâtre  de  pierre  qui  ait  existé  en  Grèce  celui-là 
même  dont  nous  voyons  aujourd’hui  les  débris.  Suivant  Ghr.  Words- 
worth  il  aurait  été  complété  seulement  en  l’an  SâO  avant  Jésus-Christ 
par  l’orateur  Lycurgue. 

Portique  d’Eü.wènes.  Près  du  théâtre,  Vitruve  recommande  d’élever 
des  édifices  couverts  qui  puissent  servir  d’abri  aux  spectateurs  s’il  survient 
de  la  pluie  pendant  la  représentation.  «  Tels  sont,  dit-il,  à  Athènes  le 
portique  d’Eumènes  et  le  temple  de  Bacchus^.  » 

Le  portique  d’Eumènes  ^  existe  encore  en  grande  partie;  s’étendant 
au  pied  de  la  pente  méridionale  de  l’Acropole,  il  réunissait  le  théâtre 

1.  Dans  le  Sympos.  175,  Socrate,  parlant  des  succès  dramatiques  obtenus  par  Agathon  dans  ce 
théâtre,  dit  ;  «  Votre  gloire  apparut  au  grand  jour  on  présence  de  trente  mille  spectateurs.  » 

2.  Txpià,  plancher,  estrade,  échafaud.  Hésych.  Lex. 

3.  ((  Pratinas,  fils  de  Pyrrhonidès,  Pliliarien,  poète  tragique,  rival  d’Eschyle  et  de  Chorille,  dans 
la  70®  olympiade  (500  à497  avant  J.-G.),  écrivit  d’aboi’d  des  satires;  et  lors  de  la  représentation  de 
l’une  de  ses  pièces,  il  arriva  que  les  planches  sur  lesquelles  étaient  placés  les  spectateurs  s’enfoncè¬ 
rent;  c’est  depuis  ce  temps  que  les  Athéniens  ont  érigé  un  théâtre  do  pierre.  » 

Suidas.  Lex. 

4.  480  à  477  avant  J.-G. 

5.  Les  colonies  grecques  avaient,  sous  ce  rapport,  devancé  le  mouvement  de  la  métropole.  A  Ségeste, 
en  Sicile,  et  dans  l’ile  de  Gysthène,  aujourd’hui  Castello-Rosso,  on  voit  des  théâtres  qui  remontent 
évidemment  à  une  antiquité  plus  reculée,  mais  qui  étaient  bien  loin  de  la  grandeur  et  de  la  perfec¬ 
tion  de  celui  de  Thémistocle,  qui  servit  de  type  à  tous  ceux  qu’élevèrent  plus  tard  les  Grecs  et  les 
Romains. 

0.  Athens  and  Attica. 

7.  Vitruve.  L.  V,  c.  9. 

8.  Plan  de  l’Acropole  E'. 

Frontispice.  Le  portique  s’y  voit  au-dessous  de  la  tour  de  l’Acropole,  un  peu  à  gauche. 


PORTIQUE  D’EUMÈNES. 


283 


de  Bacchus  à  TOdéoii  d’Hérode  ou  de  Régilla.  11  se  pourrait  cependant 
qu’il  eut  été  reconstruit  au  moins  en  partie  à  l’époque  de  l’érection  de 
rOdéon,  car  les  deux  édifices  présentent  dans  leurs  matériaux  et  leur 
appareil  un  rapport  qu’il  est  impossible  de  méconnaître.  Cette  ressem¬ 
blance  n’a  pas  échappé  à  M.  Pittakis,  mais  il  suppose  que  l’Odéon  a 
été  bâti  à  l’imitation  du  portique^. 


Portique  d’Eumèups. 


Les  arcades  sont  enterrées  presque  partout  jusqu’à  l’imposte  ;  leur 
diamètre  est  de  2'", 65;  ainsi  que  leurs  piédroits,  elles  sont  formées 
de  gros  blocs  de  pierre  du  Pirée,  écrasés  en  partie  par  la  pression  des 
pesantes  murailles  crénelées  dont  on  les  a  surchargés.  Les  arcs  ont 
i"h20  de  profondeur,  et  entre  eux  et  le  mur  qui  formait  le  fond  du 
portique  le  passage  n’a  que  l‘",50  de  largeur,  ce  qui  ne  répondait  guère 
à  la  destination  du  monument. 

Aujourd’hui  les  arcades  sont  interrompues,  tantôt  par  un  massif  de 
maçonnerie,  tantôt  par  une  brèche,  mais  vingt-huit  sont  encore  visibles, 
r.es  plus  voisines  de  l’Odéon  sont  condamnées.  C’est  au-dessus  de  ce 
portique  que  se  trouvait,  sur  te  penchant  de  l’Acropole,  le  tombeau  de 
Talus  2,  que  son  oncle  Dédale,  jaloux  de  ses  découvertes,  précipita  des 
murs  de  la  citadelle,  et  qui  passe  pour  l’inventeur  de  la  scie,  du  tour, 
du  compas,  etc.  Auprès  était  le  temple  d’Esculape^,  dominant  l’Odéon 
de  Régilla;  il  a  entièrement  disparu. 

1.  V Antique  Athènes. 

2.  Paüsanias.  au.  C.  XXL 

3.  «  Fils  d’une  sœur  de  Dédale,  Talus,  élevé  chez  son  oncle,  en  avait  reçu  des  leçons  dès  sa  pre¬ 

mière  enfance.  Devenu  plus  habile  que  son  maître,  il  inventa  la  roue  du  potier,  et,  ayant  trouvé  par 
hasard  la  mâchoire  d’un  serpent,  il  s’en  servit  pour  scier  un  morceau  de  bois;  puis,  imitant  sur  du 
fer  les  dents  pointues  du  reptile,  il  fabriqua,  d’après  ce  modèle,  une  scie  et  employa  à  travailler  le 
bois  ce  nouvel  outil,  qui  devint  une  des  inventions  les  plus  utiles  en  architecture.  Talus  fut  également 
l’inventeur  du  tour,  ainsi  que  d’un  grand  nombre  d’autres  instruments;  enfin,  il  s’acquit  une  si 
grande  réputation  que  Dédale,  devenu  jaloux  de  son  jeune  élève,  et  prévoyant  qu’il  effacerait  la  gloire 
du  maître,  le  tua  en  trahison.  »  Diodore  de  Sicile.  L.  IV,  §  76. 

Cf.  Ovide.  Métam.  L.  VIII,  v.  242. 

4.  Palsani.as.  au.  C.  XXL 


286 


AT  MÈNES. 


Odéon  de  Régilla.  On  sait  que,  chez  les  Grecs  comme  chez  les 
Romains,  on  donnait  le  nom  d’Odéon,  Odeum^,  à  un  édifice  couvert, 

destiné  aux  représentations  musicales ,  *  aux  répétitions  et  aux  concours 
dramatiques,  et  probablement  aussi  aux  spectacles  d’hiver 2. 

Pendant  plusieurs  siècles,  l’Odéon  d’Athènes  avait  été  méconnu;  un 
anonyme  qui  le  vit  en  1460  l’appela  palais  de  Léonidas  et  de  Miltiade 
et  école  d’Aristote;  en  1575,  Théodore  Zygomalas,  écrivant  au  professeur 
Martin  Kraus,  le  nomme  école  d’Aristote  et  de  Miltiade;  en  1665,  Simon 
Rabin  le  prenait  pour  l’Aréopage;  l’Anglais  Rernhum  venu  à  Athènes 
en  1675,  peu  de  temps  avant  Spon,  crut  enfin  y  reconnaître  un  théâtre, 
mais  il  en  fit  le  théâtre  de  Bacchus  ;  Spon  etWheler,  et  après  eux  Fanelli, 
Stuart  et  Revett,  Leroy  et  Legrand  adoptèrent  la  même  erreur.  Chandler 
le  premier  nomma  cet  édifice  théâtre  d’Hérode  Atticus,  mais  il  se  trompa 
en  cela  qu’il  le  crut  bâti  sur  l’emplacement  de  l’Odéon  de  Périclès. 

L’Odéon  d’Athènes^,  situé  au  sud  de  l’Acropole,  au-dessous  du  temple 
de  la  Yictoire  Aptère  et  des  Propylées,  avait  été  construit  au  milieu  du 
second  siècle  de  notre  ère  par  Hérode  Atticus^,  qui,  lui  donnant  le 
nom  de  Régilla,  avait  ainsi  consacré  le  souvenir  d’une  épouse  chérie 


1.  De  wÔTQ,  contraction  d’àotSiQ,  chant,  de  ifow,  chanter. 


2.  Ne  hieme  voluptas  impudica  frigeret... 

«  De  peur  que  l’hiver  les  impudiques  plaisirs  fussent  troublés  par  le  froid.  »  ^ 

Tertuluen.  Apol.  C.  VI. 

3.  Plan  de  l’Acropole  D'. 

4.  Tibère-Claude-Hérode  Atticus,  rhéteur  grec,  naquit  à  Marathon  vers  l’an  110  après  J.- G.,  d’une 
riche  et  ancienne  famille.  Son  père  avait  légué  en  mourant  une  mine  (86  fr.  94  c.)  à  chaque  citoyen 
d’Athènes,  et  n’en  avait  pas  moins  laissé  à  son  fils  une  fortune  considérable,  que  celui-ci  accrut 
encore.  Voici  en  quels  termes  Spon  (T.  II,  p.  215)  rend  compte  de  l’origine  de  ces  richesses  : 


«  Atticus,  père  d’Hérode,  vivait  en  particulier  à  Athènes  dans  une  fortune  très-médiocre;  mais, 
ayant  trouvé  un  grand  trésor  dans  une  maison  qu’il  possédait  proche  du  théâtre,  il  devint  tout  d’un 
coup  fort  riche.  Sa  prudence  ne  le  céda  pas  à  son  bonheur,  car,  appréhendant  que  cela  ne  vînt  à  être 
sceu  et  que,  par  l’obligation  qu’ou  a  de  rendre  les  trésors  qu’on  a  découverts  aux  souverains,  il  ne 
retombât  dans  sa  première  nécessité,  il  écrivit  en  ces  ternies  à  l’empereur  Nerva  :  «  Seigneur,  j’ay 
«  trouvé  un  trésor  dans  ma  maison.  Qu’ordonnes-tu  que  j’en  fasse?  »  Le  prince  lui  fit  réponse  en 
ces  termes  :  «  Use  de  ce  que  tu  as  trouvé.  »  Néanmoins,  Atticus  craignant  encore  qu’on  ne  lui  fist 
quelque  affaire,  veu  l’importance  de  la  chose,  écrivit  une  seconde  fois  à  l’empereur  et  lui  avoua  que 
ce  trésor  surpassait  beaucoup  la  condition  d’un  homme  privé.  Mais  l’empereur  lui  répondit  avec  la 
même  générosité  :  ((  Abuse  même,  si  tu  veux,  du  gain  inopiné  que  tu  as  fait,  car  il  est  tien.  »  De 
cette  manière,  il  devint  très-puissant  et  épousa  une  femme  fort  riche.  » 

Loin  de  s’abandonner  au  plaisir,  à  l’oisiveté  que  lui  permettait  l’héritage  paternel,  Hérode  Atticus 
étudia  sous  les  principaux  rhéteurs  de  son  temps,  Scopelianus,  Favorinus,  Secundus  et  Polémon  ; 
il  fut  lui-même  précepteur  de  Marc-Aurèle  et  de  Lucius  Vérus.  Il  avait  écrit  divers  ouvrages  qui  ne 


ODÉON  DE  IIÈGILLA.  287 

dont  il  déplorait  la  perte,  et  qui  avait  appartenu  à  l’une  des  premières 
familles  de  Rome'’^. 

Cet  édifice,  à  l’époque  des  invasions  des  Barbares,  devint  une  espèce 
de  forteresse  où  les  habitants  se  réfugièrent  sous  la  protection  de  l’Acro¬ 
pole.  Ce  fut  d’après  un  ordre  de  Yalérien  que,  pour  la  première  fois, 
on  commença  à  le  transformer  en  ouvrage  de  défense 2.  Depuis,  plusieurs 


Vue  extérieure  de  TOdéon. 


générations  n’avaient  cessé  de  l’habiter,  et  des  ruines  entassées  sur  des 
ruines  avaient  à  l’intérieur  élevé  le  terrain  à  une  hauteur  de  plus  de 


sont  point  parvenus  jusqu’à  nous;  quelques  fragments  qui  lui  sont  attribués  ont  pourtant  été  publiés 
àLcipsigen  1801. 

Aulu- Celle  cite  un  grand  nombre  de  mots  et  de  dissertations  qu’il  dit  avoir  recueillis  de  la 
bouche  même  d’Hérode  Atticus,  qu’il  qualifie  toujours  d’homme  consulaire,  vir  consularis. 

Archonte  en  137,  consul  en  143,  il  se  retira  de  la  vie  politique  et  employa  ses  immenses  richesses 
à  l’embellissement  de  la  ville  d’Athènes.  Après  avoir  vécu  sous  les  règnes  de  Nerva,  Trajan,  Adrien, 
Antonin  le  Pieux  et  Marc-Aurèle,  il  mourut  en  180. 

1.  «  L’Odéon  de  Fatras  est,  sous  tous  les  rapports,  le  plus  beau  qu’il  y  ait  dans  la  Grèce,  excepté 

celui  d’Athènes  qui  est  bien  au-dessus  pour  la  grandeur  et  la  magnificence;  c’est  un  Athénien  nommé 
Hérode  qui  l’a  fait  ériger  pour  honorer  la  mémoire  de  sa  femme  que  la  mort  lui  avait  enlevée.  Je  n’ai 
point  parlé  de  cet  Odéon  dans  ma  description  de  l’Attique,  parce  qu’elle  était  terminée  avant  qu’Hé- 
rode  eût  commencé  cet  édifice.  »  Pausanias.  Achaïe.  G.  XX. 

«  Hérode  offrit  aux  Athéniens  le  théâtre  de  Régilla,  ayant  un  plafond  de  cèdre;  ce  monument  était 
enrichi  de  nombreuses  statues.  »  Phii.ostuate.  Vie  eVHérode. 

«  Hérode  construisit,  pour  les  Athéniens,  un  théâtre  couvert,  Oéavpov  uTiw^ôptov.  » 

Suidas.  Lex. 

2.  ZosiME.  L.  I,  c.  29.  — ZoNARAS.  L.  XII,  c.  23. 


ATHÈNES. 


13  mètres  au-dessus  du  sol  antique  et  jusqu’au  niveau  du  second  étage 
des  arcades  visibles  cà  l’extérieur. 

C’est  un  de  ces  arcs  qui  servit  de  passage  au  général  Fabvier,  lors- 
qu’en  1825  le  célèbre  philhellène  pénétra  dans  l’Acropole,  bloquée  par 
les  Turcs.  L’Odéon  était  devenu  une  sorte  d’ouvrage  avancé  dont  ses 
arcs  étaient  les  créneaux.  Il  y  a  peu  d’années  encore,  les  ruines  de  la 


fl 


scène ^  CABC  étaient  seules  visibles 2,  et  tout  l’intérieur  de  l’édifice  était 
encore  caché  sous  des  décombres  dont  la  masse  était  évaluée  à  plus 
de  20,000  mètres  cubes 

Le  21  janvier  1857,  des  travaux  de  déblayement  ont  été  entrepris 
par  ordre  du  roi  Othon,  et  conduits  activement  sous  l’intelligente  direc¬ 
tion  de  M.  Pittakis,  l’infatigable  conservateur  des  antiquités  d’Athènes, 
et  déjà,  en  avril  1858,  l’intérieur  de  l’Odéon  avait  reparu  au  jour  presque 
dans  son  entier,  ou  au  moins  dans  un  état  de  conservation  suffisant 
pour  qu’on  pût  parfaitement  se  rendre  compte  et  de  sa  disposition  et 
de  sa  magnificence. 

1.  Le  théâtre  antique  se  composait  de  deux  parties  principales,  dont  les  autres  n’étaient  que  les 
subdivisions  :  la  partie  semi-circulaire,  appelée  le  xoD.ov,  le  creux  ou  l’hémicycle  réservé  aux  spec¬ 
tateurs,  et  la  partie  rectangulaire ,  o-xrivri ,  la  scène,  destinée  à  la  scène  proprement  dite  et  à  ses 
dépendances, 

2.  En  1848,  quelques  fouilles  y  avaient  été  faites  par  les  soins  de  M.  Pittakis,  aux  frais  de  la  So¬ 
ciété  archéologique  d’Athènes. 

3.  Dans  cette  masse  figurait  pour  environ  mille  mètres  cubes  une  immense  quantité  de  coquillages 
dont  la  présence  est  bien  difficile  à  expliquer.  On  ne  peut  l’attribuer  qu’à  l’emploi  qu’on  en  fit  pour 
combler  quelque  vide. 


ODÉON  \)\i  KÉGILLA. 


”289 


((  Dans  la  marche  successive  des  travaux,  dit  M.  Christopoulos l’on 
a  pu  s’assurer  d’une  manière  certaine,  aussi  bien  par  la  différence  des 
couches  que  par  la  découverte  des  monnaies  appartenant  à  différentes 
époques,  cpie  cette  masse  de  ruines  et  de  terres  est  due  à  cinq  différentes 
catastrophes  arrivées  sans  doute  à  de  longs  intervalles,  depuis  les  siècles 
les  plus  reculés  de  la  période  byzantine  jusqu’aux  temps  de  la  domi¬ 
nation  turque.  Mais  la  forme,  la  nature  et  la  place  de  ces  ruines  témoi¬ 
gnaient  assez  clairement  de  la  misérable  situation  des  générations  qui 
y  ont  vécu  et  causaient  à  tout  observateur  un  sentiment  à  la  fois  triste 
et  consolant,  en  établissant  un  contraste  frappant  entre  les  jours  heureux 
où  nous  vivons,  et  ces  siècles  de  pleurs  et  de  désespoir,  heureusement 
bien  éloignés  de  nous,  où  les  hommes  étaient  forcés  de  se. cacher  dans 
les  entrailles  de  la  terre,  et  de  changer  les  chefsrd’ œuvre  mêmes  de 
l’antiquité  en  moyens  de  défense  contre  la  férocité  de  leurs  semblables.  » 
Le  même  rapport  signale  une  grande  cpiantité  d’objets  trouvés  pen¬ 
dant  le  cours  des  travaux  ;  outre  de  nombreuses  inscriptions  qui  ont  été 
publiées  dans  le  Journal  archéologique  dirigé  par  M.  Pittakis^,  les  prin¬ 
cipaux  sont  de  grandes  jarres  de  terre  cuite,  des  dollar  et  d’autres 
vases  de  diverses  époques;  d’énormes  chevilles  de  fer  longues  de  0'“,30, 
des  anneaux  oblongs  de  même  métal,  des  masses  de  bois  de  cèdre 
calciné  et  plusieurs  tuiles  coloriées  et  couvertes  d’ornements  analogues 
à  ceux  des  briques  de  l’ancien  Parthénon  :  tous  ces  objets  doivent  avoir 
fait  partie  de  la  toiture  ;  une  énorme  bombe  encore  pleine  de  poudre, 
probablement  l’une  de  celles  que  Morosini  et  Kœnigsmark  lancèrent 
contre  l’Acropole;  différentes  sculptures,  telles  qu’une  tête  de  femme 
peu  remarquable  par  la  beauté  du  travail,  mais  dont  les  cheveux  sont 
dorés  et  les  sourcils  peints,  et  dont  les  yeux  d’émail  ou  d’autre  matière 
avaient  été  arrachés  ;  une  base  portant  quelques  traces  d’une  longue 
tunique,  tunica  talaris,  indiquant  une  statue  de  femme,  peut-être  celle 


1.  Exposé  succinct  présenté  au  roi  en  octobre  1857  par  M.  Christopoulos,  ministre  de  l’instruction 
publique,  sur  l’état  des  fouilles  faites  jusqu’à  ce  jour  dans  l’intérieur  de  l’Odéon. 

2.  ’Ecprijaepi;  'Apyaioloyiv.ri. 

3.  Plusieurs  de  ces  tuiles  portent  ce  monogramme  qui  paraît  se  composer  des  lettres  0H  et  P, 
probablement  initiales  du  mot  ©eaipov  et  des  noms  d’Hérode  et  de  Régilla,  à  moins  que  l’H  et  le  P 
ne  soient  seulement  les  deux  premières  lettres  du  nom  d’Hérode. 

4.  On  pense  que  ce  toit  fut  incendié  lors  de  la  troisième  invasion  des  Goths  sous  la  conduite 
d’Alaric,  en  402,  (Zosime.  L.  V,  c.  5.  ) 


19 


290 


ATHÈNES. 


que  surmontait  la  tête  aux  cheveux  dorés,  trouvée  non  loin  de  là;  une 
statue  sans  tête,  renversée,  ayant  à  ses  pieds  une  cassette  taillée  dans 
le  même  bloc  avec  sa  serrure,  ses  charnières  et  la  corde  croisée  qui 
paraissait  l’attacher;  un  assez  grand  nombre  de  cippes  funéraii-es  qui, 
apportés  du  cimetière,  du  7ro)^uav^piov ,  avaient  servi  de  matériaux  aux 
maisonnettes  construites  dans  l’enceinte  de  l’Odéon;  des  fragments  d’ar¬ 
chitecture,  colonnes,  chapiteaux,  corniches,  etc.,  dont  plusieurs  étaient 
tombés  de  l’Acropole,  etc.  Enfin,  vers  la  partie  orientale  du  monument, 
on  reconnut  les  restes  d’une  petite  chapelle  chrétienne,  à  des  traces  de 
peintures  représentant  des  images  de  saints;  on  y  trouva  quelques  débris 
d’une  croix  de  bronze,  un  phylactère  ou  amulette  portant  l’image  de  la 
Vierge,  une  médaille  de  même  métal  avec  une  croix,  deux  monnaies 
de  Constantin  le  Grand;  enfin,  un  vase  de  terre  que  les  ouvriers  bri¬ 
sèrent  croyant  y  trouver  un  trésor,  et  qui  ne  contenait  que  des  ferrailles 
agglomérées  par  la  rouille. 

Les  constructions  de  la  scène  avançaient  de  22  mètres  vers  le  sud 
en  avant  de  ce  qui  subsiste  encore,  ainsi  que  l’indiquent  plusieurs 
grandes  pierres  restées  en  place  et  qui  durent  appartenir  au  soubasse¬ 
ment  de  la  muraille  qui  formait  la  façade.  On  voit  aussi  quelques  restes 
des  autres  constructions  du  postscenium  B^.  Aux  extrémités,  deux  vomi- 
toires  CG  servaient  d’entrée  aux  spectateurs. 

La  construction  de  l’Odéon  est  en  belles  pierres  de  taille  provenant 
des  carrières  du  Pirée,  mais  plusieurs  intervalles  avaient  été  remplis 
par  des  murailles  crénelées  en  blocage,  lorsque  le  monument  avait  été 
transformé  en  ouvrage  de  défense. 

A  l’intérieur,  l’hémicycle,  le  7.dtlov^,  la  cavea  DD  DD,  que  nous  appe¬ 
lons  à  tort  l’amphithéâtre  et  qui,  destiné  au  public,  est  nommé  par 
Aristophane  auvOearp-.a,  et  par  Platon  OeaTpoxpaxta,  s’appuyait  sur  la 
pente  de  l’Acropole  comme  au  théâtre  de  Bacchus;  il  était  garni  de 
plusieurs  rangs  de  gradins^,  séparés  en  plusieurs  ordres  ou  étages. 


1.  Le  postscenium,  ou  Ttapacr/tïivia,  ôtait  composé  du  deri'ière  et  des  côtés  extérieurs  de  la  scène 
pi’oprement  dite.  Derrière  lui  étaient  ordinairement  des  porticjues,  des  jardins  ou  une  place 
publique. 

2.  On  donne  aussi  à  l’ensemble  des  gradins  le  nom  d’àvàêaOpov,  mais  dans  un  sons  moins  déter¬ 
miné,  moins  spécial,  ce  mot  s’appliquant  également  à  toute  réunion  de  degrés  ou  de  constructions 
quelconques  étagées  en  retraite  les  unes  au-dessus  des  autres. 

3.  'ESwXia  et  parfois  aussi  àvâpa6p,oi,  pàÔpa  ou  sSpau  Por.i.ux.  Onom.  L.  IV,  c.  19,  §1. 


ODÉON  DE  RÉGILLA. 


291 


par  des  passages  également  semi-circulaires,  appelés  prœcinc- 

liones,  ceintures,  nom  que  l’on  donne  aussi  parfois  abusivement  aux 
étages  de  gradins,  appelés  plus  régulièrement  hémicycles,  -/îy.uujclia,  en 
grec,  et  mæniana  en  latin. 

Le  premier  hémicycle  EEE  était  composé  de  dix-huit  gradins^  de 
marbre  gris  de  l’Hymette,  qui  ont  été  protégés  par  les  décombres  qui 
les  recouvraient-;  mais  dans  la  partie  supérieure  de  l’édifice,  les  marbres 
avaient  disparu  depuis  longtemps,  enlevés  et  mis  en  pièces  pour  faire 
de  la  chaux,  ou  employés  à  la  construction  des  murs  de  l’Acropole  au 
moyen  âge  et  sous  la  domination  turque. 

M.  Pittakis^  évalue  à  .10,000  le  nombre  des  spectateurs  qui  pouvaient 
prendre  place  sur  les  gradins  de  l’Odéon,  mais  Leake croit  que  ce 
nombre  ne  pouvait  pas  dépasser  8,000.  Le  plus  grand  diamètre  de  l’édi¬ 
fice,  suivant  Leroy,  est,  hors  œuvre,  de2â7  pieds  (80'", 235). 

Dans  les  théâtres  grecs,  chaque  classe  de  citoyens  avait  ses  sièges 
distincts.  Les  premiers  rangs  étaient  occupés  par  les  agonothètes  par 
les  généraux  d’armée,  par  les  magistrats  et  par  les  prêtres®;  les  citoyens 
aisés  occupaient  les  rangs  intermédiaires,  et  le  commun  du  peuple, 
Vignobile  vulgiis,  était  relégué  aux  places  les  plus  élevées^. 

A  l’Odéon  d’Athènes,  l’orchestre  F  était  entouré  d’une  sorte  de  banc 

1.  Legrand  ne  donne  en  tout  que  vingt  gradins  à  l’Odéon;  mais,  de  son  temps,  cet  édifice  n’avait 
pas  encore  été  fouillé. 

2.  L’état  de  conservation  de«ces  gradins  indique  qu’ils  ont  servi  peu  de  temps;  les  escaliers  mômes 
sont  loin  d’être  usés  comme  les  degrés  des  autres  édifices  antiques  d’Athènes. 

3.  L’Ancienne  Athènes. 

4.  Topographij  of  Athens. 

5.  Nous  sommes  obligé  do  répéter  ici  un  passage  de  Lucien  que  nous  avons  déjà  cité  en  partie 
mais  où  nous  trouvons  l’indication  de  la  place  occupée  par  les  agonothètes. 

«  Lycincs  :  Est-ce  que  tu  t’es  assis  quelquefois  près  des  agonothètes?  » 

«  Hermotimus  :  Oui;  par  Jupiter!  dernièrement,  aux  jeux  olympiques,  j’étais  à  la  droite  des 
iiellanodices.  » 

«  Lycinus  ;  Alors,  tu  as  vu  de  près  plus  que  personne.  »  Lcciex.  Hermotimus. 

0.  Pollux  (L.  IV,  c.  19,  §  I  )  donne  à  ces  places  privilégiées  le  nom  de  partie  sénatoriale  du  théâtre, 
p.Éfo;  pou),£UT’iy.àv. 

«  Ci.Éox  :  J’en  jure  par  la  préséance  que  m’a  value  l’affaire  de  Pylos.  » 

«  Le  charcutier  :  Ta  préséance?  Que  j’aurai  de  joie  de  te  voir  déchoir  de  ta  préséance  pour  passer 
aux  dernières  places  du  théâtre!  »  Aristoph.  Les  Chevaliers. 

7.  Dans  les  théâtres  romains,  les  patriciens,  les  plébéiens,  les  femmes  furent  longtemps  confondus 
sans  aucune  distinction;  ce  ne  fut  que  par  la  loi  Roscia,  portée  l’an  de  Rome  085  (68  avant  J.-C.), 


292 


xVTHÈNES. 


d’honneur  a  a  a,  dont  le  dossier  était  taillé  dans  le  même  bloc^  Derrière 
lui  régnaient  un  passage  b  de  0'",60  de  largeur  et  un  degré  de  0'",20 
de  hauteur  et  0'",40  de  largeur  qui  servait  seulement  de  marchepied, 
ÙTîoTco^iov,  scabellum,  suppedanewn,  aux  spectateurs  assis  sur  le  premier 
rang  des  gradins  qui  ne  commençaient  que  là. 

Les  gradins  EEE,  élevés  de  0'",à3,  avaient  0’",75  de  profondeur. 
Cette  surface  était  divisée  en  deux  parties  A  et  B.  La  première,  large 
de  0‘",35,  servait  de  siège;  la  seconde,  plus  basse  de  0'",03  et  large 


Coupe  des  gradins. 


de  0‘",à0,  recevait  les  pieds  du  spectateur  assis  sur  le  gradin  supérieur. 

Les  escaliers,  •/-liij.a/.e;,  itinera  ou  scalœ  ccc,  c^ui  conduisaient  aux  divers 
gradins,  étaient  au  nombre  de  six,  et  deux  de  leurs  marches  étaient 
taillées  dans  chaque  gradin. 

Le  premier  hémicycle  ou  mœniariu7n  se  trouvait  ainsi  divisé  par  ces 
escaliers  rayonnant  autour  de  l’orchestre  en  cinq  parties  E,  ciue  leur 
forme  avait  fait  appeler  par  les  Grecs  navettes,  et  par  les 

Romains  cunei,  coins. 

Le  gradin  supérieur  portait  un  petit  dossier  yéservé  dans  le  même 
bloc.  La  largeur  de  la  précinction  d  qui  surmonte  le  premier  hémicycle 
est  de  2'", 20,  et  le  mur  de  tuf,  balteus,  sur  lequel  repose  le  premier 
gradin  du  second  hémicycle,  gradin  sur  lequel  personne  ne  devait 
prendre  place,  n’a  pas  moins  de  i  mètre  de  hauteur  2.  Cette  surélévation 
était  nécessaire  pour  conserver  à  l’ensemble  des  gradins,  malgré  la 
largeur  de  la  précinction,  une  inclinaison  uniforme  qui  permît  à  tous 

que  fui  commencée  la  réforme  complétée  plus  tard  par  Auguste,  réforme  qui  assigna  une  place  spé¬ 
ciale  à  chaque  classe  de  spectateurs.  (Voy.  Pompeia.  édit.,  p.  163.) 

Cf.  Valère  Maxime.  L.  II,  c.  4,  p.  3. 

1.  Dans  l’Odéon  de  Pompéi,  au  lieu  d’un  seul  banc  privilégié,  il  y  avait  autour  de  l’orchestre 
quatre  gradins  dont  le  dernier  était  également  surmonté  d’un  dossier. 

2.  Nous  avons  constaté  la  même  disposition  au  théâtre  d’Argos,  dans  le  Péloponèse. 


ODÉON  DE  RÉGILLA. 


293 


de  jouir  également  du  spectacle.  Sur  une  pierre  dressée  à  cet  étage, 
on  lit  cette  inscription  : 

EKATAPISOH  AAIIANHI 
BASIAIKHI  1857 

«  Déblaya  aux  fraD  du  roi.  :> 

1857. 

On  y  voit  également  rembouchure  de  plusieurs  citernes  creusees  dans 
le  roc  sous  les  gradins. 

Le  second  hémicycle  D  ayant  nécessairement  un  développement  beau¬ 
coup  plus  grand,  cinq  escaliers  i  avaient  été  ajoutés  entre  chacun  de 
ceux  qui  partaient  du  gradin  inférieur.  Les  escaliers  étaient  donc,  au- 
dessus  de  la  seconde  précinction,  au  nombre  de  onze,  divisant  l’hémi¬ 
cycle  en  dix  portions  ou  coins  D. 

Dans  cette  partie  du  monument,  les  gradins  ont  entièrement  disparu , 
mais  il  est  facile  de  reconnaître  qu’on  en  devait  compter  neuf  portés  soit 
par  le  roc  ,  soit  par  des  substructions  en  blocage. 

Enfin ,  le  monument  était  couronné  par  une  galerie  G,  fermée  par  un 
gros  mur  semi-circulaire  H,  de  grand  appareil,  sur  lequel,  sans  doute, 
reposait  le  toit,  dont  la  charpente  était  de  bois  de  cèdre 

Chez  les  Grecs,  comme  chez  les  modernes,  les  spectateurs  étaient 
admis  sur  la  présentation  de  billets  qui  indiquaient  la  place  qu  ils  devaient 
occuper,  et  qui  portaient  de  plus  le  nom  de  la  pièce  que  l’on  représentait 
ou  celui  de  son  auteur.  Ces  billets  étaient  des  espèces  de  jetons  en  os,  en 
en  terre  cuite  ou  en  bronze,  cpie  l’on  nommait  rscr^aps;,  tesserœ.  Deux  des 
tessères  trouvées  à  Pompéi  représentent  d’un  côté  une  espèce  d  édifice 
cjui  doit  être  un  théâtre;  on  lit  au  revers  sur  l’une  :  xii  A12XYAOT  IB 
(xii,  d’Eschyle,  xii)  ;  sur  l’autre  :  xi  HMIKYKAIA  AI  (xi,  hémicycle, 
xi) ,  le  chiftre  se  trouvant  ainsi  répété  sur  chacune  en  caractères  grecs 
et  romains  2. 


Y  KÉO^OU  SuvôïktYiv  ôpoï)f|V.  Piin.osTRATE.  Vie  d’IIérode, 

2.  IB  et  IA  représentent,  en  chiffres  grecs,  la  valeur  des  chiffres  romains  XII  et  XI. 


294 


ATHÈNES. 


En  Grèce,  le  spectacle  était  quelquefois  gratuit^,  mais,  le  plus  ordi¬ 
nairement,  les  spectateurs  payaient  leurs  places  ^ ,  qu’ils  pouvaient, 
comme  chez  les  modernes,  faire  retenir  d’avance^.  Le  prix  ordinaire 
d’entrée  au  théâtre  était  d’une  drachme  (90  c.)  ;  plus  tard,  il  fut  réduit 
à  deux  oboles  (30  c.)  Périclès,  pour  se  rendre  populaire,  ordonna 
qu’on  tirerait  de  la  caisse  publique  une  certaine  somme  allouée  à  l’entre¬ 
preneur  pour  l’indemniser  des  places  occupées  gratuitement  par  les 
citoyens  pauvres. 

Les  cinq  ou  six  rangs  inférieurs  de  l’hémicycle  se  trouvaient,  comme 
le  parterre  chez  les  modernes,  au-dessous  du  niveau  du  plancher  de  la 
scène,  dont  ils  étaient  séparés  par  l’orchestre,  qui  était  la  partie  semi- 
circulaire  comprise  entre  le  y-oîXov  ou  cavea  et  la  ligne  du  proscenium  ou 
avant-scène.  Selon  Barthélemy^,  il  n’était  permis  à  personne  de  se  tenir 
dans  cet  orchestre,  V expérience  ayant  appris  que  s’il  n  était  pas  absolu¬ 
ment  vide,  les  voix  se  faisaient  moins  entendre.  Ceci  est  évidemment 
une  erreur  c|ui  a  échappé  à  l’illustre  antiquaire  ;  s’il  est  vrai  qu’aucun 
spectateur  ne  prenait  place  dans  l’orchestre,  il  ne  s’ensuit  pas  c{ue  cette 
partie  du  théâtre  restât  absolument  vide.  L’étymologie  même  de  son 
nom  dement  cette  assertion.  Le  mot  orchestre^  opy/jarpa,  vient  du  verbe 
6py£0[y,at,  danser;  il  est  donc  positif  que  dans  certains  cas  des  danses 
étaient  exécutées  dans  l’orchestre®. 

Au  milieu  de  celui-ci  était  la  thymèle'^ ,  autel  ou  plate-forme 

1.  «  Il  ne  va  au  spectacle  avec  ses  enfants  que  lorsqu’il  y  a  une  représentation  gratuite.  » 

Théophraste.  C.  XXX.  Du  Gain  sordide. 

2.  «  11  ne  permet  pas  à  ses  enfants  d’aller  à  l’amphithéâtre  avant  que  les  jeux  soient  commencés, 
et  lorsque  l’on  paye  pour  être  placé;  mais  seulement  sur  la  fin  du  spectacle  et  lorsque  l’entrepreneur 

-néglige  les  places  et  les  donne  pour  rien.  »  Théophraste.  C.  XI.  De  l’Impudent. 

3.  «  Une  autre  fois,  sur  l’argent  qu’il  aura  reçu  de  quelques  étrangers  pour  louer  leurs  places  au 

théâtre,  il  trouve  le  secret  d’avoir  sa  place  franche  au  spectacle  et  d’y  envoyer  le  lendemain  ses 
enfants  et  leur  précepteur.  »  Théophraste.  C.  IX.  De  l’Effronterie  causée  par  l’avarice. 

4.  Démosth.  Olinth.  III. 

5.  Voyage  d’Anacharsis.  C.  LXX. 

0.  La  profession  de  danseur  ne  pouvait  être  exercée  que  par  des  citoyens  libres  et  honorables, 
uoXTvai  ;  si  un  étranger  se  joignait  aux  chœurs  de  danse,  le  chorége  était  puni  d’une  amende  de 
1,000  drachmes.  L’étranger  dénoncé  pour  ce  fait  par  le  chorége  était  condamné  par  l’archonte  à 
oO  drachmes  pour  la  première  fois,  et  1,000  drachmes  pour  une  seconde  contravention.  Nul  ne  pou¬ 
vait  prendre  part  à  la  danse,  quoique  citoyen,  s’il  avait  été  noté  d’infamie,  àtip-ta.  (Démosthène.  In 
Mid.  —  Plutarque.  Phocion.) 

7.  0op.£Xïi,  de.Ouw,  sacrifier .  «  Par  extension,  on  a  parfois  employé  ce  mot  pour  Yestrade  ou  l’or- 
chesti  e  destiné  aux  évolutions  du  choeur,  et  môme  pour  la  scène,  le  théâtre.  »  Alexandre.  Dict.  grec. 

«  Un  danseui  dont  1  embonpoint  était  excessif  s’efforçait  de  faire  de  grands  sauts;  de  grâce! 
s’écrièrent  les  spectateurs,  épargne  notre  thymèle.  «  '  Lucien.  De  la  Danse. 


ODÉON  DE  RÉGULA. 


295 

carrée^  où  l’on  sacrifiait  à  Bacchus,  au  commencement  du  spectacle-. 
C’était  le  point  central  autour  duquel  était  tracé  l’hémicycle.  Cet  autel  avait 
des  degrés  où  se  plaçait  quelquefois  le  chœur  du  chant  qui  pouvait  des¬ 
cendre  de  la  scène  par  deux  petits  escaliers  m  m,  ménagés  à  cet  effet  dans 
le  mur  du  proscenium^.  Alors  le  coryphée  montait  sur  la  partie  supé¬ 
rieure  de  la  thymèle,  qui  était  de  niveau  avec  le  plancher  de  la  scène. 
Millin  ^  pense  que  la  thymèle  pouvait  servir  aussi  de  tribune  aux  géné¬ 
raux,  aux  magistrats  qui  haranguaient  le  peuple  assemblé  dans  le  théâtre 
pour  assister  à  des  délibérations  sur  les  intérêts  de  l’État®.  Nous  pouvons 
supposer  également  que  les  poètes^,  les  philosophes  ,  les  rhéteurs,  les 
sophistes  y  prenaient  place  lorsqu’ils  convoquaient  le  public  pour  juger 
leurs  vers,  leurs  discussions  ou  leurs  discours 


1.  Bw[x6<;,  autel,  ou  6ri[j.a,  estrade,  tribune.  Pollox.  Onom.  L.  IV,  c.  19,  §>  1. 

2.  La  thymèle  n’existait  pas  dans  les  théâtres  romains,  dont  l’orchestre  contenait  des  sièges  pour 
les  sénateurs,  les  magistrats,  les  vestales,  etc.  ;  aussi  l’orchestre  était-il  plus  éleve  et  plus  i  approche 
du  niveau  de  la  scène. 

3.  «  Anciennement,  les  mêmes  acteurs  chantaient  et  dansaient  à  la  fois*  mais,  par  la  suite,  on 

s’aperçut  que,  pour  respirer,  les  danseurs  interrompaient  leur  chant,  et  1  on  crut  qu  il  valait  mieux 
que  d’autres  chantassent  pendant  qu’on  danserait.  »  Lucien.  De  la  Danse. 

Les  chanteurs  qui  prenaient  place  sur  la  thymèle  étaient  appelés  thymelici,  6op.£).ixoi,  poui  les 
distinguer  de  ceux  qui  occupaient  la  scène  et  que  l’on  nommait  scenici,  «ntrivtxoï. 

4.  «  La  scène  est  réservée  aux  acteurs  et  l’orchestre  au  chœur..)  Pollux.  Onom.  L.  IV,  c.  19,  §  1. 

«  Décimus  Labérius,  chevalier  romain,  joua  ses  mimes;  il  reçut  de  César  un  présent  de  oOO  ses¬ 
terces  et  un  anffeau  d’or;  et,  en  sortant  de  la  scène,  il  passa  par  l’orchestre  pour  aller  s’asseoir  dans 
les  bancs  des  chevaliers.  »  Suétone.  Vie  de  Jules  César. 

5.  Dictionnaire  des  beaux-arts,  au  mot  Ouchestre. 

6.  On  recevait  les  ambassadeurs  étrangers  au  théâtre.  En  l’an  de  Rome  471,  les  Tarentins  y  reçu¬ 
rent  les  envoyés  du  sénat  romain,  suivant  l’usage  des  Grecs,  ut  est  consuetudo  GræcicB,  ditValère 
Maxime  (L.  II ,  c.  2  ). 

Parfois  aussi  les  causes  importantes  étaient  jugées  par  le  peuple  assemblé  dans  le  théâtre.  Cest 
là  que  furent  condamnés  Phocion  et  ses  compagnons.  «  Encore  fut  la  façon  dont  on  les  mena  ignomi¬ 
nieuse;  car  on  les  traîna  dessus  des  charioits  tout  le  long  de  la  grande  rue  Céramique,  iusques  au 
théâtre,  là  où  Clitus  les  tint  tant  que  les  magistrats  eussent  fait  assembler  le  peuple,  sans  forclore 
{exclure)  de  ceste  assemblée  ni  serf,  ni  estranger,  ni  homme  noté  d’infamie,  ains  laissant  le  théâtre 
ouvert  à  tous  et  à  toutes  de  quelque  condition  qu’ils  fussent.  »  Plutarque.  Vie  de  Phocion. 

7.  C’était  sans  doute  du  haut  de  la  thymèle  que  le  poète  Philémon  avait  commencé  la  lecture 
d’une  comédie  que  la  pluie  interrompit  et  que  la  mort  subite,  qui  le  frappa  pendant  la  nuit,  ne  lui 
permit  pas  d’achever  le  lendemain.  (Apulée.  Flor.  XVI.) 

8.  «  Les  sophistes  annonçaient  un  discours  comme  aujourd’hui  un  musicien  voyageur  annonce  un 

concert,  et  les  peuples  accouraient  de  toutes  parts  pour  les  entendre  et  leur  pajer  généreusement  le 
plaisir  qu’ils  procuraient.  »  Boissonade.  Biogr.  Michaud.  Art.  Lucien. 

C’est  en  effet  à  ce  métier,  dont  on  retrouverait  encore  aujourd’hui  quelque  trace  en  Aiigleteire, 
que  Lucien  gagna  une  fortune  considérable,  en  parcourant  l’Asie  Mineure,  la  Grèce,  1  Italie  et  les 
Gaules. 

«  Anaxandride  parut  un  jour  à  cheval  ani  théâtre  d’Athènes  pour  y  réciter  un  dithyrambe  et  une 
partie  de  sa  tragédie  de  Thérée.  »  Athénée.  Deipnos.  L.  IX. 


296 


ATHENES. 


L’orchestre  F  de  l’Odéon  d’Athènes  était  parfaitement  semi- circu¬ 
laire;  il  avait  18'",  80  de  diamètre.  Son  dallage  est  en  carreaux  de 
marbre  noir  d’Éleusis,  de  0'",57  de  large.  Sous  celui-ci  s’étendait  une 
vaste  citerne. 

Aux  côtés  du  proscenium  s’ouvraient  deux  grands  vomitoires  GG, 
c[ui,  faisant  coude,  débouchaient  par  huit  degrés  parfaitement  conservés 
aux  deux  extrémités  de  la  façade  méridionale  du  monument.  Ils  étaient 
dallés  comme  l’orchestre,  et,  à  leur  entrée  dans  celui-ci,  étaient  décorés 
de  grands  pilastres  de  marbre  c|ui  subsistent  encore  en  partie. 

La  scène,  Gxr.vTi,  construction  rectangulaire,  AB,  qui  faisait  face  au 
xo’Aov,  à  l’hémicycle,  comprenait  le  proscenium,  V hyposcenium,  la  scène 
proprement  dite,  et  le  postscenium. 

Le  proscenium,  xpoaxviviov,  A,  ne  correspondait  que  fort  imparfaitement, 
malgré  son  nom,  à  ce  que  nous  appelons  aujourd’hui  avant-scène.  Au 
devant  était  une  plate-forme  avançant  sur  l’orchestre,  \e  pulpitum,  oxpiêaç, 
estrade,  ou  Xoyerov,  endroit  où  l’on  parle,  et  qui  serait  chez  les  modernes 
l’espace  compris  entre  le  rideau  et  la  rampe  ;  c’était  sur  le  proscenium 
et  le  pulpitum  que  s-e  tenaient  les  acteurs.  Le  petit  mur  qui  soutenait  le 
plancher  du  pulpitum,  du  coté  de  l’orchestre,  était  revêtu  de  grandes 
dalles  de  marbre  ornées  d’élégantes  moulures.  Dans  ce  mur,  aux  extré¬ 
mités  de  l’arc  de  l’orchestre,  étaient  les  deux  petits  escalier^  de  quatre 
marches,  mm,  dont  nous  avons  parlé 

L’ hyposcenium,  uto(7x.-/]viov  ou  u7i:oGx//]via,  était  le  dessous  du  théâtre,  qui, 
comme  chez  nous,  restait  vide  pour  les  apparitions,  les  descentes  sous 
terie,  etc.  On  lui  donnait  aussi  le  nom  de  hronteium,  Ppovreiov,  parce  c{ue 
c  était  là  qu  étaient  places  les  vases  d’airain  remplis  de  pierres  que  l’on 
agitait  pour  imiter  le  bruit  du  tonnerre,  Ppovxn'.  U  hyposcenium  est  encore 
parfaitement  reconnaissable  à  l’Odéon  d’Athènes. 

Le  haut  de  la  scène,  que  nous  appelons  les  frises ,  était  nommé  épi- 
scenium,  eTULG/tviviov,  et  servait,  comme  chez  nous,  aux  changements  de 
décorations,  aux  descentes  de  gloires,  etc. 


1.  «  On  voit,  éciivait  Cliandler  en  17G5,  dans  la  muraille  du  proscenium,  une  petite  niche  ou 
cavité  dont  l’entrée  est  fort  basse.  Les  derviches  ont  au-dessous  un  teckeh,  ou  lieu  d’adoration,  et  une 
chambre  dans  laquelle  tout  Turc  condamné  à  être  étranglé  trouve  ordinairement  une  corde  d’arc 
pour  cet  office.  »  Voyage  en  Grèce.  T.  II,  p.  430. 


ODÉON  DE  RÉGILLA. 


297 


La  scène,  iryz/fwi  II,  correspondait  à  notre  toile  de  fond,  avec  cette  dif¬ 
férence  que  c’était  une  construction  solide,  embellie  des  plus  riches  orne¬ 
ments  de  l’architecture^.  Sa  largeur  était  ici  de  75.  La  distance 
qui  la  séparait  du  mur  du  pulpüum  était  de  8'",  20,  mais  ses  décorations 
en  saillie  réduisaient  l’espace  réservé  aux  acteurs  à  5  mètres  seule¬ 
ment. 

La  scène,  comme  à  l’ordinaire,  présentait  trois  portes  au  fond  et  une 
en  retour  à  chaque  bout.  La  porte  du  milieu  l,  plus  grande  que  les 
autres,  s’appelait  la  porte  royale,  tituXvi  ^ixaiki'A-/i ^  aida  regia,  parce  qu’elle 
était  censée  conduire  au  palais  du  protagoniste,  du  personnage  principal 
chez  lequel  le  drame  se  passait.  Les  deux  portes  plus  petites  nn,  qui 
accompagnent  celle-ci,  étaient  les  ^evixai  Tuu^ai,  les  hospitales,  ainsi  nom¬ 
mées  parce  qu’elles  servaient  aux  hôtes  et  aux  étrangers.  Celle  de  droite 
était  réservée  au  second  personnage  ou  deuter agoniste,  et  celle  de  gauche 
au  menu  peuple;  souvent  aussi  cette  dernière  était  censée  conduire  à  la 
prison  2.  Entre  ces  portes  étaient  huit  niches  alternativement  rondes  et 
carrées  séparées  par  des  pilastres  et  des  demi-colonnes. 

Enfin,  les  deux  portes  oo,  percées  dans  les  versurœ,  murs  en  retour 
qui,  aux  extrémités  de  la  scène,  circonscrivaient  l’espace  réservé  à  l’ac¬ 
tion,  étaient  supposées  conduire  l’une  au  port  ou  à  la  ville,’  l’autre  à  la 
campagne^.  Entre  chacune  de  ces  portes  et  le  vomitoire  voisin  était  une 
niche  destinée  également  à  recevoir  une  statue. 

Les  constructions  B,  qui  s’étendaient  derrière  la  scène,  mais  dont,  ainsi 
cjue  nous  l’avons  dit,  il  reste  peu  de  traces,  composaient  le  postscenium, 
T:apac>i-/;via,  lieu  OÙ  les  acteurs  s’habillaient  et  où  se  préparait  tout  ce  c{ui 
était  nécessaire  aux  représentations  ;  c’était  aussi  ce  que  les  anciens  nom- 

1.  «  Dans  le  principe,  la  scène  n’avait  d’autre  ornement  que  ces  colonnes,  ces  bas-reliefs,  ces 
statues  qui  étaient  établis  à  demeure.  Un  artiste,  nommé  Agatharcus,  conçat  l’idée  des  décorations 
du  temps  d’Eschyle,  et,  dans  un  savant  commentaire,  il  développa  les  principes  qui  avaient  dirigé 
son  travail.  Ces  premiers  essais  furent  ensuite  perfectionnés,  soit  par  les  efforts  des  successeurs 
d’Eschyle,  soit  par  les  ouvrages  qu’Anaxagore  et  Démocrite  publièrent  sur  les  règles  de  la  perspec¬ 
tive.  Les  anciens  avaient  aussi  poussé  assez  loin  l’art  du  machiniste.  » 

Pompeta.  2®  édit.,  p,  171. 

2.  PoLLüx.  0mm.  L.  IV,  c.  19,  §  1. 

3.  Six  têtes  imitant  le  style  égyptien,  trouvées  dans  les  fouilles  de  l’Odéon,  ont  pu  appartenir  aux 
statues  qui  ornaient  ces  niches.  On  sait  que  ces  imitations  avaient  été  mises  à  la  mode  par  Adrien 
à  son  retour  d’Égypte,  témoin  les  nombreuses  figures  de  ce  genre  trouvées  à  sa  villa  de  Tivoli. 

4.  PoLi.ox.  0mm.  L.  IV,  c.  19,  §  1. 


298 


ATHENES 


niaient  yop'/iytov,  choragîum  ,  et  que  les  modernes  appellent  le  magasin 
des  accessoires 

Ces  constructions  occupent  un  espace  tellement  étendu  c^ue  nous 
sommes  porté  à  croire  qu’il  pût  s’y  trouver  une  cour  intérieure,  comme 
celle  qui  existe  au  grand  théâtre  de  Pompéi  entre  le  mur  de  la  scène  et 
le  porticiue  qui  devait  former  la  façade  dé  l’Odéon. 

Fontaine  Calliriioé.  En  se  dirigeant  de  ce  monument  vers  le  Stade 
ranathénaïque,  et  laissant  à  gauche  le  temple  de  Jupiter  Olympien,  on 
se  trouve  bientôt  sur  le  bord  de  l’Ilissus,  cette  rivière  qui  n’a  d’eau  que 
lorsqu’elle  en  reçoit  de  quelque  pluie  abondante  ou  de  la  fonte  des  neiges 
du  mont  Hymette^.  Un  peu  en  amont  d’un  pont  moderne,  et  au-dessous 
de  deux  rochers  qui  ne  livrent  à  l’eau  qu’un  étroit  passage,  se  trouve  la 


Fontaine  Callirhoé. 


fontaine  Callirhoé  si  souvent  citée  par  les  anciens  auteurs.  Son  nom 
fut  changé  en  celui.  d'Enneacrunos  lorsque  Pisistrate,  réunissant  ses 

1.  L’ensemble  des  accessoires  était  aussi  parfois  désigné  sous  le  môme  nom.  Voy.  Festus.  s.  v.  — 

Capt.  Prol.  60. 

Pour  les  détails  des  accessoires,  voy.  Pollux.  Onorn.  L.  IV,  c.  19,  1. 

2.  Pompeia,  2*^  édit.,  p.  181. 

3.  Ubi  per  graciles  lenis  Ilissus, 

Ut  Mœander,  super  œquales 
Labilur  agros,  piger,  et  stériles 
Amne  maligno  radil  arenas. 

«  Dans  ces  lieux,  où,  d’un  cours  égal  et  paisible,  l’Ilissus,  semblable  au  Méandre,  promène  ses  eaux  languis¬ 
santes  et  mouille  à  peine  un  sable  aride.  »  Sénèque.  Ilippolyle.  V.  13-16. 

4.  KaX),tppori,  de  xaXo;,  beau,  et  psw,  couler  ;  fontaine  au  beau  cours,  aux  belles  eaux. 

5.  ’Evveàxpouvo:,  à  neuf  bouches,  à  neuf  tuyaux,  d’èvvéa,  neuf,  et  xpoovoç,  tuyau,  conduit. 

«  Vous  savez.  Timon,  qu’un  peu  de  pain  me  suffit,  que  mon  meilleur  repas  c’est  du  thym,  du 
cresson,  assaisonné  d’un  peu  de  sel,  quand  je  veux  me  régaler,  et  que  ma  boisson  est  puisée  à  la 
fontaine  aux  neuf  bouches.  »  Lucien.  Timon  le  Misanthrope. 


TEMPLE  SUR  L’ILLSSUS 


299 


eaux,  les  fit  jaillir  par  neuf  tuyaux^,  et  la  décora  d’une  façade  monu¬ 
mentale  et  de  statues  qui  ont  entièrement  disparu.  Six  des  bouches  de  la 
fontaine  sont  même  recouvertes,  et  trois  seulement  sont  encore  visibles. 

Temple  sur  l’Ilissüs.  Remontant  la  rive  gauche  de  l’Ilissus,  on  laisse 
à  droite  le  site  d’un  petit  temple  ionique,  sans  doute  celui  que  Pau- 
sanias^  dit  avoir  existé  près  de  la  fontaine  Enneacrunos,  et  avoir  été  con¬ 
sacré  à  Triptolème.  Ce  temple  avait  été  converti  en  une  église  sous 
l’invocation  de  Notre-Dame-sur-le-Roc ,  llavayia  tlç  t/iv  Tirexpav,  mais  l’église 
elle-même  avait  été  abandonnée  avant  la  fin  du  xvii*  siècle.  Stuart  a 


Temple  sur  ITUssus, 


donné  de  ce  qui  subsistait  de  son  temps  un  dessin  que  nous  reproduisons 
ici^,  afin  de  conserver  le  souvenir  d’un  édifice  dont  aujourd’hui  toute 
trace  a  disparu. 

1.  «  Près  de  l’Odéon  {celui  de  Périclès)  est  la  fontaine  Enneacrunos,  qui  a  été  ainsi  décorée  par 

Pisistrate.  »  Paüsanias.  Ait.  C.  XIV. 

«  Près  de  là  est  aussi  la  fontaine  appelée  Enneacrunos,  ou  des  neuf  tuyaux,  d’après  la  manière 
dont  elle  avait  été  embellie  par  les  tyrans  {les  Pisistratides);  mais  auparavant,  lorsqu’on  voyait 
toutes  ses  sources,  elle  se  nommait  Gallirhoé.  On  se  servait  de  ses  eaux  pour  les  usages  les  plus 
solennels;  et  c’est  de  l’antiquité  que  vient  la  coutume,  encore  en  vigueur  aujourd’hui,  d’y  puiser 
pour  les  cérémonies  qui  précèdent  le  mariage  et  d’autres  usages  religieux.  » 

THUCYmuE.  L.  II,  §  15. 

2.  Att.  C.  XIV. 

3.  Nous  avons  dû  faire  à  ce  dessin  une  correction  et  substituer  un  chapiteau  ionique  au  chapiteau 
dorique  que,  par  erreur,  le  graveur  a  donné  à  la  colonne  d’angle  du  temple.  Ce  changement  est 
d’ailleurs  complètement  justifié  par  les  planches  de  détails  consacrées  par  Stuart  à  la  description 
du  temple. 


300 


ATHÈNES. 


Dans  rilissus  est  un  îlot  sur  lequel  l.eake  croit  que  s’élevait  V Eleusi- 
nion,  ou  temple  de  Gérés  et  de  Proserpine 

Bientôt  on  arrive  aux  ruines  du  Stade,  situées,  comme  le  temple  de 
Triptolème,  sur  la  rive  gauche  du  fleuve. 

Stvde.  Le  Stade,  S-ra^iov,  était  une  arène  pour  la  course  à  pied  2, 
ainsi  nommée  parce  que  sa  longueur  était  de  600  pie.ds  grecs,  ou 
kOO  coudées  (185  mètres) .  C’était  là  aussi  qu’avaient  lieu  les  divers 
exercices  des  athlètes.  Souvent  les  stades  étaient  des  dépendances  des 
gymnases,  souvent  aussi  ils  étaient  isolés. 

Dans  son  ordonnance  générale,  le  stade  se  rapprochait  beaucoup  de 
l’hippodrome  grec,  l7r7ro^poy.oç,  et  du  cirque  romain,  circus,  destinés  l’un 
et  l’autre  aux  courses  de  chevaux  et  par  conséquent  beaucoup  plus 
vastes'"^.  Tous  avaient  la  forme  d’un  fer  à  cheval  fort  allongé,  entouré  de 
toutes  parts,  excepté  du  coté  rectangulaire,  de  gradins  creusés  dans  la 
montagne  ou  soutenus  soit  par  une  levée  de  terre,  ycôy,a,  soit  par  des 
constructions  de  pierre  ou  de  brique. 

L’extrémité  semi-circulaire  de  l’arène,  du  ^pop;,  portait  le  nom  de 
Sphendone,  Gçev^ovv),  commun  à  tout  ce  qui,  en  architecture,  avait  la 
forme  semi-circulaire ,  voûte ,  arcade ,  etc.  Les  gradins  étaient,  comme 
dans  les  théâtres,  divisés  par  des  escaliers  permettant  d’arriver  aux 
diverses  places,  et  quelquefois  partagés  en  deux  étages,  mœniana.  par 
une  précinction.  Plusieurs  stades  existent  encore  plus  ou  moins  conser¬ 
vés;  on  en  trouve  à  Cibyra  (aujourd’hui  Buraz)  en  Lycie,  à  Laodicée 
[Eski-Iiissar)  en  Phrygie,  à  Alexandria  Troas  (Eski-Stamboid)  dans  la 
Troade,  à-Éphèse  en  Ionie,  à  Portas  Schœnus  [KalamaJa)  en  Corin- 
thie,  etc. 

Le  Stade  d’Athènes ,  situé  dans  le  quartier  extra  rauros ,  appelé 
Âypai,  Agræ,  les  Chasses,  et  orienté  à  peu  près  du  nord  au  sud,  portait 
le  nom  de  Panathénéen  ou  Panatliénaïque,  parce  que  c’était  de  son 
enceinte  que  partait  la  grande  procession  des  Panathénées,  il  fut  con- 

1.  Paus.^nias.  Att.  C.  XIV. 

2.  «  La  course  du  stade  était  le  plus  ancien  exercice  de  ceux  qui  se  célébraient  à  Olympic;  ils 

furent  en  partie  imités  dans  différents  lieux  de  la  Grèce  et  particulièrement  à  Athènes.  On  faisait 
aussi  quelquefois  dans  le  stade  combattre  des  animaux.  Adrien  donna  dans  celui-ci  un  combat  de 
mille  bêtes  féroces  en  un  jour.  »  Leroy.  Ruines  des  plus  beaux  monuments  de  la  Grèce. 

3.  L’hippodrome  le  mieux  conservé  est  celui  de  l’antique  Apbrodisias  ou  Mégalopolis  (aujourd’hui 
Gueira),  dans  la  Carie,  Asie  Mineure. 

Voy.  nos  Monuments  de  tous  les  peuples.  T.  I,  pl.  49. 


STADE. 


301 


struit  pour  la  première  fois  au  même  lieu  et  dans  la  même  forme  vers 
l’an  350  avant  Jésus-Christ,  par  l’orateur  Lycurgue,  fils  de  Lycophron. 
Cin({  cents  ans  après,  il  était  en  très-mauvais  état  quand  Hérode  Atticus, 
y  ayant  reçu  du  peuple  une  couronne  d’or,  pron^t ,  en  présence  de  tous 
les  spectateurs,  que  la  première  réunion  aurait  lieu  dans  un  nouveau 
stade  construit  en  marbre  du  Pentélique  ^  ;  quatre  ans  après,  sa  promesse 
était  accomplie 


cl  1 


Plan  du  Stade, 

Aujourd’hui,  les  sièges  de  marbre,  qui  paraissent  avoir  été  au  nombre 
de  trente  et  avoir  pu  contenir  environ  25,000  personnes^,  ont  tous 
disparu'^,  mais  la  cavea  entière  ABC,  c’est-à-dire  le  talus  en  fer  à  che¬ 
val  que  les  gradins  recouvraient,  existe  tout  entière.  On  avait  profité 
pour  l’établir  d’un  ancien  lit  de  torrent  dont  les  deux  berges,  fort  éle- 

1.  Nous  avons  dit  que  le  père  d’Hérode  avait  légué  une  mine  à  chaque  citoyen  d’Athènes.  Son 
fils,  ayant  découvert  dans  sa  succession  des  dettes  considérables,  les  acquitta  avec  le  montant  de  ce 
legs.  Aussi,  lorsqu’il  reconstruisit  le  Stade,  dit-on  qu’il  était  à  juste  titre  nommé  Panathénéen,  puis¬ 
que  tous  les  Athéniens  en  avaient  payé  leur  part. 

2.  L’embellissement  du  Stade  par  Hérode  Atticus  précéda  la  construction  de  son  Odéon.  En  effet, 

si,  dans  sa  description  de  l’Attique,  Pausanias  n’a  point  parlé,  comme  nous  l’avons  dit,  de  l’Odéon 
qui  n’existait  pas  encore,  il  a  au  contraire  mentionné  le  Stade.  «  Il  serait  difficile,  dit-il,  de  faire 
partager,  par  une  simple  description,  le  plaisir  et  l’admiration  qu’on  éprouve  à  la  vue  du  Stade  de 
marbre  blanc  qui  est  près  de  là.  Voici  ce  qui  peut  faire  juger  de  sa  grandeur  ;  sur  les  bords  de  l’ilissus, 
s’élève  un  mont  qui  forme  un  croissant,  dont  les  deux  extrémités  vont  rejoindre  la  rive  du  fleuve. 
Un  Athénien  nommé  Hérode  en  a  fait  un  stade  et  y  a  presque  épuisé  la  carrière  du  mont  Penté¬ 
lique.  »  Att.  C.  XIX. 

3.  D’autres  spectateurs  plus  nombreux  encore  pouvaient  prendi’e  place  sur  les  collines  qui  domi¬ 
naient  le  Stade. 

4.  On  voit  encore  les  quatre  gradins  inférieurs  sur  le  plan  d’Athènes  dressé  en  1670  par  les  capu¬ 
cins  français  et  reproduit  par  M.  L.  de  Laborde,  dans  son  Athènes  aux  xv**,  xvU  et  xviff  siècles. 
Mais  quand  Leroy  visita  Athènes  cent  ans  plus  tard,  le  Stade  était  déjà  dans  l’état  où  nous  le  voyons 
aujourd’hui. 


302 


ATHÈNES. 


vées,  avaient  été  régularisées  pour  recevoir  les  gradins;  mais,  aux  deux 
extrémités,  on  avait  dù  suppléer  à  leur  absence  par  des  constructions 
dont  il  existe  encore  des  massifs  considérables  aux  deux  bouts  AG  et  au 
au  centre  B  du  fer  à  (^leval. 


Vue  du  Stade. 


La  longueur  de  l’arène  est  de  2!20  mètres,  et  par  conséquent  de 
35  mètres  environ  de  plus  que  la  mesure  du  Stade  olympic[ue,  mais  cette 
différence  est  facile  à  expliquer.  En  tête  du  Stade  étaient  nécessairement 
quelc|ues  constructions  abritant  les  concurrents,  quelques  salles  où  ils 
se  frottaient  d’huile  ou  de  poussière  avant  la  course  ou  la  lutte  ;  ces 
constructions  occupaient  déjà  un  certain  espace.  Les  coureurs  rangés 
en  avant  sur  une  seule  ligne  devaient  tous  avoir  la  même  distance  à  par¬ 
courir;  aussi  le  but  qu’ils  devaient  atteindre  était-il,  non  pas  l’extrémité 
B  du  Stade,  mais  la  corde  a  b  de  l’arc  formé  par  sa  partie  circulaire, 
la  ccpev^ov/i,  dont  nous  avons  parlé.  Ce  dernier  espace  devait  donc  encore 
être  retranché  de  la  longueur  totale,  et  on  arrivait  ainsi  à  ne  plus  trouver 
qu’un  stade  exact  pour  la  partie  de  l’arène  cpie  les  coureurs  avaient  à 
franchir. 

A  l’est,  et  vers  l’extrémité  de  l’arène,  s’ouvre  sous  les  gradins  une 
sorte  de  tunnel  D  E ,  dont  l’entrée  était  formée  de  constructions  pres¬ 
que  entièrement  écroulées.  Ce  passage,  taillé  à  travers  la  colline  et  faisant 
un  coude,  se  dirigeait  vers  le  sud  et  débouchait  dans  la  campagne^. 
C’était  par  là,  sans  doute,  qu’entraient  dans  l’arène  les  chevaux  et  les 
chars  qui  devaient  figurer  dans  la  procession  des  Panathénées. 


1.  Pausaiiias  mentionne  un  passage  scinblal)lo  qui  existait  au  Stade  d’Olympic. 


PONT  SUR  L’ILISSUS. 


303 


Pont.  Pour  faciliter  la  sortie  de  cette  pompe  et  aussi  pour  otfrir  un 
passage  commode  à  la  foule  des  spectateurs,  en  avant,  du  coté  ouvert  du 
Stade,  on  avait  jeté  sur  l’ilissus,  également  aux  frais  d’Hérode  Atticus, 
un  pont  de  trois  arches,  large,  suivant  Stuart,  de  22  à  23  mètres,  et 
construit  en  blocage  revêtu  de  grosses  pierres  de  taille  de  grand  appa¬ 
reil.  Sur  la  vaste  plate-forme  qu’offrait  le  tablier  du  pont,  des  religieuses 
avaient  élevé  un  couvent  et  une  église  qu’elles  abandonnèrent  lorsque  les 
Turcs  se  furent  rendus  maîtres  d’Athènes  i.  Le  pont  lui-même  fut  détruit 
en  177 A  par  un  gouverneur  turc  qui  employa  les  matériaux  à  diverses 
constructions,  et  aujourd’hui  il  ne  reste  plus  que  quelques  vestiges»  des 
deux  culées.  Le  pont  avec  les  ruines  du  couvent  se  trouve  sur  le  plan  des 
Capucins,  et  il  était  encore  presque  dans  le  même  état  au  temps  de 
Stuart,  qui  en  a  donné  un  dessin  que  nous  reproduisons  à  la  fin  de  ce 
chapitre. 

Sur  la  rive  droite  de  l’ilissus,  de  l’autre  côté  du  pont,  dans  le  quartier 
des  jardins,  -/.viTroi,  s’élevait  le  temple  des  Muses  Ilûsiades,  dont  les  der¬ 
niers  restes  furent  encore  vus  par  Spon  et  Wheler  en  167G. 

Dans  le  même  quartier  se  trouvait  le  temple  de  Vénus  dans  les  jardins, 
qui  renfermait  une  statue  de  la  déesse,  œuvre  très-estimée  d’Alcamène^. 

Sur  le  sommet  des  deux  collines  qui,  à  l’est  et  à  l’ouest,  dominaient  le 
Stade,  s’élevaient  deux  monuments  ;  le  premier  était  un  temple  de  la  For¬ 
tune  dont  il  ne  reste  plus  de  traces  ;  le  second  était  le  tombeau  d’Hérode 
Atticus 

Tombeau  d’Hérode.  On  sait  que  ce  généreux  citoyen  avait  été  enterré 
en  grande  pompe  près  du  Stade  dont  il  avait  doté  Athènes.  Le  sommet  de 
la  colline  où  il  fut  déposé  avait  été  aplani  et  transformé  en  un  terre- 
plein  soutenu  par  une  muraille  dont  on  voit  encore  quelques  restes.  Au 
milieu  s’élevait  le  mausolée  dont  quelques  entailles  dans  le  rocher  indi¬ 
quent  seules  l’emplacement. 

Temple  de  Diane  Agrotera.  Descendant  la  colline  du  côté  oriental, 
on  traverse  un  petit  ruisseau  qui,  lorsque  par  hasard  il  n’est  pas  à  sec, 
va  se  jeter  dans  l’Ilissus;  c’est  l’Éridan,  mentionné  par  Strabon  et  Pau- 

1.  De  Laiîorde.  Athènes  aux  xv%  xvp  et  xvip  siècles.  T.  I,  p.  78. 

2.  Pausamas.  Att.  G.  XIX. 

3.  Plan  du  Stade,  G,  p.  301. 

4.  Ibid.,  11. 


304 


AT  H  fî  NES. 

sanias^;  bientôt,  sur  une  autre  colline  moins  élevée,  à  150  mètres  du 
Stade,  on  trouve  le  site  qu’occupait  un  temple  consacré  à  Diane  Acjrœa- 
ou  Agrotera^.  «  Cet  endroit,  dit  Pausanias,  est,  suivant  la  tradition,  le  pre¬ 
mier  où  Diane  ait  chassé  à  son  arrivée  de  Délos  ;  c’est  pourquoi  sa  statue 
tient  un  arc  »  Le  temple  avait  été  remplacé  à  une  époc|ue  inconnue  par  une 
petite  église  sous  l’invocation  de  saint  Pierre  crucifié,  2Taupou[j.£vo;  nerpo;. 

L’église  est  ruinée  à  son  tour  et  a  perdu  sa  façade  entière;  elle  était 
de  style  ogival  et  à  une  seule  nef;  ses  arcs-doubleaux  reposaient  sur  des 
tronçons  de  colonnes  de  marbre  de  l’Hymette,  provenant  sans  doute  du 
temple.  Sous  les  décombres  qui  remplissent  la  nef,  se  trouvent  aussi 
quelques  restes  d’un  pavé  antique  en  mosaïque.  Chandler  dit  y  avoir 
trouvé  un  chapiteau  ionique,  mais  Stuart  est  plus  croyable  lorsqu’il 
avance  que  ce  chapiteau  est  dorique,  puiscju’il  en  a  donné  le  dessin. 

1.  ((  Les  fleuves  qui  arrosent  l’Attique  sont  ITlissus  et  l’Éridan,  qui  porte  le  même  nom  qu’un 

fleuve  des  Gaules  *  et  se  jette  dans  l’Ilissus.  »  Pausanias.  Ait.  G.  XIX. 

«  Par  exemple,  Callimaque,  dans  son  Recensement  des  fleuves,  traite  de  ridicule  ce  que  dit  un 
poëte,  «  que  les  filles  d’Athènes  puisaient  l’eau  pure  de  l’Éridan,  »  eau  dont  les  bestiaux  mêmes  ne 
boiraient  pas.  »  Strabon.  Géogr.  L.  IX,  c.  1. 

2.  De  ''A'fça.i,  nom  du  quartier. 

3.  ’AypoTspa,  chasseresse. 

i.  AU.  C.  XIX. 

*  Le  Pô,  anciennement  Eridanus,  qui  coule  dans  l’Italie  septentrionale,  autrefois  Gaule  Cisalpine. 


Pont  du  stade  en  1730. 


Tribune  du  Pnyx, 


CHAPITRE  VIII 


COLLINES. 

ARÉOPAGE.  COLLINE  DES  NYMPHES. 

IIAIUÏATIONS  ANTIQUES.  TEMPLE  d’hERCULE  ALEXICACOS.  PNYX. 
COLLINE  DE  MUSÉE.  TOMBEAU  DE  CIMON.  PRISON  UE  SOCRATE 
TOMBEAU  DE  MUSÉE.  MONUMENT  DE  PHILOPAPPUS. 
CONCLUSION. 


Tombeau  do  Musée. 


les  plus  curieuses  traditions  des  t 
glorieuses  institutions  de  l’antiquité 


U  sud-ouest  de  l’Acropole  s’élè¬ 
vent  dans  la  plaine  quelques  col¬ 
lines  dont  plusieurs,  telles  que 
celles  des  Nymphes  et  de  Musée, 
peuvent  prescjue  rivaliser  de  hau¬ 
teur  avec  elle.  A  ces  collines  aussi 
se  rattachent  de  grands  noms,  de 
grands  souvenirs,  et  la  plus  petite 
de  toutes  nous  rappelle  à  la  fois 
ips  héroïques,  et  l’une  des  plus 
recc|ue. 


306 


ATHÈNES. 


Au  pied  et  à  l’ouest  du  rocher  de  Minerve,  se  creuse  une  étroite  vallée 
qui  contenait  un  bois  et  un  temple  consacrés  aux  Euménides  et  aux 
autres  divinités  infernales  ^  Quand  tout  autre  témoignage  nous  manque¬ 
rait,  celui  de  Plutarque  ^  suffirait  seul  pour  assigner  à  ce  bois  et  à  ce 
temple  leur  véritable  situation.  «  Des  sacrilèges,  dit-il,  s’étaient  réfugiés 
dans  le  Parthénon.  L’archonte  Mégaclès  leur  persuada  de  se  soumettre 
au  jugement  de  l’Aréopage  :  ils  y  consentirent  ;  mais  pour  conserver 
P jj^ytolabihté  que  leur  assurait  1  asile,  ils  attacheient  un  fil  a  la  statue 
de  la  déesse,  et  se  mirent  à  descendre  de  l’Acropole,  se  dirigeant  vers 
l’Aréopage.  Ils  étaient  arrivés  près  du  temple  des  Déesses  vénérables 
(l’un  des  noms  euphémiques  des  Furies),  quand  le  fil  se  rompit  de  lui- 
même.  Alors  Mégaclès  et  ses  collègues  se  saisirent  d’eux  sous  prétexte 
que.  la  déesse  leur  refusait  sa  protection,  et  plusieurs  furent  lapidés.  » 
Aréopage.  C’est  en  effet  de  l’autre  côté  de  la  vallée  que  s’élève  en 
pente  douce  une  colline  au  sommet  de  laquelle  se  dresse  brusquement 
le  rocher  de  l’Aréopage^,  ainsi  nomme,  si  Ion  en  croit  Pausanias, 
parce  que  Mars  y  fut  jugé  le  premier^;  mais  nous  verrons  que,  suivant 


1.  «  Près  de  l’Aréopage  est  le  temple  des  déesses  connues  à  Athènes  sous  le  nom  de  Semnœ,  Sepvaî , 

sévères,  et  qu’Hésiode,  dans  sa  théogonie,  appelle  Erinnyes,  ’Epivvüç.  Eschyle  est  le  premier  qui  les 
ait  représentées  avec  des  serpents  enlacés  dans  leurs  cheveux;  mais  leurs  statues,  ainsi  que  celles 
des  autres  divinités  infernales  placées  dans  le  temple,  n’ont  rien  d’effrayant.  Ces  divinités  sont  : 
Pluton,  Mercure  et  la  Terre.  Tous  ceux  qui  ont  été  absous  par  l’Aréopage,  étrangers  ou  citoyens, 
offrent  un  sacrifice  dans  ce  temple.  Le  tombeau  d’OEdipe  est  dans  son  enceinte;  mes  recherches 
m’ont  appris  que  scs  os  avaient  été  apportés  de  Tlièbes.  »  Pausanias.  Att.  C.  XXVIII. 

Dans  les  Euménides  d’Eschyle,  ce  temple  est  promis  aux  Furies  comme  compensation  de  l’absolu¬ 
tion  d’Oreste.  «  Votre  temple,  leur  dit  Minerve,  sera  l’objet  de  la  vénération  des  enfants  d’Érech- 
thée,  et  les  honneurs  dont  vous  combleront  aux  jours  de  fêtes  et  les  hommes  et  les  femmes,  nulle 
part  dans  le  monde  vous  n’en  obtiendrez  de  comparables.  » 

Les  Euménidies,  EOixevtSsia,  ou  fêtes  des  Semnœ,  Sepvwv  Èoprat,  se  célébraient  tous  les  ans.  Les 
Athéniens  n’admettaient  à  ces  cérémonies  que  les  citoyens  les  plus  recommandables  par  leurs  vertus 
et  leur  intégrité ,  et  dix  prêtres  ou  Uçônoioi  offraient  aux  déesses  des  sacrifices  de  brebis  pleines, 
des  libations  de  vin  et  de  miel,  et  des  gâteaux  pétris  par  un  jeune  homme  appartenant  â  l’une  des 
premières  familles  de  la  ville. 

2.  Vie  de  Solon. 

3.  "ApYii;,  Mars;  Tràyo;,  colline  ou  rocher. 

4.  «  L’Aréopage  est  aussi  au-dessous  de  la  citadelle;  on  le  nomme  ainsi  parce  que  Mars  est  le 

premier  qui  y  ait  été  jugé.  »  ^NVIII. 

«  Dans  le  temple  d’Esculape,  Halirrhotius,  fils  de  Neptune,  avait,  dit-on,  fait  violence  à  Alcippe, 
fille  de  Mars,  et  fut  tué  par  ce  dieu,  meurtre  qui  devint  le  sujet  d’un  procès,  le  premier  de  ce  genre. 

Ibid.  C.  XXL 

Le  sophiste  Libanius,  qui  vivait  au  iv”  siècle  de  notre  ère,  avait  écrit  deux  déclamations  sur  le 
jugement  d’Halirrhotius. 


ARÉOPAGE. 


307 


une  autre  tradition,  ce  fut  en  faveur  d’Oreste  que  le  premier  jugement 
fut  rendu  sur  cette  colline  déjà  consacrée  à  Mars  et  à  Minerve 

M.  Pittakis  pense  que  l’Aréopage  dut  faire  partie  de  l’Acropole,  et 
c{ue  leur  séparation  est  le  résultat  de  quelque  tremblement  de  terre  dont 
les  hommes  n’ont  pas  conservé  la  mémoire;  s’il  est  impossible  de  con¬ 
stater  la  vérité  de  cette  conjecture,  il  est  au  moins  certain  que  la  consti¬ 
tution  des  deux  rochers  est  identique,  et  que  tous  deux  sont  formés 
d’un  même  calcaire  blanc  et  rouge  d’une  grande  dureté. 

Le  rocher  de  l’Aréopage  est  peu  élevé;  long  et  étroit,  il  s’étend  de 
r ouest-nord-ouest  à  l’est-sud-est;  escarpé  de  toutes  parts,  il  est  presque 
inaccessible,  et  on  ne  pouvait  y  monter  que  par  des  escaliers  taillés 
dans  sa  masse  même. 


Vue  (le  l’Aréopage, 


Avant  d’en  visiter  le  plateau  qui,  du  reste,  ne  nous  olfrira  guère  que 
des  souvenirs ,  nous  lerons  le  tour  de  sa  base ,  en  commençant  par 
l’extrémité  nord-est  et  en  suivant  le  côté  septentrional. 

Nous  trouvons  d’abord  près  de  deux  gros  blocs  détachés  du  rocher, 
et  au-dessous  d’une  caverne,  la  muraille  méridionale  et  les  restes  de 
l’abside  d’une  église  construite  en  pierres  et  en  briques,  et  placée  autre- 

1.  On  trouve  même  dans  quelques  auteurs  l’indication  de  trois  jugements  qui  auraient  précédé 
celui  d  Oreste;  d  abord,  celui  d  Halirrhotius,  puis  celui  de  Céphale,  accusé  d’avoir  tué  sa  femme 
Procris,  et  enfin  celui  de  Dédale  qui,  jaloux  des  découvertes  de  son  neveu  Talus,  l’avait  précipité  du 
haut  de  l’Acropole. 


308 


ATHÈNES. 


fois  sous  l’invocation  de  saint  Denis  l’Aréopagite  Là  aussi  existait 
l’habitation  de  l’archevêque  d’Athènes.  L’église,  qui  n’était  déjà  qu’un 
monceau  de  ruines  au  temps  de  Spon  et  de  Wheler,  et  l’archevêché 
lui-même,  furent  démolis  par  les  Turcs,  qui  en  employèrent  les  maté¬ 
riaux  à  la  constrùction  de  la  mosquée  voisine  du  portique  d’Adrien. 
Un  puits,  aujourd’hui  comblé,  passait  pour  avoir  donné  asile  à  saint 
Paul  pendant  un  jour.  Du  palais  archiépiscopal  il  ne  reste,  en  avant  de 
l’église  et  sur  le  penchant  de  la  colline ,  que  trois  petits  massifs  de 
construction  en  blocage  et  une  dalle  de  marbre  à  moitié  enterrée  2, 

A  l’extrémité  occidentale  du  mur  de  l’église  et  à  droite  de  l’entrée 
de  la  grotte,  on  voit  une  niche  ruinée  qui  avait  été  creusée  dans  le  roc. 
Un  peu  plus  loin,  vers  le  milieu  du  côté  septentrional  et  de  la  hauteur 
du  rocher,  on  voit  entaillé  un  siège  en  hémicycle  ayant  pu  recevoir  de 
huit  à  dix  personnes^.  En  avant  de  ce  siège,  le  rocher  est  coupé  à  pic, 
un  gros  bloc  qui  formait  esplanade  s’étant  détaché. 

C’est  quelques  pas  plus  loin  que  l’on  retrouve  assez  difficilement  de 
faibles  restes  d’un  escalier  taillé  dans  le  roc,  indiqué  sur  le  plan  de 
Leake.  Le  rocher  à  droite  de  l’escalier  avait  été  coupé  verticalement; 
à  gauche,  il  présente  l’indication  d’un  renfoncement  ayant  dû  contenir 
une  grande  dalle  de  marbre  portant  une  inscription.  C’est  en  haut  de 
cet  escalier  qui  décrivait  une  courbe  serpentine,  et  par  lequel  on  croit 
que  montaient  les  accusés,  que  l’on  pense  reconnaître  l’emplacement  du 
célèbre  tribunal  dans  les  traces  de  plusieurs  salles  entaillées  dans  le  roc. 

Continuant  le  tour  de  la  base  de  l’Aréopage,  on  trouve  à  l’angle  nord- 
ouest  quatre  marches  parfaitement  conservées  qui  terminaient  l’escalier; 
elles  ont  0"’,80  de  long,  0"’,32  de  large  et  de  hauteur.  Partout 

1.  Saint  Denis  l’Aréopagite  était  l’un  des  juges  de  l’Aréopage  lorsque  saint  Paul  y  parut.  Il  se 
convertit,  devint  le  premier  évêque  d’Athènes  et  souffrit  le  martyre  vers  l’an  95. 

«  Paul,  se  tenant  au  milieu  de  l’Aréopage,  dit  :  Je  vous  vois  en  tout  les  plus  superstitieux  des 
hommes. 

«  En  passant,  j’ai  vu  vos  idoles,  et  j’ai  trouvé  aussi  un  autel  sur  lequel  était  écrit;  Au  dieu 
inconnu.  Celui  que  vous  adorez  sans  le  connaître,  c’est  celui  que  je  vous  annonce... 

(  Et  quelques  hommes,  s’attachant  à  lui,  crurent  en  sa  parole,  et,  parmi  eux,  Denis  l’Aréopagite, 
une  femme  nommée  Damaris  et  quelques  autres.  » 

Actes  des  Apôtres.  C.  XVII,  v.  23,  24  et  25. 

2.  Avant  la  guerre  de  l’indépendance,  les  étudiants  d’Athènes  se  réunissaient  dans  ces  ruines 
pour  faire  des  repas;  en  1820,  ils  en  furent  chassés  à  coups  de  pierres  par  les  Turcs;  ils  jurèrent 
de  s’en  venger,  et,  en  1821,  la  révolution  commençait. 

3.  M.  Pittakis  parle  de  Irois  sièges  du  même  genre;  celui-ci  seul  est  reconnaissable. 


ARÉOPAGE. 


309 


le  rocher,  clans  sa  partie  occidentale,  porte  les  traces  du  travail  humain; 
mais  il  serait  bien  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  d’en  comprendre 
la  destination .  De  ce  coté  se  trouve  une  grande  caverne ,  et  à  droite 
de  celle-ci  le  rocher,  taillé  verticalement  sur  une  large  surface ,  semble 
avoir  dû  recevoir  une  décoration  architecturale.  A  côté  est  un  second 
renfoncement  plus  profond  et  moins  large,  dont  la  paroi  présente  les 
trous  de  scellement  des  poutres  qui  y  avaient  été  fixées.  En  avant,  la 
colline  descend  par  un  plan  incliné  vers  la  vallée  qui  la  sépare  du  Pnyx. 

Enfin,  au  sud  de  l’Aréopage,  nous  trouvons  un  escalier  assez  bien 
conservé  ^  ;  il  était  composé  d’une  vingtaine  de  marches  de  2  mètres  de 
longueur  taillées  dans  le  roc,  dont  la  paroi  verticale  s’élève  jusqu’à 
l'",30.  On  croit  que  cet  escalier  est  celui  par  lequel  descendaient  les 
accusés  absous  par  les  aréopagites.  C’est  à  peu  de  distance  cpie  devait 
se  trouver  le  temple  de  Mars,  entre  l’escalier  et  l’Odéon. 

Le  sommet  de  l’Aréopage  présente  une  esplanade  inégale,  où  l’on 
reconnaît  partout  des  espaces  creusés  et  aplanis  c{ue  durent  surmonter 
des  constructions  ,  dont  les  derniers  restes  ont  disparu  depuis  longtemps. 
A  1  extrémité  du  plateau  voisin  de  l’Acropole,  un  rocher  saillant  et 
grossièrement  équarri  porte  les  traces  d’un  autel,  peut-être  celui 
qu  Oieste  éleva  à  Minervè  Areia ,  AO'/fva  Apsià,  après  son  absolution. 

L  esplanade  est  de  peu  d’étendue ,  et  on  a  peine  à  comprendre  que 
les  Amazones  aient  pu  y  asseoir  leur  camp  lorsqu’elles  envahirent  l’At- 
tique  au  temps  de  Thésée  2.  Ce  fut  de  ce  sommet,  le  plus  rapproché  de 
1  Acropole,  que  les  soldats  de  Xerxès  commencèrent  l’attaque  de  la 
citadelle 

Le  tribunal  de  l’Aréopage  était  le  plus  ancien  et  le  plus  célèbre  des 
tribunaux  d’Athènes.  La  date  de  son  établissement  est  incertaine  ;  quel¬ 
ques  auteurs  en  font  honneur  à  Cécrops  ;  d’autres  ne  se  reportent  qu’aux 
temps  cpii  ont  suivi  la  guerre  de  Troie;  d’autres  enfin,  tels  que  Cicéron^, 

\.  Voy.  la  vignette,  p.  307. 

2.  «  C  est  sur  cette  colline  que  les  Amazones,  jadis,  fixèrent  leur  séjour  et  leurs  tentes,  lorsque, 

pleines  de  courroux  contre  Thésée,  elles  attaquèrent  la  ville,  nouvelle  encore,  et  à  ses  hautes  tours 
opposèrent  des  tours  ennemies.  »  Eschyle.  Les  Euménides. 

3.  «  Les  Perses  assirent  leur  camp  sur  la  colline  qui  est  vis-à-vis  de  la  citadelle  et  que  les  Athé¬ 

niens  appellent  Aréopage,  et  en  firent  le  siège  de  cette  manière.  Ils  tirèrent  contre  les  barricades 
des  flèches  garnies  d’étoupes  auxquelles  ils  avaient  mis  le  feu.  »  Héeodote.  L.  VUI,  c.  52. 

4.  «  La  gloire  de  Thémistocle  est  certes  très-légitime  ;  le  nom  de  ce  grand  capitaine  est  môme 
plus  illustre  que  celui  de  Solon.  On  cite  avec  éclat  la  victoire  de  Salamine,  on  la  met  au-dessus  de 


310  ATHÈNES. 

rattribiient  à  Solon.  Ces  derniers  sont  évidemment  dans  l’erreur,  et  il 
est  hors  de  doute  que  cette  institution  est  bien  antérieure  à  la  législation 
de  Solon,  qui  ne  fit  qu’augmenter  son  importance  en  attribuant  à  l’Aréo¬ 
page  certains  pouvoirs  judiciaires  et  politiques  qu’il  n’avait  jamais  pos¬ 
sédés  jusque-là^. 

L’assertion  la  plus  généralement  admise  est  que  l’Aréopage  fut  établi 
pour  juger  Oreste,  qui,  non  content  d’avoir  été  purifié  selon  les  rites 
religieux  après  le  meurtre  de  sa  mère,  dut  encore,  par  ordre  d’Apollon, 
se  soumettre  à  un  jugement  2. 

C’est  ce  jugement  qui  a  fourni  à  Eschyle  le  sujet  des  Euménides , 
troisième  partie  de  sa  grande  trilogie,  intitulée  VOrestie.  Poursuivi  par 
les  Furies,  malgré  ses  expiations,  Oreste  s’est  réfugié  sur  l’Aréopage, 
et,  embrassant  la  statue  de  Minerve,  demande  à  être  jugé"^.  La  déesse 


l’établissement  de  l’Aréopage,  création  du  sage  législateur  ;  et  cependant  l’œuvre  de  Solon  n’est  pas 
moins  admirable  que  l’exploit  de  Thémistocle.  »  De  Officiis.  L.  I ,  §  22. 

1.  «  Si  voulut  Solon  que  la  cour  souueraine  de  l’Aréopage  eust  l’auctorité  et  la  charge  d’enquérir 

de  quoi  vn  chacun  des  habitants  viuoit,  et  de  chastier  ceux  qu’elle  trouueroit  oisifs  et  ne  rien  fai¬ 
sans.  »  Plutarque.  Vie  de  Solon. 

Périclès,  au  contraire,  s’efforça  d’affaiblir  l’autorité  de  ce  tribunal  dont  il  n’était  pas  membre, 
(;  pour  ce  qu’il  ne  lui  estoit  onc  escheu  par  le  sort  d’être  ni  préuot  annuel  {archonte).,  ni  conserva¬ 
teur  des  loix  (  thesmothète) ,  ni  roi  des  sacrifices  {archonte-roi),’ ni  maistre  des  guerres  {polémarque), 
qui  estoyent  offices  lesquels  de  toute  ancienneté  se  créoyent  par  le  sort;  et  ceux  à  qui  le  sort  tou- 
choit,  s’ils  s’estoyent  bien  portés  en  l’administration  de  leurs  magistrats,  montoyent  et  venoyent  à 
estre  du  corps  de  la  cour  d’Aréopage.  Périclès  donc,  ayant  acquis  grand  crédit  et  grande  auctorité  entre 
le  menu  peuple,  embrouilla  tellement  ce  sénat  d’Aréopage  qu’il  lui  fist  ester  la  conoissance  de  plu¬ 
sieurs  matières.  »  Plutarque.  Vie  de  Périclès. 

«  Éphialte  et  Périclès  abaissèrent  la  puissance  de  l’Aréopage.  » 

Aristote.  Polit.  L.  II. 

A  partir  de  ce  moment  (149  ans  après  Solon),  l’Aréopage  ne  fut  plus  qu’un  tribunal  chargé  exclu¬ 
sivement  de  prononcer  sur  les  crimes  entraînant  la  peine  de  mort. 

2.  «  Apollon  :  Tu  iras  dans  la  ville  d’Athènes,  ofi  tu  auras  à  rendre  compte  de  ton  parricide  aux 

trois  Euménides.  Les  dieux  seront  juges  du  procès  et  rendront  leur  sentence  dans  l’Aréopage  où  tu 
dois  triompher.  »  Euripide.  Oreste. 

3.  «  Puissante  Minerve!  c’est  l’ordre  d’Apollon  qui  m’amène.  Reçois  avec  bienveillance  un  mal¬ 
heureux  persécuté  qui  n’est  plus  impur,  dont  les  mains  ne  sont  plus  souillées.  Le  meurtre  est 
expié;  bien  des  temples  m’ont  déjà  reçu;  bien  des  mortels  m’ont  salué  au  passage.  J’ai  traversé  et  la 
terre  et  les  mers,  fidèle  aux  ordres  fatidiques  de  Loxias*,  et  je  viens,  ô  déesse!  vers  ton  temple;  j’y 
reste,  j’y  attends  ma  sentence.  » 

*  Loxias,  qui  rend  des  oracles  obscurs,  surnom  d’Apollon. 

Macrobe  {Saturn.  L.  V,  c.  23)  cite  deux  passages  d’une  autre  tragédie  d’Eschyle,  aujourd’hui  perdue,  les 
Prêtres,  où  se  retrouve  ce  même  surnom  d’Apollon. 

Il  II  faut  partir  le  plus  tôt  possible,  car  voici  les  oracles  que  Jupiter  dicte  à  Loxias...  n 

. TaOxa 

Ziùç  AoÇla  OjantaixaTa. 

«  Jupiter  est  le  père  prophétique  de  Loxias.  » 

riaTpôç  itçoçTfj'CT);  i-îTi  Ao;iaç  A-.o;. 


ARÉOPAGE. 


311 


apparaît;  Oreste  expose  sa  défense,  les  Furies  l’accusent  et  refusent  de 
lâcher  leur  proie.  C’est  alors  que  Minerve,  ne  voulant  point  prononcer 
elle-même,  dit  :  «  Je  vais  prendre  des  juges  du  meurtre,  les  lier  par  le 
serment,  fonder  un  tribunal  qui  dure  à  jamais.  »  Ce  tribunal,  c’est  celui 
de  l’Aréopage  qui  «  doit  être  à  jamais  l’arbitre  d’Athènes...  Ce  tribunal 
imprimera  toujours  aux  citoyens  le  respect  et  la  crainte  L’homme 
n’osera  plus  commettre  l’injustice,  le  jour  ni  la  nuit...  Ayez  donc,  ajoute 
Minerve,  pour  ce  tribunal  une  crainte  respectueuse.  Ce  sera  le  rempart 
de  votre  pays,  le  salut  d’Athènes,  une  magistrature  comme  n’en  possède 
aucun  peuple  au  monde,  ni  les  Scythes  ni  les  habitants  de  la  terre  de 
Pélops.  Incorruptible,  vénérable,  sévère,  sentinelle  éveillée  même  quand 
la  cité  dort  :  tel  sera  ce  nouveau  tribunal.  Ce  cjue  je  viens  de  dire  à 
mon  peuple,  c’est  ce  qui  doit  être  dans  l’avenir  2.  » 

L’absolution  d’ Oreste  est  prononcée,  les  voix  des  juges  s’étant  égale¬ 
ment  partagées^. 

«  La  fin  de  cette  cour  de  justice ,  dit  Chandler  n’est  pas  moins 
obscure  que  son  origine  cfui  néanmoins  remonte  bien  certainement  à 
l’antiquité  la  plus  reculée.  Ce  qu’il  y  a  de  sûr  à  cet  égard,  c’est  que  du 
temps  de  Pausanias  elle  existait  encore ,  ainsi  que  les  autres  magistra¬ 
tures  ;  mais  rieb  n’est  moins  constaté  que  le  terme  de  sa  durée  après  cette 

1.  ((  Pisistratus  garda  lui-même  inuiolablement  et  fist  garder  à  ses  amis  les  loix  de  Solon;  telle¬ 

ment  qu’estant  appellé  en  iustice  deuant  la  cour  d’Aréopage  pour  un  meurtre,  lorsqu’il  estoit  ia 
tyran,  il  se  présenta  fort  modestement  pour  respondre  aux  charges  qu’on  lui  mettoit  sus  et  s’en 
iustifier;  mais  l’accusateur  ne  poursuiuit  pas.  »  Plutarque.  Vie  de  Solon. 

2.  Eschyle.  Euménides,  passim. 

3.  «  Apollon  m’envoya  à  Athènes  pour  suhir  le  jugement  des  déesses  que  l’on  craint  de  nommer. 
Là,  en  effet,  se  tient  ce  tribunal  révéré  auquel  Jupiter  soumit  jadis  le  dieu  Mars  pour  avoir  souillé 
ses  mains  dans  le  sang...  Quand  je  fus  arrivé  sur  la  colline  de  Mars,  je  me  plaçai  sur  un  des  sièges, 
et  la  plus  vieille  des  Furies  prit  l’autre.  Apollon,  écoutant  et  répondant  à  l’accusation  de  parricide, 
me  sauva  par  son  témoignage;  Pallas  compta  les  suffrages  recueillis  de  ses  propres  mains;  ils  se 
trouvèrent  égaux  des  deux  côtés,  et  je  sortis  absous  de  cette  accusation  capitale.  » 

Euripide.  Iphigénie  en  Tauride. 

(V  II  est  à  Athènes  une  colline  qui  porte  le  nom  d’Arès,  où  une  première  fois  les  dieux  ont  pris 
place  pour  donner  leur  suffrage  sur  le  sang  du  meurtre,  alors  que  le  cruel  Arès,  irrité  de  la  violence 
impie  faite  à  sa  fille,  tua  Halirrhotius,  fils  du  roi  de  la  mer.  Depuis  ce  temps,  le  jugement  de  ce 
tribunal  institué  par  les  dieux  est  saint  et  infaillible.  C’est  là,  ô  Oreste!  que  tu  dois  subir  le  juge¬ 
ment  du  meurtre  que  tu  as  commis;  mais  des  suffrages  égaux  de  part  et  d’autre  te  sauveront  et  te 
déroberont  à  l’arrêt  de  mort;  car  Apollon,  dont  l’oracle  t’a  commandé  le  meurtre  de  ta  mère,  se 
chargera  lui-même  de  ton  crime,  et  ce  sera  dans  l’avenir  une  loi  reconnue  que  l’égalité  des  suffrages 
doit  toujours  absoudre  l’accusé.  »  léuRiPiDK.  Electre. 

l.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  433. 


312 


ATHÈNES. 


dernière  époque.  Cependant,  un  auteur  qui  vivait  sous  les  empereurs 
Théodose  le  Grand  et  son  petit-fils  (Théodose  II)  parle  de  ce  tribunal 
qui  ne  subsistait  plus  alors.  » 

Ajoutons  cju’il  fallait  que  dans  la  seconde  moitié  du  iii"  siècle  l’Aréo¬ 
page  eût  conservé,  au  moins  en  partie,  son  éclat  et  sa  renommée,  pour 
que  l’empereur  Gallien,  qui  déjà  s’était  fait  recevoir  citoyen  d’Athènes, 
ait  tenu  à  honneur  d’obtenir  les  titres  d  archonte  et  d’aréopagite 

Le  nombre  des  membres  qui  composaient  l’Aréopage  est  fort  incer¬ 
tain;  si  les  renseignements  que  nous  fournissent  sur  ce  point  les  auteurs 
anciens  sont  contradictoires,  on  doit  en  conclure  seulement  que  ce  nombre 
varia  et  ne  fut  pas  le  même  à  toutes  les  époques.  Nous  trouvons  en  effet 
indiqués  les  nombres  de  9,  de  31  et  même  de  51,  sans  compter  les 
neuf  archontes  qui  chaque  année  étaient  ajoutés  aux  aréopagites 
Enfin,  quelques  historiens  prétendent  même  que  le  nombre  des  juges 
était  indéterminé . 

On  n’appelait  à  l’honneur  de  siéger  à  l’Aréopage  que  les  hommes  les 
plus  recommandables  par  leurs  mœurs  et  leur  intégrité'^;  un  simple  soup- 


1.  Trebellius  Poli.ion.  Les  Deux  GalUens.  C.  II. 

2.  Les  archontes,  àpj^ovxsi;,  étaient  les  principaux  magistrats  d’Athènes;  ils  entraient  en  fonction 

au  mois  A'hécatombéon  (juillet).  Cette  dignité  fut  d’ahord  perpétuelle  et  concentrée  dans  la  famille 
de  Godrus,  après  la  mort  duquel  elle  avait  été  instituée;  en  754  avant  J.-C.,  sa  durée  fut  restreinte 
à  dix  années  (  Veeleius  Paterculus.  Hist.  rom.  L.  I,  c.  8),  et  enfin,  en  684,  elle  devint  annuelle  et 
fut  partagée  entre  neuf  Athéniens  choisis,  par  l’assemblée  du  peuple  et  le  conseil  des  cinq  cents, 
parmi  la  noblesse,  les  Eupatrides,  puis,  après  Solon,  parmi  les  plus  riches  Athéniens;  enfin,  une 
loi  portée  par  Aristide  (Thucydide.  L.  II,  c.  37)  permit  de  les  prendre  indifféremment  dans  toutes 
les  classes  de  citoyens.  Plutarque  [Vie  d'Aristide  C.  XXII)  nous  a  conservé  le  texte  même  de  cette 
loi:  «  Kotvrjv  elvftt  tyiv  TToXiTstav,  xal  toùç  âpj^ovxai;  ’AOïjvaiwv  Ttàvvwv  alpeïaôat.  Le  gouvernement  est 
commun  et  les  archontes  sont  choisis  parmi  tous  les  citoyens  d’Athènes.  »  On  vit  même,  à  l’époque 
de  la  décadence  de  la  puissance  athénienne,  des  étrangers  admis  à  siéger  parmi  les  archontes.  Le 
premier  archonte  était  nommé  éponyme,  £ua)vup.o;,  parce  qu’il  donnait  son  nom  à  l’année.  «  Cette 
dignité,  dit  Plutarque  [Vie  d’Aristide),  était  réservée  aux  familles  les  plus  opulentes  et  qui  compo¬ 
saient  la  classe  des  citojfens  appelés  pentacosiomedimnes  (7t£VTa'/co(nop,£5tp.voi,  qui  ont  un  revenu  de 
500  medimnes).  »  Le  second  était  V archonte-roi,  chargé  du  soin  des  sacrifices  confiés  Jadis 

aux  rois.  Le  troisième  était  le  polémarque,  nolépaç-ioz,  qui  avait  l’administration  militaire;  enfin  les 
six  autres  portaient  le  titre  de  thesmothètes ,  6£(Tp.o6£Tai,  ou  législateurs,  parce  qu’ils  étaient  chargés 
de  la  promulgation  et  de  l’exécution  des  lois  (Pouuux.  Onomast.  L.  VIII,  c.  8).  A  l'expiration  de  leur 
charge,  les  archontes,  à  moins  d’avoir  démérité,  étaient  de.droit  membres  de  l’Aréopage.  Leur  conduite 
ne  devait  pas  être  moins  irréprochable  que  celle  des  aréopagites;  il  y  avait  peine  de  mort  contre 
celui  qui  était  surpris  en  état  d’ivresse.  (Diog.  Lvert.  In  Sal.) 

3.  PoLi.ux.  Onomast.  L.  VIII,  c.  10. 

4.  «  Mais,  Périclès,  dit  Socrate,  l’Aréopage  ne  se  compose-t-il  pas  d’hommes  choisis  et  éprouvés? 
—  C’est  vrai.  —  Eh  bien!  connais-tu  un  tribunal  qui  soit  plus  digne,  plus  honorable,  plus  équitable 
dans  ses  jugements,  plus  estimable  pour  tout  le  reste?  » 

XÉNOPHON.  Mém.  sur  Socrate.  L.  111,  c.  5. 


ARÉOPAGE. 


.SI  3 


çon  d’intempérance  suffisait  pour  empêcher  l’admission  d’un  citoyen^, 
de  même  c|ue  la  moindre  tache  pouvait  motiver  son  exclusion  2.  La  tenue 
des  aréopagites  devait  toujours  être  décente  et  grave  ;  le  rire  leur  était 
interdit  comme  une  marciue  de  légèreté  de  caractère^,  et  la  plus  grande 
discrétion  leur  était  ordonnée  ;  enfin  Plutarque  ^  nous  apprend  qu’il  ne 
leur  était  pas  même  permis  de  composer  des  comédies.  Il  n’était  pas 
jusciu’à  leur  cœur  qui  ne  fût  soumis  à  un  sévère  contrôle,  et  l’un  d’eux 
fut  exclu  pour  avoir  étouffé  un  oiseau  qui  s’était  réfugié  dans  son  sein®. 
On  pensa  qu’un  homme  inaccessible  à  la  pitié  ne  pouvait  sans  danger 
être  appelé  à  prononcer  sur  la  vie  de  ses  semblables. 

C’étaient  en  effet  les  accusations  capitales  qui  surtout  étaient  portées 
devant  l’Aréopage,  et  ce  tribunal  fut  le  premier  à  Athènes  qui  eut  le 
droit  d’appliquer  la  peine  de  mort  7.  Devant  lui  comparaissaient  les 
meurtriers ,  les  empoisonneurs ,  les  incendiaires ,  les  sacrilèges ,  les 
traîtres,  les  transfuges. 

Plus  tard,  ainsi  que  nous  l’avons  dit,  Solon  étendit  les  attributions 
de  l’Aréopage;  il  fut  même,  dans  certains  cas,  investi  du  pouv’oir  d’annu¬ 
ler  le  jugement  rendu  par  les  assemblées  du  peuple,  lorsqu’il  lui  semblait 
qu’un  coupable  avait  été  acquitté;  il  devint  de  droit  le  tuteur  des  orphe¬ 
lins  auxquels  il  faisait  donner  une  éducation  conforme  au  rang  qu’ils 
étaient  appelés  à  occuper  dans  la  république  ^  ;  il  fut  chargé  de  punir 
l’ivresse^;  il  exerça  une  surveillance  sur  les  mœurs  du  peuple  et  sur¬ 
tout  de  la  jeunesse,  chacun  de  ses  membres  ayant  droit  d’entrée  et  de 
contrôle  dans  toute  réunion  publique  et  même  privée^®.  L’Aréopage  pro¬ 
nonçait  sur  toute  contestation  religieuse,  punissait  le  blasphème  et  l’irré- 

1.  «  Les  membres  de  l’Aréopage  refusaient  d’admettre  parmi  eux  un  homme  qui  avait  dîné  dans 

un  cabaret.  »  Hypéride.  C.  Patfocle,  ap.  Athén.  Deipnos.  L.  XIII. 

2.  Il  paraît  que,  dans  les  derniers  temps  de  la  prospérité  d’Athènes,  on  ne  s’était  que  trop  relâché 

de  cette  rigidité,  car,  dès  la  fin  du  iv"  avant  J.-G.,  un  sénateur  de  l’Aréopage,  nommé  Gyllion,  ne 
rougissait  pas  d’être  le  parasite  de  Phryné.  (Voy.  Athénée.  Deipnos.  L.  XIII.) 

3.  Escihne.  C.  Timarque. 

4.  Ergo  occulta  teges,  ut  curia  Martis  Athenis.  Jiivénai,.  Sat.  IX. 

«  Sois  donc  aussi  discret  que  l’Aréopage  à  Athènes.  » 

5.  De  Gloria  Atheniensium. 

6.  Heli.adius.  Chrestomathie,  dans  Photiüs. 

7.  Hezychiüs.  Lexicon,  verb.  "Apsio;  Ttàyo;. 

8.  IsocRATE.  Aréop.  ^ 

9.  Athénée.  Deipn.  L.  IV,  c.  19. 

10.  iD.  Ibid.  L.  VI. 


314 


ATHÈNES. 


vérence  envers  les  dieux  ;  rarement  il  intervenait  dans  les  affaires  publi¬ 
ques  ;  cependant  il  fut  parfois  appelé  à  donner  son  avis  dans  des 
circonstances  difficiles'^. 

Dans  le  principe,  l’Aréopage,  se  réunissait  seulement  les  27",  28"  et 
29"  jours  du  mois,  mais  lorsque  plus  tard  le  nombre  des  causes  qui 
lui  étaient  déférées  l’exigea ,  les  juges  siégèrent  tous  les  jours.  Les 
séances  se  tenaient  en  plein  air  2,  afin  qu’un  même  toit  ne  couvrît  pas 
l’accusateur  et  l’accusé.  «  Les  deux  pierres  brutes'^  sur  lesquelles,  dit 
Pausanias,  se  tiennent  l’accusateur  et  l’accusé,  sont  nommées  l’une  la 
pierre  de  l’insulte,  q  t-Àç  liopswç,  l’autre  la  pierre  de  l’impudence, 
ô  liGo?  T’flç  àvat^eiaç^.  » 

((  Lorsque  le  tribunal,  dit  Lucien^,  vient  s’asseoir  sur  la  colline  pour 
prononcer  sur  un  meurtre,  sur  des  blessures  faites  avec  préméditation, 
ou  un  incendie,  la  parole  est  accordée  à  chacune  des  deux  parties  qui 
comparaissent.  Le  demandeur  et  le  défendeur  parlent  chacun  à  leur 
tour,  soit  par  eux-mêmes,  soit  par  ministère  d’avocats  qui  prennent  la 
parole  à  leHr  place.  Tant  que  les  orateurs  se  renferment  dans  la  cause, 
le  conseil  les  écoute  avec  patience  et  tranquillité,  mais  s’ils  veulent  faire 
précéder  leurs  discours  d’un  exorde  afin  de  se  concilier  la  bienveillance 
des  juges ,  s’ils  cherchent  à  exciter  la  pitié  ou  l’indignation  par  des 
moyens  étrangers  à  l’affaire,  par  quelqu’une  de  ces  machines  oratoires 
que  nous  voyons  employer  pour  séduire  les  magistrats,  un  héraut  s’avance 
aussitôt,  leur  impose  silence  et  ne  les  laisse  pas  divaguer,  ni  recouvrir 
l’affaire  d’une  couche  de  mots.  Il  faut  que  l’Aréopage  voie  les  faits 
dans  toute  leur  nudité®.  » 

C’était  l’archonte- roi  qui  portait  devant  l’Aréopage  les  accusations 
capitales  ;  avant  de  remplir  ces  fonctions  redoutables,  il  déposait  la  cou¬ 
ronne  de  myrte,  insigne  de  sa  dignité^. 

1.  Libamus.  Argum.  in  Demosth. 

2.  'TTtaiÔpiot  êSixàîJovTo.  Pollux.  Onom.  L.  VIII,  c.  10. 

3.  Quelques  textes  portent  àpyupoüç  XiOouç,  pierres  d’argent,  quen  traduit  alors  par  sièges  d'ar¬ 
gent,  comme  si  le  mot  >,t9oç  avait  jamais  signifié  s/épe,'  nous  avons  préféré  la  leçon  àpyoùç  Xi6ouç, 
pierres  brutes,  qui  présente  un  sens  plus  raisonnable,  et  qui  d’ailleurs  est  celle  adoptée  par  Clavier 
dans  son  excellente  traduction  de  Pausanias. 

4.  Pausanias.  Att.  C.  XXVIII. 

5.  Anacharsis  ou  les  Gymnases. 

G.  Si  pareil  usage  pouvait  être  renouvelé  des  Grecs  ! 

7.  Poi.u  x.  Onom.  L.  VIIl.  r.  0. 


COLLINE  DES  NYMPHES.  HABITATIONS.  315 

Les  juges  siégeaient  de  nuit  pour  ne  pas  se  laisser  influencer  par  la 
vue  du  coupable,  et  aussi  pour  que  celui-ci  ne  pût  juger  sur  leurs  visages 
de  leurs  impressions ,  et  ils  se  servaient  pour  voter  de  cailloux ,  pleins 
pour  l’acquittement,  percés  pour  la  condamnation,  afin  de  les  recon¬ 
naître  au  toucher  Ils  votaient  en  silence  ;  de  là  le  proverbe  :  plus 
'silencieux  quun  aréopagite,  ÀpsoTcayiTou  GiwTrvi'XoTepo;  2.  Lorsque  les  voix 
étaient  également  partagées,  un  magistrat  inférieur  était  appelé  à  déposer 
dans  l’urne  de  l’absolution  un  vote  qui  se  nommait  le  suffrage  de  Minerve, 
parce  que  ce  fut,  dit  la  tradition,  le  vote  de  la  déesse  dans  l’assemblée 
des  dieux  qui  sauva  Mars  accusé  du  meurtre  d’Halirrhotius ou  celui 
qu’elle  ajouta  après  coup  qui  décida  de  l’acquittement  d’Oreste. 

Colline  des  Nymphes.  A  l’ouest,  l’Aréopage  est  dominé  par  la  colline 
des  Nymphes  que  Leake  prend  à  tort  pour  le  Lycabette,  qui  s’élève  au 
contraire  au  nord-est  d’Athènes.  Cette  colline  est  surmontée  d’un  obser¬ 
vatoire  de  construction  moderne,  dû  à  la  générosité  du  baron  Sina, 
riche  banquier  grec  de  Vienne.  Tout  son  flanc  méridional  est  excavé; 
la  plus  vaste  grotte  est  celle  des  Nymphes,  qui  a  donné  son  nom  à  la 
colline,  et  en  avant  de  laquelle  se  font  les  exécutions  capitales,  assez 
fréquentes  à  Athènes;  elle  sert  d’abri  aux  troupeaux  pendant  la  chaleur 
du  jour.  Au  côté  occidental  de  la  colline  est  une  autre  grotte  taillée 
régulièrement  et  de  forme  rectangulaire,  avec  un  toit  en  forme  de  voûte. 
Peut-être  celle-ci  a-t-elle  été  creusée  pour  servir  de  tombeau. 

Habitations.  Entre  la  colline  des  Nymphes  et  l’extrémité  occidentale 
de  l’Aréopage,  s’étend  un  rocher  en  pente  douce  entièrement  couvert 
d’entailles  faites  par  la  main  des  hommes  et  indicjuant  l’emplacement 
d’habitations  antiques,  entassées  les  unes  sur  les  autres,  et  dont  il  serait 
bien  difficile  de  débrouiller  le  chaos.  Cette  entreprise  a  cependant  été 
tentée,  non  sans  quelque  succès,  par  M.  Émile  Burnouf,  ancien  membre 


1 .  «  Notre  juge  de  tout  à  l’heure  n’a  pas  encore  été  de  l’avis  des  autres  ;  il  a  probablement  l’habi¬ 
tude,  dans  toutes  les  affaires,  de  déposer  un  caillou  percé,  d 

Lucien.  La  Double  accusation. 

2.  Démosthène.  C.  Aristog. 

3.  «  Varron  refuse  d’ajouter  foi  aux  fables  qui  sont  au  désavantage  des  dieux,  de  peur  d’avoir 
quelque  sentiment  indigne  de  leur  majesté.  C’est  pour  cela  qu’il  ne  veut  pas  que  l’Aréopage,  où 
l’apôtre  saint  Paul  disputa  avec  les  Athéniens,  ait  été  ainsi  nommé  de  ce  que  Mars,  que  les  Grecs 
appellent  Arès,  étant  accusé  d’homicide  devant  douze  dieux  qui  le  jugèrent  en  ce  lieu,  fut  renvoyé 
absous,  ayant  eu  six  voix  pour  lui,  et  le  partage,  parmi  eux,  étant  toujours  favorable  à  l’accusé.  » 

Saint  Aijc.ustin.  Cité  de  Dieu.  L.  XVTII,  c.  70. 


316 


ATHÈNES. 


de  l’École  de  France  à  Athènes  On  ne  voit  partout  qu’enceintes  apla¬ 
nies  de  diverses  dimensions;  une  seule,  d’une  assez  grande  étendue,  a 
pu  porter  un  édifice  de  quelque  importance  ;  la  plupart  n’indiquent  que 
des  chambres  plus  petites  encore  que  celles  de  Pompéi  2.  Quelques 
pièces  entaillées  plus  profondément  dans  le  roc  conservent  leurs  parois 
naturelles  sur  une  hauteur  de  plus  d’un  mètre.  Partout  on  trouve  des 
citernes,  des  restes  d’escaliers,  et,  dans  les  endroits  qui  semblent  le 
moins  praticables  aux  chars ,  des  rues  étroites  avec  leurs  profondes 
ornières.  Triste  désillusion  pour  qui  chercherait  ici  les  traces  de  cette 
ville  qu  Homère  appelait  cupu^yuiav  Àô-.^'vviv  Athènes  aux  larges  rues^. 

Temple  d  Hercule  Alexicacos.  Au  milieu  de  ces  substructions  s’élève, 
au-dessus  du  sol,  une  espèce  de  tour  percée  de  fenêtres  vitrées;  elle 
éclaire  1  église  Sainte-Marine,  creusée  dans  le  sein  même  du  rocher,  et 
dans  laquelle  on  entre  par  un  bâtiment  situé  au  nord,  sur  le  penchant  de 
la  colline.  Cette  église  a  succédé  à  un  petit  temple  dédié  à  Hercule  tuté- 


1.  «  M.  Émile  Burnouf,  dont  le  nom  nous  est  sacré,  a  envoyé  à.  l’Académie  un  plan  d’Athènes 
dressé  avec  infiniment  de  soin,  sur  une  échelle  plus  considéi-able  qu’aucun  autre,  et  où  il  a  relevé, 
d’après  des  recherches  faites  par  lui  en  1849,  toutes  les  ruines  que  renferme  la  partie  de  la  ville 
située  à  l’occident  de  l’Acropole,  sur  les  collines  ou  entre  elles,  et  dans  laquelle  se  développait  le 
faubouig  compiis  entre  les  longs  murs.  Il  y  marque  la  trace  d’environ  huit  cents  maisons,  de  plu¬ 
sieurs  rues,  de  cinquante-huit  citernes,  de  cent  onze  tombeaux  et  de  beaucoup  d’antiquités  de  diverses 
natures.  Une  notice  explicative  très-bien  faite  accompagne  le  plan,  et  elle  est  elle-même  accompa¬ 
gnée  de  dessins  exécutés  avec  une  rare  habileté.  » 

M.  Güigniaut.  Rapport  fait  à  l’Académie  des  Inscriptions,  /e  12  novembre  1852.  Archives  des 
Missions  scientifiques,  IIP  vol. 

2.  A  cet  aspect,  on  n’est  plus  étonné  de  lire  dans  Xénophon  {Économiq.)  que  le  prix  d’une  maison 
ordinaire  était  de  500  drachmes  (450  francs). 

"IxîTU  S’iç  MapaOûva  xal  EÙfjKYUiav  ’a6'^'v()v 
Aûv£  Tîuxivov 

«  Minerve  traverse  les  plaines  de  Marathon,  la  ville  aux  larges  rues  des  Athéniens,  et  elle  se  rend  dans  la 
superbe  demeure  d’Érechthée.  »  Odyssée.  L.  VU ,  v.  80. 

4.  «  Il  serait  difficile  de  trouver  un  seul  exemple  de  l’existence  d’un  édifice  appartenant  à  un 
particulier  qui  se  distinguât  des  autres  par  sa  construction  architectonique,  tandis  que  les  exemples 
du  contraire  abondent.  Athènes  ne  fut  point  une  belle  ville  comme  le  sont  quelques-unes  de  nos 
capitales,  qui  renferment  des  rues  entières  de  palais.  On  pouvait  être  à  Athènes  sans  se  douter  qu’on 
se  trouvait  dans  la  ville  qui  possédait  les  plus  grands  chefs-d’œuvre  d’architecture...  » 

Heeren.  De  la  Politique  et  du  Commerce  des  peuples  de  l’antiquité.  T.  VIL 

«  Si  vous  visitez,  dit  Démosthène,  la  maison  de  Thémistocle,  de  Miltiade  ou  de  quelque  grand 
personnage,  vous  n’y  trouverez  rien  qui  la  distingue  des  demeures  anciennes.  Mais,  au  lieu  d’habi¬ 
tations  somptueuses,  ces  hommes  illustres  nous  ont  laissé  des  édifices  magnifiques,  des  monuments 
tellement  imposants,  que  personne  depuis  eux  n’a  pu  le^  surpasser.  Je  parle  des  vestibules,  des 
ai  senaux,  des  portiques,  du  Pirée  et  des  constructions  qui  font  d’Athènes  la  merveille  de  la  Grèce.  » 


ÏEMPLK  D’HERCULE  ALEXIGACOS.  PNYX. 


317 


laire,  qui  éloigne  les  maux.  A  Sainte-Marine  s’est  conservée 

jusqu’aujourd’hui  une  pratique  déjà  en  usage  chez  les  anciens  Athé¬ 
niens;  les  parents  apportent  à  cette  église  leurs  enfants  malades;  après 
la  messe,  on  retire  leurs  vêtements  qui  sont  jetés  à  la  porte  et  on  leur  en 
donne  de  nouveaux.  Souvent  le  sol,  tout  autour  de  l’église,  est  semé  de 
ces  innombrables  lambeaux. 

Au  sud,  vers  l’extrémité  orientale  de  la  colline,  au  pied  d’un  escalier 
antique,  et  non  loin  d’un  autre  escalier  encore  mieux  conservé,  est  un 
rocher  incliné,  haut  de  2  à  3  mètres,  témoin  d’une  autre  superstition 
des  modernes  Athéniens.  Sur  ce  rocher  poli  par  le  frottement,-  et  que  l’on 
nomme  la  pierre  glissante,  les  femmes  athéniennes  qui  veulent  devenir 
fécondes  se  laissent  glisser  accroupies. 

Pnyx.  Les  Athéniens  donnaient  le  nom  de  Pnyx^  à  la  place  où  se 
tenaient  les  assemblées  du  peuple^,  et,  par  suite,  à  la  colline  même  sur 
le  flanc  de  laquelle  cette  place  avait  été  ménagée  en  regard  de  l’Acropole. 

Les  assemblées  régulières  -/.upiai  é'/cx.V/iaiai  avaient  lieu  quatre  fois 
par  prytanie  les  il®,  20%  30®  et  33“  jours  de  leur  durée;  celles  qu’on 
réunissait  d’autres  jours  pour  alfaires  urgentes  se  nommaient 
convoquées . 

1.  Varro.  De  ling.  lat.  L.  VII, 

Ce  surnom  était  aussi  donné  à  Apollon.  «  Dans  le  portique  des  douze  grands  dieux,  dit  Pausanias, 
est  la  statue  d’Apollon  Alexicacos  par  Calainis.  Ce  surnom  du  dieu  vient,  disent  les  Athéniens,  de 
ce  qu’il  leur  indiqua,  par  un  oracle  rendu  à  Delphes,  les  moyens  de  faire  cesser  la  peste  dont  ils 
étaient  affligés  en  même  temps  que  de  la  guerre  du  Péloponèse.  »  Att.  C.  III. 

«  On  attribue  à  Apollon  le  pouvoir  de  guérir,  parce  que  la  chaleur  modérée  du  soleil  fait  fuir  toutes 
les  maladies.  Aussi  en  est-il  qui  croient  que  son  nom  vient  d’aTOXauvovra  xàç  vôcroo;  (détournant  les 
maladies),  dont  on  aurait  fait  àTrôXI-wva  pour  àTrsXXwva.  Cette  interprétation,  qui  concorde  avec  la 
signification  latine  de  ce  mot ,  nous  a  dispensé  de  traduire  du  grec  le  nom  du  dieu  ;  en  sorte  que, 
quand  nous  disons  Apollon,  il  faut  entendre  Aspellens  mala  (repoussant  les  maux),  dans  le  même 
sens  que  les  Athéniens  appellent  ce  dieu  ’AXeltxa/.oç.  »  Macrobe.  Saturn.  L.  I,  c.  17. 

2.  IIvù?,  de  uuxvô;,  épais,  dru,  serré;  TTuxvat  èxx),r,(7tat,  assemblées  nombreuses. 

3.  «  Le  charcutier  :  Oui,  oui,  décide  entre  nous,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas  au  Pnyx.  » 

«  Le  peuple  :  Je  ne  saurais  siéger  ailleurs,  ainsi  on  se  rendra  au  Pnyx  comme  de  coutume.  » 

Aristoph.  Les  Chevaliers. 

4.  i(  Jamais,  depuis  que  je  me  baigne  (c’est-à-dire  depuis  que  j’ai  atteint  l’âge  d’admission  dans 

les  bains  publics),  la  poussière  ne  m’a  piqué  les  yeux  autant  qu’aujourd’hui,  jour  de  l’assemblée 
régulière  dans  ce  Pnyx  encore  désert.  »  Aristoph.  Les  Acharniens. 

5.  De  xopeîv  xà  ij/riçiajJLaxa,  sanctionner  les  décrets. 

6.  Nous  avons  dit,  p.  229,  que  la  durée  d’une  prytanie  fut  d’abord  de  trente-cinq  jours. 

7.  De  auyxaXéo),  convoquer. 


318 


ATHENES. 


Des  assemblées  régulières,  la  première  était  consacrée  à  la  rectification 
des  décrets  du  conseil  des  cinq  cents  la  seconde  aux  réclamations 
d’intérêt  public  ou  particulier  ;  la  troisième  à  donner  audience  aux  ambas¬ 
sadeurs  étrangers  ;  la  quatrième,  enfin ,  était  occupée  par  les  atTaires  reli¬ 
gieuses  Dans  cette  dernière  séance,  les  prytanes  qui,  pendant  la  durée 
de  leurs  fonctions,  étaient  tenus  d’otfrir  chaque  jour  un  sacrifice  pour  la 
prospérité  de  l’Etat,  venaient  rendre  compte  de  l’accomplissement  de  ce 
devoir 

Les  assemblées  extraordinaires,  motivées  par  quelque  événement 
imprévu ,  étaient  réunies  par  les  archontes ,  les  stratèges ,  les  polémar- 
ques,  et  quelquefois  par  les  prytanes,  par  le  ministère  des  hérauts, 
xvipuxsç 

Tous  les  Athéniens  libres  étaient  admis  aux  assemblées,  à  l’exception 
des  impies,  des  prodigues,  des  impurs,  des  lâches  et  des  débiteurs  de 
l’État^,  qui  étaient  repoussés  par  les  prytanes,  s’ils  osaient  s’y  présenter. 
Les  esclaves,  les  étrangers,  les  femmes  et  les  enfants  en  étaient  exclus. 
Si  l’on  en  croit  un  curieux  passage  de  Varron,  que  nous  a  conservé  saint 
Augustin ,  les  femmes,  au  temps  de  Cécrops,  prenaient  part  aux  délibé¬ 
rations 


1.  «  Le  législateur  a  donné  aux  thesniothètes  l’ordre  formel  de  reviser  chaque  année  les  lois  dans 

le  lieu  public  de  leur  dépôt,  de  rechercher,  d’examiner  avec  soin  s’il  en  existe  de  contradictoires  ou 
d’abrogées  parmi  celles  en  vigueur,  ou  plus  d’une  sur  le  môme  sujet;  s’ils  en  trouvent,  ils  les  trans¬ 
criront  sur  les  tables  et  les  afficheront  aux  statues  des  Éponymes.  Les  prytanes  convoqueront  le 
peuple  après  avoir  mis  à  l’ordre  du  jour  la  nomination  des  nomothètes,  et  le  chef  des  proèdres  fera 
voter  l’assemblée  pour  annuler  telle  loi  et  maintenir  telle  autre,  en  sorte  qu’il  n’y  en  ait  'qu’une 
seule  sur  chaque  matière.  »  Eschiive.  Sur  la  Couronne. 

2.  PoLLüx.  Onomast.  L.  VIII,  c.  8. 

3.  Démosth.  Proœm. 

4.  Chaque  tribunal,  chaque  autorité  avait  ses  hérauts  propres.  Dans  une  inscription  découverte 

en  mars  18.58,  près  de  la  tour  'des  Vents,  on  trouve  mentionnés  Démétrius,  fils  d’Amyntas,  héraut 
de  l’Aréopage,  £1  ’Apsioo  Ilayou  BouXÿ;!;,  et  Polycharme,  fils  d’Euclès,  héraut  des  archontes 

XT^pu?  ’Apj^ôvxwv. 

5.  Eschine.  In  Tiin.  et  Ctesiph.  —  Dinarch.  In  Aristog. 

6.  «  Voici ,  selon  Varron ,  la  raison  pour  laquelle  cette  ville  fut  nommée  Athènes,  qui  est  un  nom 
tiré  de  celui  de  Minerve,  que  les  Grecs  appellent  ’AO-nva.  Un  olivier  étant  tout  à  coup  sorti  de  terre  en 
cet  endroit,  et  une  source  d’eau  en  un  autre,  ces  prodiges  étonnèrent  le  roi,  qui  députa  vers  Apollon 
de  Delphes  pour  savoir  ce  que  cela  signifiait  et  ce  qu’il  fallait  faire.  L’oracle  répondit  que  l’olivier 
signifiait  Minerve  et  l’eau  Neptune,  et  que  c’était  aux  habitants  à  savoir  de  laquelle  de  ces  deux 
divinités  ils  donneraient  le  nom  à  leur  ville.  Cécrops  assembla  tous  les  citoyens,  tant  hommes  que 
femmes:  car  les  femmes  panni  eux  avaient  alors  voix  dans  les  délibérations.  Lorsqu’il  recueillit  les 
suffrages  ,  tous  les  hommes  furent  pour  Neptune  et  toutes  les  femmes  pour  Minerve,  et,  parce  qu’il 
y  avait  une  femme  de  plus.  Minerve  l’emporta.  » 

Saint  Augestin.  Cité  de  Dieu.  L.  XVIII,  c.  1). 


l’NVX. 


319 


Tout  citoyen  ..qui  avait  atteint  trente  ans  pouvait  prendre  la  parole, 
après  toutefois  qu’elle  avait  été  accordée  à  ceux  qui  avaient  accompli  leur 
dixième  lustre^. 

Uépistate  qui  présidait  l’assemblée  était  choisi  parmi  les  proèdres^ 
ciui  avaient  pour  mission  de  compter  les  suffrages  exprimés  par  les 
cailloux  qui  avaient  remplacé  les  fèves,  xuapi,  employées  d’abord  à  cet 
usage 

Les  citoyens  qui  assistaient  aux  assemblées  recevaient  des  mains  des 
thesmothètes  un  salaire  qui  varia  de  i  à  3  oboles  Le  plus  faible  salaire, 
institué  par  Périclès^,  fut  porté  au  triple  par  Cléon,  qui  voulut  ainsi  se 
concilier  l’affection  du  peuple  Ceux  qui  arrivaient  trop  tard  à  l’assem¬ 
blée  étaient  privés  du  triobole®. 

Les  mêmes  citoyens  ne  pouvaient  juger  deux  affaires  dans ‘la  même 
journée 

.  1.  Le  héraut,  après  avoir  indiqué  le  sujet  de  la  délibération,  terminait  par  ces  mots  :  Quels  sont 
les  citoyens  au-dessus  de  l’âge  de  cinquante  ans  qui  veulent  prendre  la  parole?  (Voy.  Eschine.  In 
Tim.  et  Ctes.) 

2.  Aristophane ,  dans  sa  comédie  des  Chevaliers,  appelle  le  peuple  athénien  mangeur  de  fèves, 
c’est-à-dire  vivant  du  salaire  de  ses  votes. 

3.  15  à  45  centimes,  qui  aujourd’hui  représenteraient  la  valeur  de  1  fr.  50  c.  à  4  fr.  50  c. 

«  Autrefois,  quand  à  l’assemblée  ils  ne  recevaient  qu’une  obole,  on  pouvait  causer  assis  tout  à 
l’aise;  maintenant  on  est  étouffé  par  la  foule...  Aujourd’hui,  quand  on  fait  quelque  chose  pour  la 
patrie,  on  demande  3  oboles,  comme  le  maçon  mercenaire.  » 

Aristophane.  Les  Harangueuses. 

Dans  un  passage  de  sa  comédie  des  Grenouilles,  le  même  comique  fait  allusion  au  salaire  de 
2  oboles  que  les  citoyens  recevaient  à  l’époque  où  il  fit  représenter  sa  pièce. 

«  Hercule  :  Un  vieux  nautonier  te  passera  dans  une  petite  barque,  moyennant  un  salaire  de 
2  oboles.  » 

«  Bacchus  :  Vraiment!  Quel  pouvoir  ont  partout  2  oboles!  Comment  sont-elles  venues  jus¬ 
que-là?  » 

Ce  salaire,  gagné  sans  fatigue,  avait  pour  les  Athéniens  un  grand  attrait.  Aussi  Aristophane 
raille-t-il  souvent  leur  rage  de  juger  et  de  prendre  part  aux  délibérations;  il  leur  forge  le  surnom 
de  peuple  pnycien  dans  les  Chevaliers.  C’est  contre  cette  manie  qu’est  dirigée  toute  sa  comédie  des 
Guêpes,  dont  les  Plaideurs  de  Racine  sont  une  si  charmante  imitation;  enfin,  dans  les  Nuées,  Strep- 
siade,  auquel  on  met  sous  les  yeux  une  carte  de  la  terre  en  lui  montrant  Athènes,  s’écrie  :  «  Que 
dis-tu  là?  Je  n’en  crois  rien;  je  n’y  vois  pas  déjugés  en  séance.  » 

4.  «  Périclès,  le  premier,  salaria  les  juges,  d  Aristote.  Politique.  L.  II,  c.  10. 

5.  «  Cléon  :  Quant  à  moi,  je  ne  cesserai  de  nourrir  le  peuple  et  de  le  servir,  et  tous  les  moyens 

me  seront  bons  pour  lui  faire  payer  les  3  oboles.  «  Aristoph.  Les  Chevaliers. 

0.  «  Allons  à  l’assemblée,  ô  hommes!  Le  thesmothète  a  menacé  de  ne  pas  payer  le  triobole  à 
quiconque  n’arriverait  pas  de  grand  matin.  »  In.  Les  Harangueuses. 

«  S’il  t’arrive  de  te  lever  à  midi,  tu  n’auras  pas  à  craindre  d’être  exclu  par  le  thesmothète.  » 

Id.  Les  Guêpes. 

7.  «  O  peuple!  c’est  assez  d’avoir  jugé  une  affaire;  va  au  bain,  prends  un  morceau,  bois,  mange, 
et  reçois  les  3  oboles.  »  lo.  Les  Chevaliers. 


320 


ATHÈNES. 


C’était  au  Pnyx  seul  qu’en  vertu  de  la  loi  de  Solon  étaient  proclamées 
les  couronnes  décernées  par  le  peuple  aux  citoyens  qui  avaient  bien 
mérité  de  la  patrie.  Gtésiphon  ayant  fait  décider  que  celle  accordée  à 
Démosthène  serait  proclamée  au  théâtre  et  avant  même  qu’il  eût  rendu 
compte  de  sa  conduite,  cette  infraction  donna  lieu  au  fameux  procès  sur 
la  Couronne,  intenté  par  Eschine  ^  à  Démosthène  pour  se  venger  de  celui 
que  l’illustre  orateur  lui  avait  suscité  autrefois  à  l’occasion  de  son  ambas¬ 
sade  près  de  Philippe  de  Macédoine. 

La  colline  du  Pnyx  ne  fait  en  quelque  sorte  qu’une  avec  celle  des 
Nymphes;  elles  n’étaient  séparées  que  par  une  faible  dépression  dont  on 
a  profité  pour  faire  passer  la  route  moderne  conduisant  à  l’observatoire. 
La  face  de  la  colline  des  Nymphes  qui  regarde  le  Pnyx  est  coupée  verti¬ 
calement ‘dans  plusieurs  parties;  il  en  est  de  même  de  celle  du  Pnyx, 
contre  le  côté  nord  duquel  ont  été  évidemment  appliquées  des  habitations 
dont  on  voit  encore  indiquées  les  séparations,  ainsi  que  les  trous  des 
chevrons  des  toits.  Près  de  là,  à  l’est,  sont  sur  le  roc  d’autres  traces  de 
maisons  et  d’escaliers. 

II  y  eut  à  Athènes  deux  Pnyx  voisins  l’un  de  l’autre,  mais  qui  ne  furent 
point  fréquentés  en  même  temps. 

On  ignore  à  quelle  époque  fut  établi  l’ancien,  mais  nous  verrons  par  la 
construction  de  sa  muraille  de  soutènement  qu’il  devait  dater  d’un  temps 
très-reculé On  attribue  à  Thémistocle  le  nouveau  Pnyx;  sentant  le 
besoin  d’exalter  les  sentiments  patriotiques  et  l’énergie  des  citoyens 
d’Athènes,  il  reporta  le  lieu  de  leurs  assemblées  sur  un  point  plus  élevé 
d’où  leurs  yeux  pouvaient  apercevoir  la  mer,  théâtre  de  leurs  exploits. 
Par  la  raison  contraire,  en  l’an  hOk  avant  Jésus-Christ,  les  trente  tyrans, 

1  Le  décret  portait  :  «  Le  héraut  proclamera  au  théâtre,  eu  présence  des  Hellènes,  que  le  peuple 
athénien  couronne  Démosthène  pour  sa  vertu,  sa  loyauté,  et  parce  qu’il  ne  cesse  de  procurer,  par  ses 
paroles  et  par  ses  actions,  le  plus  grand  bien  du  peuple.  » 

Cf.  Cicéron.  Du  meilleur  genre  d'éloquence.  VIL 

2.  <(  Vous  l’entendez,  ô  Athéniens!  d’après  le  législateur,  on  proclamera  dans  le  Pnyx,  devant  le 
peuple  convoqué,  la  couronne  donnée  par  le  peuple  ;  mais  ailleurs,  jamais  !  D’après  Ctésiphon,  qui 
foule  aux  pieds  les  lois  et  change  même  le  lieu,  ce  sera  au  théâtre,  non  à  l’assemblée  des  citoyens, 
mais  aux  nouvelles  tragédies;  non  devant  le  peuple  seul,  mais  en  présence  des  Hellènes,  pour  qu’ils 
sachent  comme  nous  quels  hommes  nous  décorons.  » 

Eschine.  Discours  sur  la  Couronne. 

3.  Pollux  l’appelle  une  place  arrangée  suivant  la  simplicité  antique ,  y wpiov  xaTeuxEuafTp-évov  xaxà 

vrjv  7ra),aiàv  àTiXovrixa.  Lexic.  L.  VHI,  132. 


PNYX. 


321 


qui  redoutaient  rinfluence  de  ces  souvenirs,  rétablirent  le  Pnyx  à  sa  place 
primitive,  où  les  hautes  parois  des  rochers  masquaient  la  mer^. 

L’ancien  Pnyx,  auquel  on  arrivait  par  deux  pentes  latérales  assez 
douces,  était  une  vaste  esplanade  semi-circulaire  d’environ  150  mètres  de 
diamètre,  taillée  a  mi-côte  et  soutenue  par,  un  mur  en  forme  de  segment 
de  cercle,  composé  de  blocs  d’une  grandeur  prodigieuse  grossièrement 


Vue  générale  du  Pnyx. 


é(juaiTis,  et  disposés  par  assises  irrégulières.  Ce  mur,  de  construction 
cyclopéenne,  est  à  découvert  sur  une  longueur  de  72  mètres,  et  sa  hau¬ 
teur  au  centre  atteint  5  mètres.  Certains  blocs  ont  jusqu’à  3'",  70  de  long- 
sur  2  50  de  haut  et  autant  d’épaisseur.  On  retrouve  encore  à  la  suite 

quelcpes  autres  vestiges  de  cette  muraille. 

Formée  par  un  rocher  taillé  verticalement  sur  une  hauteur  d’environ 
4  mètres,  la  corde  de  l’arc  légèrement  fléchie,  comme  pour  lancer  la 
flèche,  regarde  le  nord-est  2.  Elle  présente  au  centre  où  se  trouve  la  tri¬ 
bune  un  angle*- très-ouvert,  dont  la  forme  semble  avoir  été  calculée  pour 
concentrer  dans  l’hémicycle  la  voix  des  orateurs. 

La  tribune^,  suggestum.  A,  d’où  retentirent  les  voix  de  Démc- 

sthène,  d’Eschine,  de  Périclès,  de  Phocion,  est  entièrement  taillée  dans 
le  roc,  ainsi  que  les  trois  gradins  sur  lesquels  elle  repose.  Le  degré  infé- 

\.  ((  La  tribuiTe  mesme  des  harangues,  qui  estoit  sur  la  place  du  Pnyx,  regardoit  vers  la  mer; 
mais  les  trente  tyrans  qui  furent  depuis  la  remuèrent  ailleurs  pour  la  faire  tourner  deuers  la  terre, 
ayans  opinion  que  l’estre  puissans  par  mer  estoit  ce  qui  engendroit  et  maintenoit  l’auctorité  du  gou- 
uernement  populaire.  »  Plutarque.  Vie  de  Thémistocle. 

‘2.  La  corde  supposée  droite,  tirée  d’une  extrémité  à  l’autre  de  la  paroi  du  rocher,  aurait  encore 
112  mètres  de  longueur. 

3.  Voy.  la  vignette  en  tête  de  ce  chapitre. 


322 


ATHÈNES. 


rieur  BCDE,  haut,  comme  les  deux  autres,  de  O"', 42,  et  profond  de 
0'",32,  a  9'“,  65  de  longueur  à  la  façade  G  D,  et  6™,  30  aux  côtés  B  G 
et  ED.  A  son  angle  D,  est  creusé  un  trou  oblong  F,  qui  dut  recevoir 
une  stèle.  Au-dessus  du  3*"  degré  s’étend  une  terrasse  G  H I,  dont  le 
centre  est  occupé  par  un  autre  gradin  KLMN,  long  de  A”?  45  à  sa 
face  LM,  qui,  haute  de  0"‘,45,  porte  sur  sa  surface  quatre  trous  de 


stèles  irrégulièrement  disposés.  Ge  gradin  sert  de  base  à  la  tribune 
même  A,  à  laquelle  on  montait  par  deux  escaliers  latéraux  O  et  P,  Gette 
tribune  n’est  plus  qu’un  cube  ayant  perdu  sa  partie  supérieure,  ornée 
sans  doute  d’une  moulure  quelconque  et  probablement  munie  d’un  garde- 
fou.  Malgré  cette  dégradation,  on  peut  voir  encore  par  les  traces  restées 
sur  la  paroi  du  rocher  que  la  hauteur  totale  du  monument  était  d’environ 
3  mètres. 

Derrière  la  tribune,  le  rocher,  sur  une  certaine  largeur  au-dessus 
de  sa  partie  verticale,  était  taillé  en  gradins  encore  très-visibles,  et  de  là 
aussi  le  peuple  pouvait  entendre  l’orateur.  G’était  par  un  large  passage 
coupé  à  l’extrémité  méridionale  de  la  paroi  du  rocher  auquel  était 
adossée  la  tribune  que  l’on  arrivait  à  ces  gradins  supérieurs. 

La  tribune,  le  Pnyx,  ces  monuments  si  intéressants  par  les  grands  sou¬ 
venirs  qu’ils  rappellent,  étaient  ensevelis  sous  la  terre  et  les  décombres, 
et  ils  n’ont  été  dégagés  qu’en  1822,  aux  frais  et  par  les  soins  de  lord 
Aberdeen.  Jusqu’alors  la  destination  de  cet  hémicycle,  dont  la  forme 
seule  se  dessinait  sur  le  sol,  avait  donné  lieu  aux  assertions  les  plus 
diverses;  Wheler  y  avait  vu  l’Aréopage,  Leroy  l’Odéon  de  Périclès, 
Stuart  celui  d’Hérode  Atticus  ;  Ghandler  seul  y  avait  reconnu  le  Pnyx, 


l’NYX. 


323 


et  son  opinion  avait  été  adoptée  par  Barthélemy  et  Barbié  du  Bocage, 
dès  la  fin  du  siècle  dernier^. 

Derrière  la  tribune,  au-dessus  et  à  30  mètres  en  arrière,  on  trouve 
un  autre  rocher  taillé  aussi  verticalement  sur  une  moindre  largeur,  et  sur 
une  hauteur  de  2"',  50  seulement  dans  la  partie  la  plus  élevée;  il  pré¬ 
sente  au  nord  un  petit  escalier,  et  au  sud  une  niche  que  M.  Pittakis 
pense  avoir  contenu  la  statue  de  Jupiter,  devant  laquelle  on  sacrifiait, 
avant  de  délibérer  de  jeunes  porcs,  dont  le  sang  arrosait  le  lieu 
d’assemblée,  cérémonie  qu’on  nommait  xaGap[j(.a,  purification^  ou  îrepiçia, 
lustration  La  longueur  de  la  partie  conservée  de  cette  seconde  muraille 
de  rocher  est  de  37  mètres. 

C’est  l’espace  oblong  compris  entre  cette  paroi  et  celle  de  l’ancien 
Pnyx  qui  paraît  avoir  formé  celui  de  Thémistocle.  Cette  supposition, 
adoptée  par  Leake,  nous  semble,  malgré  le  peu  de  commodité  que  devait 
offrir  ce  nouveau  lieu  de  réunion,  être  plus  qu’aucune  autre  d’accord  avec 
les  témoignages  de  l’histoire. 

A  l’extrémité  occidentale  de  cette  esplanade  rectangulaire  fort  allongée 
sont  les  restes  de  la  tribune,  espèce  de  grand  piédestal  réservé  dans  le 
roc,  long  de  3™,  30  et  large  de  3  mètres,  qu’entourait  un  soubassement 
régulier,  encore  visible,  large  de  0'",  80.  Détruite  sans  doute  par  les 
trente  tyrans  plutôt  que  par  les  siècles,  la  tribune  ne  conserve  plus  qu’une 
hauteur  de  0'",  50. 

En  avant  du  centre  de  la  paroi  du  rocher  du  Pnyx  de  Thémistocle 

1.  «Je  ne  conçois  pas,  dit  Stuart,  comment,  ainsi  que  le  dit  Lucien,  la  Justice  assise  sur  la  colline 
de  l’Aréopage,  en  face  du  Pnyx,  aurait  pu  voir  venir  Pan  qui' sortait  de  sa  grotte,  située  sous  l’Acro¬ 
pole,  puisque,  dans  l’hypothèse  de  Chandler,  elle  aurait  tourné  le  dos  à  ce  dieu.  » 

Cette  objection  aurait  certainement  une  grande  valeur,  si  le  texte  de  Lucien  disait  exactement  ce 
que  Stuart  lui  fait  dire;  mais  il  n’en  est  rien.  Mercure,  arrivant  dans  l’Attique  avec  la  Justice, 
s’arrête  sur  l’Aréopage  :  «  Tu  n’as,  dit-il  à  la  Justice,  qu’à  t’asseoir  ici  quelque  part  sur  cette  colline 
et  regarder  du  côté  du  Pnyx,  en  attendant  que  j’aie  proclamé  les  ordres  de  Jupiter.  Moi,  je  vais 
monter  à  l’Acropole  pour  convoquer  le  peuple  d’un  lieu  d’où  il  puisse  facilement  m’entendre.  — 
Mercure,  répond  la  Justice,  ne  t’en  va  pas  avant  de  m’avoir  dit  quel  est  ce  personnage  qui  vient 
au-devant  de  nous;  il  est  cornu,  porte  une  syrinx  et  a  les  deux  jambes  velues.  —  Mercure:  Com¬ 
ment!  tu  ne  reconnais  pas  Pan?  »  Lucien.  La  Double  Accusation. 

On  voit  que  dans  ce  passage  rien  n’indique  que,  dans  ce  moment,  la  Justice  se  soit  déjà  assise, 
comme  Mercure  l’avait  invitée  à  le  faire  pendant  son  absence;  il  est  même  probable  que,  dans  la 
pensée  de  Lucien,  elle  reste  debout,  puisque  immédiatement  elle  entame  un  dialogue  avec  Pan  qui 
se  présente  devant  elle. 

2.  Aristoph.  Les  Acharniens  et  les  Harangueuses .  —  Eschine.  In  Tirnocr. 


ATHENES. 


33  4 

sont,  sur  le  sol,  les  traces  d’un  édifice  dont  le  plan  semblerait  être  celui 
d’une  sorte  de  temple,  avec  son  pronaos.  Trois  trous  ronds,  de  0'",  ih  de  ' 
diamètre,  creusés  dans  le  rocher,,  sur  la  limite  occidentale  de  son  ^ 
enceinte,  paraissent  avoir  reçu  des  poteaux  dont  la  destination  serait 
difficile  à  déterminer.  Je  croirais  volontiers  cette  construction  posté¬ 
rieure  à  l’époque  où  l’on  en  revint  à  l’ancien  Pnyx;  car  sa  présence 
eût  encore  diminué  l’espace  déjà  si  restreint  destiné  au  peuple  dans  le 
Pnyx  de  Thémistocle.  Les  citoyens  n’avaient  même  pas  ici,  comme  à 
l’ancien  Pnyx,  la  ressource  de  prendre  place  sur  le  sommet  du  rocher; 
car,  à  partir  de  ce  sommet,  la  colline  descend  vers  le  sud-ouest,  où  bientôt 
elle  est  coupée  par  des  restes  assez  considérables  de  l’ancienne  muraille 
de  la  ville,  composée  de  blocs  de  grand  appareil  en  pierres  du  Pirée. 

Colline  de  Musée.  Cette  colline  fait  suite  à  celle  du  Pnyx,  dont  elle 
était  séparée,  ainsi  que  de  l’Aréopage,  par  une  vallée  qu’occupait  un  des 
quartiers  les  plus  populeux  d’^Athènes,  celui  que  sa  position  avait  fait 
nommer  Cceléj  xoi'Xv],  le  creux.  Là,  entre  le  Pnyx  et  le  Musee,  se  trouvait 
la  porte  Mélitide,  dont  l’emplacement  est  indiqué  par  la  petite  église  de 
.S.  Diniitri  Lombardhari. 

La  colline  doit  son  nom  à  un  disciple  d’Orphée,  au  poète  Musée,  fils 
d’Antiphème,  né  à  Eleusis,  qui  vivait  au  xiib  ou  au  xiv*"  siècle  avant 
Jésus-Christ,  et  mourut  dans  une  extrême  vieillesse  en  ce  lieu  où  il  fut 
inhumé^.  Ses  ouvrages  étaient  presque  tous  perdus  dès  le  temps  de 
Pausanias,  et  on  ne  possédait  plus  de  lui  qu’un  hymne  à  Cérès^.  Nous 
avons  vu  que  son  portrait  était  au  nombre  des  peintures  que  l’on  con¬ 
servait  dans  la  Pinacothèque  des  Propylées. 

Démétrius  Poliorcète  qui,_  après  avoir,  délivré  Athènes  de  ses  tyrans, 
voulut  y  dominer  à  son  tour,  avait  fortifié  le  Musée  et  n’en  fut  chassé 

1.  «  Le  poëte  Musée  chantait,  dit-on,  ses  vers  sur  cette  colline,  et,  quand  il  mourut  de  vieillesse, 

il  y  fut  enterré.  »  Pausani.vs.  Att.  C.  XXV. 

2.  Pausanias.  Att.  C.  XXII. 

Cet  hymne  môme  n’est  pas  parvenu  jusqu’à  nous,  mais  nous  connaissons  les  titres  de  plusieurs 
autres  ouvrages  de  Musée,  tels  que  les  Préceptes  adressés  à  son  fils  Eumolpe,  une  Théogonie,  la 
Titanographie,  des  poëmes  sarda  Sphère  et  sur  les  Mystères  et  Initiations.  On  a  publié  sous  son 
nom  un  joli  poëme  à'Héro  et  Léandre  qui,  évidemment,  appartient  à  une  époque  bien  moins 
reculée.  11  est  très-probable  qu’il  ne  fut  composé  que  vers  le  iv®  siècle  de  l’empire  par  Musée  le 
grammairien. 

3.  «  Démétrius,  fils  d’Antigone,  ayant  rendu  la  liberté  aux  Athéniens,  ne  leur  rendit  cependant 
pas  le  Pirée  aussitôt  après  la  fuite  de  Lacharès,  et,  les  ayant  vaincus  quelque  temps  après,  il  mit  une 


TOMBEAU  DE  Cl  MON. 


32o 


qu’avec  peine  par  Olympiodore  à  la  tête  de  c{uelques  Athéniens'^. 

Cette  colline  était  en  grande  partie  renfermée  dans  l’enceinte  de  la 
ville,  et  la  muraille  antique  la  coupait  par  le  milieu,  suivant  à  peu  près 
les  irrégularités  de  son  sommet. 

Tombeau  de  Cimon.  Au  bas  du  Musée,  à  son  extrémité  nord-ouest, 
et  regardant  le  nord,  se  trouve  le  tombeau  attribué  à  Cimon.  Sa  posi¬ 
tion  s’accorde  en  effet  très-bien  avec  ce  c|u’ Hérodote  nous  apprend  du 
tombeau  de  Cimon,  père  de  Miltiade. 

«  Cimon,  dit-il,  fut  enterré  devant  la  citadelle,  au  delà  du  chemin  qui 
traverse  le  Cœlé,  et  vis-à-vis  de  lui  sont  enterrés  ses  chevaux,  qui 
avaient  gagné  trois  fois  le  prix  aux  jeux  olympiques  »  Le  tombeau 
étant  double,  la  tradition  veut  qu’il  ait  ausçi  reçu  le  corps  du  grand 
Cimon,  fils  de  Miltiade.  Si  rien  n’est  certain  dans  cette  conjecture,  nous 
devons  dire  aussi  qu’aucun  témoignage  positif  ne  vient  la  contredire. 
Nous  conserverons  donc  à  ce  monument  son  nom  populaire,  heureux  cfue 
nous  sommes  de  la  pensée  d’avoir  peut-être  sous  les  yeux  la  demeure 
dernière  d’un  des  plus  nobles  fils  de  l’antique  Athènes'’^. 


garnison  dans  leur  ville  même  et  fortifia  à  cet  effet  te  Musée,  colline  située  en  face  de  la  citadelle, 
dans  l’ancienne  enceinte  de  la  ville.  »  Pausanias.  Att.  G.  XXV. 

«  Adonc  voyant  Démodés  l’orateur  que  le  peuple  jettoit  de  grands  cris  de  joye  à  la  louange  de 
Démétrius,  et  que  les  orateurs,  à  l’enui  l’vn  de  l’autre,  montoyent  à  la  tribune  aux  harengues  pour 
lui  décerner  tous  les  iours  de  nouueaux  hôneurs  à  qui  surpasseroit  son  compaignon ,  il  proposa  un 
décret  qu’on  mist  et  livrast  entre  les  mains  du  roy  Démétrius  les  ports  et  haures  de  Pyreus  et  de 
Munychia  pour  en  faire  à  son  bon  plaisir.  Ce  qui  lui  ayant  esté  accordé  et  passé  par  les  voix  du 
peuple,  lui-mesme  encore  de  son  a’uctorité  priuée  mist  une  grosse  et  puissante  garnison  dedans  le 
fort  appelé  Musæum,  de  peur  que  delà  en  auant  le  peuple  ne  se  rebellast  contre  lui  et  ne  le  destour- 
nast  d’autres  entreprises.  »  Plutarque.  Vie  de  Démétrius. 

Cf.  Diodore  be  Sicile.  L.  XX,  §  45. 

'] .  «  Quelques  Athéniens,  étant  venus  dans  la  suite  à  réfléchir  sur  la  gloire  de  leurs  ancêtres  et  sur 
la  prééminence  que  leur  patrie  avait  perdue,  prirent  à  l’instant  même  Olympiodore  pour  général; 
comptant  beaucoup  plus  sur  leur  bonne  volonté  que  sur  leurs  forces  réelles  (ils  n’étaient  que  treize 
en  tout,  Ibid.  C.  XXIX),  il  les  conduisit  tous  sur-le-champ,  jeunes  gens  et  vieillards,  contre  les 
Macédoniens;  ces  derniers  étant  venus  à  sa  rencontre,  il  les  défit  et  prit  le  Musée  où  ils  s’étalent 
réfugiés;  c’est  ainsi  qu’Atliènes  fut  délivrée  du  joug  des  Macédoniens.  »  .  * 

Pausanias.  Att.  C.  XXVI. 

2.  Hérodote.  L.  VI,  c.  103. 

3.  «  Cimon,  fils  de  Miltiade,  mourut  dans  Pile  de  Chypre,  et  Phistorien  Thucydide  fut  tué  dans  la 

Thrace;  mais  les  restes  de  ces  deux  illustres  Athéniens  furent  transportés  dans  le  lieu  destiné  à  la 
sépulture  de  leur  famille.  »  Ciiaxdler.  Voyages  en  Grèce.  T.  II,  p.  482. 

«  Les  sépultures  qu’on  appelé  iusques  auiourdhui  Cimonia,  tesmoignét  que  ses  cendres  et  ses  os 
furet  raportez  en  Attique.  »  Plutarque.  Vie  de  Cimon. 

Ajoutons  avec  Leakc  que  ce  lieu  est  contigu  au  quartier  du  Pnyx  qu’habitait  Cimon. 


326  ATHÈNES. 

Ce  tombeau  est  creusé  dans  le  flanc  du  rocher  naturellement  vertical 
en  cet  endroit.  Sa  façade  présente  une  sorte  d’encadrement,  haut  de 
de  1'",  73  et  long  de  3™,  48,  dont  la  feuillure  aurait  reçu  une  décoration 
monumentale  portant  les  inscriptions.  Au-dessous,  le  rocher  a  encore  une 


Tombeau  de  Citnon. 


hauteur  de  0'",  46.  L’ouverture  du  sépulcre  a  2'",  55  de  longueur  et  1'”,  17 
de  largeur.  En  arrière  du  frontispice  elle  avait  reçu  une  seconde  clôture 
dont  les  traces  sont  surtout  visibles  sur  la  paroi  de  gauche,  et  qui  n’était 
formée  que  d’une  dalle  de  champ,  épaisse  de  0'",  12.  Un  trou  de  scelle¬ 
ment  existe  dans  l’appui  sur  lequel  elle  reposait. 

La  chambre  sépulcrale  a  2'”,  45  de  profondeur,  et  c’est  au-dessous  du 
niveau  de  son  ouverture  que  se  trouve,  également  creusé  dans  le  roc,  le 
sarcophage,  large  de  l'‘',35  et  long  de  2‘",  30.  C’était,  comme  nous 
l’avons  dit,  un  cercueil  double,  un  hisomum’^,  conservant  encore  une 
partie  de  la  cloison  qui  le  divisait.  Une  saillie  qui  règne  tout  autour  avait 
du  recevoir  le  couvercle,  formé  de  deux  ou  trois  énormes  dalles  de  O*", 33 
d’épaisseur,  dont  on  voit  encore  les  traces  sur  la  paroi.  Dans  sa  partie 
supérieure,  le  monument  est  surmonté  d’une  espèce  de  toit  en  appentis 
soigneusement  taillé  dans  le  roc,  nouvelle  preuve  de  l’ancienne  existence 
d’une  décoration  monumentale. 

A  la  droite  du  tombeau,  on  voit  dans  le  rocher  l’indication  d’un  escalier 
qui  conduisait  au  sommet  de  la  colline  entièrement  couvert  de  vestiges 
de  constructions  taillées  dans  le  roc,  chambres,  escaliers,  citernes, 'etc., 

\.  Bisomum,  mot  assez  mal  composé  du  latin  bis^  deux  fois,  doublement,  et  du  grec  o-wpia, 
corps. 


PRISON  DE  SOCRATE. 


327 


comme  à  la  colline  des  Nymphes,  et  où  l’on  peut  suivre  facilement  le 
tracé  de  l’ancienne  muraille  d’Athènes,  qui  conserve  encore  plusieurs 
assises  de  pierres  du  Pirée^. 


Prison  de  Socrate. 


Prison  de  Socrate.  Au  pied  de  la  colline  de  Musée,  à  quelques  pas 
dé  l’emplacement  de  l’ancienne  porte  Mélitide  et  en  regard  de  l’Acropole, 
sont  creusées  trois  grottes  que  l’on  croit  avoir  servi  de  prison  à  Socrate 
et  avoir  été  témoins  de  sa  mort. 


Plan  de  la  prison  de  Socrate. 


La  façade  du  rocher,  grossièrement  aplanie,  est  percée  de  trois  portes 
irrégulières  ABC,  et  couverte  de  trous  carrés  c{ui  semblent  avoir  reçu 
les  poutres  d’un  toit.  Du  reste,  le  rocher  D,  faisant  saillie  en  équerre,  à 
droite,  semble  en  effet  indiquer  la  présence  d’une  construction  en  avant 
des  grottes  aussi  bien  que  l’escalier  E,  qui,  placé  à  gauche  et  dans  le 
haut  du  rocher,  dut  être  complété  dans  sa  partie  inférieure  par  un  esca¬ 
lier  en  maçonnerie  ou  en  bois  dépendant  de  cette  construction.  Ce  bâti¬ 
ment  devait  être  destiné  aux  gardiens  de  la  prison. 


1.  Suivant  Pline  (L.  XXXV,  49),  les  murs  d’Athènes  regarJaiit  le  mont  Hymette  étaient  en  liriques. 


328 


ATHÈNES. 


Les  deux  grottes  de  gauche  communiquent  entre  elles  par  une  porte. 
La  première  F,  selon  M.  Pittakis,  serait  la  salle  où  Socrate  alla  se  bai¬ 
gner  avant  de  boire  la  ciguë;  une  trace  qui  existe  de  trois  côtés  sur  le 
sol,  le  long  des  parois,  pourrait  en  effet  indiquer  l’emplacement  de  trois 
baignoires. 

Cette  grotte,  la  plus  régulière  de  toutes ,  présente  un  carré  de  3™,  35 

« 

de  profondeur  sur  une  largeur  égale  et  2“,  20  de  hauteur  ;  le  plafond  est 
plat.  La  porte  d’entrée  A  est  haute  de  2  mètres  et  large  de  j.'",75;  la 
porte  de  communication  G  n’a  que  0™,70  de  large. 

La  seconde  grotte  H  est  très-petite  et  fort  irrégulière.  La  manière 
dont  le  fond  en  cul-de-four  est  taillé  dans  le  roc  avec  une  espèce  d’au¬ 
tel  I,  réservé  en  avant,  semblerait  indiquer  une  chapelle,  ùpov,  proba¬ 
blement  consacrée  à  Mercure  Strophœus,  Srpofpaioç  sous  la  protection 
duquel  étaient  les  prisons. 

Un  trou  rond  K,  pratiqué  violemment  dans  la  paroi  de  droite,  sans 
doute  à  une  époquê  comparativement  très-moderne,  communique  avec 
la  troisième  grotte.  Celle-ci  est  double;  en  avant  est  une  sorte  de  vesti¬ 
bule  carré  L,  de  grandeur  égale  à  celle  de  la  première  grotte  F,  mais 
dont  le  plafond  est  à  double  rampant  comme  celui  des  hypogées  étrusques 
de  l’antique  Tarquinia.  A  droite,  au  fond,  une  grande  ouverture  M, 
irrégulièrement  arquée,  communique  à  une  salle  circulaire  taillée  égale¬ 
ment  dans  le  roc.  Cette  rotonde,  tholus,  OoXoç  surmontée  d’une  voûte 
elliptique,  était'  la  prison.  Sa  forme  rappelle  celle  de  la  Trésorerie 
d’Atrée,  à  Mycènes;  son  diamètre  est  de  3'",  25.  Les  parois  sont  polies 
avec  assez  de  soin.  Au  centre  de  la  voûte  est  une  ouverture  ronde  que 
fermait  une  dalle  dont  il  reste  encore  la  moitié. 

Tombeau  de  Musée.  Gravissant  la  colline,  un  peu  au-dessous  de  son 
sommet,  on  voit  sortir  de  terre  la  partie  supérieure  d’un  très-ancien  tom- 

1.  StpcçaiO!;,  de  crxpoçEyç,  gond  de  porte;  chez  les  Romains,  les  gonds  avaient  aussi  leur  divinité 
tutélaire,  nommée  Cardea  ou  Carna,  de  Cardo^  gond. 

2.  On  appelait  tholus  tout  édifice  rond  surmonté  d’une  coupole,  mais  il  y  avait  à  Athènes  un 
édifice  spécialement  nommé  le  Tholus.  «  Il  se  trouve,  dit  Pausanias  {Att.  C.  V),  auprès  du  sénat  des 
cinq  cents.  Les  prytanes  y  ofifrent  des  sacrifices,  et  on  y  voit  quelques  petites  statues  d’argent.  » 

Le  Tholus  avait  été  probablement  le  trésor  et  le  palais  des  anciens  rois  d’Athènes,  et,  «  comme 
l’autorité  de  ceux-ci,  dit  M.  Alfred  Maury,  passa  ensuite  aux  prytanes,  on  comprend  pourquoi  ces 
magistrats  sacrifiaient  au  Tholus.  C’était  dans  cet  édifice  que  l’on  renfermait  les  clefs  de  la  citadelle 
et  le  trésor  public.  Les  trente  tyrans  y  siégeaient.  » 


MONUMENT  DE  PHILOPAPPUS. 


329 


beau,  qu’il  serait  bien  facile  de  dégager  entièrement^.  Tourné  vers 
l’orient,  il  présente  un  fronton  long  de  4'",  20,  grossièrement  taillé  dans 
le  roc.  et  à  l’intérieur  il  paraît  avoir  été  divisé  par  une  cloison  centrale. 
La  tradition  veut  voir  dans  ce  monument  le  tombeau  de  Musée,  et  la 
rudesse  de  son  style  autorise  jusqu’à  un  certain  point  cette  supposition 
dont  la  réalité  n’est,  du  reste,  aucunement  prouvée. 

Monument  de  Philopappus.  Au  point  culminant  de  la  colline  de  Musée 
s’élèye  une  ruine  connue  sous  le  nom  de  monument  de  Philopappus  2. 
Sa  façade,  tournée  à  l’est,  regarde  l’Acropole,  et  sa  hauteur  est  de 
12™, 62.  Pausanias  s’est  contenté  de  le  mentionner  en  passant,  sans 
entrer  dans  aucun  détail  Stuart  pense  avec  raison  qu’il  a  été  élevé  en 
l’honneur  du  dernier  roi  de  Comagène  et  de  plusieurs  de  ses  descen¬ 
dants.  La  Comagène,  qui  formait  la  partie  septentrionale  de  la  Syrie, 
et  fut  soumise  la  dernière  par  les  Romains,  ne  figure  dans  l’histoire 
comme  royaume  indépendant  que  vers  l’an  65  avant  Jésus-Christ,  époque 
où  le  reste  de  la  Syrie  fut  réduit  en  province  romaine  par  Pompée. 
Antiochus  1®%  qui  y  régnait  alors,  fit  alliance  avec  les  Romains  auxquels 
il  donna  plus  d’une  preuve  de  fidélité  et  sut  ainsi  conserver  son  trône, 
Cfu’il  transmit  à  ses  héritiers.  La  Comagène,  devenue  à  son  tour  pro¬ 
vince  romaine,  à  la  mort  d’ Antiochus  ITI,  l’an  17  après  Jésus-Christ, 
fut  rendue  en  l’an  38  à  son  fils  Antiochus  IV  Épiphane  par  Caligula, 
qui  lui  adjoignit  une  partie  de  la  Cilicie.  Antiochus  lY  fut  un  des 
premiers  princes  qui  reconnurent  Yespasien  comme  empereur,  et  il  com¬ 
manda  un  corps  d’auxiliaires  au  siège  de  Jérusalem;  mais,  en  l’an  72, 
s’étant  compromis  par  une  alliance  avec  les  Parthes,  il  perdit  son 
royaume  qui  fut  définitivement  réuni  à  l’empire  romain ^  sous  le  nom 
à' Euphmtésie 


\.  Voy.  la  lettre  en  tête  du  chapitre. 

2.  Planche  VIII. 

3.  «  On  a  dans  la  suite  érigé  sur  le  Musée  un  tombeau  à  un  Syrien.  »  Att.  C.  XXV. 

4.  Cicéron  étant  gouverneur  de  la  Cilicie  écrivait  aux  consuls  et  au  sénat  :  «  Des  avis  que  j’avais 
lieu  de  croire  fondés  m’avaient  annoncé  le  passage  de  l’Euphrate  par  les  Parthes  avec  presque  toutes 
leurs  forces...  Les  premiers  avis  me  vinrent  d’Antiochus,  roi  de  Comagène.  » 

L.  XV,  lettre  1. 

Cicéron  parle  aussi  de  ce  service  rendu  par  Antiochus  dans. une  lettre  adressée  à  Caton. 


5.  Eütrope.  L.  VII,  c.  19. 


Lettres  fam.  XV,  4. 


G.  C’est  ainsi  qu’on  le  trouve  désigné,  parmi  les  dix  provinces  de  l’Orient,  par  Amniien  Marcellin 


330 


ATHÈNES. 


Antiochus  passa  le  reste  de  sa  vie  à  Rome  ,  où  il  fut  traité  avec  beau¬ 
coup  d’égards,  mais  il  paraît  que  sa  famille  se  fixa  à  Athènes.  Ce  doivent 
être  ce  prince  et  quelques-uns  de  ses  descendants  qui  sont  mentionnés 
dans  les  inscriptions  ou  représentés  par  les  sculptures  du  monument 
que  nous  décrivons. 

Cet  édifice  présente  à  sa  façade  un  segment  de  cercle  concave, 


G 


Plan  du  monument  de  Philopappus. 


A  B  C  D  E ,  orné  autrefois  de  niches  B  C  D ,  dont  il  ne  reste  que  les 
deux  premières.  Quoique  ainsi  réduite  d’un  tiers,  la  façade  conserve  une 
largeur  de  7 ‘",60. 

Sous  la  niche  B,  qui,  carrée,  haute  de  2'",  12  et  large  de  l'",25, 
contient  une  statue  assise,  sans  tête,  on  lit  : 

BA SIAETS ANTIOXOX  BASIAEOS  ANTIOXOT 
«  Le  roi  Antiochus,  fils  du  roi  Antiochus.  » 

Sous  la  figure,  plus  fruste  encore,  qui  occupe  la  niche  centrale  C, 
niche  en  cul-de-four,  haute  de  2'",  85  et  large  de  1"’,  85,  se  trouve  cette 
inscription  :  > 

d>iAonAnnos  EnithANor  bhxaieïs 

«  Pliilopappus  de  Besa  i,  fils  d’Épiphane  (Antiochus  IV).  » 

Les  lettres  «eiao  du  premier  mot  manquent  aujourd’hui,  mais  elles 


(L.  XIV,  8),  et  dans  le  Libellus  provinciarum  Romanaruni  {Class.  lat.,  coll.  Nisard  )  que  l’on  croit 
avoir  été  composé  au  temps  de  Théodose.  Cet  État  forme  aujourd’hui  une  partie  des  eyalets  de 
Marasch  et  d’Alep. 

I.  Besa,  dème  de  la  tribu  Antiochide. 


MONUMENT  DE  PHILOPAPPüS. 


331 


ont  été  vues  par  Spoii  et  Wheler,  et  même  encore  par  Stuart  et  Revett. 
La  troisième  niche  contenait  sans  doute  cfuelque  autre  personnage  illustre 
de  la  famille,  peut-être  son  chef,  Antiochus  PL 

Enfin,  sur  un  pilastre  F,  large  de  0'",  55,  qui  sépare  la  niche  cen¬ 
trale  de  celle  de  gauche,  est  cette  longue  inscription  latine  : 

C.  IVLIVS  G.  F. 

FAB.  ANTIO 
CHVS  PHILO 
PAPPVS  COS 
FRATER  AR 
YALIS  SVLLE 
GTVS  INTER 
PRAETORI  an 
OS  AB  IMP 
CAESARE 
NERVA  T  RAI  A 
NO  OPTV 
MO  AVGVS 
TO  GERMA 
NIGO  DAGICO 

«  Caïus-Julius  Antiochus  Philopappus,  fils  de  Gains,  de  la  tribu  Fabia,  consul 
frère  ArvaU,  agrégé  aux  prétoriens  par  l’empereur  César  Nerva  Trajan  très-bon, 

Auguste,  Germanique,  Dacique.  » 


Stuart  ^  croit  trouver  dans  cette  inscription  la  date  de  l’érection  du 
monument;  nous  pensons  qu’il  est  dans  l’erreur.  L’inscription  latine 
nous  paraît  avoir  évidemment  été  ajoutée  après  coup  et  ne  désigner 
nullement,  reléguée  qu’elle  est  au  sommet  d’un  pilastre ,  le  personnage 


1.  On  chercherait  vainement  le  nom  de  Philopappus  dans  les  fastes  consulaires;  peut-être  ne 
fut-il  que  consul  désigné,  designatus,  sans  avoir  eu  le  temps  d’entrer  en  fonction,  ou  consul  subrogé, 
suffectus,  c’est-à-dire  remplaçant  un  consul  mort  pendant  la  durée  de  sa  charge. 

2.  On  nommait  fratres  arvales  des  citoyens  chargés  de  sacrifier  deux  fois  par  an  à  Gérés  dans 
les  fêtes  nommées  Amharvalia ;  ils  étaient  au  nombre  de  douze,  appartenant  aux  familles  les  plus 
distinguées  de  l’empire.  Ils  avaient  été  institués  par  Romulus  qui  lui-même  fit  partie  de  leur  collège. 
Cette  dignité,  très-considérée  à  Rome,  était  à  vie,  et  ne  pouvait  se  perdre  ni  par  l'emprisonnement 
ni  par  l’exil. 

«  Sabinus  Massurius,  au  premier  livre  de  ses  Mémoires,  prétend,  d’après  quelques  autres  histo¬ 
riens,  qu’Acca  Larentia  fut  la  nourrice  de  Romulus.  «  Cette  femme ,  dit-il ,  était  mère  de  douze 
enfants  du  sexe  masculin  :  l’un  d’eux  étant  mort,  Romulus  prit  sa  place  et  fut  nourri  par  Acca 
Larentia.  Il  les  appela  ses  frères,  dans  la  suite,  fratres  arvales,  et  prit  ce  nom  lui-même. 

«  Telle  est  l’origine  du  collège  des  douze  frères  Arvales.  Les  insignes  de  ce  sacerdoce  sont  une 
couronne  d’épis  et  des  bandelettes  blanches.  »  Aülu-Gelle.  L.  VI,  c.  8. 

Cf.  Varhon.  De  ling,  lat.  83. 

3.  Antiquités  d’Athènes.  T.  III. 


332 


ATHÈNES. 


auquel  fut  élevé  un  mausolée  de  cette  importance.  N’est-il  pas  plus 
naturel  de  le  reconnaître  dans  celui  dont  la  statue  occupe  la  niche  prin¬ 
cipale,  entre  son  père  Antioclius  IV  Épiphane  et  quelque  autre  roi 
de  ses  ancêtres,  au-dessus  d’un  bas-relief  représentant,  non  le  triomphe 
de  Trajan,  comme  on  l’a  cru^,  mais  celui  de  Titus  après  la  prise  de 
Jérusalem  à  laquelle  An-tiochus  IV  avait  pris  une  part  glorieuse.  Ce  serait 
donc  aux  règnes  de  Titus,  de  Domitien  ou  de  Nerva,  c’est-à-dire  aux 
vingt  dernières  années  du  i''  siècle  qu’appartiendrait  notre  monument. 
Plus  tard,  un  autre  membre  de  la  famille  ayant  été  déposé  dans  le 
mausolée,  son  nom  et  ses  titres  furent  gravés  sur  le  pilastre,  seule 
surface  restée  lisse.  Quant  à  cette  dernière  inscription,  sa  date  se  trouve 
indiquée  d’une  manière  précise.  Trajan  fut  salué  du  titre  à'Optumus 
en  109,  et  il  portait  déjà  celui  de  Dacicus;  dans  sa  seconde  expédition 
en  Orient ,  après  avoir  chassé  Chosroès  du  royaume  des  Parthes ,  il 
reçut,  en  111,  le  surnom  de  Parlhicus^  et  comme  l’inscription  ne  fait  pas 
encore  mention  de  celui-ci,  il  est  clair  qu’elle  dut  être  tracée  entre  les 
années  109  et  111. 

Nous  sommes  encore  obligé  de  combattre  une  autre  supposition  de 
Stuart,  qui  croit  que  le  pilastre  qui  porte  l’inscription  était  surmonté 
d’une  statue.  Il  n’y  avait  point  place  pour  une  statue  sur  le  chapiteau 
corinthien  sur  lequel  reposait  l’entablement.  Le  pilastre  entier,  par  un 
déplacement  qu’un  tremblement  de  terre  pourrait  seul  expliquer ,  est 
sorti  pour  ainsi  dire  de  son  alvéole,  et  venu  en  avant,  ainsi  que  le 
prouvent  son  inclinaison  hors  d’aplomb,  sa  position  par  rapport  à  son 
chapiteau  resté  en  arrière  à  sa  place  primitive,  et  l’aspect  des  surfaces 
latérales  du  pilastre,  dont  le  marbre  est  poli  dans  les  parties  destinées 
à  être  vues  et  simplement  dégrossi  dans  celles  qui  devaient  être  ren¬ 
fermées  dans  la  muraille. 

Le  monument,  composé  de  marbre  pentélique,  reposait  sur  cinq  assises 
de  pierres  du  Pirée,  surmontées  d’un  soubassement  enrichi  de  bas-reliefs 
malheureusement  très-mutilés.  Au  centre,  la  composition  principale,  haute 
de  2"', 60,  large  de  2"’, 80,  offre  un  triomphateur,  sans  doute  Titus,  sur 
son  char  attelé  de  quatre  chevaux;  derrière  lui,  au-dessous  du  pilastre 
de  droite,  est  une  figure  isolée,  qui,  bien  que  fruste,  peut  encore  être 


1.  Au  temps  de  Spon,  ce  bas-relief  avait  fait  donner  au  Musée  le  nom  de  colline  de  l’arc  de  Trajan. 


MONUMENT  ÜE  PHILOPAPPÜS. 


333 


reconnue  pour  un  prisonnier  barbare.  Le  bas-relief  de  droite,  qui  a  dis¬ 
paru  ,  représentait  probablement  quelques  autres  prisonniers  suivant  le 
char  du  vainqueur.  Le  bas-relief  de  gauche,  haut  de  2'", 60  et  large  de 
i'“,90,  existe  encore,  ainsi  que  celui  que  surmonte  le  pilastre  F;  ces 
sculptures  réunies  offrent  quatre  fi  gures  dont  les  draperies  sont  assez 
bien  conservées.  Vus  de  face ,  ces  personnages  semblent  faire  la  haie 
sur  le  passage  du  triomphateur. 

Derrière  la  façade  de  marbre  que  nous  venons  de  décrire,  existent 
les  restes  de  l’enceinte  quadrangulaire  G,  qui  complétait  le  monument 
et  formait  la  chambre  sépulcrale,  depuis  longtemps  renversée  et  réduite 
à  quelques  assises  de  pierres  du  Pirée. 

Nous  voici  arrivé  au  terme  de  notre  course  à  travers  les  ruines  de 
la  ville  de  Thésée  et  de  Périclès.  Du  haut  de  la  colline  de  Musée  donnons 
un  dernier  regard,  disons  un  dernier  adieu  à  ces  merveilles  de  l’art, 
que  trop  souvent,  hélas!  notre  imagination  a  dû  reconstruire.  Notre  œil 
embrasse  du  pied  du  monument  de  Philopappus  .un  panorama  plus  com¬ 
plet  encore  que  celui  que  nous  avons  admiré  du  sommet  de  l’Acropole. 
C’est  qu’ici  nous  avons  pour  motif  principal  de  notre  tableau  l’Acropole 
elle-même  et  le  Parthénon  se  détachant  sur  le  Lycabette;  à  l’ouest,  sous 
nos  pieds,  se  dressent  l’arc  d’Adrien  et  les  colonnes  du  temple  de  Jupiter 
Olympien,  et,  fraîche  oasis  au  milieu  de  ces  campagnes  sèches  et  pou¬ 
dreuses,  se  développe  le  ravissant  jardin  de  la  reine,  précédant  le  Stade 
d’IIérode  et  le  mont  Hymette  aux  bruyères  parfumées.  Au  sud,  au  delà 
du  golfe  Saronique,  sur  la  mer  Égée,  nous  voyons  se  dessiner  à  l’horizon 
le  promontoire  de  Scylla,  extrême  pointe  de  l’Argolide.  En  allant  vers 
l’ouest,  voici  Égine,  les  ports  de  Phalère,  de  Muynchie,  du  Pirée,  et 
derrière  eux  Salamjne;  au  nord-ouest,  l’antique  bois  d’oliviers  consacré 
à  Minerve  est  traversé  par  la  voie  sacrée  d’Éleusis,  qui,  passant  au  pied 
du  mont  Saint-Élie,  s’enfonce  dans  le  pittoresque  défilé  de  Gaïdarion, 
entre  les  monts  Icare  et  Corydalus;  au  nord,  le  Parnès  nous  étonne  par 
son  immense  fissure  qui  semble  produite  par  la  hache  de  quelque  Titan  ; 
en  avant,  enfin,  s’étend  l’Athènes  moderne,  à  laquelle  servent  de  premier 
plan  le  temple  de  Thésée,  le  Pnyx  et  l’Aréopage. 

Pourquoi  faut-il  qu’un  regret  se  mêle  aux  sentiments  d’admiration 
qui  font  ici  battre  le  cœur  ?  Combien  il  est  triste  de  penser  que  c’est 
plutôt  la  main  de  l’homme  que  le  temps,  si  peu  destructeur  sous  le  beau 


334  ATHÈNES. 

ciel  de  la  Grèce,  qui  a  fait  ruines  ces  miracles  de  l’art  qu’après  vingt - 
quatre  siècles  nous  eussions  pu  contempler  encore  tout  brillants  de  jeu¬ 
nesse.  Consolons-nous  pourtant  par  la  pensée  qu’au  moins  ce  qui  reste 
est  sauvé,  et  remercions  la  Providence  d’avoir  confié  ces  merveilles  à 
un  prince  qui,  comprenant  sa  mission,  veille  avec  sollicitude  sur  ces 
inappréciables  trésors  et  conquiert  ainsi  chaque  jour  de  nouveaux  droits 
à  l’éternelle  reconnaissance  de  tous  ceux  qui  ont  conservé  dans  leur  âme 
l’amour  du  beau,  le  culte  des  grands  souvenirs. 


Temple  d’Égine. 


OUATRE  JOURS 


PÉLOPONÉSE. 


voyage  dans  rintérieur  de  la  Grèce  ne  ressemble 
guère  aux  promenades  que  les  touristes  peuvent 
faire  sans  danger,  sans  privations  et  presque  sans 
fatigue,  dans  la  plupart  des  autres  contrées  de 
l’Europe.  Rien  n’est  plus  rare,  dans  cet  ancien 
berceau  de  la  civilisation,  qu’une  auberge  quel¬ 
conque,  si  ce  n’est  une  route,  ou  même  un  sentier. 
Force  est  donc  d’imiter  ce  philosophe  qui  portait 
tout  avec  lui  et  qui,  devançant  les  siècles,  sem¬ 
blait  donner  un  conseil  prophétique  aux  voyageurs  qui  plus  tard  vou¬ 
draient  parcourir  sa  patrie. 

22 


LE 


Petite  porto,  à  Mycènes. 


338  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

En  compagnie  d’un  ingénieur  français  que  des  travaux  importants 
avaient  appelé  en  Grèce,  sous  la  conduite  d’un  guide  nommé  Manuel, 
parlant  passablement  l’italien  et  même  un  peu  le  français,  l’anglais  et  le 
russe,  je  quittai  Athènes  le  12  mai  1859,  à  quatre  heures  et  demie  du 
matin.  Notre  guide,  qui,  moyennant  quarante  francs  par  jour  et  par  tête, 
s’était  chargé  de  toutes  les  dépenses,  emportait  avec  lui  lits  de  fer, 
matelas,  batterie  de  cuisine,  comestibles,  etc.  En  trois  quarts  d’heure 
notre  calèche  franchit  la  plaine  poudreuse  qui  sépare  Athènes  du  Pyrée, 
et  nous  déposa  sur  le  port  où  nous  attendait  VHydra,  beau  steamer  grec, 
qui  devait  partir  à  cinq  heures  et  demie,  mais  qui,  selon  l’usage  du 
pays,  ne  manqua  pas  d’être  en  retard  d’une  heure. 

A  sept  heures  quarante  minutes  nous  rasions  la  côte  occidentale  de 
l’île  d’Égine,  située  dans  le  golfe  auquel  elle  a  donné  son  nom,  et  qui 
portait  aussi  celui  de  mer  Saronique.  Égine  fait  face  à  la  fois  à  l’Attique 
et  à  l’ancienne  Epidaure  qui,  fameuse  autrefois  par  la  guérison  que  les 
malades  y  venaient  chercher  dans  le  temple  d’Elsculape,  vient  d’acquérir 
une  nouvelle  et  bien  différente  célébrité  par  la  mort  du  savant  et  à  jamais 
regrettable  Charles  Lenormant,  qui,  victime  de  l’amour  de  l’archéologie, 
y  contracta  la  funeste  maladie  qui,  quelques  jours  plus  tard,  tranchait  à 
Athènes  cette  existence  si  bien  remplie  déjà,  et  pourtant  encore  si  riche 
d’avenir.  La  forme  de  l’île  d’Égine  est  celle  d’un  triangle  irrégulier  dont 
les  côtés  auraient  environ  10  kilomètres;  son  diamètre  moyen  est  d’un 
peu  plus  de  8  kilomètres;  son  sol,  très-inégal,  paraît  peu  cultivé,  et 
n’otîrait  à  nos  regards  que  quelques  chênes  verts,  clair-semés  et  rabou¬ 
gris.  Une  sommité  domine  toutes  les  autres;  c’est  le  mont  Saint-Élie, 
qui  porte  une  chapelle  construite  des  débris  d‘un  monument  antique. 
■Sur  l’une  des  collines,  à  l’extrémité  orientale  de  l’île,  nous  apercevons 
très  -  distinctement  le  fameux  temple  de  Jupiter  Panhellénien.  Encore 
debout,  en  grande  partie,  il  conserve  de  nombreuses  colonnes,  la  plu¬ 
part  surmontées  de  leurs  architraves 

On  sait  que  les  sculptures  de  ses  frontons,  ces  sculptures,  type  le 
plus  complet  de  l’art  auquel  on  a  donné  le  nom  d’Éginétique,  sont  le 
plus  précieux  trésor  de  la  glyptothèque  de  Munich. 

Le  temple  de  Jupiter  Panhellénien  avait  été  fondé  vers  la  tin  du 


1.  Voy.  la  vignette  en  tête  du  chapitre. 


ÉGINE. 


339 


VI®  siècle  avant  Jésus-Christ,  et,  ainsi  que  son  nom  l’indique,  élevé  par 
tous  les  peuples  de  la  Grèce  au  dieu  qui  les  avait  délivrés  d’une  cruelle 
famine.  Ce  temple  était,  comme  les  plus  anciens  édifices  sacrés  de  la 
Grèce,  d’ordre  dorique;  il  était  liexastyle,  périptère  et  hypèthre;  ses 
côtés  avaient  douze  colonnes,  y  compris  celles  des  angles  ;  il  était  pré¬ 
cédé  d’un  pronaos  soutenu  par  deux  colonnes  entre  les  antes,  et  présen¬ 
tait  un  posticum  semblable  à  la  face  opposée,  et  non  un  opisthodome, 
comme  l’ont  cru  quelques  voyageurs.  La  largeur  de  la  façade  est  de 


Plan  du  Temple  d’Egine, 


12‘",66,  et  la  longueur  du  temple  est  de  27'", 665.  Les  colonnes  du 
péristyle  ont  0"’,975  de  diamètre  à  la  base,  et  s’élèvent  avec  une  dimi¬ 
nution  du  quart  de  ce  diamètre  à  la  hauteur  de  5'", 58,  y  compris  le 
chapiteau.  La  hauteur  totale  du  monument  était  de  jusqu’à 

l’angle  supérieur  du  fronton.  Le  temple  s’élevait  au  milieu  d’un  vaste 
péribole  de  70"',72  sur  42'", 56^. 

L’île  d’Égine  renferme  d’autres  antiquités,  telles  qu’une  chambre 
sépulcrale,  toute  revêtue  de  peintures,  et  quelques  ruines  ejui,  pour  être 
moins  importantes,  ne  sont  cependant  pas  sans  intérêt. 

A  neuf  heures  et  demie,  nous  arrivons  en  rade  de  l’île  de  Poros. 
l’antique  Calaurie,  qui  n’est  séparée  du  continent  de  la  Morée  et  de 
l’ancienne  Trézénie  que  par  un  canal  étroit  et  peu  profond.  A  notre 
droite,  dans  une  gorge  bien  boisée,  s’élève  un  vaste  monastère;  à 
gauche,  un  îlot  isolé  porte  le  fort  Ileijdeck,  batterie  qui  défend  l’entrée 
du  port;  du  même  côté  se  dresse  une  colonne,  restée  seule  debout  de 


1.  E.  Beulé.  L'Architecture  au  siècle  de  Pisistrate.  In-8”,  atl.  1860. 
C.  Garnier.  Revue  de  l’Orient  et  Revue  archéologique. 


340  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

celles  qui  décoraient  le  temple  de  Vénus.  La  ville,  habitée  par  environ 
/|.,500  Albanais,  est  bâtie  sur  un  rocher  uni  à  Tîle  par  une  langue  de 
terre  très-basse  et  très-étroite,  qui  est  couverte  par  les  eaux  quand  les 
vents  du  nord  et  du  midi  soufflent  avec  violence.  Sur  la  plus  haute 
montagne,  nommée  aujourd’hui  Palatia,  sont  les  ruines  d’un  temple  de 
Neptune,  célèbre  par  la  mort  de  Démosthène,  dont  on  montre,  près  de 
là,  le  prétendu  tombeau.  Poros  est  l’arsenal  maritime  de  la  Grèce  mo¬ 
derne  ;  l’île  et  la  terre  ferme  forment  un  grand  et  beau  port  à  l’abri  de 
tous  les  vents,  et  l’un  des  meilleurs  de  ces  parages;  il  a  deux  entrées, 
l’une  au  nord,  l’autre  au  midi;  c’est  devant  cette  dernière  que  notre 
vapeur  a  stoppé,  pour  prendre  et  débarquer  les  voyageurs.  Parmi  les 
nouveaux  venus,  nous  remarquons  un  assez  grand  nombre  de  femmes 
hydriotes,  reconnaissables  au  grand  fichu  qui  leur  enveloppe  entière¬ 
ment  la  tête,  se  croisant  sous  le  menton  et  sur  la  poitrine. 

Après  un  arrêt  de  dix  minutesj  le  steamer  se  remet  en  route  pour 
s’arrêter,  à  onze  heures,  devant  la  ville  d’Hydra,  située  au  côté  nord  de 
l’île  du  même  nom,  l’antique  Ilydrœa,  terre  longue  et  étroite  qui  s’étend 
du  sud-ouest  au  nord-est,  parallèlement  à  l’extrémité  sud-est  de  l’Argo- 
lide.  L’aspect  de  l’île  est  aussi  aride  de  ce  côté  que  de  celui  du  sud, 
que  j’avais  rangé  en  arrivant  à  Athènes  ;  à  peine  aperçoit-on  quelques 
traces  de  végétation;  mais  l’ensemble  est  pittoresque  et  plein  de  carac¬ 
tère.  La  ville,  dont  l’aspect  rappelle  Alger  à  l’époque  de  la  conquête, 
s’élève,  avec  ses  maisons  blanches  et  ses  moulins  à  huit  ailes,  jusqu’à 
une  grande  hauteur  sur  le  penchant  d’un  amphithéâtre  de  montagnes 
que  couronne  un  vaste  couvent.  Comme  Nice,  Hydra  tourne  autour  d’un 
rocher  qui,  s’élevant  au  bord  de  la  mer,  la  partage  en  deux.  C’est  à 
gauche  de  ce  rocher  que  se  creuse  un  port  naturel,  dont  l’entrée  est 
défendue  par  plusieurs  batteries  élevées  par  les  Turcs. 

A  l’extrémité  occidentale  d’Hydra^  nous  laissons  à  droite  l’île  aride  et 
déserte  de  Doko,  et  un  peu  plus  loin,  à  gauche,  Trikeria,  autrefois 
Tricruna,  îlot  pyramidal,  accompagné  de  deux  plus  petits.  Entre  Doko 
et  Trikeria,  nous  apercevons  devant  nous  Spezzo-Poulo ,  et  l’île  plus 
grande  de  Spetzia,  jadis  Tiparenos,  où  nous  arrivons  à  une  heure,  après 
avoir  doublé  le  cap  Milona,  pointe  basse  qui  forme  l’extrémité  la  plus 
méridionale  de  l’Argolide.  La  ville  de  Spetzia,  troisième  station  de 
l’Hydra,  est  située  sur  la  côte  septentrionale  de  l’île,  sur  le  bras  de  mer 


HYDRA.  NAUPLIE. 


341 


assez  étroit  qui  la  sépare  du  continent  ;  son  aspect  est  à  peu  près  le 
même  que  celui  d’Hydra,  cpe  nous  avons  comparée  à  Alger;  seulement 
ses  maisons  blanches  et  sans  toits  s’élèvent  en  amphithéâtre  triangulaire 
sur  une  pente  moins  abrupte.  A  gauche  est  un  joli  port  naturel,  formé 
par  une  presqu’île  couverte  de  moulins  à  huit  ailes,  aussi  bien  qhe  les 
collines  auxquelles  la  ville  est  adossée. 

En  quittant  Spetzia,  nous  entrons  dans  le  golfe  de  Nauplie  ou  d’Argos; 
à  droite,  par-dessus  les  terres  peu  élevées  qui  forment  la  côte  de  l’Ar- 
golide,  nous  apercevons  la  haute  montagne  d’Ortholiti ,  à  laquelle  sa 
double  cime  avait  valu,  dans  l’antiquité,  le  nom  de  Didyme  {double  ou 
jumeau) . 

A  deux  heures  un  c|uart,  nous  laissions  à  droite  l’île  d’Hypsili,  l’an¬ 
cienne  Ephyre,  qui  ne  présente  qu’une  côte  escarpée  et  aride. 


Une  heure  après,  nous  apercevons  le  fort  Palamidi  qui  domine  Nauplie, 
et  la  citadelle  dont  les  murailles  modernes  ont  pour  base  d’antiques 
constructions  helléniques,  et  bientôt  nous  jetons  l’ancre  devant  Nauplie. 
Cette  ville  n’a  ni  quai  ni  port,  et  le  débarquement  ne  peut  se  faire  que 
par  canots.  La  mer  avait  été  très-calme  pendant  toute  la  journée;  mais 
quelcjues  instants  avant  notre  arrivée,  un  vent  violent  s’était  élevé,  et  les 
flots  étaient  devenus  tout  à  coup  fort  agités.  Au  moment  où  notre  légère 
embarcation  passait  sous  l’avant  du  steamer,  celui-ci,  par  un  mouvement 
de  tangage,  engagea  son  beaupré  dans  nos  haubans,  et  nous  enleva,  en 
se  redressant,  à  plus  d’un  mètre  hors  de  l’eau  ;  son  retour  en  avant  nous 
remit  à  flot,  et  heureusement  nous  parvînmes  à  nous  dégager  avant  une 
seconde  ascension.  Cinq  minutes  après,  nous  foulions  le  sol  du  Pélopo- 


342  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

nèse,  et  nous  entrions  dans  la  seule  auberge  de  Nauplie,  Vhôtel  de  la 
Paix,  le  bien  mal  nommé. 

Nauplie  et  le  mont  Palamidi.  qui  la  domine,  ont  conservé  leurs  noms 
antiques;  cependant  on  désigne  aussi  la  ville  sous  ceux  d’Anaplie  et  de 
Napoli  di  Romani. 

Outre  la  citadelle  et  le  fort  Palamidi,  elle  est  défendue  par  le  fort 
Grec  ou  Itschkalé,  et  par  le  fort  Saint-Théodore  ou  Bourdzy,  construit 
par  les  Turcs  sur  un  îlot  isolé,  en  face  de  la  ville.  Située  dans  la  partie 
orientale  du  golfe  d’Argos,  sur  une  langue  de  terre  très-étroite,  Nauplie 
s’avance  dans  la  mer  dans  la  direction  du  sud-est  au  nord-ouest.  L’isthme 
de  cette  petite  presqu’île  est  occupé  par  un  rocher  très-haut  et  très- 
escarpé,  qui  ne  laisse  qu’un  passage  étroit  pour  arriver  à  la  ville.  Le 
fort  Palamidi  a  été  remis  en  état  de  défense,  en  1687,  par  les  Vénitiens 
auxcfuels  la  ville  doit  aussi  la  plupart  des  bastions  qui  la  protègent.  Ces 
diverses  constructions  portent  en  bas-reliefs  des  lions  de  Saint-Marc  et 
des  inscriptions  faisant  connaître  les  noms  des  provéditeurs  qui  ont  pris 
part  à  ces  travaux.  Nauplie,  depuis  les  premières  années  du  xiiP  siècle, 
n’a  cessé  de  passer  successivement  des  Turcs  aux  Vénitiens,  des  Véni¬ 
tiens  aux  Turcs.  Enfin,  après  un  siège  de  trois  mois,  les  Grecs  y  entrè¬ 
rent  en  vainqueurs,  le  3  janvier  1823,  et,  après  la  proclamation  de 
l’indépendance,  cette  ville  fut  le  siège  du  gouvernement  jusqu’au  13  dé¬ 
cembre  1834  ,  épocjue  où  Athènes  fut  déclarée  capitale.  Nauplie  est 
aujourd’hui  le  chef-lieu  de  la  préfecture  de  l’Argolide;  sa  population  est 
de  6,000  âmes,  compris  le  faubourg  de  Pronia. 

'  Les  rues  sont  en  général  étroites  et  souvent  rétrécies  encore  par  d’an¬ 
ciennes  maisons  turques  dont  les  étages  s’avancent  en  encorbellement. 
Nous  avons  été  étonnés  de  la  beauté  des  femmes  qui  paraissaient  aux 
fenêtres;  on  n’est  pas  habitué  en  Grèce  à  de  semblables  surprises. 
Toutes  les  rues  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  voisinage  de  la  mer  sont 
très-escarpées  et  ont  souvent  même  des  degrés.  A  chaque  pas  on  y 
rencontre  des  fontaines  turques  dont  quelques-unes  sont  assez  élégantes. 
Dans  la  partie  basse  de  la  ville  sont  deux  belles  places  rectangulaires. 
L’une  est  plantée  d’arbres  et  bordée  de  cafés  des  deux  longs  côtés; 
à  l’une  des  extrémités  est  une  caserne,  à  l’autre  sont  une  ancienne 
mosquée  convertie  en  école  publique,  et  le  monument  funéraire  de 
Démétrius  Ypsilanti,  l’un  des  héros  de  la  guerre  de  l’indépendance  ;  ce 


NAüPLIE. 


343 


mausolée  est  composé-d’un  grand  dé  de  marbre  surmonté  d’un  cippe  por¬ 
tant  une  croix,  et  rappelant  le  tombeau  de  Nœvoleia  Tychè,  à  Pompéi. 

Sur  l’autre  place  se  trouvent  l’arsenal  et  le  palais  du  gouvernement, 
construit  par  Gapo  d’istrias.  Ce  n’est  qu’une  grande  maison  percée  d’un 
passage  public.  Le  roi  Othon  y  résida  depuis  son  débarquement,  le 
6  février  1833,  jusqu’au  13  décembre  183/|.. 

Le  seul  édifice  de  quelque  intérêt  que  présente  Nauplie  est  l’église  de 
Saint-Spiridion ,  et  encore  seulement  par  le  souvenir  qui  s’y  rattache; 
elle  n’a  qu’une  seule  nef  peu  étendue  avec  une  coupole  fermée;  ses 
murailles  sont  revêtues  entièrement  de  peintures  byzantines  modernes. 
C’est  en  sortant  de  Saint-Spiridion,  par  la  porte  latérale  de  droite,  que, 
le  9  octobre  1831,  le  président  Jean  Capo  d’istrias,  à  six  heures  du 
matin,  fut  assassiné  par  les  frères  Constantin  et  Georges  Mavromichalis. 
Ce  dernier  le  frappa  d’un  coup  de  poignard  dans  le  côté,  et  Constantin 
lui  tira  à  bout  portant  un  coup  de  pistolet,  et  on  voit  encore  dans  l’un 
des  piédroits  de  la  porte  la  trace  profonde  de  la  balle.  Constantin  fut 
sur-le-champ  massacré  par  le  peuple  indigné,  et  Georges  fut  condamné 
et  fusillé  peu  de  temps  après. 

Hors  de  Nauplie  s’étend  le  faubourg  de  Pronia,  à  l’extrémité  duquel, 
sur  le  flanc  d’un  rocher,  on  voit  un  monument  exécuté  par  le  sculpteur 
allemand  Siegel,  en  l’honneur  des  soldats  bavarois  morts  en  Grèce. 
C’est  un  lion  colossal  couché,  taillé  dans  le  roc,  à  rimitation  du  fameux 
lion  de  Lucerne.  Au-dessous  est  gravée  cette  inscription  : 

OFFIZIERE  UND  SOLDAïE 
KÔNIGLICH  BAYERISCHEN  BRIGADE 
IHREN  KAMERADEN 
F  1833  UND  1834 
ZUM  VOLLENDUNG  GEBRACHT 
D  ü  R  G  H 

LUDWIG  I  KONIG  VON  BAYERN. 

i'  Les  officiers  et  les  soldats  de  la  royale  brigade  bavaroise  à  leurs  camarades 
morts  en  1833  et  1834. 

Terminé  par  Louis  P*’,  roi  de  Bavière.  »  • 

A  gauche  du  monument  est  un  grand  cimetière  moderne,  entouré  de 
murs;  à  droite,  un  autre  cimetière  ne  contient  qu’un  petit  nombre  de 
tombes  dont  plusieurs  portent  des  noms  français.  Celui-ci  est  dominé 
par  une  chapelle  en  grande  partie  creusée  dans  le  roc. 


344  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

De  ce  point  assez  élevé  au-dessus  de  la  plaine,  ie  regard  embrasse  à 
la  fois  la  rade,  la  ville  et  les  forts  de  Nauplie,  et  sa  campagne  ver¬ 
doyante,  plantée  de  vignes,  d’oliviers,  de  mûriers,  d’amandiers,  de 
trembles,  de  figuiers  et  de  cyprès.  Dans  le  fond,  on  aperçoit  Argos  et 
le  mont  Chaon. 

Le  13  mai,  après  une  nuit  abominable  [passée  sur  d’affreux  grabats, 
et  pendant  laquelle  une  chasse,  hélas  !  trop  fructueuse,  les  chants  des 
buveurs  séparés  de  nous  par  une  cloison,  des  joueurs  de  billard  qui  ne 
cessèrent  de  s’escrimer  sous  notre  chambre,  les  miaulements  des  chats 
amoureux,  les  aboiements  des  chiens,  les  cris  des  sentinelles,  ne  nous 
ont  pas  laissé  fermer  l’œil  un  instant,  et  qu’a  couronnée,  à  quatre  heures 
du  matin,  une  fanfare  de  trompettes  avec  accompagnement  de  tambours, 
nous  avons  quitté  avec  joie  V hôtel  de  la  Paix.  A  cinq  heures,  nous 
sommes  partis  de  Nauplie  dans  une  calèche  antédiluvienne,  et,  con¬ 
tournant  le  golfe  d’ Argos ,  nous  sommes  arrivés  en  vingt-cinq  minutes 
à  une  ferme -modèle  qui  avait  été  créée  par  Capo  d’Istrias,  mais  qui 
depuis  a  été  partagée  et  affermée  à  divers  cultivateurs.  A  côté  s’élèvent 
les  ruines  de  Tirynthe,  aujourd’hui  Palæo-Anapli. 

Tirynthe  était  située  dans  une  plaine,  autour  de  l’éminence  qui  por¬ 
tait  son  Acropole  appelée,  selon  Strabon,  Lycimnœ;  cette  Acropole  est 
restée  seule,  et  en  vain  aujourd’hui  chercherait-on  d’autres  vestiges  de 
cette  antique  cité  dont  les  fortes  murailles  sont  vantées  par  Homère  ^  et 
par  Hésiode  2. 

«  La  forteresse  de  Tirynthe,  dit  M.  Petit-Radel  est  un  des  monu¬ 
ments  les  plus  remarquables  de  l’antiquité  ;  on  y  a  trouvé  des  construc¬ 
tions  moins  irrégulières  les  unes  que  les  autres;  ce  sont  évidemment 
des  ouvrages  de  divers  règnes.  J’attribue  à  Prœtus  la  plus  régulière,  et 
je  considère  les  autres  comme  devant  dater  de  la  fondation  de  la  ville 
par  Tiryns,  fils  d’ Argus.  » 

Suivant  Pausanias,  et  dans  le  langage  des  anciennes  traditions,  une 
ville  avait  toujours  été  primitivement  fondée  par  le  héros  le  plus  ancien¬ 
nement  nommé  dans  l’histoire  de  sa  ville;  mais  comme  Apollodore, 

1.  Iliade.  C.  II,  v.  559. 

2.  Scutum  HercuUs,  v.  81. 

3.  Petit-Radel.  Recherches  stir  les  monuments  cyclopéens. 


TIRYNTHE. 


345 


Pausanias  et  Strabon  ont  dit  que  Tirynthe  fut  l’ouvrage  des  Cyclopes 
amenés  de  Lycie  par  Prœtus,  on  a  le  droit  d’exiger  qu’il  soit  prouvé  que 
Tirynthe  existait  avant  le  règne  de  ce  prince.  Or,  Pausanias  lui-même 
en  fournit  la  preuve. 

«  Les  anciennes  traditions,  dit-il,  portaient  que  Pirasus  avait  consacré 
à  Tirynthe  une  statue  de  poirier  existant  encore  de  son  temps  ;  elle  était 
considérée  comme  la  plus  ancienne  de  toutes  celles  conservées  dans 
VHœreum  d’Argos  ;  elle  représentait  Junon.  » 

La  ville  existait  donc  dès  lors,  et  ce  fait  s’explique  par  sa  fondation 
par  Tiryns,  fils  d’ Argus.  Si,  au  contraire,  Prœtus  en  avait  été  le  pre¬ 
mier  fondateur,  Tirynthe  daterait  seulement  de  l’an  1379  environ  ^  avant 
Jésus-Christ;  mais  tout  concourt  à  nous  prouver  que  c’est  à  l’époque  de 
Pirasus,  roi  d’Argos,  c’est-à-dire  vers  l’an  1710  avant  Jésus-Christ, 
qu’il  faut  placer  la  fondation  de  Tirynthe. 

Pausanias  nous  apprend  encore  que  cette  ville  fut  détruite  par  les 
Argiens,  qui  en  transportèrent  les  habitants  à  Argos  qui  avait  besoin 
d’être  repeuplée.  Suivant  les  traditions  mythologiques.  Hercule  passa 
son  enfance  à  Tirynthe,  et  y  fit  dans  la  suite  un  assez  long  séjour.  C’est 
là  qu’il  amena  d’Espagne  les  troupeaux  enlevés  à  Géryon. 

«  Les  murs  de  Tirynthe,  dit  Pausanias,  sont  construits  en  pierres 
brutes,  toutes  d’une  telle  dimension,  que  deux  bœufs  attelés  au  joug 
n’ébranleraient  pas  même  la  plus  petite.  Les  interstices  sont  remplis  par 
de  plus  petites  pierres  qui  servent  de  liaison  aux  grosses.  » 

Tels  Pausanias  les  vit  au  second  siècle  de  notre  ère,  tels  ces  murs  se 
présentent  encore  aujourd’hui  à  nos  regards  étonnés  ;  car  il  ne  paraît 
pas  que  la  ville  ait  été  rebâtie  ou  repeuplée  après  sa  destruction  par  les 
Argiens,  environ  /|.68  ans  avant  Jésus-Christ.  On  ne  peut  douter  que  les 
ruines  actuelles  n’appartiennent  à  la  citadelle  existant  du  temps  d’Ho¬ 
mère  ,  et  que  ces  murailles  ne  soient  celles  qui  firent  donner  par  le  poète 
à  la  ville  le  nom  de  T'ipuvÔa  T^lyl6^c(jlxv,  Tirynthe  entourée  de  murs. 
Quelque  longue  que  soit  une  pareille  durée,  elle  ne  présente  rien  d’in¬ 
croyable,  lorsqu’on  considère  les  masses  gigantesques  dont  ces  murs 
sont  composés,  et  la  force  invincible  de  résistance  qu’ils  opposaient  aux 
causes  ordinaires  de  destruction. 

1.  M.  Petit-Radel  fixe  cette  première  date  à  l’an  1450  avant  l’ère  chrétienne. 


346  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

L’Acropole  de  Tirynthe,  dont  la  «  masse  indestructible  a  fatigué  le 
temps,  »  est  construite  sur  un  rocher  oblong  qui,  dans  sa  plus  grande 
hauteur,  ne  s’élève  pas  à  10  mètres  au-dessus  de  la  plaine,  et  qui, 
dans  plusieurs  endroits,  se  confond  presque  avec  elle;  sa  direction  est 
du  nord  au  sud.  Au  nord,  elle  fait  face  à  Nauplie;  au  sud,  à  Mycènes. 
Les  murs  de  l’Acropole  renferment  une  superficie  d’environ  60  mètres 
de  longueur  sur  18  mètres  de  largeur;  ils  sont  construits  en  lignes 
droites,  mais  brisées,  a  Une  forteresse  si  petite,  dit  Dodwell^,  peut 
nous  paraître  indigne  du  héros  de  Tirynthe;  mais,  malgré  le  peu  d’éten¬ 
due  de  terrain  qu’elle  occupe,  son  mur  d’enceinte  nous  offre  des  dimen¬ 
sions  que,  sans  exagération,  on  peut  nommer  herculéennes.  Il  a,  en 
général ,  6  mètres  d’épaisseur,  et  dans  quelques  endroits  7"’, 70.  Sa 
hauteur  actuelle,  dans  les  endroits  où  il  est  le  mieux  conservé,  est  de 
13  mètres.  » 

Les  blocs  qui  les  composent  semblent  avoir  été  assemblés  à  peu  près 
dans  1  état  où  ils  étaient  en  sortant  de  la  carrière.  Les  plus  volumineux 
ont  de  3  à  A  mètres  de  longueur  sur  1"’,33  d’épaisseur  ;  leur  grandeur 
ordinaire  est  de  1  mètre  à  2'", 35.  La  hauteur  primitive  des  murs  n’était 
probablement  pas  moindre  de  18  mètres.  On  trouve  dans  l’intérieur  de 
l’Acropole  un  petit  nombre  de  blocs  détachés  qui  ont  été  taillés  et  qui 
paraissent  avoir  appartenu  aux  portes.  La  citadelle,  suivant  W.  Gell-, 
qui  en  donne  une  description  très-détaillée,  avait  trois  entrées  :  l’une  à 
l’est  ,  l’autre  à  l’ouest,  la  troisième  à  l’angle  sud-est.  L’entrée  de  l’est 
est  dans  un  état  passable  de  conservation  ;  un  chemin .  oblique  de 
5  mètres  de  large,  ou  plutôt  une  rampe  soutenue  par  un  mur  également 
de  construction  cyclopéenne,  monte  de  la  plaine  en  suivant  les  murailles 
orientale  et  méridionale  d’une  forte  tour,  large  d’environ  7  mètres  et 
haute  de  7'", 70,  et  aboutit  à  une  porte  composée  d’énormes  blocs  de 
pierres,  l‘architrave  seule  ayant  3'", AO  de  longueur.  La  porte  a  5  mètres 
de  hauteur.  Elle  jouait  sur  un  pivot  placé  au  centre,  et  qui  entrait 
dans  des  tourillons  creusés  dans  l’architrave  et  dans  le  seuil,  de  sorte 
qu’un  des  côtés  s’ouvrait  en  dedans  et  l’autre  en  dehors,  disposition  qui 
est  une  nouvelle  preuve  de  la  haute  antiquité  de  cette  porte,  et  de  la 


\.  Dodwell  (Edw).  Wiews  and  descriptions  of  Cyclopian  or  Pelasgic  remains  in  Greece  and  Italy. 
2.  Argolis.  The  itinerary  of  Greece  with  a  commenlary  on  Pausanias  and  Strabo,  etc. 


TIRYNTIIE. 


347 


simplicité  des  temps  où  elle  a  été  construite.  La  porte  de  l’angle  sud- 
est  est  entièrement  détruite. 

La  partie  la  plus  curieuse  de  l’Acropole  se  trouve  à  l’est. 


Auprès  d’un  pan  de  muraille  bien  conservé,  s’ouvre  une  galerie  ogivale 
formée  de  cinq  à  six  assises,  dont  les  deux  supérieures  s’avancent  en 
encorbellement  et  se  réunissent  au  sommet.  Dans  sa  partie  la  plus  éle¬ 
vée,  la  galerie,  malgré  l’exhaussement  du  sol,  a  encore  S'", 15  de  hau¬ 
teur;  sa  largeur  est  de  1"',80,  et  la  longueur  totale  de  la  partie  con¬ 
servée  est  de  25  mètres.  Du  coté  du  levant  s’ouvrent  cinq  fenêtres  ou 
meurtrières  également  ogivales,  s’élevant  jusqu’à  la  naissance  des  deux 
assises  inclinées  de  la  galerie  principale.  Au  tiers  de  celle-ci,  on  voit 
deux  pierres  en  face  l’ime  de  l’autre,  où  sont  creusés  deux  trous  qui 
durent  recevoir  une  barre  de  porte.  Les  blocs  qui  composent  cette  galerie 
sont  généralement  plus  grossiers  encore  que  ceux  dont  sont  formées  les 
murailles  et  surtout  les  portes  du  reste  de  l’enceinte.  La  voûte  est  pro¬ 
bablement  le  plus  ancien  exemple,  en  Grèce,  de  l’emploi  de  la  forme 
ogivale.  Dans  l’intérieur  même  de  l’Acropole,  on  trouve  une  porte  éga¬ 
lement  surmontée  de  pierres ,  se  rapprochant  par  encorbellement ,  et 
formant  une  sorte  d’angle  aigu  au  sommet.  On  reconnaît  encore  quel- 
c^ues  exemples  de  ce  mode  de  construction  à  Mycènes,  aux  environs  de 
Missolonghi,  en  Étolie,  à  Thoricos,  dans  l’Attique,  enfin  en  Italie,  aux 
ruines  d’Arpino,  de  Segni  et  d’Alatri. 


348  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONËSE. 

Partis  de  Tirynthe  à  six  heures  et  demie,  nous  traversons  la  plaine 
d’Argos,  fertile  en  orge  et  en  tabac  très-renommé.  Bientôt  nous  fran¬ 
chissons  le  petit  fleuve  Inachus,  père  de  la  fabuleuse  lo  4,  et  le  Xerias, 
rancien  Charadrus,  assez  près  du  point  où  ces  deux  maigres  cours 
d’eau  se  réunissent  pour  se  jeter  à  la  mer.  La  partie  sud-ouest  de 
la  plaine,  sur  le  bord  du  golfe  et  à  gauche  d’Argos,  est  le  fameux 
marais  de  Lerne,  célèbre  par  la  victoire  d’Hercule  sur  l’hydre  à  sept 
têtes  2. 

A  sept  heures  nous  arrivions  à  Argos,  située  à  6  kilomètres  environ 
de  l’extrémité  nord-ouest  du  golfe,  dans  une  plaine,  au  pied  du  mont 
Chaon,  qui  porte  sa  forteresse  du  moyen  âge  reposant  sur  des  murailles 
cyclopéennes,  que,  dans  la  guerre  achéenne,  Cléomènes  essaya  vaine¬ 
ment  de  renverser.  Cette  Acropole,  qui  portait  le  nom  de  tarisse ,  con¬ 
tient  encore  quatre  belles  citernes  antiques . 

Incendiée  trois  fois  pendant  la  guerre  de  l’indépendance,  la  moderne 
Argos  a  un  air  de  propreté  assez  rare  dans  ces  contrées  ;  les  rues  sont 
larges,  bien  alignées;  mais  les  maisons  n’ont,  pour  la  plupart,  qu’un 
rez-de-chaussée,  et  quelques-unes  seulement  ont  un  étage.  Presque 
toutes  sont  bâties  en  bois  avec  des  boutiques  ouvertes  au  rez-de-chaus¬ 
sée;  aussi  Argos  ressemble-t-elle  moins  à  une  ville  qu’à  un  vaste  champ 
de  foire.  De  ce  mode  de  construction  il  résulte  que,  bien  c|u’elle  ne 
renferme  guère  plus  de  8,000  habitants,  la  ville  moderne  a  une  étendue 
presque  égale  à  celle  de  la  ville  antique. 

Argos  a  conservé  peu  de  restes  de  sa  splendeur  première.  Le  monu¬ 
ment  le  plus  important  qui  s’y  trouve  encore  est  le  théâtre  situé  à 
l’ouest  de  la  ville  et  creusé  dans  le  flanc  du  mont  Chaon.  Il  ne  reste 
rien  des  constructions  de  la  scène,  mais  on  voit  une  grande  partie  des 
gradins  taillés  dans  le  roc  et  partagés  en  trois  précinctions  et  quatre 
cunei.  La  première  précinction  se  compose  de  33  gradins,  larges  en 

1.  Ovide.  Met.  L.  I,  v.  582. 

Inachus,  dieu-fleuve  et  roi  d’Argos,  était,  suivant  la  fable,  fils  de  l’Océan  et  de  Téthys;  mais  si  l’on 
en  croit  une  tradition  plus  acceptable,  c’était  un  chef  autochtbone  qui,  réfugié  sur  les  montagnes, 
avec  un  corps  d’Argiens,  lors  du  déluge  de  Deucalion,  redescendit  dans  la  plaine  lorsque  les  eaux 
furent  écoulées,  fit  rentrer  dans  son  lit  le  fleuve  qui  inondait  le  pays,  et  lui  donna  son  nom. 

2.  Les  marais  de  Lerne  exhalaient  des  miasmes  pestilentiels  qui  dépeuplaient  la  contrée;  Her¬ 
cule,  en  les  desséchant,  fit  cesser  la  mortalité;  de  là  vint  la  fable  de  l’hydre  à  sept  têtes  dont  il 
délivra  l’Argolide. 


ARGOS. 


349 


moyenne  de  0"‘,70,  et  hauts  de  O'", 35  à  O'", 38.  Le  premier  deam- 
bulacrwn  ou  passage,  large  de  était  surmonté  d’un  gradin  de 

hauteur  double,  sur  lequel  personne  ne  prenait  place.  La  deuxième 
précinction  était  formée  de  16  gradins,  y  compris  le  gradin  inférieur; 
au-dessus  de  celle-ci,  le  passage  était  beaucoup  plus  large;  il  n’avait 
pas  moins  de  2'”, 55,  et,  pour  conserver  à  l’ensemble  des  gradins  sa 
ligne  d’inclinaison,  le  premier  gradin  de  la  troisième  précinction  avait 
i'”,30  de  hauteur.  Dans  celui-ci  sont  entaillés  des  espèces  de  sièges 
de  distance  en  distance  ;  ils  servaient  sans  doute  de  poste  aux  employés 
du  théâtre,  aux  designatores  chargés  d’indiquer  à  chacun  la  place  qu’il 
devait  occuper.  La  partie  du  xoilov,  de  la  cavea  ou  amphithéâtre,  con¬ 
servée  dans  sa  plus  grande  longueur,  se  trouve  à  la  deuxième  précinc¬ 
tion  ;  elle  n’a  pas  moins  de  mètres. 

Au  sud  et  près  du  grand  théâtre  sont,  suivant  l’usage,  cjuelques  gra¬ 
dins  d’un  théâtre  plus  petit,  d’un  odéon;  des  restes  de  constructions 
en  blocage  doivent  avoir  appartenu  à  la  scène. 

Au  pied  du  grand  théâtre,  à  l’extrémité  méridionale  de  son  hémi¬ 
cycle,  est  un  édifice  romain  en  briques,  qui  paraît  avoir  été  un  temple  ; 
c’est  une  vaste  salle  rectangulaire  terminée  par  un  hémicycle  en  cul- 
de-four.  Le  coté  sud,  la  voûte  et  une  partie  du  cul-de-four  sont  écroulés. 
Devant  le  temple  est  une  piscine  carrée,  un  bassin  également  en  briques 
et  d’époque  romaine. 

Au  nord,  et  toujours  à  la  base  de  la  montagne  qui  porte  l’Acropole, 
est  une  autre  ruine  romaine  au  fond  de  laquelle  est  une  niche  que  l’on 
reconnaît  pour  le  débouché  d’un  aqueduc  ;  elle  a  pour  base  un  plateau 
que  soutiennent  des  murs  de  construction  cyclopéenne,  et  a  dû  remplacer 
quelqu’un  des  temples  mentionnés  par  Pausanias. 

En  ville,  sur  la  place  où  s’élève  en  ce  moment  une  grande  église,  se 
trouve  la  mairie,  dont  l’une  des  salles  contient  un  petit  musée  de  vases, 
de  sculptures  et  autres  fragments  recueillis  dans  les  fouilles. 

A  huit  heures  un  quart  nous  cjuittons  Argos,  toujours  en  voiture,  car 
la  route  en  plaine  est  encore  assez  bonne.  A  peu  de  distance  de  la  ville, 
près  d’un  moulin,  on  nous  signale  un  cimetière  des  plus  primitifs;  il 
n’a  pas  d’enceinte,  et  les  tombes  ne  sont  indiciuées  que  par  un  amas  de 
cailloux  ou  par  un  simple  piquet.  A  neuf  heures  nous  arrivons  à  un 
khanij,  misérable  hutte  isolée,  bâtie  au  point  où  la  route  cesse  d’être 


350  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

praticable  aux  voitures.  On  nous  y  fournit  en  plein  air  une  table  boi¬ 
teuse,  des  escabeaux,  et  de  l’eau  d’une  propreté  douteuse,  et  nous 
déjeunons  des  provisions  apportées  par  notre  guide.  Pendant  notre 
modeste  repas,  cinq  chevaux  que  Manuel  avait  retenus  à  Argos  arrivent 
sous  la  conduite  de  deux  agoyates;  c’est  le  nom  que  l’on  donne  en  Grèce 
aux  loueurs  de  chevaux  qui  accompagnent  les  voyageurs  auxquels  ils 
ont  fourni  des  montures.  Deux  de  ces  chevaux  étaient  destinés  à  porter 
les  bagages.  L’aspect  de  ces  pauvres  bêtes  n’était  pas  engageant,  mais 
leur  harnachement  l’était  moins  encore.  Pour  selle,  un  large  bât  de  bois 
sur  lequel  Manuel  sangle  une  de  ses  couvertures;  pour  étriers,  des 
cordes  doubles;  pour  bride,  une  corde  simple  attachée  à  un  anneau, 
sous  la  ganache  du  cheval  :  tout  cela  ne  composait  pas  un  ensemble 
bien  satisfaisant,  et  cependant  nous  vîmes  le  moment  où  même  ces  tristes 
moyens  de  transport  allaient  nous  manquer.  Tout  paraissait  prêt  pour 
le  départ,  quand  une  querelle  violente  s’éleva  entre  Manuel  et  les  deux 
agoyates  que  paraissaient  soutenir  les  habitants  du  khani,  comme  eux 
porteurs  de  poignards  et  de  figures  peu  rassurantes.  Déjà  les  agoyates 
commençaient  à  décharger  les  chevaux,  c{uand  nous  parvînmes  à  com¬ 
prendre  c|ue  cette  querelle,  qui  semblait  menacer  de  devenir  sanglante, 
avait  pour  cause  5  drachmes  (à  fr.  50  c.)  c{ue  les  agoyates  exigeaient 
au  delà  du  prix  convenu  pour  nous  laisser  passer  par  Némée,  ce  qui 
allongeait  le  chemin  de  deux  ou  trois  heures.  On  conçoit  qu’alors  l’affaire 
fut  bientôt  arrangée,  et,  à  dix  heures  un  quart,  nous  pûmes  monter  à 
cheval  et  nous  diriger  vers  Mycènes,  pendant  que  les  agoyates,  avec 
les  chevaux  de  somme,  se  rendaient  directement  à  Corinthe.  En  dix 
minutes  nous  étions  au  village  de  Kharvati,  et  un  quart  d’heure  après 
nous  mettions  pied  à  terre  devant  la  Trésorerie  d’Atrée,  l’un  des  monu¬ 
ments  les  plus  intéressants  de  l’antique  Mycènes.  On  lui  donne  commu¬ 
nément  ici  le  nom  de  Tombeau  d’Agamemnon. 

Pausanias  cite,  parmi  les  édifices  qu’il  vit  à  Mycènes,  des  chambres 
souterraines  où  l’on  dit  qu’Atrée  et  ses  enfants  cachaient  leurs  trésors. 
Il  ne  donne  pas  la  description  de  ces  chambres  souterraines ,  mais  ce 
c[u  il  dit  ailleurs  du  trésor  de  Minyas  à  Orchomène  s’applique  si  parfai¬ 
tement  à  l’édifice  de  Mycènes ,  qu’il  est  impossible  de  méconnaître 
l’identité  de  leur  destination.  Nous  croyons,  du  reste,  c[u’il  est  plus  que 
probable  que  le  monument  qui  nous  occupe  fut  à  la  fois  un  trésor  ,  et  un 


MYCÈNES. 


351 


tombeau.  A  l’exception  de  sa  façade,  il  est  entièrement  souterrain,  et 
son  aspect  extérieur  était  celui  d’un  tumulus. 


plan  de  la  Trésorerie  d’Atrée. 


Un  corridor  ou  passage  à  ciel  ouvert  A,  de  6"“,25  de  largeur  et  19'", 50 
de  longueur,  formé  par  deux  murailles  de  construction  cyclopéenne,  à 
assises  régulières,  conduit  à  la  porte  B,  large  de  3'",  17  à  la  base  et  de 
2"b32  au  sommet;  sa  hauteur  est  de  6'", 30. 


Porte  de  la  Trésorerie  d’Alrée. 


La  partie  la  plus  remarquable  de  cette  porte  est  le  linteau,  qui  est 
formé  de  deux  énormes  pierres  juxtaposées  ;  la  plus  grande  a  8"*,  15  de 
long  sur  6'", 50  de  profondeur,  et  l''*,22  d’épaisseur;  ce  qui  donne  un 
cube  de  OA"', 63,  dont  on  peut  évaluer  le  poids  à  168,68A  kilogrammes. 
Au-dessus  du  linteau  est  une  ouverture  triangulaire  qui  put  contenir 
ciuelque  bas-relief  ou  qui,  plus  probablement,  ne  fut  qu’une  sorte  de  sou¬ 
pirail  destiné  à  donner  de  l’air  et  de  la  lumière.  Lorsqu’on  a  franchi  la 


352 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 


porte,  on  est  étonné  de  l’énorme  épaisseur  des  murailles,  formées  d’une 
brèche  grossière  provenant  des  rochers  du  voisinage.  Ces  murailles  n’ont 
pas  moins  de  6  mètres,  et  forment  un  corridor  C  par  lequel  on  pénètre 
dans  l’intérieur  de  l’édifice. 


Intérieur  de  la  Trésorerie  d’Atrée. 


On  se  trouve  alors  dans  une  grande  salle  circulaire  D,  de  l/i"',3ü  de 
diamètre,  surmontée  d’une  voûte  de  forme  parabolique,  dont  la  con¬ 
struction  dénoté  la  haute  antiquité.  Les  voussoirs  qui  la  composent  sont 
simplement  des  assises  horizontales,  taillées  circulairement  à  l’intérieur 
et  posées  en  encorbellement  les  unes  sur  les  autres.  La  hauteur  de  ces 
assises  est  partout  d’environ  0"’,66.  Des  travaux  que  l’on  exécutait  ont 
dû  mettre  à  découvert  le  sol  antique  qui  se  trouve  à  1"',40  au-dessous 
du  sol  actuel,  et  en  même  temps  un  soubassement  formé  d’assises  plus 
hautes  que  les  autres.  L’élévation  de  la  voûte  sera  de  i3"h80.  Cette 
salle  était  entièrement  revêtue  de  lames  de  bronze,  retenues  par  des 
clous  de  même  métal  longs  de  0‘“,  11  et  fichés  dans  les  interstices 
des  pierres.  Nous  possédons  un  de  ces  clous,  qui  en  fut  détaché 
par  M.  Raoul  Rochette;  il  en  reste  encore  en  place  un  certain  nombi’e 
dans  la  partie  la  plus  élevée  de  la  voûte,  où  l’on  ne  peut  atteindre  ;  ils 
sont  peu  visibles,  la  voûte  étant  tout  enfumée  par  les  feux  de  bruyères 
sèches  que  les  paysans  allument  pour  éclairer  les  voyageurs.  A  droite 
de  la  rotonde  est  une  salle  plus  petite  E,  creusée  dans  le  roc,  qui  put 
être  une  sépulture  ;  la  hauteur  de  sa  porte  est  de  2'", 90,  et  sa  largeur 
de  L",50  à  la  base  et  au  sommet.  Au-dessus  du  linteau  est  une 


MYCENES. 


353 


cavité  triangulaire,  comme  à  la  grande  porte;  le  caveau,  entièrement 
creusé  dans  la  brèche,  est  de  forme  rectangulaire,  long  de  8'”, 60,  large 
de  6'",25.  Sa  hauteur  sera  de  6  mètres  lorsque  le  sol  sera  entièrement 
déblayé 

En  quittant  la  Trésorerie  d’Atrée ,  nous  sommes  passés  près  d’un 
autre  édifice  du  mçme  genre  entièrement  enterré,  et  un  quart  d’heure  de 
marche  nous  a  conduits  devant  l’Acropole  de  Mycènes  et  la  fameuse 
Porte  des  Lions. 

Mycènes  passe  pour  avoir  été  fondée  par  Mycénée  dix-sept  cents  ans 
environ  avant  Jésus-Christ,  puis,  plus  tard,  considérablement  augmentée 
et  en  quelque  sorte  fondée  de  nouveau  par  Persée,  frère  de  Prœtus,  vers 
l’an  1390.  Le  nom  pluriel  de  Mycènes,  Mu5v?ivai,  serait  lui-même  une 
preuve  de  cette  double  fondation,  quand  Apollodore  ^  ne  la  confirmerait 
pas  encore  plus  positivement  en  disant  que  Persée  éleva  des  fortifications 
en  avant  de  Mycènes  et  de  Midéa.  Plusieurs  passages  de  Thucydide  pour¬ 
raient  encore  venir  à  f’ appui  de  cette  assertion. 

On  fait  dériver  le  nom  de  Mycènes,  soit  de  celui  de  son  premier 
fondateur,  soit  du  mot  yu/v/iç  qui  signifie  en  même  temps  garde  d’épée  et 
champignon.  Selon  plusieurs  auteurs,  ce  serait  à  cette  dernière  signifi¬ 
cation  qu’il  faudrait  s’arrêter,  une  source  qui  désaltéra  Persée  ayant  été 
découverte  sous  un  champignon.  Dodwell  ^  propose  une  étymologie 
moins  admissible  selon  nous,  quand  il  croit  en  avoir  trouvé  l’origine 
dans  l’aspect  de  l’Acropole,  qui  rappellerait  un  peu,  dit-il,  la  forme 
d’un  champignon.  Je  préférerais  sans  doute,  et  comme  plus  vraie  et 
comme  plus  poétique,  la  pensée  de  Nonnus  qui  compare  l’Acropole  de 
Mycènes  à  une  couronne  murale. 

Mycènes  était  une  des  plus  belles  villes  du  Péloponèse;  Homère  parle 
de  la  largeur  de  ses  rues  et  lui  donne  l’épithète  de  bien  bâtie,  eùx.Tiyevov 
TTTo'XieGpov.  L’histoire  nous  apprend  qu’elle  commença  à  perdre  sa  célé¬ 
brité,  sa  puissance  et  sa  population,  dès  l’époque  de  la  destruction  de 
la  famille  d'Agamemnon  et  le  retour  des  Iléraclides  dans  le  Péloponèse, 

1.  Voir,  pour  plus  de  détails,  notre  notice  dans  les  Monuments  anciens  et  modernes  de  J.  Gailha- 
baud. 

2.  BiBUOxn.  L.  II,  c.  4,  §  4. 

3.  Dodwell  (Edvv).  Views  and  descriptions  of  cyclopian  or  pelasgic  remains  in  Greece  and  Italy. 

4.  Dionys.  L.  XLI. 


23 


354 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 


environ  quatre-vingts  ans  après  la  ruine  de  Troie  Les  Argiens,  jaloux 
d’avoir  vu  quatre-vingts  de  ses  habitants  partager  la  gloire  des  Spartiates 
au  combat  des  Thermopyles,  mirent  fin  à  l’existence  de  cette  malheu¬ 
reuse  ville,  peu  de  temps  après  l’invasion  des  Perses,  c’est-à-dire  dans 
la  VS*"  olympiade  (à68  avant  Jésus-Christ).  La  place  ayant  été  complète¬ 
ment  détruite,  une  partie  de  ses  habitants  se  réfugia  à  Cléonée,  d’autres 
en  plus  grand  nombre  se  retirèrent  en  Macédoine,  et  le  reste  vint  s’éta¬ 
blir  àCerynée,  dans  l’Achaïe^,  Mycènes  avait  existé  neuf  cent  vingt-deux 
ans  depuis  sa  seconde  fondation  par  Persée. 

Elle  ne  fut  jamais  repeuplée ,  et  il  paraît  que  ses  vestiges  mêmes 
restèrent  presque  ignorés.  Il  est  singulier  cependant  que  Strabon,  qui 
alla  à  Corinthe,  à  très-peu  de  distance  de  Mycènes,  ait  pu  avancer 
qu’il  n’en  restait  plus  aucune  trace.  Du  reste,  ce  n’est  pas  la  seule  fois 
que  ce  géographe  ait  ainsi  effacé  de  la  carte  des  villes  qui,  aujourd’hui 
encore,  offrent  des  ruines  considérables.  Pausanias ,  qui  écrivit  cent 
cinquante  ans  après  Strabon,  indique  plusieurs  des  édifices  que  l’on 
voit  encore  aujourd’hui  à  Mycènes.  Il  est  fâcheux  toutefois  que  ce  voya¬ 
geur,  qui  décrit  avec  tant  de  soin  la  royale  Argos,  ne  soit  pas  entré 
dans  quelques  détails  sur  les  monuments  de  sa  malheureuse  rivale  qui, 
étant  une  ville  toute  militaire ,  nous  eût  présenté  des  notions  du  plus 
haut  intérêt.  Les  constructions  nombreuses  qui  existent  encore  sur  le  sol 
de  cette  antique  cité  méritaient  plus  qu’une  simple  mention. 

L’Acropole  de  Mycènes  s’élevait  sur  une  colline  située  entre  deux 
hautes  montagnes  coniques  qui  la  commandaient  entièrement  ;  selon 
Plutarque,  le  premier  nom  de  cette  colline  était  Argion.  La  colline 
est  séparée  du  côté  du  nord  de  la  montagne  voisine  par  un  vallon  pro¬ 
fond  et  rocailleux;  sur  tous  les  autres  côtés,  ses  flancs  sont  plus  ou 
moins  escarpés  ;  à  l’est  cependant,  elle  est  attachée  à  la  montagne  par 
une  étroite  langue  de  terre. 

L’Acropole  de  Mycènes  est  un  long  triangle  irrégulier,  s’étendant  à 
peu  près  de  l’est  à  l’ouest.  La  muraille  qui  l’entoure  suit  les  sinuosités 
du  roc;  elle  n’est  point  flanquée  de  tours,  quoi  qu’en  ait  dit  M.  de 
Stackelberg  qui  prétend  que,  de  distance  en  distance,  il  en  a  vu  quel- 

1.  Strabon.  Géogr.  L.  VIII. 

2.  Hérod.  L.  IX.  —  Dioü.  L.  II.  —  Pausan.  L.  VIL 

3.  La  Grèce.  Vues  pittoresques  et  topographiques. 


MYCÈNES. 


3o5 


ques-mies  dépassant  encore  un  peu  le  sommet  du  mur.  M.  Blouet^  fait 
remarquer  avec  raison  qu’à  cette  époque  on  ignorait  ce  système  de 
défense.  W.  GelP  toutefois  signale  aussi  une  espèce  de  tour  ou  bastion; 
mais  il  en  reste  trop  peu,  de  chose  pour  pouvoir  apprécier  complètement 
sa  forme  et  sa  destination  primitives.  Les  murailles  présentent  trois 
appareils  différents  de  construction  cyclopéenne  :  les  unes  sont  formées 
de  polygones  irréguliers;  les  autres,  de  blocs  grossièrement  équarris, 
rangés  par  assises  horizontales,  de  hauteurs  inégales  et  dont  les  joints 
tombent  indifféremment  sur  des  pleins  ou  sur  d’autres  joints;  enfin  le 
troisième  appareil  ne  diffère  du  second  que  par  la  taille  plus  soignée  des 
blocs  qui  le  composent 

Trois  portes  donnaient  accès  dans  la  citadelle  :  la  principale,  située  à 
l’ouest,  est  la  célèbre  Por^e  des  Lions;  la  seconde,  plus  petite,  située  au 
nord  est  formée  de  deux  montants  carrés  supportant  deux  gros  blocs 
servant  de  linteaux.  On  voit  encore  dans  les  jambages  les  trous  qui 
reçurent  les  gonds.  Enfin,  Dodvvell®  signale  une  porte  plus  petite  encore, 
de  forme  aiguë  au  sommet;  mais  elle  est  à  peine  visible,  ensevelie 
qu’elle  est  sous  les  décombres  et  les  broussailles. 

La  Porte  des  Lions  paraît  dater  de  l’époque  de  la  seconde  fondation 
de  la  ville  par  Persée.  On  y  arrivait  par  un  passage  long  de  17  mètres 
sur  une  largeur  de  10  mètres,  qui  la  mettait  en  communication  avec  la 
ville,  disposition  analogue  à  celle  que  nous  avons  signalée  à  la  Tréso¬ 
rerie  d’Atrée.  Les  murs  qui  forment  ce  passage  sont  composés  de  grands 
blocs  de  pierres  rectangulaires,  posés  par  assises  horizontales,  joints  sur 
joints.  Cette  porte  est  probablement  encore  dans  le  même  état  où  elle  se 
trouvait  lorscpe  Pausànias  parcourut  la  Grèce.  Le  sol,  très-exhaussé  et 
couvert  de  broussailles,  empêche  d’en  saisir  l’ensemble  et  les  propor¬ 
tions;  cependant,  selon  Dodwell,  sa  hauteur  totale  dut  être  de  5'", 35 
environ  ;  la  largeur,  dans  la  partie  supérieure ,  est  de  3  mètres  ;  la 
longueur  du  seuil  devait  être  un  peu  plus  considérable.  Le  linteau  con- 

1.  Expédition  scientifique  de  Morée. 

2.  Probestücke  von  Stadt-Mauern  des  alten  Griechenlands. 

3.  Nous  avons  dit,  p.  18,  note  2,  quelles  inductions  historiques  on  pouvait  tirer  de  cette  variécé 
d’appareil. 

4.  Voy.  la  lettre  en  tête  du  chapitre. 

5.  Views  and  descriptions  of  cyclopian  or  pelasgic  remains  in  Greece  and  Italy. 


356 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 


siste  eji  une  seule  pierre  de  4'", 80  de  longueur,  2  mètres  de  hauteur  et 
l'",20  d’épaisseur.  Les  portes  pliantes,  et  qu’on  assujettissait  par  des 
barres,  jouaient  sur  des  pivots  dont  les  tourillons,  d’environ  0"’,08  de 


profondeur,  sont  encore  visibles  sur  la  surface  intérieure  du  linteau.  Cette 
porte  doit  surtout  sa  célébrité  au  bas-relief  qui  la  surmonte  et  qui  lui  a 
donné  son  nom. 


Ce  bas-relief,  sans  doute  le  plus  ancien  exemple  que  nous  possédions 
de  l’art  des  âges  héroïques  qui  ont  précédé  la  guerre  de  Troie,  est  sculpté 
dans  une  pierre  triangulaire,  encastrée  au-dessus  de  l’architrave,  large 
de  3'", 20  à  la  base,  haute  de  2'",90  et  épaisse  de  i"\70 

Au  centre  du  bas-relief  s’élève  une  sorte  de  pilier  semi-circulaire, 

L  Ce  bloc  a  été  pris  tour  à  tour  pour  un  marbre  ou  pour  un  basalte  vert.  «  C’est  une  erreur, 
dit  M.  Blouet,  aussi  bien  dans  un  cas  que  dans  l’autre.  C’est  un  calcaire  très-fin  et  semblable  à  ceux 
qu’on  trouve  encore  en  Messénie  et  en  Arcadie.  » 


MYCÈNES. 


357  ■ 


qui  offrirait  quelque  analogie  avec  l’ordre  dorique,  n’était  que,  à  l’inverse 
de  l’usage,  il  diminue  sensiblement  de  haut  en  bas.  Le  chapiteau  est 
composé  de  trois  annelets ,  à  quelque  distance  les  uns  des  autres  ; 
l’abaque  est  celui  de  l’ordre  dorique;  il  supporte  quatre  corps  ronds, 
qui  sont  à  leur  tour  surmontés  d’un  second  abaque  semblable  au  pre¬ 
mier.  La  base  consiste  en  un  simple  tore  reposant  sur  un  soubassement 
composé  de  deux  plinthes  séparées  par  une  scotie.  Aux  côtés  du  pilier 
se  dressent  deux  animaux  qui  semblent  servir  de  supports,  et  qu’en 
terme  de  blason  on  désignerait  par  l’épithète  de  rampants.  Les  pattes 
de  devant  s’appuient  sur  le  soubassement  du  pilier,  tandis  que  les  pattes 
de  derrière  reposent  sur  l’architrave  de  la  porte.  Les  queues,  à  la  vérité, 
ressemblent  peu  à  celles  des  lions;  les  têtes  manquent  et  ont,  sans 
doute,  été  brisées  à  l’époque  de  la  destruction  de  Mycènes  par  les 
Argiens,  de  sorte  qu’on  ne  peut  connaître  si  elles  étaient  tournées  d’un 
côté  ou  de  l’autre,  ou  si  elles  étaient  de  face.  Cependant  il  serait  impos¬ 
sible  d’adopter  l’opinion  de  Clarke,  qui  croit  y  voir  des  tigres  ou  des 
panthères^.  Quand  même  les  preuves  tirées  du  symbolisme,  que  nous 
donnerons  plus  loin ,  ne  sembleraient  pas  satisfaisantes ,  les  restes  de 
crinière  que  l’on  reconnaît  encore  à  l’animal  de  gauche,  les  pattes  qui 
sont  parfaitement  accusées ,  suffiraient  pour  détruire  toute  espèce  de 
doute.  D’ailleurs  Pausanias  dit  en  termes  précis,  et  c’est  Clarke  lui- 
même  qui  le  cite  :  «  Il  reste  encore  une  partie  de  l’enceinte  et  une  porte 
sur  laquelle  sont  placés  des  lions  » 

Quoique  cet  antique  bas-relief  ait  été  fait  au  marteau  et  paraisse  un 
peu  roide  et  lourd  de  forme,  il  n’en  a  pas  moins  un  caractère  sévère  qui 
produit  une  vive  impression.  Il  paraît  difficile  d’indiquer  d’une  manière 
certaine  la  pensée  qui  a  présidé  à  cette  singulière  composition  ;  mais , 
en  examinant  les  restes  de  sculptures  mithriaques  de  la  Perse,  tels 
que  nous  les  connaissons  par  les  ouvrages  de  Tavernier,  Chardin,  Thé- 
venot,  Ker-Porter,  etc.,  on  trouve  dans  quelques-uns  de  leurs  symboles 
tant  de  ressemblance  avec  ceux  représentés  à  Mycènes,  qu’il  est  impos¬ 
sible  de  ne  pas  reconnaître  une  donnée  unique,  une  origine  commune. 
Partout  on  retrouve  ce  même  pilier,  qui  évidemment  n’est  autre  chose 

1 .  Travels  in  varions  countries  of  Europa,  Asia,  and  Africa, 

2.  Corinth.  C.  XVI. 


338 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 


que  l’autel  du  feu,  le  TrupaiÔeîov,  Vatschdcm  qu’on  retrouve  sur  les  médailles 
des  rois  perses  de  la  dynastie  des  Sassanides,  médailles  si  connues  par 
l’excellent  ouvrage  de  notre  savant  ami  Adrien  de  Longpérier^. 


On  sait  que  c’était  sous  une  forme  analogue  que  les  Perses  repré¬ 
sentaient  souvent  le  soleil  comme  emblème  du  principe  générateur. 
A  Amyclée,  un  pilier  était  de  même  l’image  symbolique  d’Apollon.  Le 
lion  est  bien  connu  pour  être  l’emblème  de  Mitlira  2,  et  il  est  sans  cesse 
répété  dans  les  sculptures  persanes.  Les  prêtres  de  ce  dieu,  selon  Por¬ 
phyre,  portaient  même  le  nom  de  lions.  Ces  divers  symboles,  dit  Dio- 
dore,  avaient  été  empruntés  à  l’Égypte. 

Des  relations  intimes  existèrent  longtemps  entre  les  Spartiates  et  les 
Argiens,  et  il  est  avéré  que  les  rites  religieux  des  premiers,  en  ce  qui 
touchait  le  culte  du  soleil,  étaient  les  mêmes  que  ceux  des  Perses  ;  car  les 
Spartiates  sacrifiaient  à  ce  dieu  des  chevaux  sur  le  Taygète,  Gomme  c’était 
aussi  la  coutume  des  Perses  'L  Ce  culte  fut  probablement  introduit  dans 
la  Grèce  lors  des  premiers  rapports  qui  existèrent  entre  les  deux  pays, 
suivant  Hérodote  et  Xénophon,  ou  par  les  premières  colonies  égyptiennes. 
Dodwell  suppose  même  que  le  bas-relief  qui  nous  occupe  pourrait  avoir 
été  apporté  par  elles  des  bords  du  Nil,  comme  une  sorte  de  palla¬ 
dium.  Cette  conjecture  nous  paraît  démentie  par  le  style  même  de  la 
sculpture,  qui  diffère  très -notablement  de  l’ancien  style  égyptien. 

Resterait  à  expliquer  les  quatre  boules  ou  plutôt  les  quatre  disques 
qui  surmontent  le  pilier;  car,  ainsi  que  le  fait  remarquer  Dodwell,  ces 
objets  présentent  une  surface  plane  et  non  sphérique.  On  a  voulu  y  voir 

1.  Essai  sur  les  médailles  des  rois  perses  de  la  dynastie  Sassanide.  In-4®,  1840. 

2.  Voy.  le  torse  de  Mithra  du  musée  d’Arles. 

E.  Breton  et  de  Jouffroy.  Introduction  à  l’Histoire  de  France.  PI.  VII. 


3.  Paüsanias.  Laoon. 


MYGÈNES. 


359 


le  symbole  des  révolutions  de  la  lune,  des  quatre  saisons,  des  quatre 
yeux  qui,  suivant  Meursius,  se  voyaient  au  simulacre  d’Apollon  à 
Amyclée.  Peut-être  ces  quatre  disciues  ne  sont-ils  simplement  que  l’ex¬ 
trémité  des  bûches  placées  sur  l’autel,  et  ce  qu’on  a  pris  pour  un  second 
abaque  n’est-il  que  le  profil  d’autres  pièces  de  bois  placées  en  travers. 
Cette  hypothèse,  toute  prosaïque  qu’elle  est,  ne  me  paraît  pas  dénuée 
de  vraisemblance,  d’autant  plus  que  le  tout  était  surmonté  d’une  flamme, 
ainsi  cpe  l’indique  la  forme  même  du  bas-relief,  cjui  se  terminait  en 
pointe,  et  comme  ne  permettent  pas  d’en  douter  les  divers  exemples 
cpe  nous  avons  cités. 

Dans  l’intérieur  de  la  citadelle  se  trouvent  plusieurs  citernes  de  diffé¬ 
rentes  formes  :  telle  a  paru  à  Dodwell  avoir  dû  être  la  destination  d’une 
chambre  circulaire  creusée  dans  le  roc,  et  d’une  forme  analogue  à  celle 
de  la  Trésorerie  d’Atrée.  Une  autre  citerne  taillée  dans  un  rocher  de 
brèche  est  revêtue  de  stuc.  Les  Romains  ne  paraissent  pas  avoir  eu 
d’établissement  à  Mycènes,  et  cependant,  tel  est  l’état  de  conservation 
de  ce  revêtement,  qu’on  ne  sait  comment  l’expliquer  après  tant  de  siècles. 

«  Une  semblable  excavation,  dit  Clarke,  s’observe  à  l’Acropole  d’Argos; 
la  nature  poreuse  de  la  brèche  rendait  l’emploi  du  stuc  indispensable  ; 
ainsi  se  trouve  expliquée  la  fable  des  Danaïdes,  forcées  sans  doute  de 
remplir  la  citerne  d’Argos.  »  Dans  l’Acropole  de  Mycènes,  on  recon¬ 
naît,  en  quelques  endroits,  des  fondements  d’habitations.  A  l’extrémité 
orientale  sont  des  murs  qui  ont  dû  former  l’enceinte  d’un  édifice  irré¬ 
gulier;  ce  sont  sans  doute  les  restes  du  palais  des  Atrides.  Au  point  le 
plus  élevé  de  la  colline,  quelques  substructions  paraissent  appartenir  à 
un  âge  moins  reculé;  on  y  a  trouvé  des  monnaies  romaines.  Tite-Live^ 
nous  apprend  que  le  général  Quintius  et  le  roi  Attale  eurent  une  entrevue 
avec  Nabis,  sur  le  site  de  Mycènes,  avant  la  réduction  d’Argos. 

De  la  seconde  porte  dont  j’ai  parlé  part  encore  l’ancien  chemin  qui 
descendait  rapidement  dans  la  ville.  D’un  côté,  un  parapet  de  pierres 
taillées  et  parementées  en  dedans  garantit  des  précipices;  de  l’autre, 
s’élèvent  les  murs  de  l’Acropole.  Dodwell  remarque,  comme  une  excep¬ 
tion,  qu’en  entrant  on  avait  à  gauche  les  murailles,  et  il  en  conclut  que 

• 

1.  Il  Non  loin  d’Argos  est  un  endroit  appelé  Mycénique,  Mycenica;  on  convint  de  s’y  réunir.  » 

L.  NXXII,  §39. 


360  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

le  bouclier  attaché  au  bras  gauche  pouvait  protéger  l’assiégeant;  mais 
que,  d’un  autre  côté,  les  assiégés,  dans  leurs  sorties,  trouvaient  le  même 
avantage  pour  se  défendre  des  attaques  de  l’ennemi. 

Indiquons  encore,  parmi  les  antiquités  de  Mycènes,  la  culée  d’un 
pont  jeté  sur  le  torrent  qui  contournait  au  sud  la  base  de  l’Acropole,  et 
à  dix  minutes  au  nord-ouest  de  celle-ci,  au  milieu  d’un  champ ,  une 
espèce  d'allée  couverte,  composée  de  quelques  assises  pélasgiques,  sup¬ 
portant  trois  énormes  pierres  plates.  Ce  passage,  qui  aujourd’hui  sert 
d’abri  aux  troupeaux,  a  encore  4  mètres  de  profondeur,  2  mètres  de 
largeur  et  i'",30  de  hauteur;  il  paraît  avoir  été  l’entrée  d’un  troisième 
édifice  souterrain,  dans  le  genre  de  la  Trésorerie  d’Atrée. 

A  onze  heures  un  quart  nous  quittons  Mycènes,  au  bas  de  laquelle  se 
trouve  la  plaine  d’Argos  ;  nous  traversons  celle-ci  à  son  extrémité,  et, 
laissant  à  droite  le  sentier  qui  conduit  à  Corinthe,  nous  entrons  dans  un 
long  défilé,  arrosé  par  une  petite  rivière  qu’à  chaque  instant  nous  sommes 
forcés  de  franchir  à  gué  pour  chercher  la  rive  la  moins  impraticable, 
et  dont  souvent  le  lit  même  nous  sert  de  route.  Nous  remontons  son 
cours  ombragé  de  lauriers-roses,  de  myrthes,  d’arbousiers,  d’agnus- 
castus,  etc.  L’étroite  vallée  est  formée  par  deux  chaînes  de  montagnes 
assez  hautes,  toutes  hérissées  de  rochers.  Des  animaux  de  toutes  sortes 
animent  ce  beau  paysage;  des  chèvres  bondissent  sur  les  hauteurs-;  de 
nombreuses  colombes  voltigent  d’arbre  en  arbre,  des  serpents  fuient  sous 
les  pieds  de  nos  chevaux,  faisant  frémir  les  broussailles  ;  de  grosses  tor¬ 
tues  traînent  péniblement  leur  lourde  carapace  brune,  luisante  et  très- 
bombée,  et  un  gypaète,  posé  à  quelques  pas,  nous  regarde  tranquil¬ 
lement  passer  en  fixant  sur  nous  son  œil  tricolore. 

A  une  heure  et  demie  nous  faisons  halte  un  moment,  auprès  d’un 
moulin  à  eau  entouré  de  noyers,  de  peupliers,  de  mûriers,  d’oliviers; 
nous  nous  croirions  dans  l’une  des  plus  riantes  vallées  de  la  Provence. 
Après  vingt  minutes  de  repos,  nous  gravissons  le  mont  Tritos;  nous  en 
descendons  le  versant  septentrional  au  milieu  des  rochers  et  par  une 
gorge  presque  impraticable  ;  nous  sommes  dans  la  plaine  de  Némée. 
Cette  plaine,  de  peu  d’étendue,  est  entourée  de  montagnes  d’une  mé¬ 
diocre  élévation  ;  elle  est  fraîche,  fertile  et  couverte  de  nombreux  trou¬ 
peaux;  le  paysan  y  pousse  encore  devant  lui  l’araire  primitif,  sans 
roues  et  à  un  seul  manche.  Nous  passons  près  des  ruines  d’une  chapelle 


NÉMÉE. 


361 


chrétienne,  construite  des  fragments  d’un  monument  antique,  fragments 
dont  la  proportion  est  trop  petite  pour  faire  supposer  qu  ils  aient  pu  ap¬ 
partenir  au  temple  de  Jupiter  Néméen,  auprès  duquel,  à  deux  heures  qua¬ 
rante  minutes,  nous  mettons  pied  à  terre.  Pausanias  parle  de  ce  temple 
comme  d’un  édifice  remarquable,  bien  que  déjà,  de  son  temps,  il  n  eût  plus 
ni  toit  ni  statue.  Ce  monument,  qui  date  de  la  fin  du  iv®  siècle  avant  Jésus- 
Christ,  est  bouleversé  d’une  manière  incroyable  ;  il  n’en  reste  debout  que 
trois  colonnes,  une  seule  de  la  façade  et  deux  plus  petites  du  pronaos. 


Temple  de  Jupiter  Néméen. 


La  première  avait  1"‘,60  de  diamètre  à  la  base;  sa  hauteur  était  de 
10"', 20  ou  six  diamètres.  Les  colonnes  du  pronaos  n’ont  que  9'",  10  de 
hauteur.  Toutes  trois  conservent  leurs  chapiteaux  doriques,  mais  celui  de 
la  colonne  du  frontispice  est  brisé  en  partie.  La  colonne  elle-même  ne  se 
soutient  que  par  un  miracle  d’équilibre,  un  tiers  du  dé  sur  lequel  elle 
pose  étant  détruit.  Le  temple  était  hexastyle  et  périptère  ;  le  mur  de  la 
cella  se  terminait  par  deux  antes,  entre  lesquelles  s’élevaient  les  deux 
colonnes  restées  debout.  Les  assises  de  la  cella  existent  encore  sur  plu¬ 
sieurs  rangs,  ainsi  qu’une  partie  du  pave  et  de  la  muraille  qui  séparait 
le  sanctuaire  de  l’opisthodome. 

Sur  une  montagne  qui  fait  face  au  temple,  on  aperçoit  à  une  assez 
grande  hauteur  une  grotte  qui  paraît  être  celle  que  Pausanias  désigne 
comme  ayant  été  le  repaire  du  lion  de  Nemée,  tue  par  Hercule.  Il  n  est 
guère  admissible  qu’il  ait  jamais  existé  de  lions  en  Grèce,  mais  enfin  la 
distance  de  la  grotte  au  temple  est  de  15  stades ,  nombre  indiqué  par 
Pausanias,  et  il  est  évident  que  la  grotte  que  nous  voyons  aujourd  hui 
est  bien  celle  qui,  dès  l’antiquité,  était  consacrée  par  la  tradition. 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

En  quittant  le  temple  et  nous  dirigeant  vers  l’est,  nous  marchons  en 
plaine  pendant  un  quart  d’heure,  puis  nous  commençons  à  gravir  la 
montagne  par  un  sentier  étroit  et  difficile.  Bientôt  nous  trouvons  la  fon¬ 
taine  Adrastée,  mentionnée  par  Pausanias  ;  elle  est  entourée  d’une  foule 
de  femmes  albanaises,  au  teint  halé,  au  costume  pittoresque,  composé 
d’une  longue  chemise  en  grosse  toile  brodée  en  vert  ou  en  rouge  au  bas  et 
au  col ,  et  dune  sorte  de  paletot  de  grosse  bure  blanche,  généralement 
brodé  en  noir;  elles  conduisent  de  longues  files  de  mulets,  seul  moyen 
de  transport  possible  en  ce  pays.  Nous  avons  encore,  dans  le  reste  de 
la  journée,  rencontré  plusieurs  de  ces  caravanes,  guidées  par  des  femmes. 
Rarement  nous  voyons  des  hommes  ;  quelques-uns  sont  armés  de  fusils  ; 
tous  ont  le  couteau  à  la  ceinture.  Nous  traversons  de  longs  plateaux 
raboteux,  inégaux  et  sans  routes,  laissant  à  droite  une  colline  portant 
des  traces  de  fondations,  quelques  pans  de  murailles,  quelques  fragments 
de  colonnes  cannelees,  seuls  restes  de  la  ville  de  Gléones,  célèbre  par 
son  temple  de  Minerve  et  les  tombeaux  d’Euryte  et  de  Ctéate,  tués  par 
Hercule.  Eue  pente  de  rochers  abrupts,  que  force  est  de  descendre  à 
pied  en  abandonnant  nos  montures  à  leur  instinct,  nous  conduit  à  un 
torrent  assez  large,  dont  le  lit,  presque  à  sec,  nous  offre  le  chemin  le 
plus  praticable  que  nous  ayons  encore  rencontré  depuis  Mycènes  ;  bien¬ 
tôt,  contournant  une  montagne,  nous  nous  trouvons  sur  un  plateau  d’où 
nos  yeux  embrassent  un  admirable  tableau.  A  nos  pieds,  sur  la  gauche, 
la  plaine  de  Sicyone  s’étend  jusqu’au  golfe  de  Lépante  ou  de  Corinthe; 
en  face,  au  delà  du  golfe,  s’élèvent  les  montagnes  de  la  Phocide  et  de 
la  Béotie  que  domine  la  cime  neigeuse  du  Parnasse;  à  notre  droite  enfin 
se  dresse  1  Acro-Corinthe  dont,  depuis  longtemps,  nous  apercevions  le 
sommet.  La  nuit  était  venue  quand  nous  atteignîmes  la  plaine ,  dans 
laquelle  il  nous  fallut  encore  marcher  une  heure  sur  une  assez  bonne 
loute,  bordée  de  lauriers-roses  en  fleurs.  Enfin,  après  avoir  répété  et 
commenté  vingt  fois  le  proverbe  que  nous  trouvions  trop  vrai  :  Non  licet 
omnibus  adiré  Corinthum,  nous  nous  trouvons  au  milieu  de  ruines  amon¬ 
celées;  nous  sommes  à  Corinthe,  dont  le  tremblement  de  terre  du 
2i  février  1858  n  a  pas  épargné  une  seule  maison.  A  huit  heures 
et  demie,  après  dix  mortelles  heures  de  fatigue,  nous  mettons  pied  à 
terre  sur  une  espèce  de  place,  au  delà  de  laquelle  des  baraques  éclairées 
semblent  annoncer  une  loire;  c’est  là  que  campent  les  habitants  depuis 


CORINTHE. 


363 


la  destruction  de  la  ville.  Quant  à  nous,  on  nous  assigne  pour  demeure 
une  maison  que  les  rats  mêmes  ont  abandonnée,  et  qui  ne  se  soutient 
c^u’en  s’appuyant  sur  ses  voisines  qui  lui  demandent  le  même  secours. 
Nos  agoyates  et  leurs  chevaux  sont  déjà  installés  dans  le  rez-de-chaus¬ 
sée;  un  escalier  de  bois,  auquel  manquent  la  rampe  et  la  moitié  des 
marches,  conduit  extérieurement  à  l’unique  étage.  Charitablement  nous 
le  laissons  essayer  par  les  porteurs  de  bagages,  puis  nous  nous  hasar¬ 
dons  à  notre  tour.  Dans  une  grande  salle  délabrée,  sans  porte  ni  fenê¬ 
tres,  Manuel  dresse  nos  lits  de  fer  et  nous  sert  le  souper  qu’il  vient  de 
préparer  à  la  hâte,  et  auquel  il  a  pu  joindre  un  lièvre  acheté  en  route  à 
un  berger  albanais.  Nous  soupons  vite  et  de  bon  appétit,  et  nous  nous 
jetons  sur  nos  lits,  à  la  grâce  de  Dieu.  Manuel  s’étend  dehors,  sur  l’es¬ 
calier,  et  nous  sert  de  porte. 

Le  i/i,  nous  nous  éveillons  de  grand  matin;  la  maison  ne  s’est  pas 
écroulée  sur  nous,  et  nous  avons  passé  une  assez  bonne  nuit;  cependant, 
nous  nous  ressentons  encore  de  la  rude  journée  de  la  veille,  et  on  nous 
en  promet  une  plus  longue  et  plus  pénible  encore  pour  gagner  Mégare 
par  la  route  de  Kakiscala  (mauvaise  échelle),  dont  le  nom  seul  n’est 
guère  encourageant.  On  nous  dit  bien  que  dans  ce  défilé  des  Roches  sci- 
roniennes,  si  tristement  célèbre  dans  l’anticiuité,  nous  ne  trouverons  plus 
ce  fameux  brigand  cjui  précipitait  les  voyageurs  à  la  mer  après  les  avoir 
dépouillés,  et  que  depuis  longtemps  Thésée  a  fait  subir  à  Sciron  la 
peine  du  talion;  cela  est  rassurant,  sans  doute,  mais  ne  suffit  pas  pour 
nous  décider  à  faire  seize  heures  de  marche  sur  des  montures  si  piètre¬ 
ment  harnachées.  Nous  faisons  partir  sur  l’une  d’elles  Manuel,  qui, 
traversant  l’isthme,  doit  nous  préparer  à  Kalamaki,  sur  le  golfe  d’Egine, 
un  mode  de  transport  moins  fatigant. 

A  cinq  heures  du  matin,  accompagnés  d’un  guide  du  pays,  nous 
commençons,  à  pied,  l’ascension  de  l’antique  Acropole  de  Corinthe, 
citadelle  formidable  dont  Aratus  ne  put  s’emparer  que  par  trahison,  de 
l’Acro-Corinthe,  montagne  élevée  de  575  mètres,  en  partie  calcaire,  en 
partie  volcanique,  car  sur  ses  flancs  j’ai  trouvé  des  laves  et  des  frag¬ 
ments  de  basaltes  prismatiques.  Le  chemin  est  assez  facile,  et  souvent 
on  trouve  des  parties  de  chaussées  pavées  ,  remontant  sans  doute  à 
répoc{ue  de  la  domination  vénitienne.  A  six  heures  un  quart  nous  étions 
à  l’entrée  de  la  citadelle,  aujourd’hui  entièrement  abandonnée;  nous 


364  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

franchissons  trois  portes,  encore  munies  de  leurs  herses;  le  linteau  de 
la  troisième  est  formé  de  deux  colonnes  antiques,  juxtaposées  horizonta¬ 
lement.  L’enceinte  franque  s’élève  en  partie  sur  des  constructions  hellé¬ 
niques;  la  partie  la  mieux  conservée  de  celles-ci  accompagne  la  troi¬ 
sième  porte  ;  ce  sont  deux  tours  carrées ,  de  la  dernière  époque  pélas- 
gique,  composées  d'assises  en  bossage  bien  appareillées  et  souvent  à 
joints  obliques.  La  conservation  de  la  tour  de  droite  est  surtout  com¬ 
plète.  Deux  sommets  sont  renfermés  dans  l’enceinte  de  l’Acro-Corinthe  ; 
le  moins  élevé  se  trouve  à  l’ouest,  et  ses  fortifications  sont  vénitiennes; 
le  plus  haut  que  nous  gravissons,  et  qui  se  dresse  à  l’est,  n’est  plus 
qu’un  rocher  couvert  de  plantes  aromatiques  et  terminé  par  un  plateau 
portant  une  enceinte  carrée,  de  construction  hellénique,  en  grande  partie 
détruite.  Une  chapelle  turque,  ruinée,  y  a  remplacé  le  temple  de  Vénus, 
au  pied  duquel^  dit  M.  Beulé,  jaillissait  et  jaillit  encore  la  fontaine 
Pirène,  célèbre  parmi  les  poètes  par  le  volume  et  la  fraîcheur  de  ses 
eaux,  où  le  cheval  Pégase  se  désaltérait  quand  il  fut  saisi  par  Belléro- 
phon  L  De  ce  point  élevé  et  par  un  temps  clair,  l’œil  embrasse  à  la  fois 
cet  isthme  célèbre  par  ses  jeux  en  l’honneur  de  Neptune,  pont  gigan¬ 
tesque  jeté  entre  le  Péloponèse  et  le  continent  de  la  Grèce,  les  côtes  de 
l’Argolide,  de  la  Béotie  et  de  l’Attique,  que  dominent  les  sommets  du 
Parnasse,  de  l’Hélicon  et  du  Cithéron.  A  l’ouest  se  déploie  le  golfe  de 
Corinthe  ou  de  Lépante,  dont  le  nom  moderne  rappelle  la  victoire  rem¬ 
portée  en  157.1,  par  don  Juan  d’Autriche,  sur  les  Turcs,  dont  elle  arrêta 
les  envahissements,  tandis  qu’à  l’est,  dans  le  golfe  d’Égine,  la  vue  de 
Salamine  fait  battre  le  cœur  au  souvenir  de  cette  autre  victoire  qui  sauva 
la  Grèce  du  joug  des  Perses.  Malheureusement  nous  ne  pouvons  jouir 
que  séparément  de  chacun  des  traits  de  ce  merveilleux  tableau;  d’épais 
nuages  nous  environnent,  mais  de  temps  en  temps  le  vent  les  écarte, 
les  déchire,  et  une  partie  du  panorama  nous  apparaît. 

L’intérieur  de  l’Acro-Gorinthe  contient  les  ruines  d’une  véritable  ville 
où  la  population  entière  pouvait  chercher  un  refuge  ;  aussi  y  trouve-t-on, 
pêle-mêle,  des  constructions  de  tous  les  siècles,  de  nombreuses  citer¬ 
nes  de  diverses  époques ,  d’anciennes  colonnes  de  vert  et  de  rouge 
antiques,  de  cijoollino,  de  granit,  etc.,  les  unes  couchées,  les  autres  de- 


•1.  L’Architecture  au  siècle  de  Pisistrate,  18G0, 


CORINTHE 


365 


bout,  mais  toutes  hors  de  leur  place  primitive,  deux  bains  turcs,  une 
petite  mosquée  dont  le  vestibule  est  rempli  de  boulets  et  de  bombes, 
une  église  grecque  consacrée  à  saint  Dimitri,  plusieurs  fontaines  tur¬ 
ques,  etc. 

A  l’ouest  de  l’ Acro-Corinthe ,  sur  une  pointe  un  peu  moins  élevée, 
est  une  petite  forteresse  construite  par  le  prince  Guillaume  Geoffroy, 
qui  l’appela  Montesquiou,  MouvTeo'/toGês;  elle  est  nommée  aujourd’hui  news 
îLxuçfa,  les  Cinq-Coupes. 

En  descendant  de  la  citadelle,  nous  trouvons,  au  pied  de  la  monta¬ 
gne,  une  fontaine  turque  construite  de  débris  plus  anciens;  les  piédroits 
ont  pour  impostes  deux  marbres  byzantins ,  portant  chacun  un  mono¬ 
gramme  du  Christ  que  les  musulmans  avaient  respecté  faute,  sans  doute, 
d’en  comprendre  la  signification.  Du  reste,  j’ai  reconnu  aussi  plusieurs 
croix  et  monogrammes  sur  les  murailles  intérieures  du  fameux  château 
des  Sept-Tours,  à  Constantinople,  occupé  cependant  par  les  Turcs  depuis 
le  XV®  siècle. 


A  peu  de  distance  de  la  fontaine,  en  allant  vers  la  ville,  on  voit  s’éle¬ 
ver  sur  une  sorte  d’esplanade  les  ruines  d’un  temple  ciui  fut  consacré, 
soit  à  Minerve  Chalinilis  (Minerve  au  frein),  soit  à  Junon  Bunéenne; 
ces  deux  attributions  pouvant  être  suggérées  par  la  lecture  de  Pausanias. 
Ce  temple,  le  plus  ancien  de  la  Grèce  remonte  aux  dernières  années 


1 .  Belle.  Études  sur  le  Péloponèse. 


366  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

du  VH  ou  clux  pi Giiiioi Gs  (HiiiGGS  du  VI*  sIgcIg  ctVcint  lîotrG  èi’G.  i)oric[UG, 
hGxastylG  6t  périptèrG,  il  avait  20  mètrGS  de  largGur,  six  coloniiGs  à  la 
façadG  et  tiGizG  aux  aÜGS,  gu  comptant  dGux  fois  Igs  coIouhgs  d'anglo. 
SGpt  colomiGS,  disposéGs  gu  équGiTG  ,  sont  Gneoro  clGbout;  cinq  regar¬ 
dant  1  occident  ont  appartenu  a  la  façade  postérieure,  au  posticum  ‘  trois, 
en  comptant  de  nouveau  la  colonne  d’angle,  firent  partie  de  l’aile  méri¬ 
dionale.  Idles  sont  d’un  seul  morceau  de  tuf  grossier,  autrefois  revêtu 
de  stuc  colorié,  et  portent  de  nombreuses  cavités  creusées  par  les  Turcs 
qui  en  avaient  fait  1  appui  de  quelques  misérables  demeures.  Leur  dia- 
mètie,  à  la  base,  est  de  1"’,70,  et  leur  hauteur  de  6"', 50  ou  cincj  dia¬ 
mètres  et  demi  seulement,  proportion  la  plus  courte  dont  on  connaisse 
un  exemple  dans  1  antiquité  greccjue.  Les  cannelures  sont  déjà  au 
nombre  de  vingt,  particularité  remarquable,  car  le  plus  ancien  dorique 
n  en  a  ordinairement  que  seize.  Les  colonnes,  à  l’exception  d’une  seule, 
conservent  leurs  larges  et  pesants  chapiteaux  ;  deux  sont  isolées,  mais 
les  autres  portent  encore  une  partie  de  leur  architrave,  un  peu  déran¬ 
gée  seulement  par  le  dernier  tremblement  de  terre Ces  ruines,  ron¬ 
gées  à  la  base,  déjetée^,  brisées,  hors  d’aplomb,  ne  semblent  se  soutenir 
que  par  un  miracle  d’équilibre,  et  cependant  elles  ont  échappé  à  la 
catastrophe  qui  vient  de  renverser  la  ville  entière  ,  dont  les  maisons 
étaient,  à  la  vérité,  fort  légèrement  et  fort  mal  bâties.  On  a  renoncé  à 
relever  Corinthe,  et  on  bâtit  une  nouvelle  ville  sur  le  bord  du  golfe,  à 
deux  milles  de  l’emplacement  de  la  ville  antique,  et  à  peu  près  au  lieu 
où  existait  le  Léchée  y  l’ancien  port  de  Corinthe. 

Dans  le  bas  de  Corinthe,  qui  s’étendait  sur  un  sol  légèrement  incliné, 
sont  les  restes  assez  considérables  d  un  édifice  romain  de  la  décadence, 
des  thermes  sans  doute.  Plus  bas  encore  on  voit  les  ruines  d’un  petit 
bain  turc,  où  l’on  retrouve  toutes  les  divisions  des  bains  antiques, 
hypocauste,  apoditenum,  caldarium,  balneiim,  etc.  Non  loin  de  là,  une 
église  renversée  par  le  tremblement  de  terre  nous  présente  encore  son 
porche,  soutenu  par  deux  colonnes  antiques  de  marbre  blanc. 

A  onze  heures  et  demie.  Manuel  est  de  retour  de  sa  course  à-  Kalamaki  ; 
à  midi  nous  cjuittons  Corinthe  sur  une  longue  charrette  à  quatre  roues, 
traînée  par  deux  chevaux  vigoureux,  et  chargée  de  nos  bagages  sur 

1.  Pour  plus  amples  détails,  voir  l’Architecture  au  siècle  de  Périclès,  par  E.  Beulé,  1860. 


HliXAMILI.  KALAMAK[. 


367 


lesquels  nous  nous  installons  tant  bien  que  mal.  A  dix  minutes  à  l’est 
de  la  ville,  nous  nous  arrêtons  un  instant  pour  visiter  un  amphithéâtre 
antique;  creusé  dans  le  roc  par  les  Romains,  il  est  peu  profond  et  assez 
étendu.  Quelques  gradins  existent  encore ,  mais  sous  la  couche  de 
pierre  peu  épaisse  dans  laciuelle  ils  sont  taillés  se  trouvait  la  terre  qui, 
en  beaucoup  d’endroits,  s’est  éboulée,  formant  des  grottes  et  laissant 
les  gradins  suspendus.  Dans  cette  partie  inférieure  durent  exister  des 
gradins  construits,  mais  ils  ont  disparu.  Pausanias  n’ayant  point  parlé 
de  ce  monument,  M.  Beulé  suppose,  avec  toute  vraisemblance,  qu’il 
n’existait  pas  encore  à  l’époque  de  son  voyage. 

Nous  remontons  dans  notre  char  ;  la  route  est  fort  médiocre  et  très- 
inégale;  une  beaucoup  meilleure  traverse  l’isthme,  au  nord;  elle  a  été 
tracée  par  le  Lloyd  autrichien ,  dont  les  bateaux  déposent  les  voya¬ 
geurs  à  Loutraki,  sur  le  golfe  de  Lépante,  pour  les  rembarquer  à 
Kalamaki,  sur  le  golfe  d’Égine,  évitant  ainsi  de  faire  le  tour  de  la 
Morée.  Bien  entendu  qu’en  mai  1859  la  guerre  de  la  France  contre 
l’Autriche  avait  interrompu  ce  service. 

A  3  kilomètres  environ  de  Corinthe  se  trouve  le  village  d’Hexamili, 
qui  doit  son  nom  à  la  muraille,  longue  d’environ  six  milles,  qui  tra¬ 
versait  l’isthmé,  boulevard  bien  souvent  démoli  et  reconstruit,  et  qui 
avait  été  élevé  une  première  fois  après  la  mort  de  Léonidas  aux  Ther- 
mopyles;  il  fut  rétabli  en  dernier  lieu  par  les  Vénitiens,  en  1696;  il  n’en 
est  pas  moins  entièrement  démantelé  aujourd’hui.  En  approchant  de 
Kalamaki,  nous  voyons  des  restes  de  cette  muraille,  les  vestiges  d’un 
canal  commencé  par  les  Romains  pour  réunir  les  deux  golfes,  l’empla¬ 
cement  bien  indiqué  d’un  stade ,  et  l’enceinte  d’une  vaste  acropole  de 
construction  hellénique. 

A  une  heure  quarante  minutes  nous  mettions  pied  à  terre  à  Kalamaki, 
l’anticiue  porlus  Schœnus,  situé  au  fond  du  golfe  d’Egine.  Ce  n’est  ([u’un 
village  s’étendant  sur  une  plage  sablonneuse,  et  plus  ruiné  encore  que 
Corinthe  par  le  dernier  tremblement  de  terre.  A  trois  heures,  nous 
nous  embarquons  sur  une  sorte  de  goélette  montée  par  un  matelot  , 
deux  mousses  et  un  patron  qui  parle  italien  et  prend  le  titre  pompeux 
de  capitaine.  La  mer  est  très-calme,  mais  le  vent,  lorscju’il  souffle, 
nous  est  contraire.  Bientôt  il  tombe  tout  à  fait;  aussi  notre  navigation 
de  Kalamaki  à  Mégare,  qui ,  avec  un  bon  vent,  s’accomplit  en  deux 


368 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 


heures,  semble-t-elle  devoir  se  prolonger  indéfiniment.  Heureusement 
nous  avons  des  provisions,  nous  dînons  de  bon  appétit,  et,  quand  la  nuit 
est  venue,  nous  nous  couchons  sur  le  pont,  enveloppés  dans  des  cou¬ 
vertures;  la  lune  brille  du  plus  vif  éclat,  les  flots  nous  bercent  molle¬ 
ment,  et,  malgré  la  dureté  de  notre  couche,  nous  ne  tardons  pas  à  nous 
endormir. 

A  trois  heures  du  matin ,  je  suis  réveillé  par  le  froissement  de  la 
chaîne  que  l’ancre  entraîne  à  travers  l’écubier.  «  Nous  sommes  arrivés,  » 
dit  le  capitaine.  Je  ne  vois  qu’une  plage  déserte,  celle  de  Tripa,  qui 
sert  de  port  à  Mégare  ;  la  ville  est  à  3  kilomètres  dans  les  terres.  Manuel 
part  et  va  y  chercher  un  cheval  pour  le  bagage.  A  cinq  heures  et 
demie  nous  débarquons,  et  en  cinquante  minutes  nous  arrivons  à  pied 
à  Mégare. 


Cette  ville,  autrefois  célèbre  et  puissante,  n’est  aujourd'hui  qu’un 
bourg  de  Z|.j000  âmes;  ses  maisons  en  terrasse  s’étendent  sur  deux 
collines  inégales,  et  dans  l’intervalle  qui  les  sépare;  sur  la  colline  la 
plus  haute,  située  au  nord-ouest,  s’élèvent  les  ruines  d’une  tour  véni¬ 
tienne  à  voûtes  ogivales.  Un  peu  plus  bas  est  une  église  dans  la  muraille 
de  laquelle  sont  employées  quelques  pierres  antiques.  Une  inscription 
chrétienne  est  accompagnée  d’une  colombe  et  de  l’A  et  de  l’n. 

Sur  la  place,  une  masure  contient  un  petit  musée  d’antiquités  locales 
qui  n’offre  rien  de  bien  remarquable. 

On  ne  trouve  à  Mégare  aucun  reste  de  sa  splendeur  passée  ;  on  ne 
s’en  étonnera  pas  lorsqu’on  saura  que  tous  ses  monuments  étaient  con¬ 
struits  d’une  pierre  tendre  coquillière,  pierre  porique  ou  >toy/ÎTviç,  sans 
aucune  consistance  et  s’écrasant  dans  la  main. 


MÉGARE.  ÉLEUSIS. 


369 


La  coiffure  des  femmes  est  ici  fort  singulière  ;  elles  portent  sur  le 
front  une  sorte  de  bandeau,  de  demi -calotte  composée  de  pièces  de 
monnaie,  drachmes,  demi-drachmes,  francs,  demi-francs,  pièces  tur¬ 
ques,  etc.,  en  argent,  disposées  en  écailles  de  poisson;  en  avant  du 
bandeau  pendent  sur  le  front  quelques  monnaies  turques  en  or.  Dans 
leur  costume,  les  hommes  remplacent  la  large  fustanelle  par  une  jupe 
blanche  non  plissée. 

Une  calèche  était  venue  d’Athènes  au-devant  de  nous  :  au  moment 
où  nous  allions  y  mettre  le  pied,  au  milieu  de  la  place  publique,  un 
boucher  est  arrivé  avec  un  pauvre  agneau  qu’il  a  égorgé  devant  la  por¬ 
tière,  et  il  nous  a  fallu  attendre,  pour  monter  dans  notre  voiture,  la  fin 
de  son  odieuse  opération. 

A  huit  heures  et  demie  nous  quittons  Mégare;  nous  traversons  d’abord 
une  plaine  assez  bien  cultivée  et  plantée  d’oliviers,  laissant  à  gauche 
la  chaîne  des  monts  Kerata,  ainsi  nommée  des  deux  pointes  ou  cornes, 
xspava,  qui  la  dominent;  bientôt  nous  nous  rapprochons  du  bras  de  mer 
qui  sépare  l’Attique  de  l’île  de  Salamine  que  nous  ne  cessons  d’avoir  en 
vue.  A  onze  heures  nous  arrivons  au  pied  de  la  colline  qui  portait 
l’Acropole  d’ Eleusis,  et  nous  la  gravissons  pendant  que  notre  voiture, 
contournant  sa  base,  va  nous  attendre  dans  la  ville. 

L’Acropole  a  deux  sommets,  dont  le  plus  élevé  porte  les  ruines  d’une 
tour  vénitienne.  Dans  V intermontium ^  nous  avons  remarqué  les  embou¬ 
chures  de  plusieurs  citernes ,  et  un  grand  pavé  antique  composé  de 
petites  briques  sur  champ.  En  descendant  au  sud  de  la  colline,  vers 
la  ville,  nous  trouvons  à  mi-côte  quelques  restes  du  temple  de  Gérés, 
si  fameux  dans  l’antiquité  par  ses  processions  et  ses  mystères;  on  n’y 
voit  plus  guère  que  deux  assises  de  pierres  de  taille  fondées  sur  le  roc, 
et  un  fragment  de  stylobate  de  marbre  blanc,  où  l’on  reconnaît  encore 
le  trou  carré  qui  recevait  le  pivot  central  d’une  colonne,  ainsi  que  le 
petit  canal  qui  y  conduisait  le  plomb  de  scellement. 

Descendus  de  l’Acropole  dans  Lepsina,  la  moderne  Eleusis,  nous 
avons  fait  à  la  hâte  un  frugal  repas  dans  un  bakal,  sorte  de  boutique 
qui  tient  à  la  fois  du  cabaret  et  du  magasin  d’épiceries,  et  sommes 
allés  donner  un  rapide  coup  d’œil  aux  autres  antiquités  de  la  ville.  La 
jetée  de  l’ancien  port  existe  encore  presque  intacte  ;  elle  est  en  forme 
de  faucille  et  composée  de  blocs  de  pierre ,  de  marbre  blanc  et  de 

24 


370  OUATRK  JOURS  DANS  LE  ['ÉLOPONÈSE. 

marbre  noir  d’Eleusis,  et  même  de  tronçons  de  colonnes.  Non  loin  de 
là,  sur  le  revers  occidental  de  l’Acropole,  sont  plusieurs  citernes  et 
silos;  l’un  de  ceux-ci,  dans  lequel  on  entre  de  plain-pied,  offre  beau¬ 
coup  d’analogie  avec  la  prison  de  Socrate,  le  tholus  d’Athènes.  La  petite 
église  Saint-Georges  a  remplacé  le  temple  de  Diane  Propylée;  on  y 
voit  encore  un  grand  mur  de  soutènement  de  construction  hellénique, 
et,  dans  la  cour  qui  entoure  l’église,  divers  tronçons  de  colonnes  non 
cannelées  de  marbre  de  l’Hymette,  un  chapiteau  dorique  de  marbre 
pentélique,  trop  fort  pour  avoir  appartenu  à  ces  colonnes,  enfin  divers 
autres  fragments. 

Les  Propylées  d’Eleusis  avaient  été,  dit -on,  copiés  sur  ceux 
d’Athènes  ;  ce  n’est  plus  qu’un  immense  monceau  de  ruines  de  marbre 
blanc,  parmi  lesquelles  j’ai  reconnu  un  chapiteau  ionique  provenant 
du  portique  intérieur,  et  des  triglyphes  ayant  appartenu  au  portique 
extérieur  qui,  comme  à  Athènes,  était  d’ordre  dorique.  En  avant  des 
ruines  est  un  énorme  bloc  de  marbre  que  l’on  croit  avoir  occupé  le 
tympan  du  fronton  ;  on  y  voit,  au  centre  d’un  médaillon  entouré  de 
rinceaux,  un  buste  colossal  cuirassé,  dont  la  tête,  qui  faisait  saillie  en 
ronde  bosse,  est  brisée.  Cette  sculpture  me  paraît  évidemment  romaine, 
et  me  confirme  dans  l’opinion  que  les  Propylées  d’Éleusis,  dont  Pau- 
sanias  ne  parle  pas,  n’ont  du  être  élevés  que  vers  la  fin  du  second 
siècle  de  notre  ère,  peut-être  sous  Septime  Sévère. 

A  peu  de  distance  des  Propylées,  sur  la  route  d’Athènes,  est  une 
ancienne  chapelle  en  ruines,  autrefois  dédiée  à  saint  Zacharie,  et  dont 
on  a  fait  un  petit  musée.  Cette  chapelle  rectangulaire  se  termine  par  un 
hémicycle  dont  l’entrée  était  soutenue  par  deux  singulières  colonnes  de 
style  égyptien,  dont  le  chapiteau  manque  malheureusement,  mais  dont 
la  base  s’élargit  comme  le  pied  d’un  palmier.  Parmi  les  antiquités  con¬ 
servées  dans  la  chapelle,  je  remarquai  un  autel  rond,  un  chapiteau 
corinthien  de  la  meilleure  époque  grecque,  deux  grands  candélabres  de 
marbre  provenant  du  temple  de  Gérés,  un  fût  de  colonne  ou  cippe  rond 
avec  un  bas-relief  très-peu  saillant,  représentant  une  femme  assise  te¬ 
nant  une  feuille  de  lotus,  et  accompagné  de  cette  inscription  :  isiaota 
ixiAOTOï  MI  AH  s  IA;  enfin  plusieurs  statues  romaines  drapées  et  quel¬ 
ques  fragments. 

En  avant  de  cette  chapelle,  les  fouilles  faites  pour  la  construction 


É  LE  U  SIS. 


371 


d’une  école  communale  venaient  de  mettre  au  jour  divers  fragments 
d’architecture  provenant  d’un  temple  que  l’on  supposa  tout  d’abord 
avoir  été  celui  de  Triptolème 'i.  Quelques  jours  après  notre  passage, 
cette  hypothèse  s’est  trouvée  confirmée  par  la  découverte  d’un  grand 
bas-relief  dont  le  moulage,  exécuté  par  les  soins  de  M.  Charles  Lenor- 


mant,  a  été  oflért  par  son  fils  à  l’École  des  Beaux-Arts  de  Paris.  Ce 
bas-relief,  que  j’ai  vu  à  un  second  voyage  que  je  fis  exprès  à  Éleusis, 
le  28  mai est  brisé  en  quatre  morceaux;  il  représente  Triptolème  entre 
Cérès  et  Proserpine 

1.  En  1860,  des  fouilles  importantes  ont  été  exécutées  à  Éleusis  aux  frais  du  gouvernement  fran¬ 
çais,  sous  la  direction  intelligente  de  M.  François  Lenormant,  digne  héritier  de  son  illustre  père; 
elles  ont  facilité  l’intelligence  des  ruines  des  Propylées  et  rendu  à  la  lumière  une  grande  partie  des 
éléments  constitutifs  du  temple  de  Triptolème. 

2.  MM.  Lenormant  n’ont  visité  Éleusis  que  le  23  octobre.  Nous  avons  donc  le  droit  de  revendi¬ 
quer,  pour  M.  Pittakis  et  pour  nous,  la  priorité,  malgré  l’assertion  de  M.  François  Lenormant 
{Gazette  des  Beaux-Arts,  15  avril  1860)  :  «  Nous  étions,  dit-il,  sinon  les  auteurs  de  la  découverte, 
du  moins  les  premiers  étrangers,  et  peut-être  les  premiers  archéologues,  qui  eussent  eu  l’occasion  de 
voir  ce  bas-relief  et  d’en  constater  l’importance.  » 

Au  même  lieu,  on  a  trouvé  presque  en  même  temps  une  tête  colossale  de  Neptune,  que  M.  Ch. 
Lenormant  a  fait  mouler  également,  et  qui  est  encastrée  dans  la  muraille,  au-dessus  de  la  porte  de 
la  nouvelle  école  communale  d’Éleusis. 

3.  Voy.  le  savant  mémoire  de  M.  François  Lenormand,  Gazette  des  Beaux-Arts ,  15  avril  1860. 


Tri  QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONÈSE. 

On  a  beaucoup  exagéré  sa  valeur,  sans  cloute;  mais  il  n’en  est  pas 
moins  très-intéressant  pour  l’iiistoire  de  l’art,  ne  fut-ce  c|ue  par  l’inéga¬ 
lité  même  du  mérite  de  ses  diverses  parties.  Il  nous  semble  évident,  et 
en  cela  nous  sommes  heureux  que  notre  opinion  se  soit  rencontrée  avec 
celle  de  notre  savant  ami,  M.  Beulé,  il  nous  semble  que  ce  monument 
appartient  à  une  époque  de  transition,  de  transformation  de  l’art,  et 
qu’on  doit  y  reconnaître  l’œuvre  d’un  sculpteur  qui,  sans  abandonner 
entièrement  le  style  de  l’ancienne  école  archaïque  dans  laquelle  il  a  été 
élevé,  subit  cependant  déjà  l’influence  de  celle  de  Phidias  qui  com¬ 
mence  à  dominer  et  va  bientôt  porter  l’art  grec  à  son  apogée.  Ce  bas- 
relief  est  aujourd’hui  le  plus  précieux  monument  conservé  dans  la  petite 
chapelle  d’Eleusis,  à  laquellej  en  son  honneur,  on  s’est  décidé  à  donner 
une  porte  et  des  fenêtres. 

Partis  d’Eleusis  à  une  heure  et  demie,  nous  suivons  à  peu  près  la 
voie  sacrée  que  parcourait  la  grande  procession  qui  se  rendait,  chaque 
année,  d’Athènes  au  temple  de  Cérès.  A  peu  de  distance,  à  droite  de  la 
route,  sont  quelques  assises  helléniques  d’un  des  nombreux  tombeaux 
qui  bordaient  cette  voie.  Plus  loin,  à  gauche,  nous  voyons  les  restes 
d’un  mausolée  plus  important,  dont  la  masse  quadrangulaire  est  formée 
d’assises  régulières  de  marbre  blanc.  A  l’intérieur,  un  sarcophage  ren¬ 
versé  porte  une  longue  épitaphe  dont  les  premiers  mots,  stpaïon 
ixiAOTOY,  nous  font  connaître  le  nom  du  personnage  en  l’honneur 
duquel  le  monument  avait  été  érigé.  Je  crois  ce  tombeau  d’époque 
romaine,  d’autant  plus  que  parmi  ses  ruines  se  trouve  un  grand  mé¬ 
daillon  très-mutilé,  de  même  style  que  celui  que  nous  avons  vu  aux 
Propylées  d’Eleusis. 

Avant  de  quitter  les  bords  du  golfe  d’Eleusis,  nous  apercevons  sur 
une  colline,  à  quarante  pas  de  la  route,  une  bande  nombreuse  de  vau¬ 
tours  fauves  que  le  bruit  même  de  notre  voiture  ne  fait  pas  enlever  ;  sur 
le  rocher,  nous  reconnaissons  les  traces  qu’ont  laissées  les  roues  des 
chars  qui  suivaient  la  voie  sacrée,  et  nous  nous  engageons  dans  le  pit¬ 
toresque  défilé  de  Gaïdarion,  qui,  séparant  les  monts  Icare  et  Corydalus, 
réunit  les  plaines  d’Eleusis  et  d’Athènes.  Vers  le  tiers  de  ce  passage,  on 
trouve,  à  gauche  de  la  route,  un  monceau  de  ruines  informes,  et  des 
traces  d’ex-voto  taillées  dans  le  rocher  ;  c’est  tout  ce  qui  reste  du  temple 
de  Vénus  Philœ. 


DAPHNÉ. 


373 


Au  point  le  plus  élevé  du  défilé  est  le  monastère  de  Daphné,  qui  a 
remplacé  un  temple  d’Apollon  dont  les  deux  dernières  colonnes  ioniques 
ont  été  enlevées  par  lord  Elgin^,  et  dont  il  ne  reste  visible  que  les  sub- 
structions  parallèles  à  l’église.  Du  côté  de  la  route,  le  monastère  était 
défendu  par  un  grand  mur  crénelé,  aujourd’hui  en  ruine;  le  rempart, 
flanqué  de  tours,  est  probablement  de  construction  vénitienne.  L’église, 
en  fort  mauvais  état,  est  un  curieux  spécimen  de  l’architecture  byzan¬ 
tine.  En  y  entrant  par  la  façade,  on  se  trouve  dans  une  sorte  de  vesti¬ 
bule,  de  nartheæ,  formé  par  l’ancien  porche  dont  on  a  muré  les  entre- 
colonnements.  Trois  des  quatre  colonnes  qui  formaient  ce  portique  sont 
de  marbre  et  antiques.  Un  sarcophage  de  marbre  y  est  déposé.  La 
muraille  qui  forme  le  fond  du  vestibule  est  percée  de  cinq  portes;  les 
deux  plus  petites  ,  aux  extrémités ,  ouvrent  sur  deux  petites  chapelles 
voûtées,  dont  une  contient  un  énorme  sarcophage  de  marbre.  Les  trois 
portes  du  milieu  donnent  dans  un  étroit  vestibule  communiquant  à 
l’église  par  une  porte  très-élevée  à  chaque  bout,  et  au  milieu  par  une 
très-petite  porte  ogivale.  Dans  des  culs-de-four,  aux  extrémités  de  ce 
vestibule,  sont  les  têtes  en  mosaïque  de  deux  saints;  sur  les  arcs  exis¬ 
tent  encore  quelques  autres  restes  de  mosaïques.  L’église  même  est  en 
forme  de  croix  grecque  avec  dôme  au  centre  et  deux  étroites  chapelles 
aux  côtés  du  chœur.  Toute  la  partie  supérieure  du  monument  était  re¬ 
vêtue  de  mosaïques.  A  la  coupole  est  une  tête  colossale  du  Christ,  et 
au-dessous,  entre  les  fenêtres,  sont  seize  figures  de  saints;  aux  pen¬ 
dentifs  sont  représentés  le  Baptême  de  Jésus-Christ ,  la  Transfiguration., 
V Annonciation  et  la  Nativité.  Dans  la  croisée  de  gauche  sont  peints  en 
grisaille  le  Christ  sur  la  croix  et  les  saintes  femmes,  en  face  de  V Entrée 
à  Jérusalem;  à  la  croisée  de  droite,  nous  voyons  la  Résurrection  de 
Lazare  et  V Incrédulité  de  saint  Thomas.  A  la  tribune  est  en  mosaïque  la 
Vierge  entre  deux  anges.  Dans  les  chapelles  latérales  sont  deux  têtes  de 
saints,  et  dans  cehe  de  droite  on  remarque  quelques  restes  de  peintures 
byzantines  représentant  la  Vierge,  des  anges  et  des  saints.  Au  nord  de 
l’église  se  trouve,  comme  je  l’ai  dit,  l’emplacement  du  temple  d’Apollon  ; 
au  sud  est  un  cloître  ruiné,  soutenu  d’un  côté  par  des  tronçons  de  co¬ 
lonnes  antiques.  Sur  un  mur,  à  hauteur  d’appui ,  est  déposé  un  beau 


1.  British  Muséum,  Elgin  Saloon,  n"*  231  et ‘2(U. 


374 


QUATRE  JOURS  DANS  LE  PÉLOPONESE. 


chapiteau  ionique  ayant  dû  appartenir  au  temple'.  Sur  le  sol  sont  cou¬ 
chées  plusieurs  autres  colonnes  antiques  de  granit,  et  d’autres  marbres 
provenant,  sans  doute,  du  côté  méridional  du  cloître  qui  manque  entiè¬ 
rement. 

Continuant  à  parcourir  la  voie  sacrée,  nous  reconnaissons  sur  ses 
bords  les  restes  de  nombreux  tombeaux  antiques.  En  sortant  du  défilé, 
nous  laissons  à  gauche  le  mont  Saint-Élie,  dont  le  sommet  porte  un  petit 
monastère,  et  bientôt  devant  nous  se  déploie  la  plaine  d’Athènes  ;  en  face 
se  dressent  l’Acropole  et  le  mont  Hymette;  à  droite  s’étendent  les  ports 
et  la  mer  ;  à  gauche,  notre  œil  plane  sur  Céphissia  et  le  Pentélique,  et  un 
peu  en  arrière,  du  même  côté,  il  admire  les  profils  heurtés  et  sévères  du 
Parnès.  A  six  heures  nous  étions  à  Athènes,  que  nous  n’avions  quittée 
que  depuis  quatre  jours;  et  pourtant,  pendant  ces  quelques  heures, 
quels  souvenirs  nous  avions  évoqués!  Hercule,  Persée,  Thyeste,  Atrée, 
Agamemnon,  Tyrinthe,  Argos,  Mycènes,  Némée,  Corinthe,  Mégare, 
Eleusis,  Salamine,  Lépante!  Ces  grands  noms  qui,  dans  notre  jeunesse, 
ont  tant  de  fois  fait  battre  nos  cœurs,  ont  pris  pour  nous  un  corps,  une 
réalité.  Avec  quel  bonheur  nous  relirons  ces  drames  saisissants  d’Homère, 
d’Hérodote,  de  Thucydide,  de  Diodore,  dont  maintenant  la  scène  se 
déroulera  sous  nos  yeux!  Voir,  c’est  avoir,  a-t-on  dit;  mais  aussi,  lire, 
c’est  acquérir.  Puissent  mes  lecteurs  avoir  eu  quelque  plaisir  à  partager 
mes  richesses  ! 


TABLE  DES  CHAPITRES 


Pages. 


Avant-propos .  3 

Chapitre  I.  Acropole.  Murailles. 

Entrée.' .  9 


Chapitre  II.  Propylées.  Piédestal 
d’Agrippa.  Temple  de  la  Victoire 
Aptère.  Piédestaux.  Autels.  En¬ 
ceintes  de  Diane  Brauronia  et 
de  Minerve  Ergané .  33 

Chapitre  III.  Parthénon.  Partie 
orientale  de  l’Acropole.  Temple 
de  Rome  et  d’Auguste.  Musée  de 
l’Acropole .  83 

Chapitre  IY.  Éreclithéion.  Grotte 
d’Aglaure.  Piédestal  de  Minerve 
Promachos.  Fontaine  Clepsydre. 
Grotte  de  Pan . . .  153 

Chapitre  V.  Temple  de  Thésée.  Mo¬ 
nument  de  Chalcodon.  Métroun. 
Temple  de  Cérès.  Temple  de  Ju¬ 
piter  Olympien.  Temple  de  Ju- 
non  et  de  Jupiter  Panhellénien. 
Temple  de  Bacchus  ou  Lénæon. 
Colonne  au  sud  de  l’Acropole. . .  187 


Pages. 

Chapitre  VI.  Pœcile.  Sénat.  Por¬ 
tique  des  Éponymes.  Portique 
d’Adrien.  Gymnases  d’Adrien  et 
de  Ptolémée.  Agora.  Tour  des 
Vents.  Arcades.  Prytanée.  Bain 
romain.  Arc  d’Adrien .  221 

Chapitre  VII. Monuments choragi- 
ques.  Théâtre  de  Bacchus.  Por¬ 
tique  d’Eumènes.  Odéon.  Fon¬ 
taine  Callirhoé.  Temple  sur  l’Ilis- 
sus.  Stade.  Tombeau  d’Hérode 
Atticus.  Temple  de  Diane  Agro- 
tera .  267 

Chapitre  VIH. Collines.  Aréopage. 
Colline  des  Nymphes.  Habita¬ 
tions  antiques.  Temple  d’Hér- 
cule  Alexicacos.  Pnyx.  Colline 
de  Musée.  Tombeau  de  Cimon, 
Prison  de  Socrate.  Tombeau  de 
Musée.  Monument  de  Philopap- 
pus.  Conclusion .  305 

Quatre  jours  dans  le  Pélo- 
PONÈSE .  335 


TABLE  GENERALE 


ATHÈNES 


Acropole . 9 

Histoire .  9 

Enceinte  pélasgique .  12 

Enceinte  de  Thérnistocle  et  de 

Cinion .  ilx 

Mar  ailles  de  Conon .  16.  20 

Enceinte  au  moyen  ûye .  16 

Mar  de  Ciinon .  17 

Mar  de  Thëniistocle .  17 

Entrée .  21 

Intérieur .  30 

Agora, .  2/iA 

Agora  (nouvelle) . 2/i5 

Arc  d’Adrien . 262 

Arcades  près  la  tour  des  Vents . 257 

Aréopage .  306 

Avant-propos .  3 

Avenue  du  Parthénon .  7A 

Pains  romains .  262 

Belvédère  de  l’Acropole .  1^9 

Colline  de  Musée .  32Zi 

—  des  Nymphes .  315 

Colonne  au  sud  de  l’Acropole .  218 

Colonnes  clioragiques .  281 

—  d’Éortios  et  de  Timothée. .  80 

Dédicace .  1 


Pages. 

Double  niche .  3/i 

Édicule  d’Égée...  . .  5A 

Église  des  saints  Apôtres .  182 

Enceinte  de  Minerve  Ergané .  78 

Ennéapyle .  33 

Érechthéion .  153 

Portique  oriental .  159 

Sanctuaire  de  Minerve  Poliade.  161 

Portique  septentrional .  163 

Trous  du  trident  de  Neptune..  .  16Z| 

Porte  septentrionale .  166 

Pandrosion .  167 

Mur  occidental .  170 

Tribune  des  Caryatides .  171 

Fontaine  Callirhoé .  298 

—  Clepsydre .  180 

Grotte  d’Aglaure .  175 

—  de  Pan .  183 

Gymnases .  238 

Gymnase  d’ Adrien .  2/i2 

—  de  Ptolémée .  2/(3 

Habitations  antiques .  315.  320.  326 

Lénæon .  217 

Métroun .  205 

Mois  athéniens .  119 

Monument  de  Chalcodon. . 205 


378 


ATHÈNES.  -  TABLE  GÉNÉRALE. 


Monuments  choragiques . 

Monument  choragique  de  Lysicrate , 

—  de  Thrasyllus . 

Monument  de  Philopappus  .... - 

Muraille  antique . 

Murailles  d’Athènes .  32/i.  325. 

Musée  de  l’Acropole . 

Odéon  de  Périclès . 

—  de  Régilla . 

Parthénon  (ancien). . 

Parthénon  (nouveau) . 

Destruction .  . 

Extérieur . 

Intérieur . 

Opisthodonie . . 

Sculptures . ,  . 

Frontons . 

Fronton  oriental . 

Fronton  occidental . 

Métopes . 

Frise . 

Minerve . ' . 

État  actuel . 

Inscriptions  chrétiennes . 

Sculptures  dans  l’Opisthodorne. 

Autel  des  sacrifices . 

Piédestal  d’Agrippa . 

—  du  cheval  Durien . 

—  de  Minerve  Hygiée . 

—  de  Minerve  Promachos. . . . 

—  de  Nésiotès . 

—  près  le  Parthénon . 

—  près  les  Propylées . 

—  de  Vénus . 

Pnyx . 

Portiques . 

Portique  d’Adrien . . 


Portique  des  Éponymes .  231 

—  d’Eumènes. . .  . 28/i 

Prison  de  Socrate .  327 

Propylées .  36.  Zil 

Escalier .  37 

Vestibule .  Uk 

Pinacothèque . *..... .  hQ 

Aile  droite .  52 

Mur  cyclopéen .  53 

Passage  central .  5Z( 

Portique  oriental... . . .  56 

Prytanée .  258 

Sanctuaire  de  Diane  Brauronia .  75 

Sénat .  228 

Siège  de  Butés .  175 

Stade . 300 

Temple  d’Auguste  et  de  Rome.  .  . .  l/i7 

—  de  Bacchus .  217 

—  de  Gérés .  200 

—  de  Diane  Agrotera .  303 

—  d’Hercule  Alexicacos .  316 

—  de  Junon  et  de  Jupiter  Pan- 

hellénien .  217 

—  de  Jupiter  Olympien .  206 

—  de  Thésée .  186 

Extérieur .  190 

Métopes .  196 

Frises . 198 

Intérieur. . 200 

Musée .  202 

—  de  la  Victoire  Aptère .  65 

—  sur  rilissus .  299 

Théâtre  de  Bacchus . 283 

Tombeau  de  Cimon .  325 

—  d’Hérode . 303 

—  de  Musée .  328 

Tour  des  Vents' .  250 


Pages. 

267 

,  270 

276 

329 

^Ulx 

327 

lâ9 

281 

286 

83 

8â 

85 

87 

97 

99 

103 

lOâ 

106 

109 

113 

118 

127 

132 

136 

lZi2 

l/l6 

61 

77 

59 

178 

59 

lâ8 

llx 

58 

317 

221 

233 


QUATRE  JOURS 

DANS  LE  PÉLOPONÈSE 


Pages. 

Acro-Corinthe . 363 

Argos .  3/i8 

Cléones . 362 

Corinthe.. .  362 

Daphné .  373 

Doko .  3A0 

Égine .  338 

Éleusis . .  ■ .  369 

Hexamili . 367 

Hydra .  3/i0 

Hypsili . 3A1 


Pages. 

Kalamaki. . . 367 

Lepsina .  369 

Mégare. . .  368 

Mycènes . . .  •  •  350 

Nauplie . 3Ai 

Némée . 360 

Poros .  339 

Spetzia .  3/i0 

Tirynthe .  3Zi4 

Trikéria .  3A0 

Tripa .  368 


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